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Un voyage à Paris, en 1811, à pieds, depuis Yens situé au-dessus de la Ville de Morges (Suisse)

Le vendredi 11 juin 2021, par Hubert Chappuis

M. H. de la Harpe, de Yens, veut bien nous communiquer la relation d’un voyage que fit à Paris, en 1811, son grand-père, Charles Corneille de la Harpe, fils aîné du général Amédée de la Harpe. Bien que très simple de ton et sans prétentions aucunes, ce récit ne manquera pas d’intéresser la génération actuelle, pour laquelle les heures de trajet des express Lausanne-Paris semblent déjà bien longues (La Revue du dimanche – 21/28. 01./ 04/11.02.1912 édité à Lausanne).

Nous sommes partis le 18 mai 1811, avec mon voisin Valette, pour Paris, chacun un parapluie à la main et moi, sur le dos, un carnier dans lequel étaient quelques linges. Nous fûmes coucher ce jour-là à St-Laurent, joli bourg à deux lieues de Morez.

Mon camarade de voyage s’aperçut déjà là que ses pieds étaient délicats et commençaient à se blesser. Le lendemain, nous profitâmes de la charrette d’un paysan qui retournait une lieue plus loin que Sallins et qui se chargea très complaisamment de nous. Arrivés chez M. Ciccati le 19 au soir, nous le fîmes relever et en fûmes accueillis de la manière la plus gracieuse. Le 20, nous séjournâmes chez lui et en repartîmes le 21, à 4 heures du matin. Nous côtoyâmes un pays des plus riches, couverts de champs immenses, offrant des froments de toute beauté, des maïs, etc. Dans ce pays, la terre est si fertile que jamais on ne la laisse reposer chaque année elle enrichit le cultivateur d’une production différente aussi n’y voit-on point de prairies.

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Mont-sur-Vaudrey

Nous déjeunâmes Mont-sur-Vaudrey, à 3 heures de notre couchée et puis passâmes le pont de Passey qui traverse la Louve et auquel aboutit une belle avenue de peupliers qui conduit à Dole, jolie ville que je jugeai être à peu près de la grandeur de Lausanne et à laquelle on arrive par un pont de bois sur le Doubs. A droite, existent les restes d’un ancien pont de pierre, et à gauche, encore de chaque côté, trois arcades d’un superbe pont en pierre dont le milieu fut emporté en 1805.

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La forêt de chaux

A Dole commence la forêt impériale de Chaux, laquelle s’étend du côté de Besançon à 7 lieues de longueur sur 3 de largeur. Elle sert en grande partie à fournir les bois pour les salines d’Arc et de Sallins. Nous dînâmes à Dole. De l’autre côté de la ville, on monte un coteau dont les deux tiers sont plantés en vignes. Arrivés au sommet, nous découvrîmes la plus belle vue de plaine qu’il soit possible de contempler ; la vue de trois côtés n’est bornée que par l’horizon et présente un pays magnifique, semé de beaux villages.

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Auxonne, entrée de la ville par la route de Dôle

Nous couchâmes à Auxonne, à 3 lieues de Dôle, jolie petite ville entourée de murs et baignée du côté de Paris par la Saône. Il y a une école de génie et on fait remarquer que l’empereur Napoléon a séjourné comme officier et monté là sa première garde (il l’a fait descendre bien d’autres dès lors).

Nous partîmes le 22 par une voiture qui, pour 3 livres, nous conduisit en 4 heures à Dijon, distant de six lieues. Ce pays est mêlé de prairies dont une partie est souvent inondée par les eaux de la Saône. La route est plate et rehaussée près d’Auxonne par une forte jetée de terre pour éviter les eaux lorsqu’elles sont abondantes.

Arrivés à Dijon, nous échangeâmes nos passeports à la Préfecture, contre d’autres que nous fîmes signer à la mairie. La ville nous parût très jolie, de belles rues bien pavées et surtout très propres. Elle est environnée de fort belles promenades, d’une entre autres qui conduit à un beau parc, une demi-lieue de distance et où l’on va volontiers en carrosse.

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Une rue de Dijon

Nous vîmes jeter les fondements d’une salle de spectacle et, ce qui nous frappa, ce fût la hardiesse avec laquelle est élevée une flèche d’église qui, élancée une hauteur prodigieuse, semble ne tenir rien par son pied, qui est à jour.

Nous quittâmes Dijon après-midi, avec le regret de ne pouvoir le parcourir plus amplement. A une lieue de là, nous fûmes rattrapés par des paysans qui revenaient du marché et qui, pour une pièce de 10 sols, nous prirent sur leur charrette durant 3 lieues, ce qui nous fit grand plaisir, car il faisait très chaud. Nous vîmes travailler au rétablissement d’un canal entrepris par Louis XV et qui doit aller de Dijon à Auxerre.

