10 février (suite)
A midi trente nous mettons en route à XX suivis par le Vimy. Nous passons entre Urmek et Bawarik, franchissons deux hauts fonds dangereux et nous engageons dans le canal entre Kamaran et la terre. Tout est brûlé et ras dans ce paysage. Kamaran est certainement l’île la plus désolée que nous ayons rencontrée depuis notre entrée dans les chenaux. Deux grands mâts de TSF, des cheminées en tôle qui fument abominablement. On dirait une vaste entreprise de blanchisserie. C’est un peu cela, d’ailleurs, puisque c’est le poste de quarantaine de tous les pèlerins qui viennent d’au-delà d’Aden. Une poche dans la côte qui fait rade. Quelques sambouks à l’ancre. Je crois que je n’irais pas à terre dans ce pays choisi par les anglais, par conséquent, désertique.
Nous mouillons à 15h 30 environ.
- Trajet Loeia Kamaran. Admiralty Charts 1873 Red Sea. Wikipedia Commons.
L’Amiral reçoit à un cocktail avant le dîner, l’administrateur, un anglais, son secrétaire, un javanais et un hollandais. L’administrateur a l’air d’un bon idiot ; il y a treize ans qu’il est sur ce caillou brûlé et il trouve cela épatant. Il va en Angleterre passer 5 mois tous les 18 mois. Deux de ses comparses sont venus à bord en short et les pieds nus dans des sandales de tennis, le quatrième, le javanais, a une tête impossible, il n’a pas du tout de menton, on dirait qu’on a coupé son visage au ras de sa lèvre inférieure.
L’Administrateur raconte que le médecin de l’île, le premier personnage après lui est marié à une française, une marseillaise, qui est là mais que nous ne verrons pas parce qu’elle n’est pas well out, probablement une poule de bas étage ramassée dans les bas quartiers un soir de cuite.
Nous sommes tous invités à aller passer la soirée chez le résident. Je vais me coucher évidemment. J’ai très horreur des anglais de deuxième zone. J’irai faire un tour à terre demain matin pour me dégourdir les jambes, mais je sais bien que j’en aurai assez au bout d’un quart d’heure. Pour l’instant, je vais me coucher, car voilà bien des jours que je suis sur la passerelle du matin au soir et je sens mes jambes.
La gazelle que l’Amiral avait reçue en cadeau à Kumfudah est morte avant l’arrivée au mouillage. Elle n’aura pas fait long feu. Nous pensons qu’elle a dû être commotionnée ce matin par le tir de salut, parce que dès après ce tir, elle s’est couchée et a eu l’œil fixe.
Nous en trouverons une autre à Djibouti, plus jeune et plus jolie.
Nous allons partir au début de l’après-midi pour Hodeidah. Lorsque nous franchirons la passe sud de Kamaran nous quitterons définitivement les chenaux du Grand Banc. Nous y avons parcouru plus de 500 milles au cours desquels l’intérêt est resté pour moi toujours aussi vif. L’aspect de cette région ne m’a pas surpris, je l’attendais un peu comme je l’ai trouvé, mais j’imaginais la navigation plus délicate. Nous avons marché à peu près tout le temps avec les conditions d’éclairage les plus mauvaises : soleil très bas ou dans les yeux et nous ne pouvons pas dire que nous avons été beaucoup gênés. Même avec des cartes fausses ou imprécises, si la veille est soutenue de l’avant, de la hune et de la passerelle, on ne risque pas grand-chose si on va doucement et si on est prêt à manœuvrer en permanence.
11 février
A 9 h je quitte le bord avec l’Amiral, Badens et Dinechin pour aller faire un trip en voiture avec le résident. Pas de paysage ; une terre brûlée à peu près sans un brin d’herbe. Des pistes repérées par des pierres ou des tibias de chameau plantés dans le sol. Quelques gazelles et oiseaux. Deux ou trois bicoques en ruines. Un seul point vert dans un effondrement avec quelques palmiers et des plants de maïs brûlés. On ne peut imaginer désolation plus grande. Dans le voisinage des baraques anglaises en tôle ondulée, un petit village indigène parfaitement terne. Au bord de l’eau les restes d’un gros fort portugais du 15° siècle. Kamaran était avec Moka un des points d’observation des navigateurs de cette époque.
