Le « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers », publié en plusieurs éditions entre 1751 et 1780, décrit la préparation du chanvre :
La récolte
« Vers le commencement d’août, les pieds de chanvre... commencent à jaunir, à la cime et à blanchir par le pied ; ce qui indique qu’il est en état d’être arraché. Alors les femmes entrent dans la chenevière et tirent tous les pieds mâles dont elles font des poignées qu’elles arrangent au bord du champ ... On a soin que les brins qui forment une poignée soient à peu près d’une égale longueur et on les arrange de façon que toutes les racines soient égales. Enfin chaque poignée est liée avec un petit brin de chanvre.
On les expose ensuite au soleil pour faire sécher les feuilles et les fleurs, et quand elles sont bien sèches, on les fait tomber en frappant chaque poignée contre un tronc d’arbre ou contre un mur, et on joint plusieurs de ces poignées ensemble, pour former des bottes assez grosses qu’on porte au routoir. »
- Chènevière où des femmes et des enfants cueillent le chanvre (d’après La Maison rustique du sieur Ligier).
Le rouissage
« Le lieu qu’on appelle routoir, et où l’on donne au chanvre cette préparation qu’on appelle rouir, est une fosse de trois à quatre toises de largeur, et de trois ou quatre pieds de profondeur, remplie d’eau...
Pour rouir le chanvre, on l’arrange au fond de l’eau, on le couvre d’un peu de paille et on l’assujettit sous l’eau en le chargeant avec des morceaux de bois et des pierres... On le laisse en cet état jusqu’à ce que l’écorce qui doit fournir la filasse se détache aisément de la chenevotte qui est au milieu ; et quand elle s’en détache sans difficulté, on juge que le chanvre est assez roui, et on le tire du routoir."
Quand on a retiré le chanvre du routoir, on délie les bottes pour les faire sécher, on les étend au soleil le long d’un mur ou sur la berge d’un fossé, ou simplement à plat dans un endroit où il n’y ait point d’humidité. On a soin de les retourner de temps en temps, et quand le chanvre est bien sec, on le remet en bottes pour le porter à la maison, où on le conserve dans un lieu sec, jusqu’à ce qu’on veuille le tiller ou le broyer. »
- Les étapes du rouissage et du teillage du chanvre (d’après La Maison rustique du sieur Ligier).
Le teillage
"...La façon de tiller le chanvre est si simple, que les enfants y réussissent aussi bien que les grandes personnes. Elle consiste à prendre les brins de chanvre les uns après les autres, à rompre la chenevotte et à en détacher la filasse en la faisant couler entre les doigts... Ce travail parait un peu long, néanmoins comme il s’exécute dans des moments perdus, et par les enfants qui gardent les bestiaux, il n’est pas fort à charge aux familles nombreuses..."
L’espadage
« Le premier soin de ceux qui occupent l’atelier où nous entrons, celui des espadeurs, est de le débarrasser des petites parcelles de chenevottes qui y restent, ou des corps étrangers ; feuilles, herbes, poussière, et de séparer du principal brin l’étoupe la plus grossière... Rien n’est si propre à détacher les chenevottes du chanvre, à en ôter la terre, à en séparer les corps étrangers, que de le secouer et de le battre... Tous les ouvriers qui préparent le chanvre destiné à faire du fil pour de la toile... pilent leur chanvre, c’est-à-dire qu’ils le mettent dans des espèces de mortiers de bois, et qu’ils le battent avec de gros maillets. »
- Homme qui nettoie les brins de filasse en les tordant autour d’une cheville de bois. Femme qui nettoie et adoucit la filasse en la battant avec une espèce de couteau de bois, le long d’une planche montée debout sur un pied. Deux femmes qui sérancent au grand et petit séran (d’après La Maison rustique du sieur Ligier).
Le peignage
« Le chanvre a commencé à être un peu nettoyé, démêlé et affiné dans l’atelier des espadeurs... Les fibres longitudinales ont commencé à se désunir, mais elles ne sont pas entièrement séparées, la plupart tiennent encore les unes aux autres. Ce sont les dents des peignes qui doivent achever cette séparation, elles doivent comme l’on dit, "refendre" le chanvre. Mais elles feront plus, elles détacheront encore beaucoup de petites chenevottes qui y seront restées, elles achèveront de séparer tous les corps étrangers qui seront mêlés avec le chanvre... Ainsi, les peigneurs doivent perfectionner ce que les espadeurs ont ébauché ..."
"... Un peigneur peut préparer jusqu’à 80 livres de chanvre par jour... Il ne faut peigner le chanvre qu’à mesure qu’on en a besoin pour faire du fil ... on emploie des enfants à transporter les peignons à mesure qu’on les fait, de l’atelier des peigneurs à celui des fileurs ».
Ces tâches demandent bien du travail pour peu de filasse. Leur mécanisation à la fin du XVIIIe siècle fait disparaitre cette activité… et le revenu qu’en tire les paysans !