Certes un gisement de charbon, en ses prairies déjà résineuses, s’explique aisément : le pourtour du grand Massif Central fut constellé de ces mini-mines qui eurent leur période de prospérité, pendant la Révolution Industrielle soit de 1850 à 1950 environ.
Petit bassin, par ses tonnages ( 80 000 t au maximum en 1902 donc le 1/5 de Montceau à 50 km plus au nord et le 1/10 de St Etienne à 100 km plus au sud ). Petit par son personnel qui ne dépassa les 400 qu’entre 1900 et 1914. Petit par son village, La Chapelle-sous-Dun, qui n’atteignit jamais les 1500 habitants. Petit par ses forages modestes, par ses chevalements et encore plus petit par sa gare qui peut faire sourire : une gare de poupée !
Et pourtant, tout isolé qu’il fût, ce petit bassin connut un mouvement social, une vie syndicale qui peuvent être regardés avec intérêt et pourquoi pas, avec de l’admiration.
La grande grève de 1899
Tout débute par le licenciement trop expéditif de 2 machinistes qui refusent, achevant leur journée, de remplacer dans l’instant de la remontée, 2 fautifs qui viennent d’être eux-mêmes sanctionnés. Expéditif et injuste. C’en est trop ! Les ouvriers témoins, puis tous les autres, cessent le travail pour obtenir la réintégration des 2 punis. Réaction de solidarité à laquelle ils ajoutent des revendications syndicales latentes depuis quelques semaines.
Le Directeur du site, installé moins d’un an auparavant, n’accepte pas cette démarche qu’il juge provocatrice. Un double accident mortel avait eu lieu en 1897. Des grèves courtes avaient bien éclaté dans la dernière décennie... Les salaires pour modestes qu’ils fussent, restaient meilleurs que les seuls revenus agricoles des alentours... Donc, on pouvait penser qu’après le coup de colère, la situation redeviendrait calme, assez vite...
Le cahier de revendications tel que le publièrent les journaux locaux et que confirment les rapports de la gendarmerie de La Clayette -brigade voisine- s’établit en 5 paragraphes supplémentaires qui demandent une revalorisation salariale, une réduction d’horaires pour certains des emplois les plus pénibles, la suppression des amendes, le respect des spécialisations reconnues par le Directeur précédent - que beaucoup regrettent publiquement...
Nous sommes alors le 27 mars 1899 ; le premier incident a éclaté le 23 mars. " 326 grévistes reconnaît le procès-verbal, sur 326 concernés " !
Malgré l’intervention tout pacifique d’ailleurs, du Capitaine de Gendarmerie de Charolles et du Sous-Préfet lui-même, venus en médiateurs, rien n’y fit. Chaque camp resta sur ses positions.
Calmement mais fermement, chacun souhaitant faire plier l’autre, selon la formule " l’inaction et la prolongation du chômage seront la meilleure tactique " formule écrite par le Président du C.A. qui offrait alors, à son Directeur " un congé de 15 jours de repos "...Les manœuvres ne manquèrent pas pour discréditer le syndicat, voire pour le " provoquer ". Le 8 mai, la Compagnie ayant fait appel à des mineurs de St Etienne, la petite gare, puis le carreau des Moquets accueillirent avec une foule où les femmes étaient les plus bruyantes, les 23 ouvriers requis... A la vue de cette agitation, les 23 ne veulent pas " jouer les jaunes " ; ils repartent dès 16h, par la petite gare... Les 21 gendarmes mobilisés eurent bien du mal à " calmer l’émeute " parce que, tard dans la nuit, des groupes de manifestants agitaient de chants patriotiques puis subversifs les rues du village. Lequel connut encore, de tels débordements qui firent craindre le pire. La brigade parviendra à cacher les 50 kg de dynamite professionnelle, au fond d’un puits de peur que l’irréparable ne se produise.
Il faudra attendre le 17 juillet 1899 pour qu’un accord se fasse. 23 mars - 17 juillet soit 19 semaines, 117 jours !
Le bilan s’explique
Globalement positif si l’on songe aux 2 exclus réintégrés, si l’on retrouve le cahier de revendications, exaucé sur plusieurs points, si l’on tient compte de l’état des lieux " toujours respectés ", si l’on songe que le syndicat continua d’exercer sa fonction revendicative avec détermination et pondération. Une belle lucidité ! Le Maire qualifié de meneur, fut reconduit de longues années (43 ans !) à la tête de sa commune.
On peut s’étonner d’une telle aventure qui ne souffre que peu de reproches, en un lieu aussi isolé. Le syndicat, l’un des tout premiers de la région Bourgogne, devint CGT en 1919, même si des adhérents y étaient à titre individuel, bien avant cette date. La conscience collective de solidarité, lucide et active apparaît dès l793 ; on la perçoit en 1852, où pour répondre aux décrets sociaux, se crée la Caisse de Secours - reprise du secours mutuel de la 2° République. En 1895, la Caisse de Retraites et Pensions remplace la Caisse de Secours qui lui donne un actif de 32 000 F (soit 415 000 euros !) Autre exemple de cet esprit typique des zones minières : janvier1919, création de la Coopérative Alimentaire " L’Union " qui durera jusqu’en 1980 ! 1924, des mineurs syndiqués obtiennent de la Mairie, leur Maison du Peuple, le symbole d’une époque et d’un monde que l’usure du temps n’a pas encore réussi à effacer, car on peut la retrouver aisément au cœur du village de La Chapelle sous Dun, tout près de l’Ecole Publique.
Mais la seule solidarité ouvrière dut-elle avoir été exemplaire, ne saurait expliquer l’excessive durée de l’épreuve. Comment ces familles modestes ont-elles pu tenir ?
L’étude de la spécificité locale nous apporte le complément qui nous manque : ces mineurs sont souvent bi-actifs, paysans et ouvriers, les familles aussi, travail textile à la maison, distribué par Lyon le plus souvent (100 km au sud-est). Avec un événement qui tombait bien... Il existait une voie ferrée de Roanne qui avait creusé ici, un tunnel, pour atteindre La Clayette et filer sur Chalon sur Saône en 1889 (tunnel, surnommé fièrement Gothard, en l’honneur du record du monde de l’époque !). Or, en cette année 1899, on s’activait dur pour ouvrir la voie Lyon - Paray le Monial, dans le même défilé rocheux... Pas de tunnel à creuser cette fois-ci, mais plusieurs viaducs à bâtir... Le chantier ferroviaire offrit aux courageux, le manque à gagner qu’ils supportaient (en ces temps-là, la législation...). Enfin, on imagine aussi les journées forestières que ces travailleurs de force pouvaient assumer, en ces massifs de résineux.