Introduction
« Aux premiers jours de la Révolution, l’armée comme la nation fut touchée par la fermentation générale. Une sourde agitation s’empare de la masse longtemps muette des soldats ; les bas officiers, pleins d’une amertume trop souvent contenue, se tournent résolument vers le Tiers-État... Dès la période qui précède la convocation des États généraux, les troubles se multiplièrent, et les actes d’insubordination (aussi)... Au début juillet 1789, le conflit devint aigu entre la Cour et l’Assemblée constituante ; le roi massa autour de Paris et de Versailles de nombreux régiments de ligne, principalement des mercenaires étrangers... Mais ce fut la force populaire qui entraîna la victoire. » [1].
Après la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, l’Assemblée impose le même uniforme à tous les gardes nationaux. Ils doivent s’habiller et s’équiper à leurs frais.
- Page extraite de l’édition originale de L’Album du Centenaire : Grands hommes et Grands faits de la Révolutions Française (1789-1804), Paris, Ancienne librairie Furne Combet & Cie, éditeurs, 1889.
Seuls les « citoyens actifs » peuvent être gardes nationaux : c’est-à-dire payant une contribution directe égale à la valeur de trois journées de travail.
« La loi du 29 septembre 1791 organisa définitivement la Garde Nationale. Les « citoyens actifs », domiciliés depuis un an, constituaient cette force armée. Elle devait être organisée par cantons et par districts... Les « citoyens actifs » groupés en compagnies (quatre compagnies par bataillon) éliront au scrutin secret leur capitaine, leur lieutenant et deux sous-lieutenants. Officiers et sous-officiers seront élus pour un an et ne pourront être réélus qu’après avoir été soldats pendant une année... Le décret de l’Assemblée constituante assignait comme tâche essentielle à la Garde Nationale « de rétablir l’ordre et de maintenir l’obéissance aux lois, conformément aux décrets. » [2].
Élection des états-majors
Le nouveau département de l’Isère est divisé en quatre districts : Grenoble, Vienne, Saint-Marcellin, La Tour-du-Pin [3]. Le district de Vienne compte 21 cantons. Nous prendrons l’exemple du 17e canton ; celui d’Auberives, comprenant les paroisses d’Auberives, Saint-Prim, Cheyssieu, Clonas, St-Alban-du-Rhône Saint-Clair-du-Rhône, Vernioz et Saint-Alban-de-Varèze [4].
Extrait du procès-verbal des « citoyens actifs » composant la Garde Nationale du canton d’Auberives [5] :
« Du dimanche vingt deux juillet mil sept cent quatre vingt douze (22 juillet 1792) l’an quatre de la liberté française, les citoyens actifs composants la Garde Nationale du Canton d’Auberrive se sont assemblés en-suite des ordres du Directoire du District de Vienne pour, aux termes de la loy du quatorze octobre 1791, élire les officiers des compagnies dont l’état et la formation ont été arrêtés par les municipalités d’Auberrive, St Clair, Vergnioz composant le susdit Canton d’Auberrive. »
« Dans la salle ou se tiennent les assemblées de la commune d’Auberrive, ce jourd’huy a six heures du mattin, pardevant nous François Dupuy, maire d’Auberrive, reconnu pour le plus ancien d’âge pour présider laditte assemblée..., assisté de la personne du Sieur Claude Antoine Joseph Ginet, homme de loy, citoyen de Clonas... commissaire pour accellerer la dite opération et nomination... Mr Ginet a observé que le décret du 14 8bre (14 octobre 1791) oblige les citoyens à se réunir par compagnie pour élire, au scrutin individuel et à la pluralité des suffrages, quatre officiers dont un capitaine, un lieutenant et deux sous-lieutenants par compagnie ; et à la pluralité relative deux sergents et quatre caporaux. »
« Il a encore été observé que par la délibération des communes du canton du vingt neuf may dernier, approuvée par le Directoire le deux juillet courant, il avait été fixé que les compagnies seraient composées le plus également :
- que les parroisses d’Auberrive et Clonas en formeraient une ;
- les parroisses de Chessieu et Saint Prim une autre ;
- celle de Saint Clair une autre ;
- et celle de Vergnioz, Saint Alban de Varaize et Vitrieux, une autre.
Il a invite les citoyens à s’occupper de suite de laditte nomination. Les citoyens assemblée ont élus pour scrutateurs les personnes de sieur Jean-François Pétrequin, citoyen d’Auberrive, Sieur Fleuris Viallet, curé de St Prim et Sieur Jean-François Labbé du lieu d’Auberrive ».
Après l’appel nominal pour chaque compagnie, l’élection des officiers débute, compagnie par compagnie : Auberives et Clonas ; Cheyssieu et St-Prim, St-Alban¬du-Rhône... Vient le tour de la compagnie de la Garde Nationale de Saint-Clair-du-Rhône ; puis celle de Vernioz et St-Alban-de-Varèze.