On établissait des écluses en pierres de taille qui, nous dit-on, devaient coûter quarante mille francs chaque. Le pays commençait à devenir plus coupé, moins fertile et offrait cependant de temps à autre de charmants points de vue. Nous arrivâmes à 9 heures à Marcelois, petit hameau où nous fûmes loger chez le maréchal du lieu, qui nous donna pour notre souper ce qu’il avait, c’est-à-dire une omelette, du fromage et du vin, excellent pour boire avec les trois quarts d’eau lorsqu’on est bien altéré, puis il nous conduisit à sa forge où, durant la nuit, nous fûmes assaillis de rats et une multitude de punaises et autres insectes non ailés qui ne nous permirent pas de fermer l’œil. Nous crûmes nous en débarrasser en secouant nos draps et couvertures par la fenêtre et en nous logeant au milieu du plancher, mais ces maudites bêtes continuèrent nous charger avec une telle furie que nous remerciâmes Dieu de l’approche du jour, lequel nous fit distinguer un pauvre chat qu’on avait enfermé là, probablement pour tenir les rats en respect, mais qui, sentant la partie trop forte, s’était réfugié sur une poutre d’où il laissait l’ennemi en paisible jouissance du plain-pied et de son écuelle soupe.

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Environ de Vitteaux

Nous déguerpîmes donc au plus vite de ce vrai lieu d’enfer pour nous et fûmes déjeuner à Vittau-Villaine, petite ville à deux lieues de distance. Mon camarade, blessé aux pieds et fatigué de ses combats nocturnes, car c’est à lui qu’une douzaine de rats avaient livré l’assaut, se jeta dans la diligence qui passait et alla m’attendre à Avallon, en passant par Rouveret, petite ville. Je rencontrai un vieux chien courant de ma connaissance’ et, m’étant arrêté pour le caresser, une assez jolie femme m’aborda, m’invita à me rafraîchir chez elle et me parla chiens et chasse tout le temps que je mis à vider une bouteille de bière. Elle me témoigna le regret que son mari, grand amateur, voulait avoir de ne s’être pas rencontré à la maison.

Je marchai jusqu’à huit heures du soir, que j’arrivai absolument rendu de fatigue un village que je prenais pour être Avallon. On me dit qu’il en était distant d’une lieue et qu’il me fallait rétrograder parce que cette ville était hors de la droite route de Paris. J’étais tellement rassasié de la route et de la mauvaise nuit précédente, que malgré toute l’envie que j’avais de rejoindre mon compagnon ce jour-là, cela me fût impossible. Je me fis donner une bouteille de bière et un lit sur lequel je me jetai, ne pouvant manger. J’avais des frissons, puis une chaleur brûlante ; enfin je dormis fort peu et repartis le matin du 24 à trois heures.

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Une vieille rue d’Avallon

Je trouvai Valette qui dormait paisiblement à Avallon, fort jolie ville, dans une situation charmante. N’ayant pu trouver d’occasion, nous poursuivîmes notre route pied et vîmes, au moment de notre départ, le peuple courir vers l’hôpital pour voir un spectacle horrible deux malheureuses femmes avaient été mordues par un loup enragé et venaient d’être attaquées de cette terrible maladie. Elle se mettaient en lambeaux et dans l’état le plus affreux. Un enfant commençait aussi à donner des symptômes de rage. Plus de trente personnes, toutes femmes et enfants, avaient été blessées par le même animal. J’ai appris à mon retour qu’on avait été obligé de les faire tous mourir. Le loup fût tué par un jeune homme de 13 ans qui, armé d’un bâton ferré, attendit courageusement l’animal et le lui enfonçant dans la gorge, l’étendit mort ses pieds.

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Vermenton

D’Avallon à Auxerre il y a 10 lieues. Nous dînâmes à Vermenton, petite ville à moitié chemin. Nous arrivâmes St-Bry, 2 lieues d’Auxerre, où nous nous proposions de coucher, mais après avoir bu de la bière, mon camarade étant allé faire une inspection des lits, les trouva tellement farcis de punaises que nous nous remîmes en route, au grand regret de notre hôtesse et au nôtre, car nous étions bien fatigués et nous savions déjà qu’il nous fallait séjourner deux jours à Auxerre pour attendre le départ du coche, qui n’a lieu que les lundis et les vendredis. Nous nous étions joints entre Avallon et Vermenton à un jeune homme nommé Milleret, de Bonne-Ville, en Savoie, avocat, qui venait d’Italie se rendant à Paris accompagné d’un chien.

