Petit Lexique de l’occupation
Ce petit lexique apportera également une aide précieuse dans l’étude et la compréhension des attitudes de chacun des acteurs de ces terribles années, qui marqueront de façon indélébile l’histoire de notre pays. Nous avons sélectionné, dans ce document les mots dont il nous paraissait indispensable d’en connaître la signification.
ALLEMANDS : Dès le début de l’occupation, les envahisseurs furent affublés de toutes sortes de noms dont les plus usités furent :
- Les « Boches », expression héritée des anciens des tranchées de 1914-18.
- Les « Fritz » ou « Frizous », extension du plus répandu de leurs prénoms : Fritz.
- Les « Chleuhs », par comparaison entre la couleur de leurs uniformes (vert/bleu) et la race de Touaregs nomades d’Afrique du Nord dont le corps était couvert de tatouages de la même teinte.
- Les « Verts de gris », toujours par analogie, mais là avec la teinte de l’oxyde de cuivre.
- Les « Doryphores », par comparaison avec ces insectes grands destructeurs des plants de pommes de terre.
- Les « Huns », allusion à l’ancêtre Attila,
- et enfin les « Fridolins ».
Les gendarmes de la route, Allemands, qui portaient une énorme plaque en sautoir fixée par une chaîne autour du cou étaient couramment appelés les « Chiens de garde », les « Bulldogs », ou autres « Klébards ».
Les femmes en uniformes gris de la wermacht étaient affublées du sobriquet de « Souris grises ».
ABRIS : Toutes les agglomérations, et toutes les grandes villes, avaient été divisées, territorialement, en « îlots », à la tête desquels, arbitrairement, avaient été affectés des hommes valides nommés « chefs d’îlots ».
Ces derniers étaient responsables devant l’administration, et donc devant les occupants, de l’application de toutes mesures de sécurité : camouflage des sources de lumière la nuit, renforcement des vitres et vitrines par des papiers collés en croix, afin de protéger les gens des projections de verres en cas de bris dûs aux éclatements des bombes, surveillance des abris, et enfin coordination des secours en cas de chutes de projectiles sur le périmètre de l’îlot.
Les abris étaient constitués par les caves de certains immeubles, certaines stations de métro à Paris, des tranchées creusées dans les parcs, squares, jardins publics, et terrains en friches dans certains cas. Une affichette, bien en vue, signalait le nombre de places disponibles, qui devait en principe ne pas être dépassé.
AUSWEISS : en Français : laisser-passer.
Ce document, délivré uniquement par les autorités d’occupation, devait obligatoirement être apposé sur le pare-brise du véhicule à qui il était attribué. Sauf rares exceptions, le rayon d’action y était porté à 50 KM.maximum.
AUTOMOBILES : Dès octobre 1940, la circulation des véhicules à moteurs fut sévèrement réglementée : Seules les professions dont les activités ne pouvaient s’en dispenser (médecine, commerces, livraisons, etc) étaient bénéficiaires d’une autorisation et, de ce fait, de bons d’essence, le précieux liquide étant vendu en bidon de 5 litres.
On vit alors apparaître les moteurs fonctionnant au « gazogène », carburant tiré de la combustion du bois en circuit fermé.
L’équipement du véhicule ressemblait à une véritable usine, tant par son volume que par les gaz dégagés à l’extérieur.
En ville, certaines automobiles furent adaptées à la combustion au gaz d’éclairage. De lourdes bouteilles de métal étaient fixées sur le toit par une galerie.
AFFICHAGE : Tout affichage libre était interdit formellement, les panneaux publicitaires des marques de produits dont les propriétaires avaient de près, ou de loin, un quelconque rapport avec l’appartenance à la race juive furent démontés (les fourrures Brunswick, le porto Sandeman, les Chaussures André, les meubles Lévitan, etc...)
Les murs furent alors envahis de propagande pro-nazie, d’immenses placard vantant les bienfaits de la collaboration à travers les activités des organismes ou partis à la solde de l’occupant.
À partir de 1942, après le cuisant échec de la politique de la « relève », apparurent les appels au S.T.O. (service du travail obligatoire), immenses affiches qui vantaient les avantages du travail en Allemagne.
Puis en 1943, les gigantesques panneaux de la « Milice » naissante, qui tentait de recruter des adeptes, alors qu’essayait de rivaliser la « Légion des volontaires français contre le bolchevisme ».