Le bungalow du résident, confortable. Une maison cubique abritée comme sous une tente par un grand hangar à clairevoies. C’est la maison du Robinson moderne. Longue vue, baromètre, TSF, bibliothèque… ; tout le confort que peut se procurer l’homme qui doit vivre sur un rocher. Cet homme est d’ailleurs parfaitement heureux et je le comprends après tout.
Il est venu déjeuner à bord et nous avons appareillé aussitôt après pour Hodeidah. Brise très fraiche du sud qui promet de la mer dès que nous serons sortis du canal. Fait le passage très facilement grâce aux bouées mouillées sur le récif et aux balises à terre.
Nous marchons 9 nœuds, le Vimy derrière nous. Il faut aller de l’avant si nous voulons arriver avant la nuit. La mer est assez creuse et nous tanguons dur. Le Vimy s’en donne lui aussi. Le ciel est clair.
Hodeidah apparait vers 16h30 toute blanche et rose au ras de l’eau. Nous nous en approchons avec précaution en sondant. Nous mouillons par 9 mètres de fond avant le coucher du soleil. Salut de 21 coups de 75. Le fort du sud répond.
La brise tombe avec la nuit, mais on sent bien la houle.
12 février
La brise est fraîche au lever du jour et il y a de la mer. Les bateaux tanguent sur leurs bosses. Le ciel est chargé et nous baignons dans une moiteur répugnante.
Vers huit heures, deux embarcations accostent, amenant le capitaine du port et un représentant de Malhami, notre représentant officieux au Yémen, Libanais d’origine, puisque celui-ci est aveugle. Ils viennent dire à l’Amiral qu’il est attendu par le gouverneur, le fils de l’Imam (Seif el Islam – Sabre de l’Islam), cet après-midi et qu’on lui enverra un beau sambouk pour le prendre, car la mer est trop grosse pour penser à utiliser une baleinière.
On embarque les bagages de Boris et lui-même s’affale dans l’un des sambouks, par le mât. Le pauvre type, je ne sais pas comment il va s’arranger à terre et s’il pourra monter à Sanaa comme il en a l’intention. Son projet était lié au voyage de Maigret, qui lui avait rebattu les oreilles pendant des semaines et qui s’est dégonflé subitement.
Pendant la matinée, l’Amiral se tâte longuement pour savoir l’attitude qu’il devra prendre à terre pour l’éventualité de son voyage à Sanaa. Je lui redis mes arguments contre cette expédition et lui ajoute que puisque, non seulement l’Imam n’y a pas fait allusion lorsqu’il a autorisé les bâtiments à faire escale dans ses ports, mais qu’à notre arrivée ici, les représentants du gouvernement venus à bord pour saluer l’Amiral n’ont rien dit à ce sujet, c’est qu’il n’y a aucune chance d’invitation.
L’Amiral décide d’aller voir le fils de l’Imam, qui est gouverneur d’Hodeidah, cet après-midi et d’attendre que celui-ci lui en parle.
La mer se creuse pas mal aux approches de midi. Nous rappelons violemment sur notre chaine au tangage et le Vimy tire durement sur la sienne. Je demande à l’Amiral de signaler aux bâtiments d’être prêts à appareiller au premier signal.
Peu après le déjeuner, nous apercevons deux voiles qui quittent le port et viennent vers nous. La première, qui nous dépasse pour remonter au vent avant d’accoster porte le malheureux Boris et deux cuisiniers que nous avons envoyé à terre. Le saroug bondit de crête en crête. On y distingue une douzaine d’hommes presque totalement nus et le crâne rasé. Il vire de bord et vient se ranger à bâbord derrière. Il monte terriblement à la levée. On essaie de lui lancer un pare-bras du bord, mais les Arabes ne s’en soucient pas. Deux d’entre eux se jettent à la mer, tenant une touline à la main et grimpent à bord pour la tourner. Les hommes, couleur chocolat, de petite taille, sont très musclés et semblent être de très beaux marins.
