Robert Léon Marie Millet est né le 22 décembre 1883 à Paris 9e. Il est le fils de Marie Henry Millet [1], 23 ans, rentier, et de Marguerite Léonie Simon [2]. Ses parents sont domiciliés 45 avenue de Trévise, Paris 9e, mariés le 15 janvier 1883 à Paris 10e. Petite anecdote : Marguerite Simon, 18 ans, et sa sœur, Louise Mélanie Simon, 23 ans [3], se sont mariées le même jour.
De très longues pages blanches dans la vie de Robert Millet, puisque je ne le retrouve qu’à l’âge de 17 ans, grâce à sa fiche matricule : classe de mobilisation 1900, sous le numéro 48.
- Extrait de sa fiche matricule
- Quelles raisons l’ont poussé à s’engager
dans l’armée à 17 ans ?
Il est engagé volontaire pour 4 ans et est incorporé au 7e Régiment de Dragons à Fontainebleau le 10 décembre 1901. A ce moment, il habite avec ses parents 13 rue Fénelon à Paris 10e. Au terme de son engagement, il passe dans la réserve le 19 décembre 1905 avec son certificat de bonne conduite.
Reporter Photographe
Quelques années plus tard, en 1911, il devient Reporter Photographe au journal Excelsior. C’est un journal fondé en 1910 par Pierre Lafitte, au 88 avenue des Champs Elysées à Paris.
Pierre Lafitte a commencé comme journaliste sportif, puis, très ouvert aux nouvelles techniques de communication, il crée sa maison d’édition. Il lance de nombreux périodiques, albums illustrés, et en 1904, il fonde avec Hachette le Prix Femina, lance en 1908 la coupe Femina, qui deviendra le trophée Pierre Lafitte : une compétition de golf féminine ; et en 1910, le prix Pierre Lafitte réservé aux aviatrices. Avec Excelsior, Pierre Lafitte rivalisera avec René Baschet, (soit dit en passant, un habitant de Gagny), Directeur de la célèbre revue L’Illustration. « Excelsior est un des premiers quotidiens français illustré de photographies. En 1914, dès la déclaration de guerre, le journal se dote d’un staff de photographes et publie entre 20 et 30 photos chaque jour. Sur le front, sous le contrôle du service de presse des armées, ou le plus souvent, à l’arrière, ces photojournalistes tiennent le journal en images de la Grande Guerre… » [4]. |
- Robert Millet à son bureau
Nous verrons plus loin les lieux des reportages que Robert Millet assurera. Retrouvons le avant qu’il ne gagne Central Photos, le service photos du journal, en 1911. Ses adresses se succèdent sur sa fiche matricule :
- Le 23 octobre 1908, , il habite Orléans.
- Le 18 janvier 1909, Vierzon.
Puis il retourne dans la région parisienne :
- Le 21 avril 1910, il habite Montreuil sous Bois.
- Le 5 septembre 1911, à Vincennes, 84 rue de Fontenay.
C’est dès 1909 qu’il rencontre Alice Peullier, qui devient sa fiancée. Cette jeune fille est née le 18 septembre 1884 à Montreuil. Son père Marius Peullier, est épicier en gros à Montreuil [5] La mère d’Alice s’appelle Maria Binet. Alice vit chez ses parents avec sa sœur Blanche qui a onze ans de plus qu’elle.
La famille Peullier vit à Montreuil, au 17 de la rue Colmey Lépinay, adresse qui devient celle de Robert à partir du 16 septembre 1912.
- Robert et Alice
- Ce cabriolet décapotable doit être une Delage. Les spécialistes me le confirmeront.
Robert, Alice, Blanche et leurs amis sillonnent toute la région. De nombreuses photos en témoignent.
Robert Millet assure des missions de journaliste reporter de façon certaine à partir de 1911. Il se fait certainement la main sur les faits divers nationaux. Le plus marquant est celui de la « Bande Tragique » comme on l’appelait à l’époque, c’est-à-dire « la bande à Bonnot ». D’abord la capture de Bonnot le 28 avril 1912, qui se solde par sa mort, et celle de son ami le garagiste Joseph Dubois, dans l’explosion du garage à Choisy Le Roi.
Millet pourra même les photographier à la morgue. Il suivra le jugement du reste de la bande aux Assises en Février 1913.
Ses reportages vont, pour les plus légers, de la mode, à la recherche de sources dans le Bois de Vincennes à l’aide d’une baguette de coudrier ! en passant par quelques photos de sportifs, la fête des fleurs à Nice, les Carnavals de Bruxelles et d’Amsterdam, le mardi gras à Paris et l’élection de la Reine des Reines, Germaine Bregnat, le 27 février 1913.
