Guillaume Quilan naît à Offranville, dans le foyer de Jean-Baptiste Quilan et de Catherine Le Tellier, le 5 Juin 1791.
- L’église Saint Ouen d’Offranville et son if millénaire
L’enfance
Il passe ses premières années dans la maison familiale, avec son frère aîné Alexis et sa sœur cadette Catherine. Alors que Guillaume s’approche de ses huit ans et que Catherine a tout juste quatre ans, Alexis meurt à 11 ans et demi, le 26 Ventôse de l’an VII de la République (16 Mars 1799) dans ce mois de giboulées et de vent qui précède le printemps. Le père qui vient déclarer le décès est alors garde-moulin.
L’année suivante, le 25 Pluviôse an VIII de la république (14 Février 1800) naît un autre garçon, Jean-Baptiste. Sa vie sera très brève, il meurt le 11 Messidor (30 Juin) de cette même année. Quelques années plus tard, le 13 Floréal an XII de la République (3 Mai 1804) naît un dernier garçon Frédéric. Guillaume a alors 13 ans. Le métier du père a encore changé : le voici marchand mercier. C’est-à-dire qu’il vend un peu de tout.
Bon pour le service
Depuis sa naissance Guillaume a connu bien des régimes : né sous la monarchie constitutionnelle, il a vécu sous la première République, le Directoire et le Consulat. Mais maintenant, c’est l’Empire.
Napoléon se lance dans une politique de conquêtes. Et pour mener à bien son projet il a besoin de soldats toujours plus nombreux. La loi du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798), dite Loi Jourdan, a établi le principe de la conscription. Des instructions en ont précisé les modalités. Voici comment les choses se passent en 1811 alors que Guillaume a atteint ses vingt ans :
Une fois que le nombre de nouveaux soldats dont le pays a besoin a été fixé au plan national, une répartition est effectuée entre départements, puis entre arrondissements à l’intérieur du département et enfin entre cantons. De leur côtés les maires établissent une liste alphabétique des jeunes gens ayant atteint l’âge de 20 ans et résidant dans leur commune. A partir de là une liste cantonale est dressée. Puis on procède, toujours au niveau du canton, à un tirage au sort : Si vous tirez un numéro élevé, vous avez de bonnes chances de rester au pays mais si vous tirez un numéro petit, vous êtes bon pour l’armée, à moins que vous disposiez de quelque échappatoire ! Le conseil de recrutement, sous l’autorité du préfet, peut en effet vous exempter, vous réformer ou vous ajourner. Ou encore il se trouve que vous avez les moyens de vous payer un remplaçant : mais ce n’est pas donné à tout le monde, c’est très cher de 2 à 10 ans du salaire d’un ouvrier agricole. Guillaume a tiré le numéro 132 sur une liste de 146, il devrait ne pas partir mais il y en a beaucoup qui ne sont pas propres à servir l’armée : lui n’est pas estropié, de constitution faible, myope ou encore aîné d’orphelins ou soutien de veuve et il n’a pas davantage les moyens de se payer un remplaçant. Le voici déclaré « Bon pour le service ».
Chasseur à cheval dans la grande armée
C’est un gaillard de 1 mètre 743 (on est précis au Conseil de recrutement) avec des yeux gris, des cheveux et des sourcils châtains, un menton fourchu, une bouche grande, un teint pâle, sans marque particulière et exerçant le métier de marchand qui intègre l’armée napoléonienne. Son instruction est très rapide : pas très grave, il apprendra en campagne au contact des plus aguerris. Mais le temps des grandes victoires est passé : Austerlitz 1805, Iéna 1806, Eylau et Friedland 1807. Ce qui se prépare alors, c’est la campagne de Russie. Guillaume, sans doute en raison de sa taille, est incorporé chez les chasseurs à cheval. Il appartient successivement aux 3e, 4e et 31e régiments de chasseurs à cheval.
Un régiment de cavalerie légère comprend alors entre 600 et 1200 hommes, parfois beaucoup moins en raison des pertes. Il revêt le bel habit vert foncé, commun à tous les chasseurs à cheval depuis le décret du 24 Décembre 1809. Espérons qu’il a un bon cheval (même s’il est de taille modeste, entre 149 et 153 cm, les plus grands sont en effet réservés à la cavalerie lourde) : au début de l’empire, en effet, ce sont des animaux entraînés, habitués aux coups de feu, au bruit des tambours ou des trompettes qui intègrent la cavalerie mais vers la fin de l’empire, on a de plus en plus recours à la réquisition et là les pauvres bêtes s’en vont au front sans nulle préparation. Combien mourront de blessures ou de faim ! On a estimé que pendant une bataille de l’Empire, il y avait quatre chevaux morts pour un cavalier tué.
- Illustration Hippolyte Bellanger (1800-1866)
En campagne jusqu’à Waterloo
Les chasseurs à cheval qui appartiennent à la cavalerie légère avec les hussards et les lanciers assurent des missions de reconnaissance et de renseignements mais aussi combattent aux avant-postes, chargent pendant les batailles et poursuivent l’ennemi quand il s’enfuit. On sait que les troisième et quatrième régiments de chasseurs à cheval ont participé à la campagne de Russie en 1812, puis au retour à la campagne d’Allemagne. Ainsi Guillaume a probablement participé à la bataille de la Moskova, le 7 Septembre 1812, dernière offensive française sur la route de Moscou où, selon les estimations, trente mille soldats français furent tués ou blessés sur 130000 engagés. Il a survécu aux combats mais aussi au froid (autour de moins 30°) et à la faim, dans cette Russie qui pratique la politique de la terre brûlée. Faut croire qu’il était né sous une bonne étoile. Et il a continué à servir jusqu’à la défaite finale : Waterloo, le 18 juin 1815 !
- La bataille de Waterloo par Clément-Auguste Andrieux 1852
Quand rendu à la vie civile, il retourne dans son village au terme d’un long chemin. Il a tout juste 24 ans.Pour lui une autre vie commence.