En revanche il peut arriver que nos recherches nous fassent découvrir des relations familiales qu’on ignorait, qu’on ne cherchait pas, voire que l’on aurait préféré laisser dissimulées ou même que l’on craint de voir ainsi révélées. Les risques dans ce domaine vont de l’éventuelle surprise amusante à la révélation de secrets de famille générateurs d’attitudes ou de comportements répétitifs, individuels ou familiaux, souvent inexplicables comme l’ont révélé des études de psycho-généalogie et de psychanalyse trans-générationnelle.
Au pire des révélations peuvent entrainer des graves conflits familiaux, des vengeances personnelles ou même des incitations au crime comme dans certains contextes historiques ou sociologiques particuliers ; citons par exemples les vendettas façon Corse, Sicile ou Sardaigne, les intrigues meurtrières et masquées à la Vénitienne ou encore les substitutions d’identités et les assassinats politiques comme dans toutes les dynasties et lignées de pouvoir.
Les nombreux blogs généalogiques et tout spécialement notre Gazette Histoire Généalogie sont riches d’enseignements sur les problèmes rencontrés ou révélés lors de nos recherches individuelles. On se bornera donc ici à n’évoquer que des généralités, laissant à chaque lecteur le soin d’explorer seul et discrètement les zones et personnages romanesques ou tragiques de son arbre généalogique.
On abordera successivement :
1) Les risques sociaux : dissimulations, manipulations et assassinats liés aux métiers de la politique et aux sphères du pouvoir, ou aux mentalités et mœurs régionales
2) Les risques familiaux : les secrets de famille, jeux de rôles et romans familiaux
3)Les impacts psychologiques du secret : psycho-généalogie et psychanalyse trans-générationnelle.
4)La généalogie génétique : au secours nos ADN !
1) LES RISQUES SOCIAUX
1-1 Les risques du métier : la politique et le pouvoir
Dans une scène culte, emblématique de la saga Star Wars V, L’Empire contre-attaque, à la fin du terrible duel au sabre laser opposant le méchant Dark Vador (DV) et le héros Luke Skywalker (LS) qui recherche son père Anakin Skywalker, on trouve le fameux dialogue de « révélation » :
- DV : Si seulement tu connaissais le pouvoir du côté obscur…Obi-Wan ne t’a jamais dit ce qui est arrivé à ton père ?
- LS : Oh, il m’en a dit assez ; il m’a dit que vous l’aviez tué !
- DV : Non – JE SUIS TON PÈRE !
- LS : Non, ce n’est pas vrai, c’est impossible !
- DV : Si, lis dans ton cœur, tu sauras que c’est vrai.
- LS : Non ! Non ! Non !...
Ainsi le coup le plus violent asséné par Dark Vador est délivré par cette simple phrase : « Je suis ton père » qui révèle la filiation parentale entre les deux personnages principaux qui se livraient à une lutte à mort. Un arbre généalogique des dynasties galactiques aurait sans doute évité pareille déconvenue au héros mais aurait supprimé l’un des ressorts dramatiques de la saga. L’affaire se complique dans le dernier épisode VIII « Le dernier Jedi » avec des parentés par hologrammes et autres avatars difficiles à intégrer dans des arbres généalogiques. Pour les amateurs de généalogie galactique, rappelons que la scène se passe en 3ap. BY (BY étant le 0 de la chronologie galactique par référence à la Bataille de Yavin).
- (En espérant qu’un fan de la saga Star Wars ne m’en voudra pas pour cette aimable plaisanterie : si c’était le cas je m’empresserais de la supprimer 😄 )
Si nous revenons dans des temps historiques qui nous sont plus familiers, les incestes royaux et mariages entre collatéraux abondaient dans l’Égypte pharaonique dans le but de conserver le pouvoir au sein de la même famille. Ainsi par exemple on a pu déterminer que Toutankhamon (1335 av J.C.) n’était pas le fils de la légendaire Néfertiti et de son époux Akhenaton, mais le fils de ce dernier avec sa propre sœur.
