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Du pain sur la planche (deuxième épisode)

Guillaume Alexis Quilan, soldat de l’empire

Le jeudi 9 avril 2015, par Martine Hautot

En 1811, Guillaume-Alexis Quilan quitte à 20 ans sa Normandie natale pour participer aux dernières campagnes napoléoniennes. Il en verra du pays avant de rentrer dans son foyer après Waterloo.

Guillaume Quilan naît à Offranville, dans le foyer de Jean-Baptiste Quilan et de Catherine Le Tellier, le 5 Juin 1791.

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L’église Saint Ouen d’Offranville et son if millénaire

L’enfance

Il passe ses premières années dans la maison familiale, avec son frère aîné Alexis et sa sœur cadette Catherine. Alors que Guillaume s’approche de ses huit ans et que Catherine a tout juste quatre ans, Alexis meurt à 11 ans et demi, le 26 Ventôse de l’an VII de la République (16 Mars 1799) dans ce mois de giboulées et de vent qui précède le printemps. Le père qui vient déclarer le décès est alors garde-moulin.

L’année suivante, le 25 Pluviôse an VIII de la république (14 Février 1800) naît un autre garçon, Jean-Baptiste. Sa vie sera très brève, il meurt le 11 Messidor (30 Juin) de cette même année. Quelques années plus tard, le 13 Floréal an XII de la République (3 Mai 1804) naît un dernier garçon Frédéric. Guillaume a alors 13 ans. Le métier du père a encore changé : le voici marchand mercier. C’est-à-dire qu’il vend un peu de tout.

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Bon pour le service

Depuis sa naissance Guillaume a connu bien des régimes : né sous la monarchie constitutionnelle, il a vécu sous la première République, le Directoire et le Consulat. Mais maintenant, c’est l’Empire.

Napoléon se lance dans une politique de conquêtes. Et pour mener à bien son projet il a besoin de soldats toujours plus nombreux. La loi du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798), dite Loi Jourdan, a établi le principe de la conscription. Des instructions en ont précisé les modalités. Voici comment les choses se passent en 1811 alors que Guillaume a atteint ses vingt ans :

Une fois que le nombre de nouveaux soldats dont le pays a besoin a été fixé au plan national, une répartition est effectuée entre départements, puis entre arrondissements à l’intérieur du département et enfin entre cantons. De leur côtés les maires établissent une liste alphabétique des jeunes gens ayant atteint l’âge de 20 ans et résidant dans leur commune. A partir de là une liste cantonale est dressée. Puis on procède, toujours au niveau du canton, à un tirage au sort : Si vous tirez un numéro élevé, vous avez de bonnes chances de rester au pays mais si vous tirez un numéro petit, vous êtes bon pour l’armée, à moins que vous disposiez de quelque échappatoire ! Le conseil de recrutement, sous l’autorité du préfet, peut en effet vous exempter, vous réformer ou vous ajourner. Ou encore il se trouve que vous avez les moyens de vous payer un remplaçant : mais ce n’est pas donné à tout le monde, c’est très cher de 2 à 10 ans du salaire d’un ouvrier agricole. Guillaume a tiré le numéro 132 sur une liste de 146, il devrait ne pas partir mais il y en a beaucoup qui ne sont pas propres à servir l’armée : lui n’est pas estropié, de constitution faible, myope ou encore aîné d’orphelins ou soutien de veuve et il n’a pas davantage les moyens de se payer un remplaçant. Le voici déclaré « Bon pour le service ».

Chasseur à cheval dans la grande armée

C’est un gaillard de 1 mètre 743 (on est précis au Conseil de recrutement) avec des yeux gris, des cheveux et des sourcils châtains, un menton fourchu, une bouche grande, un teint pâle, sans marque particulière et exerçant le métier de marchand qui intègre l’armée napoléonienne. Son instruction est très rapide : pas très grave, il apprendra en campagne au contact des plus aguerris. Mais le temps des grandes victoires est passé : Austerlitz 1805, Iéna 1806, Eylau et Friedland 1807. Ce qui se prépare alors, c’est la campagne de Russie. Guillaume, sans doute en raison de sa taille, est incorporé chez les chasseurs à cheval. Il appartient successivement aux 3e, 4e et 31e régiments de chasseurs à cheval.

Un régiment de cavalerie légère comprend alors entre 600 et 1200 hommes, parfois beaucoup moins en raison des pertes. Il revêt le bel habit vert foncé, commun à tous les chasseurs à cheval depuis le décret du 24 Décembre 1809. Espérons qu’il a un bon cheval (même s’il est de taille modeste, entre 149 et 153 cm, les plus grands sont en effet réservés à la cavalerie lourde) : au début de l’empire, en effet, ce sont des animaux entraînés, habitués aux coups de feu, au bruit des tambours ou des trompettes qui intègrent la cavalerie mais vers la fin de l’empire, on a de plus en plus recours à la réquisition et là les pauvres bêtes s’en vont au front sans nulle préparation. Combien mourront de blessures ou de faim ! On a estimé que pendant une bataille de l’Empire, il y avait quatre chevaux morts pour un cavalier tué.

