Le 9 novembre 1830 James CAMPBELL-HARTLEY épouse à Villeneuve : Anne Jeannette Julie Florentine RATIER. James, lieutenant d’infanterie de l’armée anglaise, en demi-solde, est né à Londres en 1797, fils de James HARTLEY, major général et lieutenant-colonel du 75e régiment d’infanterie écossais [1], et de Jeanne CAMPBELL, tous deux décédés. Charles CAMPBELL-HARTLEY, frère jumeau de James, assiste au mariage et meurt à Villeneuve le 17 juin 1831. Avant de se présenter à la mairie les époux sont passés chez le notaire Jacques HESME [2] signer leur contrat de mariage. Ils ont adopté le régime de la communauté ; le futur se constitue en dot la pension accordée à son grade par le gouvernement anglais, soit 2.000 francs par an ; la future apporte un trousseau estimé à 1.600 francs. Signent avec eux : Charles, frère du futur et Antoine Joseph Félix, frère de la future.
A. J. J. F. RATIER, dont le prénom usuel est Florentine, est née à Liège le 24 février 1803. L’année 1830 est celle de la naissance du royaume de Belgique mais Florentine a vu le jour dans une région des Pays-Bas qui a été annexée par la France en 1795. Elle est la fille du marchand villeneuvien Sébastien Victor RATIER (1769-1833) et de Marie Agnès Julie NAHON, née à Liège en 1774.
Pourquoi Sébastien Victor RATIER est-il allé prendre épouse à Liège ? Faisait-il partie des troupes d’occupation françaises ? (Dès 1792 des volontaires des bataillons de l’Yonne sont en garnison à Liège). Nous savons seulement qu’il est déjà dans cette ville en 1798 et déjà marié car c’est là que naît son fils Joseph Antoine Victor Félix RATIER, le 23 messidor An 6 (11 juillet 1798). Ce fils épousera en 1829 à Villeneuve : Irma LEMOCE et mourra à Villeneuve en 1878.
James et Florentine ont trois enfants déclarés à Villeneuve sous le patronyme HARTLEY : Charles Victor (1831-1833), James Victor (1833-1837) et Arabella Claire née en 1836 [3]. Une quatrième naissance a lieu à Fontainebleau en 1838, celle de Louise Florentine. Le couple James/Florentine qui était encore à Villeneuve lors du décès de James Victor en janvier 1837, demeure à Fontainebleau en avril 1838, mais revient ensuite dans l’Yonne car James meurt à Villeneuve le 28 novembre 1844. Lors du recensement de Villeneuve en 1851 Florentine RATIER veuve HARTLEY habite rue des Petits-Merciers et on lui attribue la nationalité belge. Avec elle demeure sa fille Florentine, 13 ans, désignée comme anglaise, et Charlotte HARTLEY [4], propriétaire, 82 ans, anglaise également. Environ dix ans plus tard Florentine et sa fille quitteront Villeneuve pour Château-Gontier (Mayenne). Le recensement de cette ville pour 1872 la désigne comme veuve du capitaine Hartley et enseignante en musique, alors qu’en 1830 elle se déclarait marchande libraire. C’est à Château-Gontier que Florentine RATIER meurt le 31 mars 1884, âgée de 81 ans. Comme sa mère, Louise Florentine est professeur de musique, et en particulier de piano. Elle est l’auteur d’un poème dramatique en quatre actes « Sainte Marie-Magdeleine » et de la musique qui l’accompagne. Cette œuvre reçoit l’approbation de l’évêque de Laval.
Louise Florentine CAMPBELL-HARTLEY meurt à Château-Gontier le 26 mai 1897, célibataire.
Restent deux questions dont on aimerait trouver la réponse :
Pourquoi Sébastien Victor RATIER, d’une ancienne famille villeneuvienne (il est le fils de Charles Antoine RATIER marié en 1758 à Anne BORDA ; il a un frère prêtre, Edme Antoine né en 1773, mort en 1821)… pourquoi a-t-il séjourné à Liège dans les dernières années du XVIIIe siècle et les premières années du XIXe ?
Pourquoi l’officier anglais James CAMPBELL-HARTLEY est-il venu en 1830 fonder une famille à Villeneuve-sur-Yonne [5] ?
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Dernière représentante de la famille Hartley : Florentine
Mlle Florentine CAMPBELL-HARTLEY
Ce matin, une nombreuse assistance, dans laquelle nous avons remarqué les élèves des Ursulines portant des fleurs et des couronnes, les orphelines de Saint-Vincent-de-Paul, une délégation de l’Union Musicale, son président M. Sourdrille, et son chef M. de Schepper, etc., a conduit au champ du repos le corps de Mlle Florentine Campbell-Hartley, décédée mercredi soir, âgée de 58 ans, après une longue et douloureuse maladie.
Descendant d’une illustre famille d’Angleterre dont elle était le dernier représentant, Mlle Hartley comptait d’illustres ancêtres du même nom. Son grand-oncle, David Hartley, fut ministre plénipotentiaire de Georges III, roi d’Angleterre, et, en cette qualité, signa le traité de Versailles (3 septembre 1783), assurant l’indépendance des Etats-Unis. Son grand-père fut général de l’armée anglaise et prit part à différentes expéditions qui lui valurent la médaille d’honneur. Enfin, son père, sir James Hartley, reçut une récompense pour s’être signalé, à l’âge de 18 ans, à la bataille de Waterloo, enlevant des drapeaux à l’ennemi, et, pour ce fait d’armes, reçut le brevet de capitaine.
Après avoir passé ses années d’enfance à Villeneuve-sur-Yonne, Mlle Hartley vint avec sa mère, il y a trente-six ans, s’établir à Château-Gontier, où elle ne tarda pas à se faire une situation honorable et à conquérir l’estime de tous ceux qui l’ont connue.
Douée d’une rare intelligence, d’un grand cœur et d’une grande facilité, son talent s’exerçait avec grâce et succès sur tous les sujets, même les plus ingrats, tant en littérature qu’en musique. Sa brillante imagination, soutenue par une solide instruction, semblait se jouer des exigences de la poésie et de la versification, qui n’avaient aucun secret pour elle. Tout le monde a connu et apprécié la valeur musicale de celle qui fut pendant de longues années organiste à Saint-Jean et à la Trinité.
Il n’est pas de pensionnat ou de communauté, à Château-Gontier, qui n’ait eu à se féliciter d’avoir fait appel à l’obligeance toujours empressée de sa riche et facile composition. Son poème de Marie-Magdeleine, dédié aux élèves des Ursulines, auxquelles elle consacra son dévouement et son talent pendant trente-six ans, sa pièce de Saint-Louis-de-Gonzague, dédiée aux élèves de Saint-Michel, ainsi qu’une foule d’autres œuvres remarquables, lui valurent les éloges des maîtres les plus consommés.
Sur la tombe de cette femme de bien, qui emporte avec elle un nom illustre mais nous laisse le souvenir d’une belle intelligence et de grandes vertus, nous déposons respectueusement l’hommage de nos vifs regrets, car elle a beaucoup travaillé pour la cause du bien et de la religion.