Pour rester dans le même registre des généalogies scabreuses, rappelons les assassinats en famille organisées par Caligula (37 ap J.C.). Outre ses relations incestueuses avec sa sœur, Suétone et Tacite nous racontent en détails comment Caligula tue son frère et son beau-père avec l’aide de son âme damnée, le félon Macron...
Calligula eut des émules notamment en Turquie où le sultan Murad III (1575) fit assassiner devant lui et sa mère, ses cinq frères, pour éviter d’éventuels troubles lors de sa prise de pouvoir. Il eut au moins une vingtaine de fils qui furent eux aussi presque tous assassinés pour éviter tout problème de succession.
Plus près de nous l’histoire de l’Angleterre, avec le célèbre Richard III (1483) présenté dans le théâtre shakespearien, est fort riche en crimes perpétrés en raison de parentés généalogiques. Richard III d’Angleterre nous offre un modèle accompli de toutes les hypocrisies et de toutes les scélératesses que peuvent susciter dans un milieu de pouvoir les parentés et filiations généalogiques : il ne faisait pas bon se trouver représenté dans l’arbre généalogique de Richard III. On a dénombré une bonne douzaine de ses proches assassinés notamment en raison de liens de parenté, en particulier les deux enfants d’Édouard, les deux frères de la reine, sa propre femme, etc.
On trouve pareillement dans les généalogies des Maisons souveraines, princières et ducales d’autres pays européens, les mêmes genres de révélations, de manipulations, de dissimulations, de conflits et de crimes, générés dans les sphères du pouvoir par les liens généalogiques supposés, réels, revendiqués, cachés ou révélés opportunément.
On peut citer par exemple les généalogies florentines et vénitiennes comportant maintes déformations et omissions utilitaires. Le subvertissement des représentations généalogiques permettait des reconstructions partiales et souvent sélectives de parenté dans le but d’être utiles à leurs auteurs soit pour leur procurer des avantages financiers (raisons fiscales ou de revenus attachés à la noblesse), de pouvoir politique ou de vanité (usurpation de noblesse), soit pour les protéger ainsi que leurs familles de la malveillance ou plus souvent de révélations dangereuses, sources de drames familiaux ou de crimes.
Pour ce qui concerne la France, notre histoire présente aussi des successions plus ou moins mouvementées dans les dynasties Mérovingiennes, Carolingiennes, Capétiennes, Valoisiennes et Bourbon avec leurs relations avec les dynasties européennes voisines d’Angleterre et d’Espagne. Si notre pays offre ainsi comme d’autres de nombreux exemples des interférences entre l’histoire et la généalogie, observons toutefois qu’à partir des Valois la monarchie héréditaire avec la loi salique et les lois fondamentales du royaume exploitées par des stratégies matrimoniales, ont pu assurer des héritiers certains, limitant les troubles des successions, les rivalités princières et parfois des conflits armés avec nos voisins.
Accessoirement observons que les nombreux enfants illégitimes connus de nos souverains, 14 pour Louis XIV et 10 pour Louis XV n’ont pas laissé de traces officielles dans les généalogies royales.
Pour conclure, figurer en position d’éventuel concurrent sur l’arbre généalogique d’un prétendant futur ou actuel au pouvoir comportait des risques évidents depuis l’antiquité et wikipedia recense ainsi les règlements de compte enregistrés dans les allées du pouvoir dans le monde, de l’antiquité à nos jours : plus de 400 monarques, chefs d’États ou de gouvernement assassinés et plus de 800 assassinats politiques ou de personnalités politiques ; heureusement la généalogie semble en être de moins en moins responsable avec le développement des régimes démocratiques.
1-2 Mentalités et mœurs régionales : loi du silence, omerta et vendetta
Un nouveau professeur en Corse prend un premier contact avec ses élèves et veut tester leur niveau de connaissance en histoire ; il pose la question : « Qui a tué Henri IV ? ».