Cheminant à pied, nous vîmes bondir un chevreuil à trente pas qui, poursuivi par le chien, fit un demi-cercle autour de nous et nous laissa tout le temps de l’examiner, car il n’allait pas fort vite et tirait la langue. Cet aspect fit sur moi l’effet qu’il devait toujours faire sur un chasseur déterminé. Les perdrix devenaient abondantes et chaque soir j’en entendais des quantités se rappeler.

Arrivés enfin à Auxerre, nous fûmes loger sur le Quai, à l’Hôtel de la ville de Beaune, où nous avons été parfaitement et pas cher, ce qui est rare dans ce pays-là. pays-là. Le 25, nous fûmes nous baigner dans l’Yonne, qui charrie des eaux rien moins que limpides et qui n’est ni bien profonde ni rapide, puisqu’on la remonte la nage. Nous fîmes une lessive de notre linge et pantalons qui séchèrent durant le bain. Nous fîmes le tour de la ville par une belle promenade ombragée d’arbres et qui l’entoure de trois côtés, l’autre étant limité par la rivière. Elle est à peu près ronde, presque aussi grande que Genève, mais bien moins peuplée : c’ est un lieu de Préfecture. Nous fûmes le lendemain au spectacle, où jouaient des artistes passagers qui n’exécutaient pas mal mais le théâtre est très petit et l’orchestre des plus chétifs. Je remarquai la structure des plus gothiques de la cathédrale c’est un morceau vraiment remarquable par son air d’antiquité.

Le 27, à 7 heures du matin, nous nous embarquâmes sur le coche d’eau. Que Dieu soit en aide à tous ceux qui prendront cette voiture, soit par inadvertance, soit ne pouvant faire autrement. Le bâtiment est vaste, le centre couvert par le tillac est assez grand et garni de bancs. Il sert de table commune. Là sont debout, assis, couchés dessus et dessous les bancs, militaires, bourgeois, femmes, nourrices, enfants. Les uns chantent, d’autres rient, d’autres pleurent c’est un charivari de tous les diables. De petits cabinets, au nombre d’une dizaine, servent à ceux qui, un peu mieux vêtus, s’en emparent, mais on n’y est pas mieux que dans la grande salle. La voiture est on ne peut plus douce, mais de temps en temps les matelots dans leur manœuvre font faire au bâtiment des mouvements qui remuent les eaux fétides qui croupissent sous le plancher, lesquelles rendent alors une telle odeur qu’il n’y pas moyen d’y tenir. On peut se sauver sur le tillac, mais il ne faut pas qu’il fasse froid ou que le soleil darde trop fort, parce qu’alors on est gelé ou grillé. Le coche, quoique suivant le courant, est encore tiré par trois à quatre chevaux qui vont tantôt le pas tantôt le trot. On s’arrête assez souvent pour charger ou décharger des marchandises et alors le voyageur peut aller se rafraîchir.

La première nuit se passa sur le bateau au milieu de tout ce monde et d’un autre bien plus petit et duquel on ne peut se débarrasser qu’en changeant soigneusement de linge au débarquement. On parcourt un joli pays assez fertile une quantité de bourgs et de villes ornent les bords du fleuve, lequel se joint à la Seine à Montereau, distant d’environ 20 lieues d’Auxerre.

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Le port de Melun

Nous soupâmes à Melun, où nous eûmes assez de peine à trouver des lits propres dans lesquels nous goûtâmes un repos qui nous était bien nécessaire. Enfin, partis de là à 5 heures, nous arrivâmes à Paris le 29 mai, à 4 heures après-midi. Quittant notre grand St-Victor avec joie, nous débarquâmes près du Jardin des Plantes, à l’entrée de la ville et traversâmes celle-ci en partie pour nous rendre au logement de Louis, lequel ne nous ayant pas vu arriver à midi était allé avec M. Dumartheray, de Rolle, nouveau débarqué, à la Comédie. Ayant appris qu’il n’y avait point de lit disponible dans l’hôtel, nous fûmes chercher un gîte pour mes deux camarades qui se logèrent à celui des Etats-Unis, rue Gaillon, non loin de nous. Le lendemain, M. Milleret nous quitta pour aller rejoindre des connaissances qu’il avait en ville.

