Geneviève Frontenil (Marie Geneviève Angélique Frontenil ou Frontigny ou Fronteny selon les actes ADN-ADM-ADC…) est née en 1777 à Chambry, petit village situé à quelques kilomètres au Nord de Meaux. Elle est à ce jour, la plus lointaine ancêtre identifiée de la lignée de mon épouse Geneviève Bachelard.
En effet, mariée vers 1808, avec Jean Baptiste Gaudin 1774, maçon à Mortcerf, (non loin de la Malmaison où est alors réfugiée Joséphine ex épouse de Napoléon 1er), sa fille Marie Reine Gaudin épousera en 1836 Nicolas Joseph Bachelard de qui descendra la lignée…
C’est en recevant de l’État civil de Meaux, la copie certifiée conforme de son acte de décès que nous nous sommes pris d’intérêt pour cette quadri aïeule au destin tragique.
- Note du 5/02/2012 : Après lecture de tous les ADC, il apparaît que le transcripteur s’est trompé sur la signification du mot « seise » qui, pour le rédacteur de l’acte correspondait à « sise » autrement dit « située ». Cette découverte n’ayant pas d’incidence sur notre étude, nous n’avons rien changé à ce texte.
En effet, les circonstances étranges de sa mort (décédée d’un coup de canon !?), sa présence à Meaux (où elle s’était retirée !?), la date particulière de ce décès, en pleine campagne de France (les alliés austro-russes sont aux portes de Meaux), tout cela suscitaient des interrogations sur sa situation particulière : Était-elle avec sa fille Marie Reine âgée de six ans ? Était-elle retirée ? ou réfugiée ? devant l’avance des envahisseurs (cosaques) ! Avait-elle quitté le domicile conjugal de Dammartin sous Tigeaux ? Voulait-elle rejoindre Chambry, son village natal, alors en pleine bataille de la Marne ?
Sauf à découvrir quelque chronique meldoise sur la vie populaire durant ces trois mois qui virent la chute de l’Empire, nous n’aurons sans doute jamais réponse à ces questions.
Nous pensions en savoir plus en nous rendant sur place et retrouver au moins ce "16 rue Cornillon et peut-être ce mystérieux "Canton des Saints Pères" où "l’ennemy bivacquait…" (sic).
Comme il était prévisible, notre voyage, bien qu’intéressant sur le plan touristique, fut peu productif de réponses à nos questions. Si nous retrouvâmes la rue Cornillon devenue une large avenue à grande circulation, l’emplacement de ce qui fut le n° 16 (??), est maintenant occupé par un gigantesque centre socio-culturel qui succéda aux grandes casernes du XIXe siècle que l’on peut voir sur l’une des cartes postales consacrées à la ville de Meaux sur divers site Web, vendeurs de cartes postales (par exemple sur CPA77). Quand au canton des Saints Pères, que de vieilles cartes situaient au sud de Meaux, l’urbanisation galopante de notre temps nous a empêché d’en retrouver la trace…
Où qu’elle repose, Marie Geneviève peut dormir en paix, ses lointains descendants ont marché dans ses pas ! Et continuent leurs recherches…
Nous en serions certainement restés là, l’âge et la fatigue ne facilitant pas la recherche, quand nous eûmes la surprise en avril 2010, de trouver dans notre boite de messagerie le message suivant, accompagné de pièces jointes :
Bonjour, je suis un habitant de Nanteuil et en consultant le site de la ville de Meaux, j’ai vu la question que vous aviez posé en 2005. D’où ma réponse. je vous précise que le boulet est encore bien visible dans le mur indiqué en bas à droite d’une des fenêtres du haut. cet épisode est relaté dans le tome 2 du livre de Mr Georges GASSIES sur l’histoire de Meaux. A l’époque l’armée russe était en campagne sur la région en réaction à Napoléon c’était la période de l’Empire. la date est du 27/02/1814. Cordialement Alain PERROT.
- La maison au boulet russe
- Photo TOINE77 – Licence libre Wikipedia.
Cette information nous apparut capitale pour notre recherche des circonstances du décès de notre ancêtre... Plusieurs questions se posaient alors à nous et notamment :
a) Ce boulet était-il unique ou le reste d’un bombardement multiple ?
b) Était-ce boulet qui avait tué notre aaaaa-grand-mère ?
c) Y avait-il eu d’autres victimes de ce bombardement ?
d) Quelle furent les dommages corporels subis pas Marie Geneviève ?