Nos gens sont débarqués après acrobaties, puis on déverse du saroug des couffins de café, des cages d’osier pleines de pigeons et de poulets, des paniers de légumes, des bananes en quantité, des œufs…On a laissé le reste à terre, 6 bœufs et 8 moutons, faute de place. C’est une mouna princière.
Vers 3h30, l’Amiral, Badens et quelques officiers partent à terre. Comme je connais déjà Hodeidah, je ne me soucie pas d’être trempé comme un noyé dans cette embarcation et je reste à bord. Maintes manœuvres d’adresse des Arabes tant au départ qu’à l’arrivée. Ils hissent leur voile au chant et le saroug s’envole sur les lames.
La Diana tangue tout l’après-midi à la lame. La nuit tombe, le vent ne mollit pas et l’Amiral ne revient pas. La nuit est noire comme elle l’est avant le lever de la lune. Nous regardons vers la ville et vers 8 h nous distinguons dans le noir une grande voile encore plus noire très proche de nous. Nous avons préparé des réflecteurs derrière et nous voyons surgir brutalement la masse du saroug qui vient d’amener sa voile. Son équipage grouille et se démène, pendant qu’à l’arrière l’Amiral et nos officiers restent immobiles, attendant qu’un bout soit passé et que l’occasion d’un calme relatif se présente. C’est assez impressionnant et j’ai hâte de voir notre monde à bord. Le saroug heurte le bord et arrache le liston de la Diana ; il monte à la hauteur du spardeck et retombe dans le trou. On hisse l’Amiral, puis les autres, sans mal ou presque.
Le pauvre Boris, lui aussi est là. C’est son quatrième voyage depuis ce matin. Au premier, il était parti avec des bagages, persuadé qu’il allait se mettre en route pour Sanaa, immédiatement ou presque. Maigret l’avait tellement persuadé à Beyrouth que lui, Maigret irait là-haut, que ce bon jeune homme n’avait pas pensé que lui, touriste, se présentant seul n’aurait aucune chance de faire le voyage. On n’entre pas ainsi en Arabie heureuse. Revenu à bord par le second passage, il était déjà moins fier. A terre on lui avait déclaré tout net qu’il ne pourrait pas monter. L’Amiral lui-même, l’ayant interrogé sur ce qu’il avait pu savoir en ville lâchait pied pour son compte et lui demandait de retourner à terre avec lui pour reprendre ses bagages.
Sanaa est donc une histoire enterrée et j’en suis fort aise. J’y suis pour quelque chose, évidemment, mais je ne le regrette pas, au contraire. J’évite à l’Amiral presque à coup sûr des suites très fâcheuses pour sa santé.
En rentrant à bord, le chef est d’ailleurs assez monté contre Maigret. Comme celui-ci n’a pas donné la date de notre passage et s’est contenté de notifier nos escales sans précision – à dessein, probablement, pour esquiver une invitation de l’Imam à monter à sa capitale, le fils du roi n’était pas à Hodeidah pour recevoir l’Amiral. Il est, parait-il parti en inspection. Il sera rentré peut-être cette nuit, mais au fond personne n’en sait rien.
Comme l’Amiral désirait vivement l’avoir à déjeuner et que pour faciliter les communications il avait décidé d’aller mouiller demain matin dans le Khor Kethib au nord d’Hodeidah, à l’abri de la mer, il ne sait plus très bien ce qu’il doit faire. Nous attendons cette nuit un nakoudah qui doit venir nous dire si le Prince est là ou non et s’il accepte à déjeuner. En principe nous appareillons demain matin au jour pour le Khor. L’Amiral a l’intention aussitôt après le déjeuner, de renvoyer directement la Diana à Djibouti parce que son équipage montre des signes de fatigue, de conserver le Vimy jusqu’à la nuit et de partir avec ce bâtiment, soit à Moka, soit à Perim, suivant le temps.
Il est 10 h 30. Le vent est tombé, mais il y a toujours de la mer et nous remuons pas mal.