Les premiers bombardements des Alliés qui provoquèrent des dégâts parmi la population civile furent à leur tour exploités, avec d’immenses photos-affiches, très largement étalées dans les grandes villes.
ALIMENTATION (cartes) : Mises en distribution au mois de janvier 1940 par le gouvernement Reynaud, sous l’appellation de « cartes de rationnement », elles ne furent effectivement exigées et honorées qu’en octobre 1940, dès l’occupation allemande, et au fur et à mesure que la raréfaction des produits se faisait sentir.
Les différentes catégories de bénéficiaires étaient distinguées par une lettre :
- E. : Enfants de moins de 3 ans
- J.1 : Enfants de 3 à 6 ans
- J.2 : Enfants de 6 à 13 ans
- J.3 : Adolescents de 13 à 21 ans
- A. : Adultes
- V. : Vieillards de plus de 70 ans
- T. : Travailleurs adultes
- T.1. et T.2. : Travailleurs de force (mineurs, maçons, conducteurs de locomotives, etc...)
- C. : Cultivateurs ou ouvriers agricoles
- F.E. : Femmes enceintes
- F.A. : Femmes allaitant
La carte d’alimentation (nominative), autorisait l’octroi, mensuellement, de cartes de tickets détachables, donnant droit aux distributions de produits alimentaires ou autres (pain,viande,café,vin, féculents, matières grasses, etc).
La plupart des autres produits faisaient l’objet de distributions spéciales trimestrielles sur présentation de « bons » (chaussures, textile, charbon, pneus de vélos, etc...), selon les disponibilités, et surtout après avoir présenté tous justificatifs exigibles, et surtout après récupération de l’objet usagé (ampoules électriques, bouteilles et flacons, pneus, etc...).
La CARTE DE TABAC faisait l’objet d’une attention toute particulière : chaque mois était divisé en trois « décades », donc trois distributions auprès d’un buraliste attitré une fois pour toutes.
Chaque décade donnait droit à deux paquets de cigarettes (soit 40), ou un paquet de 40gr de tabac (gris ou blond) à rouler.
Les cigarettes les plus recherchées étant les deux seules plus lourdes : Celtiques et Boyards, ces dernières ne se trouvaient qu’avec « combines ».
La vente du tabac et des cigarettes au « marché noir » sera, je crois, l’un des trafics les plus rentables pour les profiteurs, avec celui des faux tickets de pain.
En effet, plus aisé à camoufler et moins lourd qu’un sac de pommes de terre, et aussi plus demandé, son trafic rapportait gros.
Les grands fumeurs, après avoir épuisé toutes les ressources du tabac cultivé en jardin, du « tabac belge », qui arrachait les poumons, en vinrent même à fumer des feuilles de tilleul, de verveine, d’armoise, d’ortie, de topinambour, et même de la barbe de maïs.
APÉRITIFS : La totalité de la production des différents alcools étant contrôlée et réquisitionnée par l’occupant (loi du 23 août 1940), il ne restait que la « débrouillardise », et l’on se mit à fabriquer du pastis avec, soit de l’alcool à 90%, soit de l’alcool de betterave dans laquelle était macérée de la poudre d’étoiles d’anis. Les boissons alcoolisées n’étaient autorisées dans les cafés et bars que trois jours par semaine. Il y avait donc ce que l’on appelait les « jours avec » et les « jours sans ».
ATLANTIQUE (mur de l’) : Prévoyant un éventuel débarquement sur les côtes Françaises, à partir de 1942, les occupants construisirent tout le long du littoral, de la Belgique jusqu’à l’Espagne, une suite ininterrompue de défenses d’artilleries et de blockhaus que l’on appellera le mur de l’Atlantique, encore qu’il bordait également toutes les côtes de la Manche et de la Mer du Nord.
BISCUITS VITAMINES : Pour pallier le manque de calories provoqué par les restrictions, d’une part, et la pauvreté de la plupart des produits alimentaires, d’autre part, il était attribué à la jeunesse, dans les écoles, les universités, et les usines, ce que l’on appelait dans le jargon de l’époque : les biscuits ou encore les bonbons « vitaminés » ou « caséinés » : véritables attrape-nigauds, ces produits ne contenaient de vitamines que sur les emballages qui les présentaient.
BOMBARDEMENTS : C’est à partir de mars 1942, avec les premiers raids sur les usines Renault à Billancourt, que les Alliés reprirent progressivement la maîtrise de l’air et commencèrent à bombarder systématiquement tous les objectifs stratégiques utilisés par l’occupant : ponts, dépôts d’essence, gares de triage, aérodromes, usines et fabriques, ports maritimes, stockages de munitions et matériels, etc...
