En juillet 1789, les paroissiens des Roches adressent une pétition à leur archevêque afin de conserver leur vicaire, l’abbé Roulet.
Malgré tout, il est remplacé par Vallory. Messire Fleury Roulet, aumônier des Vaisseaux du Roy et vicaire des Roches, ainsi qu’il signe dès 1784 les actes religieux, ne semble pas, pour autant, quitter le village des bords du Rhône.
- La signature de Roulet, "aumonier des vaisseaux du Roy et vicaire des Roches près Condrieu" à la 1re page du premier registre de la "succursale paroissiale" en 1784
L’ex-vicaire reste fidèle à ses paroissiens... et ceux-ci le lui rendent bien !
En effet, il assiste le 12 décembre 1789 à l’enterrement de Louise Brossard, 42 ans et de sa fille Marianne âgée de 3 jours.
Fleury est encore présent le 29 janvier 1791 aux Roches pour le baptême de Claire-Alix, la fille d’Arnaud Viallet, négociant. Son parrain est Fleury Viallet curé auxiliaire de la paroisse de Chonas.
Élu curé de Tramolé le 14 juin 1791 [1] Fleury Roulet s’y installe dès juillet.
Le 18 septembre 1792 est célébré à Tramolé "en l’absence de Mr le Curé" le mariage de Nicolas Rolland avec Reine Chenavas. Sont présents Etienne Ramay père, et François Ramay, fils qui ont signés... Etienne Ramay maire de la commune des Roches... et c’est "Guillot, vicaire des Roches" qui célèbre le mariage !
Peut être que Fleury Roulet est empêché de célébrer ce jour là car il reçoit ses anciens paroissiens avec qui il reste très lié. "Messire Fleury Roulet" est, il est vrai, le parrain de Fleury, l’un des fils d’Etienne Ramay, baptisé le 26 octobre 1786 aux Roches [2].
A Tramolé, le dernier acte religieux de l’abbé Roulet est du 5 décembre 1792.
Seule indication utile : le citoyen Fleury Roulet, curé de la paroisse, âgé de cinquante-sept ans et deux mois et demi... officier public, déclare la naissance à Tramolé de Joseph Gonet, le 20 janvier 1793.
Étonnant de trouver une telle précision sur son âge ! Cela suppose que Fleury soit né fin octobre ou début novembre 1735 [3]. Reste à savoir où il est né !
Son acte de décès, retrouvé dans les registres des Roches de Condrieu, va nous l’apprendre.
- acte de décès de Fleury Roulet
"Du vingt neuf germinal an treize de la République, l’an premier de l’empire français.
Acte de décès de Fleury Roulet, décédée (sic) ce jourd’huy à onze heures et demy du soir, prêtre déservand l’église des Roches environ douze ans - premier déservand, âgé de soixante et onze ans, fils légitime de défund Antoine Roullet, tinturier habittant à Lyon, département du Rhône, et de défunte Antoinette Ambery, né à Lyon ;
Sur latestation de Marianne Sapin, domestique du défund agé de cinquante six ans, habittant la commune des Roches, et de Nicolas Robin, perruquier et propriétaire agé de trente deux ans, et de Clément Bégot, cordonnier agé de trente ans, touts deux habittants de la commune des Roches qui ont signés avec nous ;
Constaté suivant la loy par moy Etienne Ramay, Maire de la commune des Roches, département de l’izère, faisant les fonctions d’officier public de l’état civil soussignés".
Le 29 germinal an XIII correspond au 19 avril 1805, première année du Premier Empire [4] Fleury Roulet est âgé de 71 ans, il serait né vers 1734, à Lyon.
Reste à trouver son acte de baptême en 1734 ou en 1735 parmi les très nombreuse paroisses lyonnaises d’alors !
Après des recherches infructueuses dans celles de Saint-Nizier et de Notre Dame de la Platière ; voyons vers celles du bord de la Saône...En effet, la profession du défunt père de Fleury, "tinturier", nous donne une piste.
A cette époque et bien avant, de nombreuses activités artisanales s’exerçaient sur la Saône : teinturiers, tripiers, tanneurs, laveurs de soie...Cherchons donc du côté de la paroisse Saint-Vincent !