Nous voilà donc arrivés dans Paris et n’ayant plus qu’à voir cette capitale et en admirer les beautés. Je dis beautés en tous genres et je m’y entends. Notre première opération fût d’aller chez un marchand-tailleur, où nous achetâmes de quoi nous équiper, puis nous parcourûmes la ville. Je ne parlerai que des choses que j’ai vues et en abrégé, car pour en donner des détails, cela serait beaucoup trop long et au-dessus de mes connaissances ; d’ailleurs on peut le voir dans l’Itinéraire de Paris. Nous parcourûmes le palais des Tuileries, superbe jardin embelli de belles promenades et surtout de magnifiques statues en marbre et en bronze un Laocoon de ce dernier métal est fondu d’après celui des anciens, s’y fait remarquer, aussi bien que divers superbes groupes environnant des jets d’eau et deux statues équestres, l’une d’une renommée embouchant la trompette et l’autre d’un Mercure. On ne sait auquel de ces deux chefs-d’œuvre modernes donner la préférence.

Nous admirâmes le palais impérial, qui est en face du jardin. Au milieu d’une cour immense formée par les bâtiments, s’élève le superbe arc-de-triomphe construit d’après les ordres de l’empereur en l’honneur des armées victorieuses. L’édifice, qui est tout ce qu’on peut voir de beau en architecture et sculpture, est surmonté d’un char de Triomphe, de plomb doré, auquel sont attelés de front les quatre chevaux du soleil, fondus autrefois à Corinthe, transportés à Venise et ensuite à Paris. Deux statues en pied conduisent les chevaux. On est surpris que le char ne soit pas occupé par la statue du héros. L’édifice a surpassé de beaucoup en beauté l’idée que je m’en étais faite, mais je me l’étais figuré plus vaste.

En allant aux Tuileries, nous admirâmes, sur la place Vendôme, la belle colonne érigée par l’empereur en mémoire de la dernière guerre avec l’Autriche. Elle est construite d’après la colonne Trajane de Rome, et revêtue de bronze. C’est le canon pris sur l’ennemi qui a fourni le métal des bas-reliefs allant en spirale du bas en haut et représentant les divers faits qui ont eu lieu durant la campagne. On monte, moyennant un franc, par un escalier intérieur sur une plateforme qui couronne la colonne et d’où l’on découvre une partie de la ville de Paris. Le tout est surmonté de la statue de l’empereur tenant un globe et une petite Victoire.

Nous vîmes aussi le Louvre qu’on regratte à neuf, joignant d’un côté les Tuileries par une aile de bâtiment qui forme la galerie des tableaux ornée de tout ce que l’Italie, la Hollande et la France envoient de plus beau dans ce genre. Une nouvelle aile, parallèle à celle-ci et qu’on est occupé à construire, joindra de l’autre côté les deux palais et, en face de celle-ci, formera une cour d’un carré long, immense, qui se trouvera au centre et sera absolument entourée de palais. Plusieurs rues vont être démolies cet effet.

Ce qui étonne le voyageur, c’est cette multitude d’édifices publics, fontaines, marchés, etc., commencés et finis par l’empereur des quais de toute beauté sont achevés, tandis que d’autres s’élèvent. Des matériaux immenses et une foule d’ouvriers sont employés journellement à ces travaux qui donnent une idée du génie et des énormes ressources de la France. Nous avons vu plusieurs églises qui, chacune, ont leur mérite. La cathédrale n’a de bien remarquable que son étendue et sa vétusté.

Le Jardin des Plantes, vaste champ pour un botaniste, contient de belles promenades, la ménagerie où vous remarquez de beaux tigres, léopards, lions et lionnes, dont un, entre autres, est enfermé avec un petit chien qui aboie les spectateurs, tandis que le roi des animaux dort paisiblement au fond de sa loge. On voit une quantité d’autres animaux, oiseaux, singes, cerfs, etc. Le bel éléphant s’y fait distinguer, il est fort intelligent et très familier. Le cabinet d’histoire naturelle, vaste bâtiment au fond du jardin, offre aux curieux tout ce qu’ils peuvent désirer dans ce genre. La fontaine Dessaix, élevée aux frais d’une souscription, en mémoire de ce général, est un monument assez simple et qui ne répondit pas notre attente. L’empereur en fait élever une sur la place des Victoires au général Lannes.

Nous avons vu jouer, au Théâtre-Français, la tragédie des Templiers. Nous fûmes très satisfaits des acteurs, mais la foule des spectateurs et la chaleur suffocante nous ôtaient beaucoup de plaisir. Je fus surpris que le premier spectacle de France et du monde entier eût un aussi chétif édifice. Le théâtre de la Gaieté, où se distinguent Brunet et Tiercelin, me plût assez, celui de l’Opéra-Comique, beaucoup par le choix des pièces, la beauté des décorations et le talent des acteurs. Je m’ennuyai au Grand-Opéra, malgré la belle musique et la richesse des costumes plus de 200 acteurs et figurants parurent sur la scène. J’y vis donner Vestris. Les jeux gymniques, par M. Franconi, me plurent, quant à l’équitation, mais le principal spectacle consista en pantomimes jouées sur un théâtre, auxquelles ni moi, ni bien d’autres ne comprîmes rien du tout.