Le début d’alerte était signalé par un appel de cinq coups longs de sirène, et la fin de deux coups courts. Chacun se devait de courir à l’abri le plus proche, sous peine d’amende de la part du chef d’îlot, en cas de non exécution de l’ordre.
Les bombardements meurtriers des années 1943 1944 ajoutèrent à la détresse des Français la panique que l’occupant se chargea de répandre en popularisant largement, dans la presse, au cinéma, et à la radio, les tristes effets des raids aveugles.
En effet, si les Alliés optèrent jusqu’en 1943 pour la « technique du bombardement de précision de jour », ils considérèrent cette pratique trop « coûteuse » et adoptèrent alors celle du « bombardement de précision de nuit », avant que de ne décider de la stratégie du « bombardement de zone » .
On assista alors au largage de véritables tapis de bombes de très haute altitude, sans aucune considération de l’environnement de l’objectif.
Certaines grandes villes furent entièrement rasées : Caen, Le Havre, Royan, Lorient, Saint-Lô, etc...
Il fallut attendre décembre 1943, pour que les Alliés acceptent de limiter certaines de leurs actions aériennes, en échange d’une intensification des sabotages de la Résistance.
Cependant si « l’action immédiate » a permis d’éviter certains bombardements, exigeant de la précision, elle n’a jamais pu convaincre les chefs militaires alliés au point de leur faire abandonner leur conception du bombardement stratégique sur les territoires occupés.
590 000 tonnes de bombes ont été larguées sur la France, faisant 47 770 tués et 70 000 blessés, si l’on ajoute les victimes des bombardements ayant eu pour objectifs les opérations d’après le débarquement, on aboutit à un estimation de 60 à 70 000 morts.
Il est fort regrettable d’ailleurs que lors de toutes les diverses commémorations des tristes événements de cette époque, les victimes de ces bombardements soient bien souvent oubliés.
L’ EXEMPLE DES BOMBARDEMENTS DE SARTROUVILLE
Date | heure | Avions | Bombes | Tonnage | Altitude (env.) |
---|---|---|---|---|---|
27 05 | 13h45 | B.26 | 29 | 1 tonne 56 T. | 3 500 m |
20h45 | *** | B.26 | 33 | 1 tonne 66 T. | 3 500 m |
20h47 | *** | B.26 | 33 | 1 tonne 45 T. | 3 500 m |
28 05 | 11h22 | B.26 | 33 | 1 tonne 66 T. | 3 500 m |
*** | 19h30 | B.26 | 31 | 1 tonne 22 T. | 3 500 m |
*** | idem | *** | *** | 500 kg. 19 T. | idem |
*** | idem | *** | *** | 500 kg. 21 T. | idem" |
*** | 19h49 | B.26 | 13 | 500 kg. 26 T. | idem |
*** | 11h44 | B.26 | 28 | 1 tonne 45 T. | idem" |
24 06 | 19h11 | B.26 | 30 | 1 tonne 39 T. | 3 000 m |
*** | 19h05 | P.47 | 11 | 250 kg. 5,5 T | piqué |
Totaux | 241 | 410,5 T. |
Impacts des projectiles :
Gare, bains-douches, ancienne mairie, nouvelle mairie, caserne des sapeurs-pompiers, garage municipal.
Avenues et rues : Dijou, Kléber, de la Pierrée, Carnot, Victor Hugo, Quai du Pecq, Rude, Hortense Foubert, Foch, du Pâtis, de la Constituante, Turgot, Liberté, République, de Soissons, Marcelle, de la Ferme, de Saint Germain, Gabrielle, Michelet, Concorde, etc...
550 immeubles et pavillons détruits, 250 à 300 morts officiels
900 à 1000 blessés, 3500 sinistrés.
Peut-on raisonnablement opposer un tel résultat, aux éventuelles conséquences dues aux réactions de l’occupant face aux actions de sabotage la Résistance ?
CARTE d’IDENTITE : La carte d’identité vierge devait être fournie par le demandeur accompagnée d’un timbre fiscal de 13 fr. Le bristol plié en deux était en vente dans les librairies et bureaux de tabacs.
Seule l’administration municipale était habilitée à la régulariser, sous la responsabilité du Maire de la localité d’habitation. Sa présentation était exigée pour toute répartition de cartes, ou tickets d’alimentation, ou de rationnement.