Il témoigne dans ses reportages :
- des avancées technologiques, telles que le nouveau multiple télégraphique du Ministère des Postes et Télécommunications, en 1913 ; le nouveau trolley électrique, et ce qui en découle : le départ du dernier omnibus tiré par deux chevaux, ligne Vilette-Saint Sulpice, le 11 novembre 13 ; le dernier piqueur de l’Elysée (Troude) qui doit prendre sa retraite car Poincaré préfère l’auto aux chevaux…
- des faits de Société : la grève des Usines Renault le 10 février 1913 ; le 7 août 1913, la loi Barthou, qui fait passer le service militaire de 2 ans à 3 ans ; le meeting du Pré-St-Gervais contre cette loi ; Les Féministes chez Marcelle Lender.
Nombre de ses photos sont des portraits des personnalités de l’époque :
- les politiques surtout : 1913 voit l’élection de Raymond Poincaré remplaçant Fallières, et des changements de ministères : Briand, Barthou, Ribot, Delcassé, Pichon, Etienne, ministre de la Guerre ; Dubost, Président du Sénat ; Deschanel, Président de la Chambre. Hennion, Directeur de la sûreté générale, devient Préfet de Police à la place de Lépine.
- les personnalités étrangères à Paris : « Le Roi de Serbie est à Paris depuis le 16 novembre 1911, vue prise avenue du bois de Boulogne. » Le 2 avril 1913 « le Roi et la Reine des Belges qui étaient à Paris incognito quittent la ville aujourd’hui ( gare du Nord). » Le Tzar Nicolas II : « aujourd’hui a été célébré à l’église russe un service en l’honneur de sa fête ». Il fait le portrait du Roi du Cambodge Sisowath.
Il va en Chine photographier l’exécution de meurtriers : « les méthodes modernes en Chine : les exécutions ne se font plus au sabre, mais par deux coups de feu… » Je vous passe les détails, et la photo !
A l’étranger, il est envoyé en Afrique noire où il photographie « l’embarquement des nègres à Impfondo (au Congo) sur l’Oubanghi » , leur débarquement à Dakar au Sénégal. Le but de ce recrutement massif de tirailleurs est la conquête du Maroc. Une de ses photos : « Le Général Lyautey va rejoindre son poste au Maroc ».
Ce sont aussi les guerres balkaniques en 1912-1913. La première oppose la ligue balkanique (Serbie, Bulgarie, Grèce et Monténégro) à l’Empire Ottoman. La deuxième oppose la Bulgarie au reste de la Ligue. Photos de deux officiers grecs tués, 22 canons abandonnés par les Turcs, la cavalerie et l’artillerie roumaine sur la frontière bulgare.
Robert Millet photographie Mustapha Pacha, roi des Bulgares ; Chukri-Pacha, défenseur d’Andrinople en Turquie contre les Bulgares ; le généralissime Putnik de l’armée serbe.
Ses photos témoignent aussi des progrès de l’aviation :
- « le Monoplan Blériot » créé à partir de 1909.
- Le 28 mars 1913, « l’aviateur Gilbert bat le record de distance de ville à ville Lyon/Paris en 3h10. »
- En 1912 ou 1913, « une expérience de parachute à la Tour Eiffel est concluante », après la fâcheuse expérience de Franz Reichelt le 4 février 1912.
Progrès réalisés malgré les accidents inévitables :
- « Charles Nieuport se tue à Etampes le 24 janvier 13 ».
- Le 15 février 1913, le Comte de Lambert brise son hydro plan en voulant passer sous le pont viaduc d’Auteuil.
- « Le 3 avril 1913, un Zeppelin allemand doit se poser sur le Champ de Mars de Lunéville » suite à une erreur de direction due au brouillard.
Justement trois escadrons de chasseurs sont présents. Ils immobilisent l’aérostat. L’Etat Major, l’aéronautique militaire et les ingénieurs français ne se privent alors pas d’étudier le plus perfectionné des dirigeables allemands.
Soldat du Génie
La Guerre éclate ! Robert Millet est rappelé à l’activité le 20 août 1914 et est affecté au 22e Régiment de Dragons de Reims.
- Engagés volontaires devant un bureau de recrutement à Paris.
- Cette photo d’engagés volontaires photographiés par Millet date,
à mon avis, de 1914 ; dès la déclaration de guerre,
A partir de cette date, je possède peu de photos : elles étaient dirigées vers le journal Excelsior, ou gardées par l’Armée.
Parmi celles-ci, un Zeppelin en pièces sous la neige, « descendu par un adjudant chef de pièce », un avion allemand en morceaux.
Deux belles photos d’un « abri d’officiers et des cuisines défilées, à 600 m des Boches ».
- Abri d’officiers
- Les cuisines
Robert prend ces photos alors qu’il est affecté au 5e Régiment du Génie, Compagnie B1.
- Le 9 avril 1915, il écrit à Blanche Peuillier du château de Cercamp, à Frévent [6] et le 15 avril d’Hesdin, deux communes peu éloignées l’une de l’autre, dans le Pas de Calais.
- Le 11 juillet 1915, il est à Vermenton dans l’Yonne, camp d’exercice. Suit-il un entrainement au fusil-mitrailleur ? Il photographie ses voisins de chambrée.
