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L’année du laboureur : Décembre

Le jeudi 1er décembre 2005, par Thierry Sabot

Avec le mois de décembre, s’achève notre cycle retraçant la vie paysanne au fil des mois d’après l’ouvrage du XVIII° siècle La Nouvelle Maison rustique, du sieur Liger. Une vie quotidienne et matérielle qui se déroule au rythme du soleil et des saisons avec une journée de travail qui dure du lever au coucher du soleil, donc beaucoup plus courte en hiver.

En décembre [1]. Vous continuerez, pendant les gelées, les charriages [2] de la marne [3] dans la terre, de la fiente de pigeon [4], de la cendre et de la suie [5] dans les prés. La fiente de pigeon répandue à champ couvert, détruit les roseaux et améliore le pré, en y répandant l’année suivante des curures de mares [6] ou d’autres terres neuves [7].

Bestiaux et volailles. On engraisse les volailles et vieilles poules qui ne peuvent plus pondre ni couver pour les vendre à Noël [8]. On réserve les jeunes poules qui pondront de bonne heure.

Il faut songer à boucher les soupiraux des caves avec de la litière avant les fortes gelées, pour les empêcher d’y pénétrer.

Dans les temps de neige et de fortes gelées, il est nécessaire de donner à manger aux pigeons.

Pour la nourriture des vaches, donnez-leur pendant l’hiver des navets coupés par morceaux, du regain ou foin des secondes coupes, de la paille d’avoine ou de sarrasin, des cossats [9] de pois, des choux d’hiver à la grosse côte, coupés et amortis dans l’eau sur le feu, avec un peu de son. Le trèfle et la luzerne font des fourrages très nourrissants, et dangereux même si l’on n’a pas soin de les leur ménager [10]. Quand une vache ne veut pas se laisser téter par son veau, on frotte les naseaux de la vache et tout le corps du veau avec de l’eau-de-vie.

On commence à la fin du mois à raffourer [11] les troupeaux de brebis, c’est-à-dire, à garnir leurs rateliers de paille ou feurre [12] de froment le matin, et de seigle le soir, si la première manque : on en donne deux bottes du poids de vingt-cinq livres chacune, pour 50 bêtes ; ce qu’il est bon de ne pas ignorer, parce que les bergers, qui croient que leurs bêtes n’en ont jamais allez, videraient la grange en peu de temps. Toutes les fois même que le troupeau peut sortir, on ne raffourre point le matin. A l’égard des mères qui élèvent des agneaux, au lieu de paille battue, on leur donne quelques gerbes de froment, de vesce ou de pois non battues ; ou émouchées [13] seulement de quelques coups de fléau, ou du regain, selon ce qu’on a en plus grande quantité. Une gerbe de blé suffit à 50 brebis, une fois par jour, en deux fois dans les mauvais temps, lorsqu’elles ne peuvent sortir. C’est toujours du moindre blé qu’on leur donne, comme celui qui est autour des murs de la grange, qui est toujours le plus endommagé par les souris, ou les charançons [14].

Ventes achats. Vendez le bétail le plus gras, que vous avez acheté à la saint Michel, et toutes sortes de volailles. Le beurre [15], les œufs [16] et les fromages [17] se vendent bien pendant qu’ils sont rares.

Le beurre se fait difficilement en hiver. La plupart des servantes n’y savent d’autre remède que de le battre auprès du feu, et quelquefois le font brûler. Il vaut mieux mettre le fond de la baratte dans de l’eau chaude et verser dedans un demi-septier de lait chaud. Il serait bon de battre le beurre à la cave, et d’y descendre même tout son lait, pendant les gelées, la crème y montrait mieux. En été, i1 s’y tient plus frais et meilleur.

Foires :

  • Le premier, à Vitry-le-François, à Vinaçourt, près d’Amiens, et à Niort en Poitou, pour les poulains de lait,
  • Le 2, à Bar-sur-Seine.
  • Le mardi avant la Saint Nicolas, à Bonnétable, foire considérable de bestiaux,
  • Le 6, à Bierre, près d’Issy, et à Châtillon-sur-Loing.
  • Le 9, à Torcy en Brie.
  • Le 13, à Châtillon-sur-Loire.
  • Le 14, à Braines, près de Soissons, pour les bestiaux.
  • Le 21, fête de Saint-Thomas, à Pont-Sur-Seine, à Mereville en Beauce, et à Longjumeau.
  • Le 27, à Bourges, dure onze jours.