Les réseaux de Résistance qui fournissaient les fausses cartes d’identité choisissaient les cachets des communes dont les services d’état-civil avaient été victimes, soit d’incendies, de bombardements, de vols déclarés, ou même d’attaques organisées de Résistants.
Un contrôle efficace ne pouvait de ce fait être sérieusement opéré. Ce fût le cas à Sartrouville par exemple, après le bombardement du 27 mai 1944 au cours duquel les services de l’état-civil furent en partie détruits dans l’aile gauche de la mairie, ainsi que les services du ravitaillement pulvérisés par une bombe qui détruisit les locaux de l’ancienne mairie, ou ils avaient leurs bureaux.
Certains incendies « accidentels » de locaux et de services municipaux n’eurent jamais d’explications...
COLLABORATION : Ce terme désignait toutes les formes d’aide à l’occupant : économique, politique, sociale, artistique, journalistique (de presse et de radio), ainsi que toute activité policière de répression.
COUVRE-FEU : Dès l’entrée des Allemands dans Paris, ces derniers instituèrent le couvre-feu à 23h. mais les premières semaines étant relativement calmes, ils le ramenèrent à 24h. Ce n’est qu’à partir des premiers sabotages constatés, le 20 octobre 1940, que le couvre-feu sera rétabli de 23h à 5h, et y restera appliqué jusqu’à la fin de l’occupation dans toute la « zone occupée ».
Des « ausweiss » étaient naturellement délivrés, et exigés à toute réquisition pour les personnes dont les activités nécessitaient des déplacements de nuit.
COMBATTANTS : À deux mois de la Libération de Paris, le 25 juin 1944, l’état-major du colonel Rol Tanguy, chef des F.F.I. de l’Ile de France, informe le C.O.M.A.C. de l’état des forces disponibles à ce moment. Elles sont estimées pour le département de la Seine à 23 000 Hommes, dont 1 700 armés, Seine et Oise 12 000 dont 600 armés, Oise 10 000 dont 400 armés, et Seine et Marne 12 000 dont 600 armés.
ÉPURATION : Il aura beaucoup été dit et écrit sur ce que fut l’épuration à la Libération et dans les années qui suivirent. Les historiens évaluent à environ 10 000 le nombre des victimes de cette épuration, dont les faits qui leur étaient reprochés allèrent des activités de la femme, dont le métier sera de tout temps considéré comme le plus vieux du monde, jusqu’au milicien pris les armes à la main, en passant par les politiciens avertis et conscients, les « Lacombe Lucien » et autres gestapistes attirés plus par l’argent que par l’idéal que représentait leur uniforme.
Il faut cependant savoir que la période de la Libération ne fut pas à l’image de ce que d’aucuns ont décrit, c’est-à-dire une guerre civile, et que les quelques règlements de comptes perpétrés à chaud, et sans jugement, auront été exceptions, leurs auteurs arrêtés et traduits en justice afin de régler leur cas en toute équité .
En toute honnêteté, que représentent ces quelques bavures au regard des atrocités commises par les troupes nazies à Oradour-sur-Glane, Tulles, Chatou, Chateaubriand, Le Mont Valérien, Chelles, et l’on m’excusera de ne pouvoir les citer toutes... ainsi que les exactions et tortures à mettre à l’actif des vandales de la milice et autres polices d’appoint de l’occupant.
FILES D’ATTENTE : On disait couramment à cette époque : « faire la queue ». Ces dernières se multiplièrent à la même cadence que les raréfactions de denrées, surtout alimentaires. La aussi, un véritable trafic s’institua, des personnes se faisaient rémunérer pour « faire la queue à votre place », de fausses cartes de priorité (les mères de familles nombreuses ainsi que les femmes enceintes en bénéficiaient) virent le jour au même titre que toutes autres fausses cartes.
À partir de mi-1942, après les premiers et sérieux attentats contre les troupes d’occupation, tout rassemblement de plus de trois personnes fut interdit, ce qui eut pour effet de n’autoriser les « queues » qu’une demi-heure avant l’ouverture de tout magasin ou de toute distribution.
FÊTES : Aucune fête populaire n’était autorisée en public, hormis certaines démonstrations à caractère religieux, au cours desquelles les organisateurs se gardaient bien d’oublier d’y associer la glorification du traître Pétain.
