- Montmerle
Les origines
Les foires de Montmerle (il y en avait au moins quatre) étaient les plus réputées au Moyen Age. Il y en avait une le huit décembre, une le deux février, une le vingt cinq mars et une le neuf septembre. Cette dernière, dont voici le récit, durait un mois complet de réjouissances et de transactions commerciales. Son essor s’accrut sous Henri IV.
Le village au bord de Saône est dominé par un coteau verdoyant. Point de repère pour la navigation fluviale, sa chapelle et sa tour se dressent à l’emplacement d’un château aujourd’hui disparu. Ce dernier a monté la garde entre Royaume et Empire pendant plusieurs siècles. Une légende veut que des mariniers de la Saône aient trouvé en 1192 une Vierge de bronze (en réalité elle est en bois) dans les eaux de la rivière. Cachés par eux d’abord dans l’ile voisine, puis transportée dans l’église paroissiale Saint Nicolas, la Vierge aurait fait comprendre aux gens qu’elle voulait une chapelle. L’édifice érigé fut baptisé « Notre Dame du Bon Secours » puis plus communément « Notre Dame des Minimes ». La statue est installée au sein de celle-ci. Mais en réalité cette chapelle, on doit l’attribuer à Guichard l’Enchainé, Comte de Mâcon, qui détenait alors la seigneurie de Montmerle. C’est à cette période que les pèlerinages commencèrent et avec eux les foires de Montmerle.
Avant et pendant le XVIIe siècle, les éléments attestant l’existence de celles-ci sont rares. Les abbés et les seigneurs du Moyen âge favorisaient autant qu’ils le pouvaient les réunions commerciales pour l’échange des produits et des bestiaux de leur domaine. Pour cela ils abaissaient ou supprimaient certains jours leurs droits seigneuriaux sur le péage des routes, la navigation et le passage des fleuves. Ces jours privilégiés coïncidaient avec les fêtes religieuses et les pèlerinages. Les foules étaient alors attirées par la piété et les affaires. C’est ce qui s’est passé à Montmerle.
En décembre 1605, François de Bourbon, souverain des Dombes et Seigneur de Montmerle, probablement sollicité par les religieux Minimes ; dont le couvent venait d’être fondé au mois d’aout pour desservir la chapelle seigneuriale ; confirma par décret les privilèges accordé à la foire du 8 septembre. Déjà auparavant, « Notre Dame du Bon Secours » était devenue l’occasion d’une espèce de foire où des romanichels s’échangeaient ou vendaient des chevaux. Pendant ce temps, leurs compagnes, les non-voyants, les handicapés et autres malheureux demandaient l’aumône au pèlerinage, alors très populeux.
- Notre Dame des Minimes
L’édit de François de Bourbon changea beaucoup de choses. Il abaissa donc les droits seigneuriaux sur le bétail, les chevaux en particulier, sur l’or et les autres métaux qui seraient amenés à Montmerle pendant 21 jours à partir de la fête de Notre Dame du 8 septembre. Ces droits étant abaissés pendant la foire, vendeurs et acheteurs affluèrent de toutes les provinces environnantes. L’essor de la foire de Montmerle allait commencer. L’année 1605 est donc retenue comme date de référence pour cette foire qui en réalité est beaucoup plus ancienne.
A cette époque, les chevaux et le bétail deviennent l’activité commerciale principale. Mais on y vend aussi des petits objets pieux, des bijoux, des fournitures d’articles de vente courante et des produits comestibles. Durant trois siècles la vannerie (jusqu’en 1914) y trouve une grande place. Au fil des décennies, la chaudronnerie et la ferronnerie commune ou d’art se développent. Puis s’ajouteront la draperie, la literie, les cordages, les cuirs, etc …
C’est à partir de 1820 que la croissance de la foire s’accélère, l’élevage des chevaux ayant pris un grand développement dans la région. Montmerle fut naturellement indiqué pour cet important commerce. Le 9 septembre fut le jour le plus brillant pour la vente des chevaux.
Accès à la Foire : Les communications
Avant le XVIIIe siècle, au niveau routier, Montmerle est mal desservi. Le village situé sur la rive gauche de la Saône est excentré par rapport à l’axe Pont de Vaux-Trévoux (parallèle à l’axe Mâcon- Lyon).
- Carte de Cassini
Situation géographique de Montmerle : A l’Ouest : Le Beaujolais. Au Nord Ouest : Le Mâconnais. Au Nord Est : La Bresse. A l’Est : les Dombes.Villes environnantes : Lyon (Rhône)-Villefranche sur Saône (Rhône)-Mâcon (Saône et Loire)-Bourg en Bresse (Ain)
1658 : Sur la rive gauche de la Saône, il y a bien un coche d’eau qui relie Lyon à Chalon en deux jours, mais il n’y a qu’un seul arrêt à Macon.
