Sept croix de fer sont alignées au "carré militaire" du cimetière : trois de chaque côté d’une plus grande au centre. Chaque petite croix porte une plaque en forme de coeur avec le nom du soldat ; la plus grande en porte deux.
Sept Poilus de la Grande Guerre sur ces huit soldats ; originaires de toutes les régions. Leurs noms sont présentés dans l’ordre du "carré militaire" où ils reposent [1].
- Carré militaire au cimetière de Condrieu
Augé Gaston Michel, soldat au 328e Régiment d’infanterie,
décédé à Condrieu le 20 janvier 1915 à l’âge de 28 ans, suite « maladie contractée en service », maçon, né le 27 mars 1886 à Saint Nom la Bretèche (Seine et Oise), « fils de feu Vincent Louis Augé et de Cécile Arnoult, domiciliée à Franconville (Seine et Oise), époux de Louise Henriette Romarin, domiciliée à Saint Denis (Seine).
Bourgeon Paul Jules, soldat au 252e Régiment d’infanterie,
décédé à Condrieu le 12 février 1915 à l’âge de 38 ans, suite « maladie contractée en service », cultivateur, né le 20 avril 1876 à Saint Julien en Vercors (Drôme), « fils de feus Félicien Bourgeon et de Egésippe Pacon, époux de Philomène Ranchon, domiciliée à Echery (Drôme) ».
- Plaque de Jean Pierre Bouchard
Bouchard Jean-Pierre, soldat au G.V.C (Garde Voies et Communications),
décédé des suites d’un « accident imputable au service » à Condrieu, au Pont de l’Horme, le 2 avril 1915 "à midi" à l’âge de 44 ans (la plaque porte par erreur le 2 août !).
C’est "Monsieur Servoz-Gavin Paul, quarante trois ans, Chef de groupe à la gare de Condrieu" qui déclare le décès en mairie quelques heures plus tard. Ce réserviste affecté à la surveillance des voies ferrées est mort happé par un train. Un journal de l’époque en garde la trace :
- Journal de Vienne 3 avril 1915
Cultivateur, il était né le 10 mai 1870 à Saint Georges d’Espéranche (Isère), « fils de Jean Bouchard et de Annette Saugnier, décédés » célibataire.
"Condrieu - Funérailles.Samedi, ont eu lieu les funérailles du malheureux soldat garde-voie BOUCHARD, de St-Georges-d’ Espéranche, mort si tragiquement sur la voie ferrée. Une foule nombreuse a voulu montrer les sympathies qu’elle avait pour l’armée et l’a accompagné au cimetière où a eu lieu l’inhumation dans une concession offerte par la municipalité pour les soldats qui meurent à Condrieu. Deux superbes couronnes ont été offertes par les camarades du défunt : l’une, par les hommes de son poste, et l’autre par tous les postes réunis de la section. Le cortège comprenait tous les soldats garde-voies qui n’étaient pas de service, en tête desquels Mr le capitaine Populus, et M. le lieutenant Bouvier, et précédé d’un piquet en armes. Au cimetière, un touchant et patriotique adieu a été prononcé, par un soldat, camarade du défunt, M.Dien. « Le service des Voies compte une victime nouvelle. Avant que disparaisse à jamais ce qui reste de lui, je viens, au nom des garde-voies du poste 9, et de ceux du secteur, lui adresser le suprême adieu. Bouchard était un pacifique cultivateur de St-Georges-d’Espéranche, (Isère), où il naquit en 1870, et que l’agression barbare d’un ennemi plusieurs fois séculaires, arracha à ses sillons, pour en faire un soldat de la liberté et du droit. Le soldat, quel que soit son âge, quels que soient son costume et le poste qu’il occupe, se voit atteint partout par la guerre brutale, et !a mort le frappe, au champ d’honneur, sur les voies ferrées tout aussi bien qu’au front. Notre camarade Bouchard, plein de vie hier, et dont voici la dépouille mortelle, nous fournit la preuve trop évidente du danger permanent que courent les G. V. C. Plus d’un, parmi ceux qui nous entourent à cette heure si triste, en nous voyant passer dans nos costumes disparates, a pu sourire parfois. Ta fin tragique, Bouchard, leur prouve, que l’utilité de notre rôle s’accompagne de multiples dangers, que notre service, dans les journées ensoleillées comme par les nuits sans lune, peut nous être fatal, et que la locomotive aveugle peut suppléer la bombe homicide. Que le factionnaire rêve aux absents qui lui sont chers, qu’il s’oublie une seconde, qu’il mesure mal la distance, ou se trompe dans son élan, et le voilà, comme Bouchard, en plein soleil, happé, broyé, par ce train, dont la France le charge d’assurer la marche confiante et tranquille. Sérieux quand besoin était, sobre toujours, au poste, parmi nous, Bouchard n’en était pas moins un vrai boute-en-train. Gai, vif, alerte, avec son gros bon sens gaulois, s’alliant à une finesse naturelle, il