Face à la crainte des conséquences prévisibles de la célébration du 1er Mai (journée revendicative de lutte ouvrière par excellence), l’administration vichyste institua pour la première fois dans notre pays « la fête du travail », journée chômée et payée.
De même que c’est sous Pétain que fut célébrée la toute première « journée des Mères », qui deviendra en 1945 la fête des Mères.
Ainsi le peuple Français adhérait-il, contre son gré, à l’expression imagée de la politique collaborationniste : « travail-famille-patrie ».
LIGNE DE DÉMARCATION : La signature de l’armistice, en juin 1940, comportait une clause permettant à l’occupant de stationner en permanence dans la partie nord et sud/ouest du pays, selon un tracé que l’on pourra retrouver en illustration. Ce n’est qu’à dater du 11 novembre 1942 que l’ensemble du territoire Français fut envahi, pour faire face à la menace que constituaient pour les nazis les troupes lliées débarquées en Afrique du Nord, quelques jours avant (le 8).
Cette « ligne » était une véritable frontière, avec ses postes de garde et ses patrouilles. De nombreuses personnes, Résistants, illégaux et passeurs laissèrent leur vie en tentant de la franchir.
LIBÉRATION : La déclaration de Stanley Hoffmann peut seule résumer tout ce que peut contenir ce mot : « Celui qui n’a pas vécu dans une ville ou un village de France les semaines qui ont immédiatement précédé et suivi la Libération, ne sait pas ce que c’est que la volupté d’être en vie à la fin d’une épreuve indicible, ni la joie d’être heureux au milieu de ceux avec qui on l’a surmontée, et fier de ses compagnons ».
La Libération de Paris, par son peuple et son armée régulière (Division Leclerc), aura, dans les semaines et les mois qui suivirent, une portée politique considérable dans les rapports avec les Alliés .
MAQUIS : L’origine du mot est Corse et désigne les étendues montagneuses et désertiques de l’ile, et qui abritaient selon les légendes, les « bandits Corses ».
À partir de 1942 se formèrent dans certaines régions (occupées ou non), des rassemblements de Résistants armés que l’on dénommera « maquisards » (Plateau des Glières, Mont Mouchet, Vercors, Saint MarceL, etc..., et l’un des plus célèbres, le maquis de l’Ain). Les tentatives d’application des ordonnances réglementant le S.T.O. ne firent que renforcer les maquis par l’arrivée de nombreux « réfractaires ».
Par analogie de situation clandestine les ayant conduits hors de chez eux afin d’échapper aux recherches dont ils étaient l’objet, de la part des troupes d’occupation, bien des réfractaires rejoignirent les maquisards et formèrent aux abords des grandes villes des concentrations bien souvent morcelées, que l’on dénommera également « maquis ».
MARCHE NOIR : Marché parallèle de denrées et produits raréfiés et vendus à des prix prohibitifs.
À dater des premiers mois de 1941, on assista à la prolifération de trafiquants, dont l’objectif était de s’enrichir rapidement en revendant ces produits à la population affamée, sous le regard bienveillant de l’occupant qui voyait en ces trafics un moyen supplémentaire d’asservissement. En mai 1942 un tract circulait dans Paris sous ce titre : « QUI FAIT LE MARCHE NOIR ? »
L’occupation allemande va décupler l’inflation. C’est ainsi que l’on verra apparaître le billet de 1 000 fr 00, alors qu’un ouvrier manoeuvre gagnait péniblement 1 200 fr 00 par mois.
« Le marché noir ne peut se faire qu’avec le concours des Allemands dont les camions peuvent seuls circuler sans contrôles. Il faut donc chercher les trafiquants du marché noir parmi les collaborateurs et les amis des « boches »...
Quelques chiffres montrent l’étendue de quelques uns de ces trafics :
Sur 67 000 tonnes de viandes consommées à Paris en 1943, seulement 26 000 passaient par les organismes officiels. Quant aux légumes, sur 131 000 tonnes alors consommées, 61 000 transitaient par les halles et marchés nationaux...
Quelques exemples de prix pratiqués en 1943 dans certaines grandes villes :
- L’oeuf était vendu 11 Fr pièce.
- Le Kilogramme de haricots secs :50 Fr.
- Le kilogramme de beurre : entre 350 Fr et 440 Fr.
Alors qu’à la même époque le salaire horaire d’un ouvrier spécialisé parisien n’atteignait pas 10 Fr, et le revenu mensuel d’une dactylo 1 500 Fr.
