Vengeance d’amoureux
" Le Petit Journal" du 24 septembre 1898
Nous sommes en pleine série de drames passionnels.
Il y a quelques jours, boulevard Beaumarchais, un jeune homme épris d’une paysanne débarquée depuis peu à Paris tentait de l’assassiner, puis se donnait la mort. Hier, un crime accompli dans des circonstances identiques a été commis rue Sainte-Anne, dans le quartier Gaillon.
- "La Liberté" du 8 février 1899
Une femme volage
Le meurtrier se nomme Jules Guerman et est âgé de dix-huit ans. Il habite avec sa grand mère, à Belleville, rue Julien-Lacroix.
Entré comme apprenti à l’âge de douze ans, chez. M.Busson, fabricant de bijouterie, rue Sainte-Anne, n° 63, il s’y montra travailleur, assidu et docile. Aussi, M. Busson le garda-t-il chez lui comme ouvrier.
II y a huit mois environ entrait chez ses patrons, qui ont leur appartement contigu à leurs ateliers, une bonne d’allure avenante, Clémentine Foucher, âgée de vingt-trois ans, née aux environs de Laval (Mayenne). Jules Guerman s’éprit de la belle fille qui, de son côté, ne sut résister au charme des jeunes années de l’ouvrier parisien. Des relations s’établirent entre eux.
Pendant que la passion allait grandissant chez le jeune homme, Clémentine Foucher, au contraire, faisait tout pour l’éloigner, désirant rompre des relations qu’elle jugeait dangereuses.
Elle trouvait Guerman trop jeune, pas assez sérieux, et le service militaire qu’il devait faire dans quelques années était un obstacle à tout projet d’avenir.
L’ouvrier bijoutier répondait à la jeune bonne qu’il était disposé à l’épouser, qu’elle n’avait qu’à prendre patience. La servante ne voulut rien entendre. Bien résolue à cesser des relations qui lui pesaient, elle prévint ses maîtres qu’elle s’en irait de chez eux le 15 octobre pour retourner dans son pays, où ses parents lui proposaient de l’établir. Elle en avisa Guerman. Celui-ci se montra très affecté par cette nouvelle ; il devint sombre et tourmenté.
Tue-moi !
Avant-hier, à six heures du soir, il rencontra dans l’escalier de la maison son infidèle amie. Le jeune homme la supplia de renoncer à ses projets, lui dit de l’entendre une dernière fois et lui demanda un rendez vous pour le lendemain matin. Elle refusa, déclarant que sa détermination était bien prise et que tout ce qu’il dirait serait inutile. Il insista, mais elle resta inflexible.
"Prends garde, s’écria alors l’ouvrier, ne me pousse pas à bout car je te tuerais !"
Elle se mit à rire, puis tout à coup s’emportant, Clémentine Foucher lui dit :
- Eh bien ! tue-moi tout de suite, va !...
Jules Guerman baissa la tête et répondit, paraît-il :
- Je n’en ai pas le courage.
Cependant la bonne ne s’était pas trompée à l’accent du jeune homme quand il l’avait menacée de mort. Elle se tint sur ses gardes.
Hier matin, afin de ne pas le rencontrer, elle quitta sa chambre un peu plus tard et descendit chez le concierge prendre les journaux de son maître.
Guerman l’attendait :
Je veux une explication, dit-il, et je l’aurai. Ecoute -moi...
La domestiqua répliqua que l’endroit choisi, la cour de la maison, n’était pas propice à une conversation intime et elle lui donna rendez vous dans sa cuisine dont une porte s’ouvre directement sur l’escalier.
- Je t’ouvrirai, promit-elle.
Le drame
Quelques instants après, ayant besoin de sortir pour aller acheter du lait, la bonne appela l’apprenti de M.Besson et lui dit d’aller voir si Jules Guerman n’était pas dans l’escalier faisant le guet. Le gamin revint en disant qu’il n’avait vu personne.
Alors Clémentine Foucher ouvrit sa porte. Le jeune homme, qui était blotti dans le couloir, attendant le moment favorable, s’élança, repoussa la bonne dans la cuisine et ferma la porte derrière lui.