Silence total dans la classe, on s’observe, on baisse la tête : personne ne répond.
Le professeur pose à nouveau la question : « Aucun d’entre vous ne sait vraiment qui a tué Henri IV ? »
Finalement un élève se lève et répond : « Monsieur, ici on n’est pas des balances ! »
Dans une thèse d’anthropologie sociale présentée à l’EHESS en 1990, l’ethnographe Marinella Caroso a développé le concept de « généalogie muette » observé en Sardaigne avec des manifestations similaires en Sicile et en Corse notamment. Elle relève que dans certaines régions de ces pays la généalogie est du domaine du secret et savoir garder le secret sur ses parentés est valorisé et prudent : dans des sociétés où la vendetta se pratique encore, le plus souvent entre parents, la mémoire généalogique peut présenter de gros risques.
Remémorer le passé peut porter malheur et peut provoquer des conflits voir des crimes. Le silence sur sa généalogie devient une règle de prudence et le complément utile d’une assurance tous risques : se taire facilite l’oubli et l’oubli est a priori bienfaisant. Le silence s’impose donc spontanément à l’oral et a fortiori pour l’écrit : l’écrit rend muet et les généalogies ne s’écrivent surtout pas pour ne pas nuire aux vivants et à leurs descendances.
Un individu, une famille, un village, une communauté peuvent ainsi décider de « garder le silence » tout en développant à usage privé un discours familial destiné à éviter les conflits internes : la généalogie muette pour l’extérieur devient romancée pour l’intérieur. On citera ainsi parmi les proverbes Corses « Garde le silence et le silence te gardera ».
Dans d’autres pays on relève aussi des trucages généalogiques suscités par des principes religieux : les enfants de prêtres, comme en Irlande, ou de religieuses, comme en Espagne, ne sauraient exister et encore moins apparaitre en parole ou à l’écrit sur un arbre généalogique. Plus généralement des « arrangements » volontaires comme celui que détaille D.H. Lawrence dans L’amant de Lady Chatterley sont clairement destinés à assurer une descendance ; en la circonstance Clifford Chatterley, impuissant, demande à sa femme de prendre un amant : son fils sera ainsi le fils de son garde-chasse, Oliver Mellors. La PMA d’aujourd’hui aurait privé Lawrence du sujet de son roman, révolutionnaire au début du XXe siècle.
Observons enfin, avant d’aborder les secrets de famille, que garder un secret pour se protéger d’éventuels dangers de sa révélation, n’a pas le même impact personnel ou familial que garder un secret par peur de l’évoquer en famille comme dans nos paragraphes suivants.
2) LES SECRETS DE FAMILLE
Un homme découvre que le père officiel qui l’a élevé n’est pas son père biologique, que sa fille enceinte va donner naissance à un enfant sans père identifié, et que la femme qui lui plait est peut-être sa sœur…
Tel est le script abrégé du dernier film (septembre 2017) de Carine Tardieu : « Ôtez-moi d’un doute ». Mais le sujet est à la mode et bien d’autres scénarios de films exploitent ainsi le filon inépuisable des secrets de famille, des liaisons cachées et des traces invisibles dans nos arbres généalogiques.
Aujourd’hui des analyses génétiques accidentelles ou volontaires peuvent ainsi remettre en cause des données généalogiques officielles et constituer ainsi, comme dans ce film, des « bombes à retardement » intimes ou familiales : un arbre généalogique peut en cacher un autre…
Une fameuse chanson de Sacha Distel en 1966 « Scandale dans la famille » évoque le problème avec humour. On rappelle ici que le père de famille répond à cinq reprises à son fils qui vient lui demander l’autorisation de se marier à plusieurs années d’intervalle :
« Hélas mon pauvre enfant, Les Dieux sont contre toi, Toutes ces filles sont tes sœurs, Et ta mère ne le sait pas ».
Le fils se désole : Quel grand malheur pour moi, mais quel scandale si maman savait ça.
