Nous ne saurons jamais quelle misère matérielle ou morale, quel coup du sort, quelle pulsion incontrôlable, a entraîné la dégringolade fatale ou si nous sommes face à un pervers lucide.
Faut-il les laisser dans l’oubli ou tenter de les réinsérer dans leur contexte familial et social ?
Je retiens cette dernière option et sollicite l’aide de ceux qui la partagent pour identifier et retracer le parcours de mon « pays » Claude Barraud.
« Condamné pour avoir forcé une femme . . . »
Une lecture plus précise de la sentence la corrige :
« Vagabond et pour avoir forcé une femme à lui tremper la soupe. »
Tragi-comédie ? Le chef d’accusation prêterait à sourire si le verdict n’était aussi brutal : 5 ans de galères !
Le vagabond, être sans feu ni lieu, désigné souvent comme sans aveu [3], est pourchassé depuis la nuit des temps.
Quasi inéluctablement, au vagabondage s’ajoute la mendicité, circonstance jugée d’autant plus aggravante lorsqu’elle est pratiquée par un individu valide : elle entraîne alors la qualification de crime !
Depuis quand Claude Barraud erre-t-il sur les routes après avoir quitté les siens et sa paroisse « Ferrière(s) [4] près de Thiers » ?
Combien de fois, alors qu’il mendie son pain, s’est-il entendu asséner : Va ! Passe ton chemin, Dieu y pourvoira !
Quand la faim mord, la violence n’est pas loin. Elle ne sera pas pardonnée.
Le 15 juillet 1767, Claude a 28 ans et c’est à Orléans que la justice prévôtale arrête son sort : aux galères, servir le Roi !
Il n’ira pas au bout du chemin.
Alors que « la chaîne » qui l’emmène au bagne de Brest rejoint à Rennes celle venant de Paris [5], il meurt en route, sans doute d’épuisement, le 7 juin 1768.
- Trajets des forçats vers le bagne de Brest.
Qui est donc ce Claude Barraud ?
L’administration pénitentiaire ne décline pas sa filiation.
Je calcule une naissance à Ferrières, vers 1739.
Les candidats ne manquent pas.
J’écarte Claudius né le 06/12/1738, marié en 1764 à Nizerolles, il meurt le 18/07/1801 au Mayet de Montagne. Un homonyme né le 12/03/1739 meurt trop jeune.
Je fais alors l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Claude Barraud, né le 16/06/1739 [6] au foyer de Simon et Péronnelle FAYET : une famille de laboureurs métayers honorablement connue depuis plusieurs générations.
Hélas personne n’est à l’abri d’avoir un fils prodigue !
L’hypothèse est soumise à plusieurs généanautes familiers des Barraud : ils adhèrent.
Toutefois, une avisée correspondante me rappelle la naissance d’un Claudius BARRAUD, né au village Chez Pion, le 09/05/1739 [7], fils de Laurent et Claudine BASMAISON.
Acte manqué, j’avais oublié cette famille ! Le doute et le malaise me gagnent !
On se souvient en effet que précisément à ce moment là, en 1764-65, s’est joué la violente « Affaire des Pions ». Le clan des Barraud / [Pion] Basmaison, protagonistes de premier plan, en est sorti dévasté. Leur rébellion armée a entraîné l’intervention des troupes royales. Ceux qui ont échappé à l’arrestation ont vu cependant tous leurs biens saisis.
La famille de Claudius a-t-elle été directement frappée ? Quelle part a-t-elle prise dans le soulèvement ? Quel lien précis la rend solidaire des meneurs ?
Claudius en fuyant les poursuites judiciaires et la misère, aurait précipité sa chute...
J’ouvre donc des recherches dans l’intérêt... d’au moins une famille.
Coupable : Claude ou Claudius ?
Un indice ferait pencher vers l’un ou l’autre.
Un décès avant 1767 serait un alibi indiscutable, mais tout autre événement, mariage, paternité, témoignage, aiderait à faire jaillir la lumière.
Ami lecteur, amie lectrice, puis-je compter sur votre perspicacité ?
Merci à tous pour votre aide et vos conseils...