La plupart des prix officiels étaient multipliés par 6 à 8 au « marché noir », voici quelques écarts très significatifs :
- Le kilogramme de pommes de terre passait de 3 à 22 Fr.
- Les 50 kilogrammes de charbon de 46 à 500 Fr.
Les prix à la consommation ayant été multipliés par 63 entre 1943 et 1995 (étude rétrospective publiée par l’I.N.S.E.E. en juillet 1996), on paierait donc à ce jour (en francs actuels), l’oeuf 6 Fr 90 la pièce, le kilos de beurre 252 Fr 00 environ etc...
RATIONNEMENT : Alors que les calories nécessaires journellement à l’homme moyen pour acquérir une bonne santé sont de l’ordre de 2 500, un Parisien de 1943 ne pouvait, accès au marché noir compris, s’en procurer que 1 725 en denrées alimentaires, dont 1 200 seulement avec les tickets de rationnement.
Le titulaire de la carte T. avait droit à la même époque aux rations suivantes :
- Pain : 350 gr. en 1940, 275 gr. en 1941 par jour.
- Sucre : 500 gr. par mois.
- Viande : 350 gr. la semaine en 1941, 120 gr. en 44.
- Matières grasses : 500 gr. par mois en 1943,150 gr. en début 1944.
- Vin : 2 lit. la semaine en 1942, 1 lit. en 1944.
On vit alors les citadins se ruer vers les campagnes afin de tenter d’y trouver un modeste complément de nourriture pour survivre.
L’exemple le plus typique sera sans doute ce que l’on appellera le « train des haricots ».
La Beauce était à cette époque grosse productrice de légumes secs. De Paris à Chartres en passant par les bourgs et villages environnants, Epernon, Toucy, Maintenon, Gallardon, Ablis la région fût écumée par de véritables hordes à la recherche du moindre lingot, coco, et autre flageolet.
La gare de Toucy vit son nombre mensuel de voyageurs passer de 700 avant guerre à 12 000 en 1943 !
Produit alimentaire à haute teneur en calories par excellence, le sucre n’était plus produit en France que par la betterave, le sucre de canne en provenance de nos « colonies » ayant définitivement disparu, on s’en doute.
C’est donc la SACCHARINE (dérivé chimique du toluène) qui permit d’édulcorer les aliments, le café en particulier, sans apporter aucune calorie. Mais là aussi, les si précieux petits cachets ne se trouvaient qu’au marché noir.
REICHBANK : Banque nationale allemande.
C’est sous son contrôle, que la France devait payer le lourd tribut que constituaient les frais d’entretien des troupes d’occupation, et que les accords d’armistice de 1940 avaient fixés à 400 millions de francs par jour, de juin 1940 à mai 1941, 300 millions par jour de mai 1941 à novembre 1942, et 500 millions par jour ensuite.
De plus, la Reichbank avait unilatéralement fixé le taux de change du reichmark à 20 Fr, le doublant de valeur. Les nazis dévalisèrent alors le pays de tous ses stocks de produits les plus cotés (vins, spiritueux, mode, bijoux, lingerie fine, champagnes, etc...)
RELEVE : La « relève » fut la plus sinistre farce que les occupants tentèrent de réaliser et qui échoua lamentablement : Afin de palier le manque d’ouvriers nécessaires pour faire tourner ses usines de guerre, Hitler offrit au gouvernement de Vichy de libérer un prisonnier Français en échange de trois ouvriers travaillant en Allemagne.
Un certain nombre d’ouvriers spécialisés se firent prendre au jeu, qui consistait en la promesse d’un salaire confortable et des conditions de travail, que d’aucuns des propagandistes nazis décrivaient comme idylliques.
Mais dès 1942, après les premiers violents bombardements des usines nazies, jusqu’au coeur de l’Allemagne, les départs furent sérieusement freinés, faute de combattants. Sur 200 000 partis au titre de la relève, il n’en restait alors que 70 000 en juin 1942. Ce fut une véritable « arnaque », seuls quelques dizaines de milliers de prisonniers revinrent, spectaculairement accueillis en gare de l’Est où presse et cinémas avaient été convoqués.
La relève subit donc un échec retentissant, ce qui motiva la préparation et la mise en place du S.T.O. (service obligatoire du travail), par une loi du 4 septembre 1942, dite « d’utilisation et d’orientation de la main d’œuvre », qui mobilisait en puissance tous les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans.