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Illustration Hippolyte Bellanger (1800-1866)

En campagne jusqu’à Waterloo

Les chasseurs à cheval qui appartiennent à la cavalerie légère avec les hussards et les lanciers assurent des missions de reconnaissance et de renseignements mais aussi combattent aux avant-postes, chargent pendant les batailles et poursuivent l’ennemi quand il s’enfuit. On sait que les troisième et quatrième régiments de chasseurs à cheval ont participé à la campagne de Russie en 1812, puis au retour à la campagne d’Allemagne. Ainsi Guillaume a probablement participé à la bataille de la Moskova, le 7 Septembre 1812, dernière offensive française sur la route de Moscou où, selon les estimations, trente mille soldats français furent tués ou blessés sur 130000 engagés. Il a survécu aux combats mais aussi au froid (autour de moins 30°) et à la faim, dans cette Russie qui pratique la politique de la terre brûlée. Faut croire qu’il était né sous une bonne étoile. Et il a continué à servir jusqu’à la défaite finale : Waterloo, le 18 juin 1815 !

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La bataille de Waterloo par Clément-Auguste Andrieux 1852

Quand rendu à la vie civile, il retourne dans son village au terme d’un long chemin. Il a tout juste 24 ans.Pour lui une autre vie commence.

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14 Messages

  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 11 avril 2015 17:10, par HAUCHARD DIDIER

    Martine
    Bonjour
    J’ai lu avec grand intérêt les 2 épisodes de la famille QUILAN
    Toutes mes félicitations pour votre travail et vos recherches , surtout celles sur un soldat napoléonien !.
    A la lecture du 1° épisode , j’ai été interpellé par le nom " QUILAN" et par un village " Longueil " !
    En effet sur mon arbre , j’avais un QUILAN ( Olivier né à Longueil ) marié à une VINCENT ( Julia ) originaire d’ Ouville la Rivière ( le village qui jouxte Longueil ).
    Après quelques recherches et avec votre aide , cet Olivier QUILAN est bien un descendant de Jean et de Marie LEGER et de Jacques Alexis marié à Marie Rose BOUDET !
    j’ai donc navigué ( !) entre Longueil , Offranville , Thil Manneville ....
    J’ai même quelques compléments qui pourront vous être utiles : Marie Rose BOUDET est née à Greuville ( près de Luneray ) et ses parents Adrien et Marie Anne BOUTEILLER se sont mariés à Rainfreville ( dans la vallée de la Saane )
    Marie Rose avait une soeur Marie Anne née à Rainfreville en 1764.
    Toutes ces infos sont visibles sur mon arbre généanet dhauchard
    ce jour , j’ai environ une centaine de "QUILAN" sans compter les conjoints , parents ...
    Bien entendu dans la zone source votre nom est indiqué
    je suis impatient quel va être le sujet du 3° épisode ? les filatures dans la région d’Ouville la Rivière ?
    Encore toutes mes félicitations
    et bien cordialement
    didier HAUCHARD

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    • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 12 avril 2015 11:48, par Martine Hautot

      Merci de votre commentaire et de vos renseignements .Je crois ,en effet que tous les Quilan de la région de Dieppe descendent de la même souche .Mais l’arbre a eu beaucoup de branches , La suite de la vie de Guillaume sera bien entendu plus sédentaire et nous resterons beaucoup sur Offranville . Bien cordialement,
      Martine

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  • PUTIGNY Grognard d’Empire 11 avril 2015 15:51, par PUTIGNY Christian

    Dans ma famille j’ai un arrière arrière grand oncle, aieul qui a connu l’épopée Napoléonienne il s’agit de Jean Marie PUTIGNY qui fut anobli par Napoléon lui même (baron d’empire) et capitaine. Il a suivi nombre de batailles de cette époque. Il a tenu des carnets de combats qui ont été réunis par l’un de ses arrières arrières... petits descendants dans un livre intitulé "PUTIGNY GROGNARD D’EMPIRE". Quelques exemplaires sont en vente sur internet à un coût très abordable. Vous y trouverez peut être des références qui vous permettront de reconstituer le parcours de votre ancêtre. Mon aieul à en effet combattu à Eylau, Austerlitz Wagram, Waterloo, il a vécu la retraite de Russie avant de renter chez lui en Bresse Bourguignogne d’ou sont originaires la presque totalité de mes ascendants.
    Le livre décrit précisement les lieux, les dates, les régiments qui ont participé à cette aventure de la Grande Armée.
    En espérant que ces quelques renseignements vous seront utiles.
    Bonnes recherches.
    Bien cordialement,

    CHRISTIAN PUTIGNY

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    • PUTIGNY Grognard d’Empire 12 avril 2015 13:05, par Martine Hautot

      Très exceptionnelle destinée que celle de ce "Bressan " totalement dévoué à L’Empereur et véritable trompe-la mort et qui a eu l’excellente idée de nous laisser ses carnets .
      Bien cordialement,
      Martine