13 février
Comme je le pensais personne n’est venu de terre nous donner la réponse des Princes ni nous amener un nakouda pour nous piloter dans le Khor Khetib.
Je me lève avant le jour. Le vent est complètement tombé, le baromètre monte doucement et il reste une houle assez sensible. L’Amiral décide de rester ici au mouillage. Les invités viendront déjeuner si cela leur plait, et nous partirons ce soir, ou pour Moka, ou pour Perim.
Vers huit heures Rabaud m’annonce que la consommation d’eau de la machine est très forte et qu’il craint une fuite à la chaudière. La provision est assez réduite ce matin pour qu’on envisage immédiatement le départ de la Diana pour Perim. L’Amiral décide de passer seul sur le Vimy où il attendra les gens d’Hodeidah à déjeuner et de quitter ensuite le mouillage pour nous rejoindre.
Le grand saroug d’hier sort du port vers 9h. Il se dirige vers nous, sans aucun doute. La brise vient de se lever et il sera le long du bord dans une demi-heure. L’Amiral l’attend. Malheureusement, je ne sais comment se débrouillent ces bouniouls, mais ils perdent au vent et doivent aller tirer un bord au large. Ils ratent leur virement de bord, perdent encore. Le temps passe. Il est dix heures passées. De fil en aiguille, le maudit saroug se retrouve à l’entrée du port. L’Amiral décide de filer sur le Vimy. Il emmène le pauvre Boris qui doit commencer à trouver que la vie d’interprète marin n’est pas une sinécure. On met aussi dans la baleinière une marmite dans laquelle cinq poulets étaient à bouillir pour le déjeuner et un pudding. C’est le renfort pour la table de Dinechin. Je suis persuadé d’ailleurs qu’il ne sera pas utilisé parce que les invités ne viendront pas.
A 11h30 nous relevons notre ancre et mettons en route, d’abord à l’ouest pour déborder les petits fonds. Puis nous mettons le cap sur Abu Aïl. Si tout va bien, nous serons demain matin à Perim.
La brise est fraîche, mais il y a assez peu de mer. Le ciel est clair et les nuages courent vers le sud, bien que la brise soit elle-même du sud.
Aussitôt après avoir passé les petits fonds, l’eau reprend sa belle couleur du large. Le ciel s’est nettoyé et on voit seulement au-dessus de la terre une petite partie de nuages légers. Il y a un peu de mer et nous tanguons régulièrement.
Je viens d’entreprendre la lecture de l’Alexandre de Radet. C’est très école d’Athènes, mais je crois que cela me plaira. J’ai lu un peu sur la passerelle, mais la lumière est trop violente et fatigue les yeux. Le temps est devenu magnifique. La mer a sa grande allure de beau temps par jolie brise. On distingue un peu à tribord l’ombre énorme du Djebel Zukur.
Entre 5 et 6h, nous longeons dans l’Est, les îles Abu Aïl. Gros paquets volcaniques brûlés. Sur l’I. Cain, perché au sommet, le magnifique phare qui éclaire tous ceux qui font le passage de la Mer Rouge. La colonne sort du toit de la maison. Tout à côté, un mât où flotte un pavillon et tout de suite la pente abrupte du rocher. Nous apercevons deux hommes au pied du mât. Ils nous saluent. C’est à coup sûr une de leurs grandes distractions. Les pentes des îles sont blanchies à la chaux par la couche de guano.
Un gros paquebot, trapu, grosse cheminée noire fait une route inverse de la nôtre. Il passe à contre-jour et ne hisse pas de couleurs.
Le soleil tombe derrière le Djebel Zukur. Avant de l’affleurer, il se détache comme un louis d’or dans la brume du couchant. Quelques filaments de nuage fumeux au-dessus du soleil. Le reste du ciel est parfaitement pur. Belle soirée de mer chaude.