À bout de patience le jeune homme va se plaindre à sa mère qui le rassure :
« Ne t’en fait pas, Ton père n’est pas ton père, Et ton père ne le sait pas ».
Le fils conclut : Quel grand bonheur pour moi, mais quel scandale si papa savait ça …
Tous les « secrets de famille » ne se révèlent pas si facilement et ces genres d’arrangements ou de surprises généalogiques ne se règlent pas tous aussi simplement.
Pourtant, depuis quelques années des inconnus, des stars ou des personnes cités dans la presse people paraissent gagnés par la soif de dévoiler des secrets de leurs vies et nombreux sont ceux qui pensent en faire un best-seller ; ainsi le silence qui couvrait traditionnellement les « secrets de famille » semble désormais laisser la place à la confession publique (blogs, réseaux sociaux, groupes de discussion, etc.) voire à l’ostentation exhibitionniste (interview tv, autobiographie, récits de vies, etc.)
Un blog de Rue89/l’Obs a ouvert en juillet 2017 une rubrique intitulée « Ne le dis à personne » pour recueillir des secrets de famille de lecteurs avec des titres suggestifs, par exemple : la fille de la bonne est ma tante, qui raconte la liaison du grand-père avec la bonne (sic). On trouve ainsi pêle-mêle des histoires d’arbres généalogiques fallacieux, de liaisons incestueuses, des secrets d’alcôves, des drames d’amours contrariés, des tabous familiaux, des secrets de filiation ou de paternité, etc. mais aussi des constats réalistes : « Dans ma famille tout le monde sait mais personne n’en parle jamais »
Parallèlement d’autres révélations du même genre sortent parfois dans la presse people concernant des personnes bien connues du public.
Né d’une relation illégitime entre un notable parisien et une jeune femme de 33 ans sa cadette, le célèbre poète Louis Aragon n’apprendra que tardivement la vérité sur sa naissance : les mères célibataires étant mal vues à l’époque, toute la famille s’était réorganisée pour faire croire à une adoption ; ses grands-parents devinrent ses parents adoptifs, sa mère biologique tint le rôle de sa sœur et son père biologique prit le rôle de parrain. Il ne découvrit qu’à 20 ans qui était cet homme qu’il rencontrait régulièrement avec sa sœur.
On trouve un jeu de rôles semblable dans la famille de l’acteur Jack Nicholson : élevé par ses grands-parents, le futur acteur pensa longtemps que ces derniers étaient ses parents ; il ne découvrit qu’à 37 ans que la femme qu’il prenait pour sa sœur était en fait sa mère biologique.
Le biographe d’Hergé révèle que le célèbre auteur des Tintin n’avait jamais pu savoir qui était son grand-père et que son père et son oncle, jumeaux orphelins de naissance légitimés par un ouvrier qui ne s’était jamais occupé d’eux, étaient nés des amours ancillaires d’un personnage illustre, prétendument le roi des Belges de l’époque Leopold II ; lequel étant réputé pour faire régulièrement la tournée des châteaux pour trousser les servantes… Selon le psychiatre psychanalyste Serge Tisseron, Hergé serait parvenu à vaincre le mal être résultant de sa parenté énigmatique en transposant dans ses bandes dessinées ses secrets de famille. Dans ses trois livres Tintin et le secret d’Hergé paru 2009, Tintin et les secrets de famille paru en 1990 et Tintin chez le psychanalyste paru en 1985, Serge Tisseron montre ainsi comment Hergé aurait mis en scène les images de son monde intérieur quand il avait entre 5 et 8 ans en présence de cette parenté énigmatique. Les Dupont-Dupond, La Castafiore, Haddock, Tournesol, etc. seraient ainsi des représentations de son mystérieux environnement familial d’alors.