Source :

  • Louis Liger, La Nouvelle maison rustique, 11° édition, 2 volumes, Paris, 1790.

Bibliographie :

  • Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural, les mots du passé, Paris, Fayard, 1997.
  • Georges Duby, Armand Wallon (sous la direction de), Histoire de la France rurale, Tome 2 : L’Age classique (1340-1789), 4 volumes, Paris, Editions du Seuil, 1975.
  • Benoît Garnot, Les campagnes en France aux XVI°, XVII° et XVIII° siècles, Paris, Ophrys, 1998.
  • Gabriel Audisio, Des paysans, XV°-XIX° siècle, Paris, Armand Colin, 1993.
  • Pierre Goubert, Les Paysans français au XVII° siècle, Paris, Hachette, 1982.
  • Jean-Marc Moriceau, Les Fermiers de l’Ile-de-France, Paris, Fayard, 1994.
  • Madeleine Foisil, Le Sire de Gouberville, Paris, Flammarion, 1981.
  • Robert Muchembled, Société, cultures et mentalités dans la France moderne, XVI° - XVIII° siècle, Paris, Armand Colin, 1990.

[1Le mois de décembre est celui où l’on tue le porc (cf les représentations sur les calendriers).

[2Sur les charriages et les charretiers, voir les notes 2 et 3 de l’article sur le mois de mars.

[3Sur la marne et les fumiers, voir les notes 7 et 9 de l’article sur le mois de janvier.

[4Sur le fumier de pigeon, voir la note 22 de l’article sur le mois de février.

[5Sur la cendre et la suie, voir la note 23 de l’article sur le mois de février.

[6Les curures sont le produit du curage des étangs, des mares et des puits.

[7Sur les terres neuves, voir la note 8 de l’article sur le mois de janvier.

[8Des fêtes qui scandent le calendrier de l’année chrétienne, Noël est celle qui, coïncidant avec le solstice d’hiver, termine l’année paysanne et en commence une autre. Le 24 décembre débute aussi les « douze jours », une période entièrement chômée qui se termine parfois jusqu’à l’Epiphanie, le 6 janvier. L’historien Robert Muchembled signale « qu’en dehors des offices religieux, de nombreuses pratiques collectives y prennent place, par exemple la bûche qui doit brûler trois ou neuf jours afin d’assurer de la chance à la maisonnée. Les tisons et les cendres servent à confectionner des remèdes, à purifier l’eau du puits, à préserver les blés de la rouille ou encore à protéger la maison de la foudre. Une inquiétude vague s’exprime durant ces plus longues nuits de l’année. Pour la dissiper, on boit et on rit à la taverne, en jouant aux dés afin d’éloigner le malheur. L’Eglise ne réussit pas à déraciner ces croyances qu’elle dit superstitieuses, typiques d’une société agraire n’aimant ni la nuit ni l’hiver et ajoutant sans vergogne à la liturgie chrétienne des pratiques magiques de guérison ou de fertilité... ».

[9Les cossats (ou cossas) sont ce qui reste après le battage des pois, des fèves ou des haricots pour en extraire la graine.

[10Sur les dangers de la luzerne, voir le note 11 de l’article sur le mois de février.

[11Raffourer consiste à donner la quantité de fourrage pour un repas (On dit aussi affourrager).

[12Le feurre est de la paille longue de céréales, séparée du chaume et de l’épi, et qui est utilisée pour nourrir le bétail en hiver (voir la note 9 de l’article sur le mois de juin).

[13Emoucher consiste à ramasser les épis cassés par le battage au fléau pour les battre une seconde fois séparément.

[14Sur les rats et les charançons, voir la note 10 de l’article sur le mois d’avril.

[15Sur le beurre, voir la note 16 de l’article sur le mois de mai.

[16Sur les œufs, voir la note 32 de l’article sur le mois de janvier.

[17Sur le fromage, voir la note 26 de l’article sur le mois d’avril.

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1 Message

  • L’année du laboureur : Décembre 31 décembre 2023 15:56, par JOMIN

    Grand merci pour ces articles de la vie d’un laboureur, tout le long de l’année, j’en ai tiré beaucoup de renseignements pour décrire la vie de certains de mes ancêtres
    Mes meilleurs vœux pour cette année 2023

    Répondre à ce message

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