Quelques mois plus tard, en février 1943, Laval mobilisait pour l’Allemagne tous les hommes nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922, soit trois classes entières.
Ce sera une erreur monumentale, les très nombreux refus d’obtempérer feront écrire aux historiens : « le S.T.O. » va dès lors nourrir les maquis » .
On estimera cependant, que le nombre des déportés du travail en Allemagne, au titre du S.T.O. (chiffres comparés entre les archives allemandes et françaises), se situe entre 625 000 et 700 000, auxquels il faut ajouter environ 40 000 « volontaires » en 1944, sur les 185 000 qui signèrent un contrat.
Pour les mêmes raisons que développées plus haut,bien des volontaires ne repartaient pas après avoir obtenu une « permission ».
Ces estimations ne tiennent pas compte, évidemment, des requis au titre du S.T.O., employés dans les camps de travaux forcés, en France principalement pour la construction du « mur de l’Atlantique », ainsi qu’en Italie pour des travaux identiques.
RETOUR À LA TERRE : 1 500 000 prisonniers de guerre étant toujours dans les « offlags » et « stalags », ou utilisés pour les fabrications d’armements allemands, dans les usines du Reich. Le gouvernement Laval prêcha le « retour » à la terre, afin d’assurer les travaux des champs, la loi du 31 mai 1941 instituait le « pécule du retour à la terre ».
SECOURS NATIONAL : Le gouvernement Pétain avait mis en place, dès le début de 1941, un organisme d’aide et de secours aux personnes en difficulté, ainsi qu’aux familles de prisonniers.
En réalité, placé sous le contrôle actif de collaborationnistes, le Secours National ne sera, ni plus ni moins, qu’un outil à la solde de l’occupant, encadré par les « Jeunesses du Maréchal », avec pour objectif la mise en condition des bénéficiaires et de leurs familles.
STEN : Pistolet-mitrailleur, fabriqué en grande quantité par les usines Britanniques, et parachuté en France, ce sera l’arme de guérilla par excellence.
Munie éventuellement d’un silencieux, la crosseétantrapidementdémontable,donc aisée à camoufler dans une musette ou autre petite valise, la Sten sera l’arme du Résistant ou maquisard.
TODT : Fritz, ingénieur et général allemand,à qui Hitler avait confié, en 1933, la charge d’utiliserà des fins économiqueset stratégiques les nombreuxouvriers alors au chômage (autoroutes, édification de la « ligne Siegfried », etc...).
C’est à lui et à ses services (organisation Todt) que furent confiés les travaux gigantesques du « mur de l’Atlantique ».
VÉLO : La bicyclettesera, au cours de ces quatre années de disette, le seul moyen de déplacement autonome dont les Français disposeront.
L’occupant en imposa cependant un sérieux contrôle : Chaque vélo, ou tandem, devait être déclaré aux services de police, et un numéro minéralogique lui était attribué.
Ce numéro devait être reproduit sur une plaque en noir sur jaune, fixée au garde-boue arrière qui, lui, était peint en blanc. Une plaque d’identité métallique fixée sous le boulon de potence (donc difficile à démonter), devait obligatoirement mentionner, en gravure, les nom et adresse du propriétaire du cycle.
VELO-TAXI : Aucun taxi automobile n’étant autorisé à circuler, on vit apparaître, dès 1941, les célèbres vélos-taxis, petites remorques à deux roues tractées par de solides sportifs. Seuls les « taxis » attelés à un tandem se permettaient de transporter deux personnes.
Les premiers cyclomoteurs virent le jour en juin l942, leur conception était à l’époque révolutionnaire, un moteur de très petite cylindrée (50 Cc) était adapté au moyeux arrière d’un vélo ordinaire, et l’entraînement de la roue se faisait par transmission du mouvement d’un galet à une couronne dentée, fixée elle même aux rayons.
Le premier « vélomoteur » sera équipé du moteur V.A.P., du nom de la firme de Courbevoie qui l’avait conçu et mis au point pour le Directeur des Galeries Lafayette, et qui l’utilisa pour ses petits déplacements d’affaires.
VOLKSWAGEN : Firme automobile allemande encore en activité à ce jour.
Dès 1934, Hitler confia à ces usines le soin de concevoir un petit véhicule automobile robuste, de faible cylindrée, donc de faible consommation de carburant, et d’un prix de revient « populaire », d’ou son nom : Volkswagen (voiture populaire).