On citera aussi le réalisateur François Truffaut qui, en proie au doute quant à son père biologique, déclara avoir engagé un détective pour connaitre l’identité de son vrai père. Dans une interview au moment de la sortie de son film « Les 400 coups », il révèle que ce film avait provoqué un cataclysme dans la famille Truffaut ; un peu plus tard il avouera : « Les films sont plus harmonieux que la vie : je fais des films pour me faire du bien ». L’examen de la filmographie de François Truffaut montre combien ce genre de secret de famille a nourri son imaginaire et combien beaucoup de ses films renvoient à ses propres problèmes d’identité. Plus tard, il terminera d’ailleurs son autobiographie intitulée « Le scénario de ma vie » par une citation de Marc Twain : « Il est bien chanceux le Français qui peut dire qui est son vrai père ».
Au-delà des ressources inépuisables qu’apportent aux auteurs de films ou de romans les questions d’identité, de parenté et les histoires de familles, dans lesquelles chaque spectateur et lecteurs peuvent facilement se projeter voir s’identifier, c’est aussi tout naturellement que nos romanciers ont largement exploité le filon généalogique pour structurer leurs œuvres en créant des sagas familiales et des cycles romanesques. La généalogie leur offre ainsi un moyen pour organiser le développement dramatique et les interactions des vies de leurs différents personnages sur plusieurs générations sans s’égarer, ou égarer leurs lecteurs, dans les arcanes de leurs parentés.
Des auteurs contemporains comme Roger Martin du Gard avec sa saga des Thibaud en huit tomes ou Daniel Pennac avec sa saga des Malaussène en six tomes ont ainsi exploité les ressorts dramatiques des généalogies familiales ; bien avant eux Honoré de Balzac avec sa Comédie humaine en quatre-vingt-dix volumes et Emile Zola avec ses vingt romans qui suivent les « Rougon-Macquart » sur cinq générations, avaient ouvert cette voie.
L’arbre généalogique des principaux personnages de la Comédie humaine, exposé dans la Maison de Balzac à Paris mesure quatorze mètres de long ! On y trouve non seulement les attaches familiales mais aussi les liaisons extra-conjugales ainsi que toutes les relations complexes, officielles ou non, des personnages. Quant à l’arbre généalogique de la famille Rougon-Macquart, Émile Zola l’aurait construit avant même d’écrire le premier roman de sa fresque romanesque, L’Assomoir (1877), pour montrer les fatalités héréditaires des personnages de ses romans.
3) LES IMPACTS PSYCHOLOGIQUES DES SECRETS DE FAMILLE : des passés qui ne passent pas.
« Il ne se passait jamais rien d’inconvenant », écrit la romancière Monica Sabolo (Summer, 2017), dans ces grandes maisons bourgeoises des bords du lac Léman, figées dans le secret et les apparences. De beaux enfants y grandissent en lieu sûr, deviennent bientôt des adolescents radieux, couvés par des mères parfaites et protégés de la trivialité du monde extérieur par des pères indestructibles. Summer était une de ces enfants bénies des dieux, une jeune beauté qui pourtant, un jour, s’évapora. Enfuie ? Enlevée ? Noyée ? Nul n’en parla jamais, comme si elle n’avait jamais existé et pourtant son absence continue de hanter son frère cadet 25 ans plus tard…
Une vingtaine de titres de livres parus ces dernières années, sur les 130 proposés par Amazon, sur la psycho-généalogie et la psychologie trans-générationnelle donne à réfléchir sur les blessures familiales que peuvent entrainer des traces invisibles dans nos arbres généalogiques. Citons par exemples : - Les enfants malades de leurs parents - Aie, mes aïeux ! - Des ancêtres encombrants – Sortilèges des prénoms de famille - Des lieux qui nous habitent - Sans père et sans parole – Guérir les blessures familiales – La mémoire généalogique – L’absence en héritage - Tombé par terre, c’est la faute à grand-père – Des ancêtres encombrants – Le syndrôme du gisant – Ma place dans la famille – Guérir de sa famille – Comprendre votre passé familial - Se libérer du destin familial - Les fautes de ses ancêtres ? - Les constellations familiales - Les fantômes familiaux - Pourquoi mon prénom ? – Des traumatismes en héritage - Se libérer des problèmes de ses ancêtres - J’ai mal à mes ancêtres – Comment paye-t-on la faute de ses ancêtres - etc.