« De suitte, cette nomination faitte, les mêmes citoyens et compagnies ont procédés à celles des sergents et caporaux au scrutin individuel... ».
Le mercredi matin, c’est la nomination de l’État-Major du canton :
« Du Mercredy vingt cinq juillet l’an mil sept cent quatre vingt douze et le quatriéme de la Liberté... Messieurs les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants et sergents des compagnies composant la Garde Nationale du canton d’Auberives se sont assemblés audit lieu et dans la salle de la commune pour procéder à l’élection de l’Etat-Major... »
Noms des officiers et sergents
- Compagnie d’Auberives et Clonas : « Sieur Claude Cloppet, capitaine ; Sébastien Joly, lieutenant ; Louis Pallandre ,sous-lieutenant et Pierre Dagny de Clonas, sergent ».
- Compagnie de Saint-Clair : « Capitaine Sieur Pierre Chauvet ; Lieutenant Sieur Joseph Vallin ; Sous-Lieutenants Sr Antoine Chevallier et Etienne Olagnion ; Les Sergents Charles Bargeon et Pierre Brunel. »
- Compagnie de St-Alban-du-Rhône : « Lieutenant Jean Baptiste Odier ; Sergent Pierre Gerbert.
- Compagnie de St-Prim et Cheyssieu : « Capitaine Jean Jury ; lieutenant Joseph Cadier ; Sous-lieutenants Jean Traynard et Joseph Dutrievoz ; Sergents Pierre Gayvallet et Pierre Cadier. »
- Compagnie de Vernioz et St-Alban-de-Varèze : « la personne de Joseph Dutourd Capitaine ; Pierre Joseph Traynard lieutenant ; Jean-Baptiste Hay et Jean-Pierre Rivoire sous-lieutenants ; Benoit Bonnetton, sergent. »
Le Sieur Claude Cloppet, doyen d’âge, est nommé Président. Le commissaire Ginet déclare qu’un demi-bataillon doit être composé de trois à cinq compagnies. La Garde Nationale du canton d’Auberives doit donc former un demi-bataillon. Pour cela, il faut nommer un Commandant en chef, un Commandant en second et un Adjudant.
Pierre Chauvet, Jean Jury et Etienne Olagnon sont scrutateurs.
« Le scrutin ouvert et dépouillé, il s’est trouvé vingt deux billets. Monsieur Louis Boudin, citoyen, résidant à Saint Clair a réuny douze voix, ce qui lui ayant donné la pluralité absolue, il a été proclamé Commandant en chef... »
Jean François Pétrequin est élu Commandant en second (17 bulletins sur 22) ; Jean Tesseyre est élu Adjudant (22 voix sur 22 bulletins).
Ainsi que le note Albert Soboul, « l’élection des officiers et sous-officiers souligne le caractère civique de la garde. Le service, peu important - deux à trois semaines par an, au total - est gratuit : il ne peut être assuré que par des citoyens disposant de loisirs ou par des artisans ou commerçants dont les compagnons ou les commis gardent les boutiques. »
Les volontaires nationaux
Sous la pression des événements révolutionnaires, la Garde Nationale devient une véritable « armée citoyenne ». Après la fuite du roi à Varennes le 21 juin 1791, mais plus encore après la chute de la royauté, le 10 août 1792, l’Assemblée mobilise partout les Gardes nationaux, rejoints par les citoyens « passifs ».
« Au moment même de Varennes, la Constituante ordonna la levée de cent mille hommes qui seraient pris dans la Garde nationale : ces volontaires allaient former le noyau de l’armée nouvelle, et la Garde nationale donner naissance à l’armée nationale. » [6].
Cet élan politique est soutenu par la population : « M. Bouvier, vicaire du village d’Anjou, a fait don d’une somme de 300 livres aux volontaires nationaux qui marchent à la défense des frontières. »
Et le rédacteur des "Affiches Patriotiques du district de Vienne" précise bien « combien ce procédé généreux ne doit il pas faire rougir quelques opulents égoïstes de nos jours ! » [7].
« A la séance des Amis de la Constitution du 17 de ce mois (d’août) Mr Veuillet, curé de Roche, a déposé entre les mains de Mr Pioct, maire, qui remplissait les fonctions de Président, un assignat de 200 livres pour être employé à la solde des gardes nationaux de ce département qui doivent aller défendre nos frontières. Quel exemple ! O. tempora ! O. Mores ! » [8].
On apprend par le journal du 30 novembre que « le bataillon du district de Vienne est formé et doit se rendre à Grenoble. MM. Bonin-Desrives et Guillermin notaire, citoyens de Vienne sont les deux lieutenants-colonels du bataillon ».
Un mois plus tard : « le jour du départ du bataillon est fixé au lundi 5 de ce mois (décembre) »
La grande histoire des Volontaires Nationaux commence avec la déclaration de guerre et la levée en masse. Mais cela fera l’objet d’un autre chapitre.