- En janvier 1916, lors de son affectation dans l’Aviation, il est indiqué sur sa fiche : "vient de Formerie (Oise)"
« le 11 mars (1915) la Compagnie (B1 du 5e Régiment du Génie) reçoit l’ordre de se rendre à Frévent (Pas de Calais) pour travailler au doublement de la ligne entre Frévent et Saint Pol (en Ternoise), et au raccordement destiné à relier les voies Frévent-St Pol et Frévent-Doullens… Elle exécute la plus grande partie des terrassements du raccordement…et toute la pose de la nouvelle voie entre la sortie de la gare de Frévent (kilomètre 88.300) et le kilomètre 86.300, la pose de voie sur la partie du raccordement comprise entre la voie Frévent-St Pol et le pont en charpente franchissant la rue Thiboville. » « Le 27 décembre (1915) la Compagnie (B1) reçoit l’ordre de se transporter à Formerie (Oise) pour travailler à la création d’une station-magasin pour munitions d’artillerie… Les travaux exécuté en collaboration avec plusieurs compagnies de sapeurs…comprenaient la construction de 6 hangars couverts de 200 mètres de long sur 16 m 50 de large, disposés sur 2 files distantes de 12 m. » [7]
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Observateur photographe
Le 23 janvier 1916, Robert passe à l’Aviation en qualité d’observateur photographe, Division du Service photographique des Armées (S.P.A).
« C’est … semble-t-il à l’initiative du général Joffre en personne que l’on doit la mise sur pied, au début du mois d’octobre 1914, de huit sections de photographie aérienne, soit une par armée… Pour tous les chefs des services aéronautiques des armées, la photographie aérienne s’impose comme un outil incontournable pour la préparation et le réglage des tirs de l’artillerie… » [8]
- Robert est le 1er assis à droite
- Robert Millet
Le col de sa vareuse porte le chiffre 5. C’est probablement le 5e Régiment du Génie d’où il vient d’arriver. |
Le 8 Mars 1917, il est au S.P.A de la IIIe Armée. Il passe le 14 avril 1917 au Secteur aéronautique, Photo aérienne, Parc III, secteur 22. Il fait ensuite partie du 2e Groupe d’Aviation, Escadrille numéro 14.
Dans un des "carnets de comptabilité" de l’escadrille N°14 [9], il est mentionné :
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Mort en combat aérien
Le 16 octobre 1917, il est à bord d’un Dorand AR1, piloté par la Capitaine Edouard Garcin, du 16è Régiment de Chasseurs, matricule 354.
Au cours d’un combat aérien, leur avion est abattu dans la région de Lesseux (Vosges). Pour en savoir plus : lien vers une page du Forum Pages 14-18
On décerne à Robert Millet le 1er novembre 1917 une citation « Soldat observateur d’une énergie et d’un dévouement à toute épreuve, il tombe glorieusement le 16 octobre 1917 au cours d’un combat aérien contre trois avions ennemis ».
Un télégramme est envoyé par le « Capitaine d’Escadrille F14 à Monsieur le Maire de Montreuil s/s bois, priant d’avertir Alice Peullier, du décès de Robert Léon Millet. Les obsèques auront lieu le 19 oct 17 à Corcieux (Vosges) ».
L’ Excelsior annonce son décès :
- L’Excelsior du 19 octobre 1917
Voilà deux familles dans la peine :
- les parents de Robert Millet, qui habitent maintenant à Gagny, 17 allée des Sources. Il semble que Robert n’ait vécu qu’épisodiquement à Gagny.
Toutefois,cette adresse figure sur sa fiche du personnel de l’aéronautique
Son père décèdera avant 1926, date à laquelle seule apparait sur les tables décennales Marguerite Millet, chef de famille. Ses parents sont-ils décédés à Gagny ? Le bureau des concessions au cimetière, n’a pas pu me donner de réponse, car avant 1928, rien n’est numérisé. Je ne sais pas si Robert Millet avait des frères et sœurs. Est-ce que cette branche de la famille est éteinte ? D’autres Millet ont habité Gagny et ont même fait partie des personnalités de Gagny. L’un a donné son nom à l’Institution Millet (anciennement Renou) école de garçons avenue de Villemomble. A ce jour, il n’y a aucune preuve de liens entre ces deux familles. |
- l’autre famille dans la peine est celle de mon arrière cousine Alice Peullier. Comme beaucoup de jeunes filles à cette époque d’après-guerre, elle ne se mariera jamais. Elles vivront, sa sœur et elle, avec leurs parents jusqu’à la mort de ceux-ci ; puis toutes deux jusqu’au décès de Blanche en 1959, puis celui d’Alice le 18 février 1973 à Neuilly Plaisance.
- Robert Millet
- Observateur photographe
Les photos papier ainsi que la correspondance de Robert Millet avec Alice Peullier ont été confiées par celle-ci à ma famille. Je n’ai aucune photo sur plaque de verre. Il se peut qu’il y ait quelques erreurs de date dans cet article : beaucoup de photos sont annotées mais les dates sont le plus souvent absentes.
Mes remerciements à Micheline Pasquet qui m’a mis le pied à l’étrier ainsi que pour ses bons conseils.