Du point de vue de ces approches psychologiques et/ou psychanalytiques, ce qui est dommageable pour le ou les survivants, ce n’est pas le fait lui-même (un enfant adultérin ou adopté, une relation incestueuse, une mort ou une disparition suspecte, etc.) c’est qu’il est tenu secret. Lorsqu’une information n’est pas partagée au sein de la famille, chacun sait ou ressent qu’il y a secret, mais sans savoir que chacun sait cela. Ainsi certains pans de l’histoire familiale sont tenus cachés à cause de la honte supposée qui rejaillirait sur ses membres en cas de révélation (cf les fameux « cadavres dans le placard »). Le secret de famille est douloureux pour celui qui le tait ou/et pour celui à qui il est tu. Peu importe que le fait originaire soit banal, il suffit qu’il crée un déséquilibre entre celui ou ceux qui savent et celui ou ceux qui ne savent pas. En outre ce qui n’est pas dit avec les mots l’est souvent autrement : par des comportements, des mimiques, des changements de conversations ou des silences « pour ne pas mettre la puce à l’oreille » et « on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu ».
Les spécialistes de ces approches psychologiques observent en outre que des secrets peuvent traverser des générations sans être « digérés » et provoquer des comportements étranges ou des signes somatiques tant qu’ils ne sont pas dits. Les hypothèses de ces théories ne doivent cependant pas nous conduire à imputer nos éventuelles douleurs cervicales à un ancêtre décapité sous la Révolution ! Il peut même s’agir tout simplement de « secrets de Polichinelle » que tous connaissent mais dont chacun croit qu’il vaut mieux ne pas en parler par discrétion et pour ne pas risquer de soulever des questions que personne ne se pose.
Beaucoup de romans ou de films ont illustré d’une façon ou d’une autre les conséquences psychologiques des dissimulations familiales et les perturbations entraînées par l’ignorance dans laquelle elles ont vocation de maintenir un ou plusieurs membres d’une famille. De même la découverte fortuite ou la révélation de ces dissimulations apportent aux auteurs de films ou de livres les ressorts de bien des intrigues romanesques et dramatiques.
Dans la réalité on a vu que tout cela n’était pas toujours facile à vivre mais ce n’est pas le lieu ici de développer plus avant ces éventuels dommages collatéraux des arbres généalogiques et les commentaires qu’ils peuvent susciter : nous renvoyons les lecteurs à leurs connaissances ou expériences personnelles ainsi qu’aux ouvrages de la bibliographie en fin d’article.
4) LA GENEALOGIE GENETIQUE : « Au secours mon ADN !
Sur la base de tests ADN, la généalogie génétique permet aujourd’hui de compléter la généalogie traditionnelle fondée sur la recherche d’archives familiales et publiques. Elle peut confirmer ce que l’on sait déjà ou faire découvrir ce que les anglo-saxons nomment « un évènement non parental », c’est-à-dire un évènement qui introduit une discontinuité dans l’ADN d’un enfant par rapport à sa mère (ADN-mt) ou à son père (ADN-y), l’enfant ne possédant pas l’ADN de l’un de ses parents officiels ou des deux. Elle permet aussi de trouver éventuellement des liens de parenté avec ou entre des individus de noms différents ou proches, ce que des documents écrits ne permettent pas.
Les nomenclatures spécialisées définissent ainsi les deux types de situations rencontrées :
= L’évènement non parental paternel (ÉNP paternel) : un évènement qui introduit une discontinuité dans l’ADN-Y, le père culturel n’étant pas le père biologique. Cela se reflète par un ADN filial différent de celui du père culturel.