À l’époque de notre première visite, les A.D. de Seine et Marne n’avaient pas encore numérisé leurs registres d’État-Civil, mais en septembre 2010 il nous fut possible de les consulter par Internet. Et d’en tirer quelques réponses et hypothèses…
Mais avant de les avancer, revenons à la situation militaire en ce mois de février 1814 :
Ce mois là, l’Empereur est en pleine bataille défensive que l’on appellera plus tard « La campagne de France ». Malgré plusieurs batailles victorieuses, au prix du sacrifice des vétérans de la Grande Armée et des jeunes engagés parisiens, ceux qu’on a appelés « les Marie-Louise ». il sait que va s’engager le combat pour l’investissement de Paris, et espère encore pouvoir traiter avec les Alliés..
Le 16 février il passe la nuit à Meaux qu’il quitte le 17 pour rejoindre le Q.G. des défenseurs de la Capitale [1].
On peut raisonnablement croire qu’il désire éviter que Meaux soit transformé en champ de bataille et de sac par les unités autrichiennes et russes qui sont encore sur la rive gauche de la Marne… et se préparent à investir la ville, soit par le pont du TRlLPORT… et finalement après avoir dépassé le hameau de Nanteuil, par le sud du quartier Cornillon, sur les hauteurs dites « des Saints Pères »…
Ce qui amène la première question : Y a-t-il eu combat et bombardement multiple pour l’entrée des coalisés dans Meaux ?
C’est ici que le la consultation des archives départementales de l’état civil, numérisées, va m’apporter un semblant de réponse :
Registre des décès : Meaux 1814…
Du 1er janvier au 27 février 1814 on compte 80 décès de soldats dont 2 officiers, blessés au combat, et décédés à l’Hospices des Malades de Meaux, dont 7 prisonniers russe, espagnol, ou anglais…sans identité. De même du 27 février au 18 mars sont notifiés les décès de 36 soldats ou gradés dont quelques P.G. ou inconnus.
Tous ces militaires sont identifiés, natifs de toutes régions de France, par l’unité à laquelle ils appartenaient : Régiments de tirailleurs, grenadiers, d’artillerie… de la Garde Impériale, Régiments d’infanterie de ligne, ou légère, Rgts de canonniers de Marine, Rgt de Pontonniers, etc.
Liste non exhaustive des unités des militaires décédés :
- 1e, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 10e, 12e, 15e et 17e régiments d’infanterie de la Garde Impériale.
- 1e et 2e, régiments de chasseurs à cheval de la Garde Impériale.
- 1e, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 10e, 11e, 15e et 16e régiments d’Infanterie Légère.
- 39e, 43e, 47e, 63e, 82e, 93e, 138e, 139e, 142e et 152e régiment d’infanterie de ligne.
- 5e, 8e, 7e, 9e, 72e régiment d’artillerie.
- 1e Régiment de Pontonnier.
- 5e, 6e régiment de Sapeurs.
- 2e, 3e régiment d’Infanterie de Marine.
- 5e régiment de la jeune Garde Nationale.
- 4e, 9e régiment d’artillerie de Marine.
- 4e régiment de cuirassiers.
- Prisonniers de guerre Russes, Anglais, Cosaques, Espagnols.
Cette grande variété d’unités combattantes nous montre que ces décès sont incontestablement ceux de soldats blessés dans les grandes batailles survenues depuis le passages du Rhin après le défaite de Leipzig… et que l’Hospices des malades de Meaux était le refuge arrière des grands blessés… des Armées des deux camps… (nombreux prisonniers de guerre anglais, russe ,espagnols…).
Par contre, parmi les actes de décès de civils, enfants en bas âge, personnes âgées, malades, à l’hôpital ou à leur domicile, aucun ne cite la mort par fait de guerre ou de bombardement… Aucun !
Seul le décès de Marie Genevière Frontigny (écrit Frontenil) fait état du décès « par un coup de canon tiré par l’ennemy qui bivacquait au Canton des Saint Pères ».
Toutes nos observations nous conduisent à croire que la ville de Meaux ne fut pas l’objet d’un siège douloureux, mais abandonnée « ville ouverte » par un commun accord entre belligérants, bien que de grands combats se poursuivaient dans les environs, pour le franchissement de la Marne, de la Seine et de l’Ourcq…
Si cette hypothèse était vérifiée, il nous paraît vraisemblable que le fameux coup de canon fut un signal d’avertissement de la prochaine entrée des troupes alliées « qui bivouaquaient au canton des Saint pères », dans la ville évacuée des troupes Françaises…
Dans ce cas le fameux boulet de la rue du Boulet Russe serait bien unique, et seul responsable de la mort de notre ancêtre !
Ce qui nous a poussé à rechercher sa trajectoire sur la carte des lieux ci-dessous :
Quant à la question de savoir quels dommages corporels a subis notre infortunée grand-mère, il faut bien nous habituer au fait que nous n’en saurons jamais rien…
Pourtant, en ce début du XXIe siècle une idée étrange nous réconforte : Celle de penser que sur le fameux boulet russe, si ont l’ôtait de sa gangue, on y trouverait sans doute des trace de l’ADN de la famille…