« On prend le loup dans des fosses dont l’ouverture est de neuf à dix pieds en carré et de pareille profondeur ; il est bon qu’elles soient plus larges dans le fond et de tous les côtés que par le haut, afin que le loup ne puisse pas sauter ni monter pour en sortir.
Il faut faire un carré de quatre pièces de bois de la grandeur de l’ouverture de la fosse (lettre A sur la figure) ; il serait même à propos de le poser en place sur la terre à l’endroit destiné, creuser la fosse en dedans, et enfoncer les pièces de bois dans la terre, de manière qu’elles soient à niveau du terrain. (...) Après cela, on fait le couvercle de planches minces qui remplissent l’ouverture du carré B B . Ce couvercle doit être partagé en deux parties égales, et on fait en sorte qu’il s’ouvre en dedans la fosse par le milieu. (...) Quelques-uns se servent, pour former le couvercle, de deux claies qu’ils accommodent juste, au lieu de planches, (...) puis ils y passent et fourrent au travers des vides, des herbes, des brins de fougère, du genêt ou de la bruyère, afin que cela paraisse comme le terrain même qui est autour ; et s’il n’y en avait point, on ne ferait pas mal d’en piquer et d’en répandre aux environs, pour que l’animal ne se méfie point.
Il faut que le couvercle B B se referme de lui-même ; pour cela, on attache à chaque côté du couvercle un contre-poids, comme il est marqué en la figure suivante C C , et à chaque contre-poids une petite ficelle E E , qu’on noue à un piquet F F , afin que le couvercle se referme, et que la ficelle le retienne, de peur qu’il n’ouvre trop et qu’il ne puisse pas se refermer de lui-même.
Quand tout cela est fait et mis en place, on chasse dans la terre tout autour et proche du carré, des piquets de bois (...) qui se joignent par le haut comme un toit de maison : on attache au haut des deux rangées de piquets une perche ou gaule qu’on lie fortement avec des barres, qui forme comme le faîte d’une charpente, et cela des quatre côtés ; ce qui compose une galerie tout autour de la fosse (voir le dessin de droite), où l’on met un mâtin (un chien de garde robuste et massif), qui est accoutumé à être toujours libre, et qui, en se promenant dans cette galerie, s’ennuie et hurle toute la nuit. Au lieu de chien, on y peut mettre un mouton, qui bêle toute la nuit : cela attire le loup, qui tourne en dehors de la galerie pour poursuivre l’animal qui est enfermé et qu’il espère prendre ; l’animal fuit en voyant le loup ; et celui-ci ennuyé de tourner toujours en dehors, saute par dessus la galerie de piquets, dans l’espérance de lui couper le chemin, et tombe dans la fosse.
Les piquets ont encore l’avantage d’empêcher que des hommes ou des bestiaux ne tombent dans la fosse. Il s’y prend quelquefois plusieurs loups en une nuit. »
Note : Dans son remarquable ouvrage qui vient de paraître, Au coeur de la Beauce, enquête sur un paysan sans histoire, l’historien Alain Denizet nous signale, au début du XIX° siècle, la présence d’une fosse à loups dans la propriété du baron de Cambray, proche de Germignonville : « Les bois du château cachent une fosse de quatre mètres de profondeur creusée pour piéger l’animal par l’odeur d’une carcasse de mouton déposée au fond et le garde-chasse de Cambray a en sa possession un piège à loup ». |
Source : Louis Liger, La Nouvelle maison rustique, 11° édition, 2 volumes, Paris, 1790.
Vous pourrez retrouver la présence du loup et du loup-garou ainsi que les prières, patenôtres, saints protecteurs et autres légendes et superstitions en relation avec le loup dans L’Almanach paysan :