Dimanche juin, nous fûmes Versailles, distante de 4 lieues de poste de Paris. Le palais, vu du côté des jardins, est de toute beauté ; ses eaux qu’on ne fait jouer que tous les premiers dimanches du mois, embellissent le jardin, qui nous parut un séjour enchanté. On nous expliqua l’effet que doivent produire les grandes eaux qu’on ne lâche qu’une fois ou deux par an, ce qui doit être au-dessus de toute imagination. Nous vîmes le Trianon, pavillon construit par Louis XIV au bout du jardin, rétabli et orné par l’empereur. Nous admirâmes la richesse de l’ameublement et surtout de la chambre à coucher de l’impératrice, ainsi que les présents faits par l’empereur Alexandre, un tableau représentant l’empereur auprès du tombeau du grand Frédéric

Le palais de Versailles a 7 lieues de circonférence ; il en avait autrefois 14, et on nous dit que l’ empereur allait réunir ce qui en avait été démembré. Il commence à être repeuplé de cerfs. lièvres, etc. La ville de Versailles trente mille habitants.

Le 3 juin, nous fûmes voir le Péristyle du palais du Corps législatif, auquel on travaille intérieurement de superbes colonnes, des statues colossales, parmi lesquelles on distingue Sully, forment un superbe frontispice. Nous allâmes voir une pompe qui est mise en mouvement par la vapeur et à laquelle je ne compris pas grand’chose, quoiqu’un individu s’escrimât à nous l’expliquer. De là au Champ-de-Mars, vaste plaine entre la Seine et la ci-devant Ecole militaire.

L’Hôtel des Invalides, où nous fûmes ensuite, est un édifice élevé par Louis XIV et qui mérite à juste titre l’attention et l’éloge du voyageur. Son dôme, surtout, est magnifique ; on voit avec admiration et respect les deux beaux mausolées de Turenne et de Vauban, élevés en face l’un de l’autre et par les ordres de l’empereur. Une multitude de drapeaux pris sur les ennemis décorent tout le pourtour du temple, qui est vaste. On nous fit remarquer dans les cuisines deux marmites qui cuisent chacune douze quintaux de viande, deux tournebroches avec lesquels on rôtit onze quintaux, des grils sur lesquels on grille 500 harengs et ainsi de suite. Nous vîmes aux Invalides à peu près autant de jambes de bois que de chair.

Le Panthéon nous étonna par la beauté, le nombre et la grosseur des colonnes qui soutiennent le frontispice sur lequel est écrit en grands caractères : Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante. Une multitude d’ouvriers étaient occupés dans l’intérieur à rétablir l’édifice, qui avait cédé à divers endroits. Nous montâmes sur le dôme d’où l’on découvre toute la ville de Paris, coup-d’œil imposant. Par le moyen d’un serrurier compatriote et de notre connaissance, employé aux ouvrages de l’édifice, nous pûmes pénétrer sous les voûtes, où nous vîmes les tombeaux de Jean-Jacques Rousseau et de Voltaire, ainsi que les restes de différents sénateurs et généraux déposés dans des tombeaux en pierre, portant l’inscription de celui qui repose. Nous vîmes le modèle en bois du mausolée qui doit être érigé au maréchal Lannes. Il est assez difficile de pénétrer dans ce lieu, lequel doit être fermé tout le monde.

Les jardins du Luxembourg sont une des belles promenades de Paris ; un grand nombre de statues en marbre en forment un des beaux ornements. Le Palais, qui est très beau, a été donné, ainsi que le jardin, par l’empereur, au Sénat conservateur. Une galerie de tableaux de Rubens est à remarquer, pour les amateurs surtout. Dans cette galerie sont deux tableaux de David, peintre moderne, représentant l’un Brutus venant de condamner ses fils, et l’autre le serment des trois Horaces, qui fixèrent mon admiration mais rien ne me parut plus beau que le groupe en marbre de la nymphe Amalthée, avec sa chèvre, placé entre la galerie Rubens et celle de Vernet. Nouveau Pygmalion, je lui eusse offert mon hommage, comme je lui vouais mon admiration. La galerie Vernet est composée de superbes tableaux, représentant des sujets de marine, tels que différents ports de mer, combats navals, etc. Vernet passe juste titre pour le premier peintre dans ce genre. Un dernier coup-d’œil que je jetai sur ma belle nymphe en repassant devant elle, dut lui exprimer mes regrets de la quitter.