1765 : L’organisation territoriale des Provinces de Bresse Dombes nous apprend que tous les jours la diligence d’eau de Trévoux largue les amarres à 7 heures. Elle s’arrête à Montmerle pour diner et arrive à Thoissey à 16 heures. Quant au coche d’eau de Chalon sur Saône, il couche à Montmerle.
1791 : Selon l’almanach de Lyon, le tarif des diligences d’eau de Lyon à Chalon est de douze sous par lieue (pour chaque place et sans nourriture).
1800 : Sur la Saône à Montmerle, les marchandises sont transportées sur des bateaux, les « savoyardes » aux flancs évasées et sur les « cadoles » longues de trente à quarante mètres. Un bac à traille fait la traversée Vers 1806, le port proprement dit n’existe pas encore.
1817 : Après de multiples sollicitations, une déviation routière est établie rendant l’accès au village plus aisé.
1826 : Les premiers bateaux à vapeur à roues à aubes font leurs apparitions. Chargés de voyageurs ou de marchandises, ils furent surnommés les « ronflardes » (La Lyonnaise, La Chalonnaise, La Mâconnaise) en raison du bruit qu’elles faisaient. La compagnie des gondoles à vapeur effectue le trajet Lyon Chalon tous les deux jours (jusqu’en 1843).
1834 : La construction d’un pont suspendu en bois voit le jour facilitant l’accès pour les gens du Beaujolais. L’aménagement des premiers quais améliore le déchargement des marchandises. C’est aussi à cette période que commence le dragage de la Saône qui va augmenter le tirant d’eau des bateaux.
1835 : Les quais se développent en amont et en aval. Ombragés et commodes, ils donnent au village son charme actuel. Avec la vapeur, les diligences d’eau tirées par des chevaux et spécialisées dans le transport de voyageurs, se raréfient.
1836 : Les rues ressemblent par endroits à des basse cours de ferme. Les bourbiers fangeux ne sont pas rares. Imaginons, ne serait ce qu’un instant, l’effervescence de la foire par temps de pluie. Les rues dépourvues d’égouts sont boueuses et jonchées d’excréments et d’ordures ménagères. Les odeurs sont sans doute fort désagréables. Cette année là, le pavage des rues avec de gros cailloux fut une grande amélioration, comprise et désirée.
1848 : Vu le développement de la foire, des quais supplémentaire sont aménagés sur le bord de la Saône.
- Arrivée du Parisien
1850 : Les bateaux à vapeur qui naviguent sur la Saône sont beaucoup plus nombreux. Ils sont dix sept à transporter des voyageurs et neuf pour les marchandises. Tous ne font pas halte à Montmerle. Avec ses roues à aubes « Le Parisien N°2 » le plus puissant assure le transport de 400 passagers, un jour dans un sens , un jour dans l’autre. Transformé, il assure par la suite le transport de cent personnes et de dix sept tonnes de marchandises entre Mâcon et Lyon avec plus de quinze arrêts intermédiaires dont un à Montmerle (jusqu’en 1914).
1897 : Le conseil municipal délibère, pour une cause d’utilité publique, l’agrandissement du champ de foire et l’expropriation des parcelles de Benoit Payrat. Cela a sans doute un rapport avec le projet ferroviaire.
- Le Tacot
1898 : Le long de la Saône, une petite ligne de chemin de fer reliant Trévoux (Ain) à Saint Trivier de Courtes (Ain) voit le jour. Le passage de cette voie ferrée empiète sur le grand champ de foire qui se trouve ainsi rétréci. Le tramway (dit Tacot) traverse tout le village jusqu’en 1932. Bizarrement, à une certaine période, les tarifs à destination de Montmerle augmentaient du 5 au 25 septembre.
Tous ces aménagements ont contribué à faire de la foire de Montmerle un centre important de commerces et d’échanges.
Vingt et un jours, un mois, quinze jours (1760) (1851), huit jours (1865), quatre jours puis un et maintenant trois jours, la durée de la foire a variée au cours des siècles et des décennies, mais elle perdure !
Au milieu du XIXe siècle, chaque année, la foire recevait entre deux cents mille et trois cent mille visiteurs. Ces chiffres sont extrapolés de la comptabilité des « vapeurs » à aubes apparus sur la Saône en 1825, des ponts à péage de Belleville sur Saône (1832) et Montmerle (1835) et enfin du décompte approximatif des voitures et piétons arrivant par la rive gauche. La presse parla de cinq cent mille personnes en 1864, chiffre peu vérifiable. En tout cas , il s’échangeait une moyenne de trois mille chevaux sans parler des bovins et des porcins.
A suivre...