14 février
Réveillé à 4 heures par le bruit de la machine qui bat en arrière. Je vois des lumières par mon hublot. Nous sommes à l’entrée du port de Perim. Nous rentrons aussitôt après et mouillons. La nuit est claire et je reconnais dans les lumières la silhouette de l’île brûlée. Le ciel est chargé d’eau et la mer est plate. On me montre un signal intercepté du Vimy à Beyrouth, qui annonce son appareillage d’Hodeidah hier soir à 8 h 30.
Le jour s’est levé sur le paysage désolé de Perim. La rade est une poche dont les bords bas sont l’exemple le plus beau de la terre calcinée. Sauf une grande tache blanche dans la falaise à la partie droite de l’entrée, tout est noir et comme si l’homme n’avait pas trouvé ce noir suffisant, il l’a complété par des tas de charbon. Quelques bungalows, des bureaux environnés de ces remparts noirs. Des réservoirs à mazout et à essence. Au-delà de l’île, on aperçoit à l’arrière-plan dans le SSW les hautes terres de la côte d’Afrique et les Deux Frères. Pour achever le tableau de désolation, à l’entrée du port un grand cargo norvégien qui a brûlé il y a un mois environ dessine sa misérable silhouette. Sa peau est brûlée de bout en bout et la partie supérieure de sa cheminée pend lamentablement vers l’avant.
Et sur ce paysage de mort flotte le Jack qui garde tous les corridors du monde de la mer.
J’ai passé une partie de la matinée sur le pont à observer les marchands qui ont grimpés sur la citerne et y ont étalé leur camelote. Des cigarettes, des coquillages, des tapis de coton horribles, des os d’espadon et des mâchoires de requin, des tricots et des boites d’ananas. La plupart de ces hommes sont des malheureux crève-de-faim d’un modèle universellement répandu le long des bords aux escales. Deux d’entre eux tranchent sur le reste : deux juifs coiffés du tarbouche rigide. L’un assez jeune est mâtiné de nègre et est répugnant ; il fait de très belles affaires. L’autre, un vieillard cassé, pitoyable comme savent l’être les juifs. Il n’a à vendre que des chemises kaki et des pantalons de toile jaune pisseux. Il sait qu’il ne vendra rien puisque nos hommes sont vêtus tout autrement, aussi ne propose-t-il pas sa marchandise, mais il reste là, immobile, la tête basse, attendant l’occasion impossible.
Cet après-midi, j’ai réussi à entrainer Marliave à terre. Je me suis fait débarquer à une des nombreuses jetées d’accostage et nous avons grimpé une route parfaitement balayée, bordée sans limites de cailloux noirs. Arrivés au sommet du coteau, nous avons pu régaler nos yeux du grand désert de lave qui forme cette triste chose qu’est Perim. Partout ces cailloux, un peu de sable par endroit, quelques traces d’arbustes rampants à épines parfaitement desséchés. Le soleil de feu sur ce noir moucheté de blanc est impressionnant de tristesse. Vers le nord une grande étendue de sable plate où les anglo-saxons ont mis leur football et leur terrain de golf. Nous sommes restés sur l’île un quart d’heure, ne pouvant nous amuser à circuler dans les tas de cailloux.
Pendant que nous attendions la vedette, j’admirais la transparence de l’eau qui est vraiment exceptionnelle ici. Je vis soudain près du fond deux poissons d’une vingtaine de centimètres de long, assez larges et bleu foncé, comme un velours bleu de roi, nageoires et queue jaune patte d’oie. Ils ont assez vite disparu, mais j’ai eu le temps de comprendre que je n’avais jamais vu un assemblage de couleurs aussi beau sur des êtres vivants. Rien que cette vision aurait valu la peine de descendre à terre.
A tout prendre, même grillée, même noire, je préfèrerais vivre ici qu’à Kamaran qui a trop l’aspect d’un lazaret. Ici, au moins, on voit passer les bateaux toute la journée, comme à Keller.
L’Amiral est arrivé à cinq heures avec le Vimy. Il a touché Moka quelques heures et est enchanté de son escale. Comme je le pensais, les émirs d’Hodeidah se sont moqués de lui et il n’a eu personne à déjeuner.
Nous appareillons demain matin à six heures pour Djibouti.