Le Palais-Royal, où nous avons été promener presque chaque jour en sortant du spectacle, offre le coup-d’œil le plus brillant. Les portiques sous lesquels on se promène volontiers, surtout en cas de mauvais temps, sont garnis dans tout le pourtour de boutiques sans nombre d’orfèvrerie, bijouterie, quincaillerie, verrerie, marchandes de modes, cafés, etc., et qui réfléchissant sur l’or, l’argent et les pierreries une quantité de lumières, frappent et éblouissent la vue. C’ est là, particulièrement, que l’amateur de beautés faciles trouve une ample collection de cette denrée, dont l’appât devient souvent dangereux. Plus présomptueux qu’Ulysse, je ne craignis point de m’exposer à la tentation de ces sirènes et fus dans un lieu de bal où on entre moyennement la finance d’un franc. Là, vers minuit, se rassemblent ces beautés qui prennent le plaisir de la danse. Je remarquai qu’elles ne gagnaient pas à être vues de près et quelles manquaient surtout de grâce. Trois grandes chambres, contiguës à la salle de bal, sont remplies de joueurs qui, tour à tour, deviennent victimes ou favoris de l’inconstante fortune. J’en vis sortir après avoir joué leur dernier écu, le désespoir empreint sur la figure. Cela me fit faire quelques réflexions sur l’horrible passion du jeu, et si j’avais un fils, je l’eusse conduit moi-même dans ce lieu pour lui donner une idée juste de l’horreur du vice.

Les boulevards qui séparent la ville de Paris et ses faubourgs sont une des intéressantes et en même temps des plus fréquentées promenades de Paris. Une foule de peuple circule chaque soir ; des marchands et des spectacles en tout genre abondent. C’est sur les boulevards où vous entrez dans les jardins Turc, Frascati, Jardin des princes, etc. Tous ces jardins sont bien illuminés et pleins d’une quantité de petits bosquets de verdure dans lesquels circulent et se rafraîchissent une quantité de beau monde des deux sexes. On ne paye rien pour y entrer.

Moyennant 3fr25 c., on entre chaque jeudi et dimanche à Tivoli, grand et beau jardin situé faubourg Chaussée-d’Antin. Ce jardin, d’une vaste étendue et fort bien illuminé, est rempli d’une foule de jeux de tous genres, spectacles, joueurs de gobelets, escarpolettes, grimaciers, orchestres, danseurs et danseuses, etc. Nous vîmes danser sur la corde madame Saqui et sa troupe. La première fit une ascension sur une corde tendue au milieu d’un très beau feu d’artifice et de pétards qui, se croisant tout autour d’elle, la faisaient paraître un ange descendant des cieux. Le jardin est ouvert les autres jours de la semaine pour un franc, mais alors on n’y donne pas de fête.

Nous fûmes aussi au bois de Boulogne, distant d’une lieue de la ville. Le chemin qui conduit borde les Champs-Elysées et traverse la place qui est au bout, nommée l’Etoile, laquelle correspond en droite ligne par le dit chemin, en traversant la place du Carrousel, avec l’avenue au milieu des Tuileries, la porte du centre du palais et l’Arc-de-Triomphe élevé au milieu de la cour et qu’on voit en face du portique aussi construit-on sur cette place de l’Etoile un arc-de-triomphe énorme, en l’honneur de l’empereur et de l’impératrice l’édifice est déjà élevé d’une trentaine de pieds.

Le bois de Boulogne n’offre rien de bien curieux, ni d’agréable ; c’est une promenade qui convient mieux aux voitures et aux cavaliers qu’aux gens de pied, et encore ces derniers sont-ils fort incommodés par la poussière. Trois larges chemins en patte d’oie divisent le bois.

Nous avons été visiter les Petits-Augustins, bâtiment où l’empereur s’est plu à réunir les tombeaux des anciens rois de France qui étaient ci-devant Saint-Denis et divers autres monuments de ce genre qui étaient répandus en divers lieux de l’empire. J’y remarquai, entre autres, les tombeaux de François Ier, ceux du cardinal Mazarin, Richelieu, Henri III. Les tombeaux de Berthe et des anciens rois de France sont remarquables par leur antiquité plutôt que par leur beauté, étant presque tous dans le même genre, tandis que les autres, beaucoup plus beaux, sont aussi très diversifiés dans un jardin contigu. On distingue parmi divers autres monuments ceux d’Abeilard et d’Héloïse, de Molière, etc.

Ces divers monuments sont très intéressants et très curieux à voir j’en fus des plus satisfaits

La Bibliothèque impériale ne nous offrit de curieux qu’une quantité prodigieuse de livres rassemblés, deux globes énormes, l’un représentant la mappemonde, l’autre les constellations, un parnasse en bronze couronné d’un Apollon, des neuf Sœurs et d’un Pégase, au faîte duquel quelques auteurs sont parvenus, mais dont un bien plus grand nombre s’est vu précipiter honteusement avant d’avoir pu seulement grimper la moitié, malgré leurs efforts acharnés.