C’est ce véhicule entre autres qui équipa les régiments d’infanterie, qui déferlèrent sur le pays en juin 1940, et qui fut à l’origine de la « coccinelle ».
La même firme, Volkswagen, conçut et fabriqua en grandes séries les blindés légers qui enfoncèrent toutes nos lignes de défense à la même époque.
Ces véhicules étaient pour l’époque de conception révolutionnaire : moteur 6 cylindres en ligne, à soupapes culbutées, boite 5 vitesses présélectives, barbottins, et roues porteuses montées sur barres de torsion (seule à l’époque la célèbre « traction » de Citroën, qui en était l’inventeur en était équipée), chaînes sur patins de caoutchouc, semi-chenillé avec pneus increvables à l’avant !
Ce blindé léger, le D.7.P, équipé d’une mitrailleuse, se permettait de transporter 6 hommes et le chauffeur, et tout leurs équipements, à 75 Km à l’heure sur route.
Un modèle plus lourd, le K.M.11, véhiculait 10 hommes et le chauffeur à la même vitesse et dans le même confort.
D’aucuns se posent encore des questions à propos de la « drôle de guerre » ou encore de la « guerre-éclair » ?
WOLKSTURM : Traduction littérale en Français : armée du peuple.
À partir du début 1943, devant les échecs subits sur le front de l’est, face aux troupes Soviétiques, le débarquement Américain en Afrique du Nord, les violents et répétés bombardements des Alliés, et enfin l’échec du S.T.O., Hitler mobilisa, pour faire face au manque d’hommes, de jeunes allemands à partir de 16 ans, ainsi que des vieux soldats encore valides ayant fait la guerre de 1914-1918, ce furent les « wolksturms ». Mal équipés, sans entraînement, ils seront peu efficaces.
ZONES : La France fut divisée en deux « zones », dès la signature de l’armistice en 1940. On en trouvera les contours sur la carte en annexe.
La Zone Nord ou encore « zone occupée », était seule à subir sur son territoire la présence de la soldatesque nazie.
Quant à la zone sud ou zone « libre », ou encore « zone nono » pour argotiser la zone dite « non occupée », la vie n’y était guère plus heureuse. Le 11 novembre 1942, les Allemands l’occupaient à son tour.
La correspondance postale de zone à zone fut tout d’abord réglementée par la mise en service de cartes « interzones », d’un format unique avec des indications à biffer, elles devinrent ensuite « familiales » (sept lignes au choix), puis cartes postales ordinaires. Toute lettre close ne passait pas la ligne de démarcation.
À Chelles, le 5 février 2003, Bernard Morinais
Remerciements :
MESDAMES : BOKKELANDT MADELEINE, HARANGER DENISE, LAVANDIER DIDI.
MESSIEURS : BENADERETTE EDMOND, FAIX CLAUDE, GADAT GILBERT, HARANGER GEORGES, JANVIER JACQUES, MORINAIS ROGER, ROZALSKY JEAN, TRIVIC MICHEL.
À lire et à relire :
- La France des années noires, J. P. Azéma et F. Bédarida, 1993.
- Résistance, Alain Guerin, Livre club Diderot, 1973.
- Paris sous l’occupation, Gilles Perrault, Belfond, 1987.
- Histoire de la Résistance en France, H. Noguères, M Lafont, 1981.
- Par les nuits les plus longues, Roger Huguen, Coop Breizh, 1993.
- Les années terribles, Roger Arvois, L’Harmattan, 1995.
- De Munich à la Libération 1938-1944, J.P. Azéma, Seuil, 1979.
- Nous sommes les Rebelles, Indomitus, Défense de l’homme, 1945.
- L’Oise Sept.1940-Sept. 1944, Jean Pierre Besse, J.P.B., 1994.
- Les Femmes en guerre, Albert Oliol-Maloire, Martelle, 1995.
- La Résistance en Val d’Oise, A.N.A.C.R., 1986.
- La vie des Français sous l’occupation, H. Amouroux, Fayard, 1961.
- La Classe ouvrière dans la Résistance, A.Tollet, Messidor, 1984.
- La Résistance en Périgord, Guy Penaud P. Fanlac, 1985 et 1991.
- Si c’est un Homme, Primo Livi, Pocket, 1987.
- On chantait rouge, Charles Tillon, Laffont, 1977.
- Les F.T.P., Charles Tillon, Julliard, 1967.
- Les Bataillons de la jeunesse, Albert Ouzoulias, Éd. sociales, 1969.