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  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 11 avril 2015 15:45, par michèle noguès

    merci pour cette suite tout aussi intéressante que la 1re !
    Dans une autre branche d’aïeux (que celle dont je raconte l’histoire du côté agnatique, comme je vous l’ai dit) , j’ai un aïeul qui n’est pas rentré de la campagne de Russie. Il était de la Marne. Disparu...J’aurais bien aimé en savoir un peu plus, mais je n’ai pas vraiment trouvé à qui m’adresser.
    Le service des armées ne m’a pas répondu...mais c’était il y a quelques années. Peut-être y a t-il plus de possibilités à présent. L’histoire de votre Guillaume m’incite à me repencher sur cet aïeul disparu !
    Encore une suite à attendre de votre part ?
    J’en serai ravie !
    Cordialement
    M.Noguès

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    • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 12 avril 2015 12:00, par Martine Hautot

      Merci de votre passage.Bonne suite dans votre recherche :faire revivre "les gens de peu "comme disait Pierre Sansot est une tâche qui mérite d’être entreprise ,même s’il restera toujours une part de mystère .
      Bien cordialement,
      Martine

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  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 11 avril 2015 11:10, par combot jean

    Très intéressant , un de mes aïeuls n’a pas eu la même chance, il a pris froid à la bataille de Eylau, soigné dans un hôpital de campagne (je n’ai pas retrouvé le nom du village de Pologne) il y mort.
    L’armée a ensuite envoyé des nouvelles à ses parents, en Ille et Vilaine.
    La recherche est très intéressant à faire, bravo votre document facilite nos propres recherches.
    Merci

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    • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 12 avril 2015 11:56, par Martine Hautot

      Merci de votre commentaire.Heureuse de faciliter vos recherches , En repensant aux différents parcours de vie des soldats de l’Empire ,me revient la chanson de Francie Lemarque :quand un soldat revient de guerre ,il a simplement eu de la veine et puis voilà....
      Bien cordialement ,
      Martine

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  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 10 avril 2015 22:10, par Alain

    Sous Napoléon 1er, il y avait plus de 4 millions de chevaux. La France avait donc des ressources équines.

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  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 10 avril 2015 11:56, par michel Lebosse

    En effet, il n’est pas facile de trouver des informations pour un simple soldat de Napoléon, mais la littérature sur cette période étant très riche, on peut au moins faire travailler son imagination !

    A défaut , comme vous connaissez les régiments dans lesquels il a servi, vous pouvez en trouver l’historique et l’ordre de bataille des régiments impliquées, c’est comme cela que j’ai trouvé qu’un ancêtre était aussi à Waterloo.

    Félicitations, j’attend la suite dans la vie civile.

    Michel Lebossé

    Répondre à ce message

  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 9 avril 2015 14:10, par Martine Hautot

    Merci ,André .Quand on essaie d’écrire ,il est plaisant d’avoir des retours,c’est le grand avantage de ce site d’échanges que j’aime aussi visiter.
    Pour ce qui est de ce second épisode, j’ai eu la chance de découvrir cet ancêtre sur la base des médaillés de Sainte-Hélène ,après quoi j’ai tenté de retracer son parcours et j’ai été aidée dans ma recherche par les documents relatifs à la conscription conservés aux archives départementales de Rouen . Par contre pour un simple soldat ,rien aux archives de la défense . C’est évidemment un peu frustrant.
    Bonne journée à vous .
    Martine

    Répondre à ce message

    • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 9 avril 2015 17:44, par André Vessot

      Petit complément suite à votre commentaire. Effectivement pour un simple soldat de l’armée impériale, il n’est pas facile de retracer l’itinéraire.

      Par contre, il y a de cela bientôt 20 ans, j’étais allé au Service Historique de la Défense à Vincennes et j’avais pu trouver des infos intéressantes sur le contrôle des troupes. Les soldats du 5e de ligne étaient listés avec : nom des parents, date et lieu de naissance, caractéristiques physiques, date d’arrivée au corps, n° du bataillon ... C’est là que j’avais appris qu’il avait été fait prisonnier de guerre à Leipzig le 19/10/1813. Ce fut une véritable déroute. Presque tout l’effectif de son bataillon disparut ce jour-là.

      Bonne soirée.

      André VESSOT

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  • Du pain sur la planche (deuxième épisode) 9 avril 2015 08:18, par André Vessot

    Bonjour Martine,

    Lorsque j’ai vu le 2e épisode de votre chronique je me suis précipité pour le lire et je n’ai pas été déçu. J’ai suivi pas à pas Guillaume Alexis, soldat de l’empire.

    Je suis admiratif, c’est bien écrit, très documenté et magnifiquement illustré.

    Le frère d’un de mes ancêtres a aussi fait les batailles napoléoniennes, mais dans un régiment d’infanterie de ligne. Il a été tué à Leipzig.

    En attendant la suite je vous souhaite une bonne journée.

    André VESSOT

    Répondre à ce message

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