Un cabinet d’antiquités termine la galerie ; on y voit l’armure de François Ier fait prisonnier à Pavie et que les Français ont rapportée de Milan dans ces dernières guerres ; des hiéroglyphes égyptiens, ainsi que des médailles, momies, etc. objets bien plus intéressants pour les savants que pour moi, qui n’y entends rien et qui ne pouvais qu’ouvrir de grands yeux.

Le Panorama, représentant la bataille de Wagram, est une rotonde recevant le jour par une ouverture pratiquée au haut de l’édifice. Ce tableau en tapisse le mur dans tout son contour. Ce pied en est couvert par un pavillon vert en forme de tente, ou plutôt de parasol. Le spectateur est au-dessus, tournant autour d’une colonne, sur une petite galerie ornée de balustrades et suit le tableau à mesure qu’un homme l’explique. Il a cent pieds de circonférence et trois cents pieds de surface. Le dessin et la manière surtout dont le jour est ménagé, rendent l’illusion complète. Les Gobelins si renommés sont assez connus par leurs ouvrages, uniques dans leur genre. Un tableau en pied de l’empereur nous parut devoir être tout ce qu’il est possible de faire dans cette espèce d’ouvrage.

L’empereur faisait réparer et arranger la salle du Musée des antiques et personne n’ y pouvait entrer. J’ai quitté Paris avec le grand regret de n’avoir pu voir une chose aussi intéressante.

Les papiers ont donné d’amples détails de la fête du baptême du roi de Rome. Je dirai seulement en passant que le cortège de Sa Majesté était vraiment superbe. Les régiments des lanciers polonais, lanciers hollandais, hussards de la garde, grenadiers à cheval, cuirassiers qui précédaient et fermaient la marche, étaient tout ce qu’on peut voir de plus beau et de plus brillant. Je distinguai fort bien l’empereur et l’impératrice une haie d’infanterie bordait le chemin des voitures et contenait la foule. Toute la journée se passa dans le plus grand ordre. Nous vîmes faire les distributions de vivres et de vin au peuple et les différents jeux et danses des Champs-Elysées, qui fourmillaient dans leur vaste enceinte d’une foule de spectateurs et acteurs. Des quantités d’orchestres étaient distribués et donnaient beau champ aux amateurs de la danse. Le feu d’artifice se tira le soir entre 9 et 10 heures il fut très beau. Le bouquet surtout, par lequel il se termina, était magnifique. L’illumination offrait de tous côtés un coup d’œil enchanteur. Le jardin et le palais des Tuileries étaient charmants ; la foule qui se promenait, prodigieuse. Le dôme du Panthéon paraissait tout en feu. Nous fûmes nous coucher après minuit, bien fatigués d’avoir été tout le jour sur nos jambes.

J’ai admiré dans Paris la quantité de belles et grandes rues qui s’y trouvent et qui sont très bien percées. Il est vrai que j’ai toujours parcouru les plus beaux quartiers de la ville. Le Pont d’Austerlitz construit sur la Seine près le Jardin des Plantes et tout en fer, fait un sujet d’admiration par sa structure et sa solidité. Les marchés étaient ci-devant très sales et encombrés de baraques en bois. L’empereur a fait déblayer tout cela et construire des couverts qui, supportés par de jolies colonnades en bois, offrent aux acheteurs et vendeurs un abri sûr et commode. Les marchés se font sentir de loin par une forte odeur de marée.

L’étranger est étonné de l’honnêteté des Parisiens et de leur empressement à lui indiquer la rue qu’il demande. J’ai remarqué en général et avec beaucoup de plaisir, tout du long de la route, l’affabilité et la politesse du peuple français, bien différent en cela de nos Suisses et aussi de leurs compatriotes les Provençaux et Languedociens.

A Paris, on vit tout différemment qu’ailleurs. On y déjeune à 11 heures et dîne à 5 et 6 heures, puis on va au spectacle ou ailleurs, et on ne soupe pas. Passé ces heures-là, vous ne trouvez rien chez les grands traiteurs. Là, le vin est fort cher pour en avoir du passable, il faut payer 30 sols, soit 10 batz.

Dans les rues il faut toujours être sur le qui-vive pour ne pas être écrasé par la quantité de voitures qui parcourent continuellement le pavé au grand trot et se croisent à chaque instant ; on voit assez fréquemment arriver des accidents causés par l’imprudence des cochers ou l’inattention du piéton.