= L’évènement non parental maternel (ÉNP maternel) : un évènement qui introduit une discontinuité dans l’ADN-mt, la mère culturelle n’étant pas la mère biologique. Cela se reflète par un ADN filial différent de celui de la mère culturelle. La cause principale est l’adoption ou l’assimilation silencieuse.
On trouve plusieurs explications ou causes possibles d’une interruption complète ou partielle de transmission, citons par exemples (Source Jacques Beaugrand : La généalogie par ADN)
1. Erreur sur l’identité généalogique. Il peut s’agir d’une erreur d’état civil, de transcription, de relèvement d’un nom sans descendance ou encore une erreur due à l’existence d’homonymes.
2. Enfant étranger ou même parent accueilli en bas âge et qui a porté le patronyme de la famille d’accueil, suite à un remariage, par exemple.
3. Adoption légale.
4. Un mariage réalisé alors que l’épouse était enceinte d’un autre homme que le futur époux.
5. Un changement d’identité ou de nom de famille. Le changement de nom peut être accidentel ou volontaire. Un changement de nom de famille peut s’être produit afin de se dissocier de la famille d’origine, suite à un conflit familial ou pour lui éviter un déshonneur. On a pu aussi changer de nom de famille pour éviter des persécutions, fuir une guerre ou tout simplement pour abandonner un nom difficile à porter.
6. Un nouveau-né peut avoir reçu le nom de famille de sa mère lorsqu’elle n’était pas mariée ou lorsque l’enfant était de père inconnu ou non reconnu par le père officiel ou biologique.
7. Enfant d’un viol, de la passion, de l’inceste, de la prostitution, d’un rapt, d’échange d’enfant. (En temps d’occupation, de migrations, de guerre, notamment)
11. Fertilisation assistée, don de sperme, mère porteuse, etc.
12. L’infidélité, la permissivité conjugale, voire l’échange de partenaires.
On citera aussi pour mémoire l’échange d’enfant à la naissance pour assouvir une vengeance contre l’obstétricien, telle qu’elle est racontée avec humour par Etienne Chatillez en 1988 dans son fameux film « La vie est un long fleuve tranquille » avec ses deux familles les Groseille et les Le Quesnoy.
Ces types de recherches ADN et de découvertes subséquentes peuvent poser des questions éthiques, de fiabilité, de coûts, en dehors de problèmes psychologiques ou d’atteintes à la vie privée. En France les tests génétiques sont strictement réglementés par les lois bioéthiques et leurs décrets d’application (1994, 2004 et 2011). Ainsi ces tests ne peuvent être réalisés dans notre pays que dans des laboratoires autorisés et seulement à des fins médicales, judiciaires ou de recherche scientifique. Un projet de loi relatif à l’utilisation de tests ADN dans le cadre de procédures de regroupement familial a été rejeté par le Conseil Constitutionnel.
Une première toutefois en France signalée dans Le Figaro du mardi 16 janvier 2018 : un jeune homme de 34 ans, né d’une insémination artificielle avec donneur anonyme a annoncé publiquement avoir retrouvé son père biologique grâce à l’utilisation d’un test génétique effectué à l’étranger. Alors que le principe de l’anonymat des donneurs de gamètes est gravé dans la loi française le jeune homme déclare :"L’accès aux origines est un fait aujourd’hui. C’est une démarche personnelle : cela fait du bien de se sentir plus ancré dans la réalité".
Plusieurs pays comme le Canada et les U.S.A., autorisent ces recherches, tout comme plusieurs pays européens comme la Grande-Bretagne.
Pour la présentation de cet article on a regroupé en quatre aperçus quelques sujets de réflexion concernant différents impacts de toute entreprise généalogique. Dans la réalité de la vie, qu’il s’agisse de considérations sociales comme dans notre première partie, des conséquences familiales du secret de famille comme dans notre seconde partie, des impacts psychologiques du silence et du secret imposés comme dans notre troisième partie, ou enfin des pratiques contemporaines de généalogie génétique, ces quatre approches séparées pour l’analyse, peuvent se trouver souvent imbriquées.