Euréka ! Voilà l’acte recherché : Fleury est né le 6 novembre 1735 :
" Fleuri fils de Sieur Antoine Roulet, marchand maître teinturier de soye et de Dame Antoinette Ambery sa femme, est né le six et a été baptisé le sept novembre mil sept cens trente cinq. Le parrain a été Sieur Fleuri Vialon, aussi marchand et maître teinturier de soye, la marraine Dame Anne Buy ? veuve de Sieur Jacques Roulet, qui ont signé" [5].
- acte de baptême de Fleury Roulet, paroisse Saint-Vincent de Lyon, du 7 novembre 1735
Admirons d’autant plus maintenant la précision de l’acte de 1793 à Tramolé. Peut-être que "l’officier municipal" Roulet s’est, ce jour là, amusé à calculer avec précision son âge.
Aumonier des Vaisseaux du Roy
Sa vie jusqu’à son arrivée aux Roches reste un mystère : comme "aumonier des Vaisseaux du Roy", il a du certainement "pas mal naviguer" pour les besoins de son sacerdoce.
« Aumônier : c’est le titre qu’on donne en général à des ecclésiastiques attachés à la personne des Princes, des Grands ou à quelque corps particulier pour les servir dans tout ce qui a rapport à Religion… » « Tous ces officiers ont des gages, jouissent des privilèges de commensaux de la Maison du Roi, et sont réputés présens dans les chapitres dont ils sont chanoines. Il y a aussi des aumôniers attachés aux hôpitaux militaires et aux vaisseaux… » « Les aumôniers des troupes du Roi font partie de l’état-major de chaque régiment. Ils doivent être approuvés de leur évêque diocésain et de plus de leur supérieur s’ils sont religieux. Leurs fonctions sont à-peu-près les mêmes que celles d’un curé dans sa paroisse, surtout quand le régiment n’est pas sédentaire dans une ville ; il doit veiller à ce que le service divin se fasse régulièrement, et que les officiers et soldats reçoivent à temps les secours des sacremens. Il en est de même des aumôniers de vaisseaux. Une ordonnance du Roi de 1705 oblige tous les navires françois qui auront 30 hommes d’équipage d’avoir un aumônier. La même ordonnance s’est étendue aux navires corsaires du port de cent tonneaux et au-dessus ; et enfin à tout armateur de bâtiment corsaire d’un pont et demi, et de plus de 60 hommes d’équipage. Le règlement du 5 juin 1717 a restreint l’obligation d’embarquer un aumônier aux navires de 40 hommes d’équipage au moins. L’amende pour les contrevenans est de deux cens livres » [6] |
- Règlement par lequel le Roy ordonne que tous les négocians qui feront équiper dans les ports du Royaume des vaisseaux pour des voyages de long cours, dont les équipages seront de 40 hommes et au-dessus, seront obligez d’y embarquer des aumoniers, à peine de 200 l. d’amende. [Enregistré au Parlement le 6 août 1717.] -Impr. royale (Paris)-1717 [Gallica BNF]
« Dans de nombreuses provinces, le clergé souffrait d’une crise de recrutement qui apparut en pleine lumière lorsque, à partir de 1701, le roi entreprit d’imposer à tous les navires d’une certaine importance affectés à des navigations lointaines …/… l’obligation de s’assurer les services d’un aumônier …/… Souvent, par suite, les navires étaient contraints d’appareiller sans aumônier.
La profession était, il est vrai, singulièrement périlleuse en période de guerre. Les campagnes maritimes ruinaient la santé des aumôniers, et ils n’avaient d’autre issue, disait Pontchartrain, que de finir leurs jours auprès de leurs parents, ou dans un hôpital, lorsqu’ils ne mouraient pas en captivité. En dépit des égards que le ministre recommandait d’avoir pour eux, égards qui n’étaient d’ailleurs pas toujours respectés par les officiers, et des avantages matériels qu’il s’efforçait de leur faire, la situation pouvait décourager les natures les plus fortes.
Aussi Pontchartrain disait-il qu’il n’y avait pas lieu de compter sur des « sujets édifiants », ou sur des « prêtres un peu distingués », pour remplir ces fonctions dans les ports ou sur les navires. C’était, précisément, la preuve du recul qu’avait subi l’esprit d’abnégation du clergé. Celui-ci hésitait devant une carrière faite de sacrifices, et les préoccupations d’ordre matériel refoulaient en lui l’élan de la foi » [7].
Nouveau commentaire sur l’Ordonnance de la marine, du mois d’août 1681. [8]
|
Pour en savoir plus : « l’Ancien Régime en Viennois (1650-1789) »