Les livrées sont telles qu’étaient les anciennes. Voyez les derrières des équipages garnis de laquais en habits et chapeaux galonnés du haut en bas. Les cochers portent de petits chapeaux à trois cornes, celle de devant fort longue et pointue, la cocarde derrière ils sont du dernier ridicule.

J’ai assisté à une leçon que recevait le jeune Grivel, ci-devant sourd-muet et qui me fit le plus grand plaisir. Il me fut clairement démontré que le jeune homme avait recouvré une partie de l’ouïe et qu’il ne lui fallait plus que la perfectionner et apprendre la langue.

Durant quinze jours qu’a duré mon séjour Paris, j’y ai vu ce qu’il y a de plus curieux, mais j’aurais bien désiré pouvoir prolonger mon absence du pays, car il beaucoup de choses que j’eusse souhaité examiner plus en détail, d’autres que je n’ai pas vues du tout, et puis cette quantité d’objets différents qui avaient frappé mes sens dans un si court intervalle m’avaient comme étourdi, et je sentais dans ma tête une grande confusion. J’étais, durant mon séjour, comme dans un tourbillon continuel, et chaque matin j’avais bien de la peine débrouiller de ma cervelle ce que j’avais fait et vu la veille, aussi je suis sûr que je reverrais Paris avec plus de jouissance que la première fois.

J’en suis donc reparti avec regret, mais, d’un autre côté, avec impatience de revoir mes foyers. Le 11 juin 1811, à 3 heures après-midi, nous embrassâmes mon frère Louis et notre compatriote Dumartheray, qui nous étaient venus accompagner jusqu’à la porte de Charenton et qui devaient nous suivre le lendemain par la diligence. Nous nous acheminâmes, mon camarade Valette et moi, par la même voie qui nous avait conduits Paris, c’est-à-dire ad pedlibus apostolorum. Nous fûmes coucher à un petit bourg à six lieues de Paris. Le lendemain, déjeuner à Melun et dîner à Montereau. Là, mon compagnon se trouva si fatigué qu’il se décida à attendre la diligence et moi je gagnai Villeneuve-la-Guerre où elle devait stopper. J’y vis arriver effectivement mes trois pays, mon camarade Valette, huché triomphalement sur l’impériale et qui me signifia de suite qu’il se trouvait tellement bien dans sa voiture que voyagerait à pied qui voudrait, quant à lui il ne quitterait son trône qu’à bout de route. Après souper, nous nous souhaitâmes réciproquement un bon voyage, je fus me coucher et ces messieurs montèrent en voiture.

Le lendemain, je fus coucher à Auxerre, ayant rencontré deux pataches ou carrioles qui m’aidèrent bien à faire route. Le lendemain, je fus déjà à Vermanton, puis coucher à la Maison-Neuve, distante de 16 lieues. Le 15, je déjeunai à Vittau et couchai à Dijon. Là, je comptai que j’avais fait, dans quatre jours et quart, 80 ½ lieues de poste ou 67 lieues de pays. Je fus, le 16, déjeuner à Auxonne et coucher à Poligny (16 lieues) ; c’est la journée qui m’a le plus fatigué parce qu’il faisait une chaleur excessive et que je marchai dès 3 heures du matin à 10 heures du soir. Le 17, je déjeunai à Champagnole où j’arrivai très las. Malgré le mouvement de la marche, mes yeux se fermaient et je tombais de sommeil. Je voulus chanter mais, au premier couplet, la voix expira sur mes lèvres. Arrivé à Champagnole, je bus un verre de vin et fus me jeter sur un lit où je dormis profondément trois heures de temps. Cet heureux sommeil me rafraîchit complétement. Je dînai bien et vint gaîment coucher à Morez d’où je partis le 18 et arrivai heureusement à minuit dans Aubonne.

Je remarquerai que je suis venu de Paris dans sept jours et que j’ai compté 102 lieues de pays, mais pour faire cela, il ne faut pas beaucoup dormir et surtout bien marcher. De Villeneuve-la-Guerre à Maison-Neuve, il y a quarante lieues de poste et je les ai faites dans deux jours, n’ayant été dans cet intervalle que 3 heures de temps sur un lit.

J’ai fait en allant trois jours de halte, un chez M. Ciccati à Sallins et deux Auxerre en attendant le coche d’eau et où nous nous sommes bien traités. Malgré cela, je n’ai dépensé, tous frais compris jusqu’à Paris, que... (laissé en blanc).

Mon retour, qui a duré sept jours, m’a coûté, jusqu’à Aubonne 27 francs argent de Suisse ou 40 livres 10 sols argent de France.

Je suis parti de Suisse le 18 mai et ai été de retour le 18 juin, ce qui fait précisément un mois d’absence.

Charles Corneille de la Harpe

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