Presque aussitôt, deux coups de revolver tirés par l’ouvrier bijoutier sur la jeune femme éclatèrent. Clémentine Foucher, atteinte d’une balle dans le côté gauche, s’enfuit. Un troisième coup de feu l’atteignit dans le dos. La malheureuse traversa l’appartement et vint s’abattre dans l’atelier où étaient les ouvriers avec leur patron.
Sa camisole flambait à l’endroit où les balles l’avaient touchée. On lui arracha son vêtement et on transporta la blessée sur le lit de sa patronne.
A ce moment un autre coup de revolver retentit dans la direction de la cuisine. C’était Guerman qui, se faisant justice, s’était tiré une balle dans la poitrine. On donna des soins aux blessés pendant qu’on courait prévenir M. Péchard, commissaire de police qui vint accompagné du docteur Savaire.
Les blessés
La domestique dont l’état paraissait très grave et qui se croyait frappée à mort, demanda un prêtre auprès d’elle. Le vicaire de l’église Saint Roch fut appelé près de la jeune bonne que l’on transporta dans une voiture des ambulances urbaines à l’hôpital de la Charité, salle Petit.
La blessure de Jules Guerman ne présentait pas de gravité. La balle qui avait glissé sur le sternum a pu être extraite. Guerman a été transporté à l’hôpital de la Charité comme victime.
Il a été interrogé par M. Péchard, à qui il a raconté les diverses phases de son crime.
Dans l’après-midi, M. Boucart, juge d’instruction désigné par le parquet, accompagné du docteur Socquet, s’est rendu à l’hôpital et a reçu les déclarations du jeune homme et de Clémentine Foucher. Celle-ci ne semble pas être en danger de mort."
L’affaire aurait pu en rester là, mais pour une fois que j’avais du contenu à mettre dans la vie d’un de mes ancêtres, je n’allais pas m’en contenter. |
L’Amour au revolver
"Le Petit Journal" du 8 février 1899
"Un jeune homme de dix-neuf ans, nommé Jules-Emile Guerman, comparaissait hier devant le jury de la Seine, sous l’accusation de tentative de meurtre sur une demoiselle Clémentine Foucher, avec laquelle il avait vécu quelques mois.
Guerman avait été brusquement congédié, et il ne pouvait s’en consoler.
Le 22 septembre dernier, au cours d’une scène avec son ancienne compagne, il tira un coup de revolver sur celle-ci, puis tourna l’arme contre lui même.
Les deux jeunes gens furent transportés à l’hôpital. Ils en sont sortis guéris au bout de trois semaines.
Clémentine Foucher est venue demander, hier, aux jurés toute leur indulgence en faveur de celui qu’elle avait mis au désespoir.
Le jury a fait droit à cette prière, et après avoir entendu Me J. Lafon, l’avocat de Guerman, a rendu un verdict d’acquittement."
Le plus beau reste à venir...
J’ai retrouvé l’acte de mariage de Clémentine Foucher avec Jules-Emile Guerman le 30 mai 1903 à Paris 2e, sans doute alors que ce dernier allait terminer ses trois années de service militaire au 146e régiment d’infanterie de Toul .
Mais ce mariage a fait "long feu" si je puis dire, car le couple a divorcé le 2 mai 1910 à Paris. Guerman devait d’ailleurs décéder quelques temps plus tard, le 17 juillet 1913.
Clémentine Foucher s’était remariée à Paris 2e le 10 juillet 1913 avec Louis François Briard, soit une semaine avant le décès de Jules-Emile Guerman. Les deux événements sont-ils liés ?...
Je lance une bouteille à la mer pour savoir si Clémentine Foucher a eu une descendance, soit avec Jules-Emile, soit avec Louis François.
Merci à tous pour votre aide...
- Née le 14 juin 1874 à Launay Villiers 53410, fille de FOUCHER Noël François et MASSEAU Jeannne Marie Julienne.
- Mariée le 30 mai 1903 à PARIS 75002 avec GUERMAN Jules-Emile (1879-1913)
- Divorcée le 2 mai 1910 à PARIS 75002
- Mariée le 10 juillet 1913 à PARIS 75002 avec BRIARD Louis François.
- Décédée le 19 novembre 1948 à PARIS 75016