avait le don de provoquer le sourire chez les plus moroses, de chasser les tristes pensées qui, malgré lui, assaillent par instants, en ces jours de lutte atroce, le chef de famille éloigné des siens. Et avec cela, empressé, bon, serviable, toujours prêt à faire plaisir, aimant chacun et aimé de tous, voilà ce que fut ce bon français, nôtre camarade, que nous pleurons maintenant. Lorsque tu nous quittais, hier, plein de bonne humeur comme à l’habitude, content d’aller bientôt, pour quelques heures, revoir ta maison et tes champs, tu ne prévoyais point, malheureux, que la garde que tu allais prendre serait ta dernière faction, et que cette coquette localité de Condrieu, verger fleuri que, comme nous, tu aimais tant, allait dans quelques minutes recevoir ton dernier souffle, entendre ton dernier râle. Et nous, tes Camarades, pouvions-nous supposer que nous allions te retrouver, à quelques pas du poste encore plein de tes éclats de voix, affreusement mutilé, broyé, sans mouvement et sans vie, sur les graviers tout rougis de ton sang. Une consolation cependant pour tes parents et tes amis, Bouchard, c’est que tu meurs, en brave, en service commandé, en accomplissant un devoir obscur mais sacré, au champ d’honneur, pour la France, pour la Patrie. Dans ta tombe, où, plus heureux que bien d’autres victimes aussi obscures que toi, près des tiens au moins tu dormiras ton dernier sommeil, mon cher Bouchard, repose en paix. Tes camarades garderont fidèlement ton souvenir. Par ma voix, ils t’adressent leur ultime et éternel adieu. Adieu, Bouchard, que la terre te soit légère, adieu ! » Voici la lettre adressée par le Capitaine Populus à la municipalité de Condrieu : Vienne, le 3 Avril 1915. Le Capitaine Populus, chef du service de la garde des Voies de la subdivision de Vienne, à M. le Maire, à M. l’adjoint, et à MM. les conseillers municipaux de la ville de Condrieu : Messieurs, « J’ai l’honneur de vous adresser les plus sincères remerciements des officiers, sous-officiers, des caporaux et des soldats du service de la garde des voies, pour la concession que vous avez bien voulu accorder au soldat Bouchard tué sur les voies, en service commandé. » « Veuillez agréer, Messieurs, avec mes remerciements renouvelés l’assurance de nos sentiments les plus distingués. Pour le service de la garde des voies, Le Capitaine, Populus. » Journal de Vienne 7 avril 1915 |
Vigneront Etienne, sergent fourrier au 86e Régiment d’infanterie, 20e Compagnie, décédé à Condrieu le 13 février 1916 à l’âge de 41 ans, « secret médical », né le 12 octobre 1874 à Pierrepont, vers Longuyon (Meurthe et Moselle), « fils de Jean François Vigneront et de Libert Marie Clotilde...Marié à Uccle près Bruxelles ».
Demory Gustave (Joachim ou Ghislain), Soldat au 1er Régiment du Génie, « venant du 91e RI, matricule 180 », décédé « à l’hôpital de Condrieu où il avait été évacué » le 12 août 1916 à l’âge de 31 ans,« secret médical », né le 5 janvier 1885 à Bouvignies (Nord) « fils de Gustave Demory et de Marie Herbaux, domiciliés à Bouvignies...Marié, mais sans d’autres renseignements sur son épouse, résidant à Bouvignies avant la guerre ».
Prey Georges Diogène, Soldat au 17 eme Régiment d’Infanterie Territoriale, 12e Compagnie, Numéro 751, décédé à Condrieu le 3 janvier 1917 à l’âge de 42 ans, né le 12 août 1874 à Corneville sur Risle (Eure), « fils des défunts Auguste Désiré Prey et de Victoire Victorine Morisse » célibataire.
Fosse Jo(h)anny, Soldat au 7 eme Régiment d’Artillerie à pied, décédé à Condrieu le 5 avril 1917 à l’âge de 27 ans, « secret médical » né le 15 septembre 1889 à Bogy (Ardèche), « fils de feu Jean Antoine Pierre Remy Fosse et de Marie Sophie Gambonnet » célibataire.
Probablement d’autres soldats ont du mourir à l’hôpital de Condrieu. Ils furent alors inhumés au cimetière communal et après guerre transférés dans leurs villages d’origine.
Pourquoi les dépouilles mortelles de ces sept soldats n’ont-elles pas été rendues à leurs familles ? L’administration n’autorisait, en principe, que les transferts des soldats morts s’ils avaient été inhumés individuellement. Les frais de transfert et de ré-inhumation étaient, en partie du moins, à la charge de la famille. Encore fallait il qu’elle demande le retour de la dépouille du soldat.
Sous la petite croix à droite de la croix centrale repose une victime de la seconde guerre : le "Légionnaire Dury, du Groupe des Travailleurs de Condrieu" décédé le 1er avril 1941 à 42 ans.
- Plaque du Légionnaire Dury