Heureusement, dans ces histoires et péripéties généalogiques, tout s’enchaine, se recoupe et s’assemble, « façon puzzle », sans le plus souvent déchaîner des effets incontrôlés, générer des drames ou constituer des bombes à retardement. Aussi bien il existe des secrets de Polichinelle, des connivences, des aveuglements volontaires ou des surdités par délicatesse, qui font aussi partie de la civilité et de la bonne entente familiale. Assurons-nous toujours que nos recherches et découvertes généalogiques sont exprimables sans dommages collatéraux.
Notre image des trois singes de la sagesse et le logo de cet article (ne rien voir - ne rien dire - ne rien entendre) résument des attitudes et des comportements assez courants en présence de secrets de famille, mais pas toujours recommandables.
Chaque époque a d’ailleurs ses mœurs, ses convenances et ses principes : telle révélation qui pouvait nuire à la réputation personnelle ou familiale aux XIX ou XXe siècles, voire faire scandale, telles les naissances hors ou avant mariage et prétendues mésalliances, etc., ne sont plus désormais que des complications généalogiques avec des adaptations du vocabulaire : ainsi par exemple les filles-mères d’autrefois deviennent des mères célibataires et les enfants de couples homosexuels ont désormais leurs places dans les arbres généalogiques, ce qui ne satisfera cependant pas toujours leur intense besoin, comme les enfants adoptés, de connaitre leurs vraies racines.
Les blogs de généalogie en général comme les messages et discussions rapportés dans Histoire Généalogie illustrent ces évolutions. À cet égard, si les erreurs d’état civil du passé, volontaires ou non (dates de naissances, de mariage, de décès, etc.) sont plus rares aujourd’hui, on ne peut ignorer que l’accroissement du nombre des familles recomposées, les parentés hors mariage, les unions non formalisées ou encore les mariages entre personnes de nationalités différentes ou de sexes identiques peuvent générer des généalogies foisonnantes propres à des découvertes insoupçonnées.
Si tout cela peut entraîner des complications formelles pour la représentation des arbres généalogiques, cela peut aussi soulever des questions qui pour paraître anodines aux uns ne le sont pas pour d’autres…Un chose parait cependant certaine : tout cela ne peut qu’apporter des missions de recherches aux généalogistes professionnels (dont des enquêtes récentes ont révélé les pratiques financières douteuses de trois d’entre eux) et, surtout, beaucoup de travail aux notaires pour régler les questions de successions et d’héritages.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE :
= La généalogie muette, Marinella Carosso, EHESS, 1990
= Les généalogies florentines, Ch. Klapisch-Zuber, Ecole Française de Rome, 1986
= Arbres généalogiques des rois de France depuis Hugues Capet et des rois d’Angleterre, Wikipedia
= Les secrets de famille, Serge Tisseron, Que sais-je ? 2017
= Summer, Monica Sabolo, JC Lattès, 2017
= La parenté, Chantal Collard et Françoise Zonabend, Que sais-je ? 2015
= Tintin chez le psychanalyste (1985), Tintin et les secrets de famille (1990), Tintin et le secret d’Hergé (2009)
= Le secret, Yves-Henri Bonello, PUF Que sais-je 1998
= Aïe, mes aïeux, Anne Ancelin Schützenberger, La Méridienne, 1993
= Le Murmure des fantômes, B. Cyrulnik, Odile Jacob, 2003
= L’ADN et la recherche de non Ancêtres, CEGFC/Geneanet, 2010
= Généalogie par ADN, Jacques Beaugrand, UQAM (Université du Québec à Montreal)
= Comment des centaines d’héritiers se retrouvent privés d’héritage : deux cabinets généalogiques ont détourné les legs de près de 1900 clients, journal Le Figaro, 21/22 octobre 2017.
= Né d’un don anonyme, il retrouve son géniteur, journal Le Figaro, mardi 16 janvier 2018.