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Accueil » Articles » La vie militaire » « Nos Poilus » » « Priez pour moi, je pars en bonne santé ; il faut que je revienne de la sorte… avec la volonté de Dieu, je vous retournerai »

« Priez pour moi, je pars en bonne santé ; il faut que je revienne de la sorte… avec la volonté de Dieu, je vous retournerai »

Durant toute l’année 2008, www.histoire-genealogie.com rend hommage aux « Poilus » et à leur famille.

Le mardi 1er janvier 2008, par Eugène Palmi, Michel Guironnet

Eugène Toesca naît le 3 mars 1892 à Saorge, dans les Alpes Maritimes. C’est le fils d’Honoré Toesca, soldat de 1870. Eugène grandit dans cet « esprit de revanche » qui débouchera sur la Grande Guerre. En août 1914, il est incorporé comme Caporal au 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (B.C.A).

Le 27e B.C.A

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L’historique du régiment raconte : « Au lendemain même de nos revers, le 30 janvier 1871, un décret formait à Rochefort le 27e B. C. P. Il naissait donc avec la douleur, mais non avec le découragement et son histoire entière n’est que le récit de luttes, de combats et de fatigues qui le mèneront en pleine gloire au moment ou la France victorieuse reprend sa place à la tête des nations.

Le jeune bataillon va donc travailler et se battre… (En 1888) le 27e se dirige alors sur Menton et il monte la garde à la frontière des Alpes ; il devient alors bataillon alpin.
Il est composé d’Ardéchois, de Provençaux et de Pyrénéens. qui rivalisent d’énergie, d’endurance et d’esprit de discipline.
Au moment de la mobilisation, il est aux manœuvres dans la région de Saint-Martin-Vésubie.Il regagne aussitôt Menton, Breil et Sospel pour y effectuer ses opérations de mobilisation »

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Eugène Toesca et ses compagnons. C’est le Chasseur barbu.

Eugène Toesca, jeune Chasseur alpin de vingt deux ans, écrit à ses parents.
Cette lettre du 4 août 1914 nous a été transmise par son neveu Eugène Palmi. Elle est envoyée de Menton juste avant son départ pour le front :

« Chers parents,
Je suis très étonné à ce que vous n’ayez pas reçu mes deux lettres que je vous ai adressées depuis mon arrivée à Menton.
Chers parents, je suis prêt à partir. Ce que la Patrie nous demande est dur, pour vous et moi ; mais je pars allégrement venger les souffrances de Papa. Papa est retourné (à la guerre en 1870) pourquoi ne retournerai-je pas ?

Depuis trois jours, nous sommes sur le qui vive. Comme je m’occupe de la nourriture du bataillon, j’ai des facilités pour sortir ; j’ai pu mettre de la sorte mon télegramme.
Cette lettre, peut être je l’emporterai en cours de route. Nous sommes là et nous ne savons ni où nous allons ni quand nous partons.

Priez pour moi, je pars en bonne santé ; il faut que je revienne de la sorte.
Marie, prie pour Eugène, il en a besoin ; tiens compagnie à Papa et Maman, console les et pour l’instant remplace moi.
Donnez moi de vos nouvelles, adressez les à Villefranche sur Mer. Dites moi si Oncle le Major n’a pas été obligé de vous quitter.

Allons, Chers Parents, du courage, ne vous laissez pas abattre ; avec la volonté de Dieu, je vous retournerai.Tous les trois, avant de partir, je vous embrasse de tout mon cœur.

Votre fils Eugène. »

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Eugène Toesca.

Ce sera sa dernière lettre. Le 10 août 1914 le 27e B.C.A s’embarque et court vers la frontière de l’Est.

Les « opérations » de Lorraine

« Tandis que l’aile marchante allemande dévalait par étapes forcées à travers la Belgique, des événements militaires d’une extrême importance se déroulaient à l’autre extrémité du champ de bataille ; entre le Rhin, les Vosges et la Meuse.

De ce côté se concentrait la passion nationaliste du peuple français. C’était là que depuis les désastres de 70, il avait compté prendre sa revanche et reconquérir les provinces perdues. Pendant près d’un demi-siècle, il n’avait vu que ce champ de bataille ; la frontière de l’Est. Pour combien de mobilisés, l’entrée en Belgique fut-elle une surprise, ou même une déception !

C’était aussi sur cette frontière que la France se sentait la plus solide. Derrière le bouclier du formidable quatuor Verdun-Toul-Epinal-Belfort, où veillaient ses troupes les mieux entraînées, les plus résistantes, son épée était prête.

Considérant l’importance stratégique de la région, le plan de concentration avait affecté à ce secteur deux armées fortes : la Ire et la IIe.
Elles devaient d’abord couvrir l’aile droite de la ligne de bataille principale sur des objectifs susceptibles de tenter l’ennemi : Nancy, capitale de la Lorraine, point chaud d’une « attaque brusquée », et la trouée de Charmes, donnant accès aux vallées supérieures de la Meuse et de la Marne (...).

Sous les ordres de Castelnau, la IIe armée concentrée autour de Nancy comprenait cinq corps [1], deux divisions de cavalerie et trois divisions de réserve affectées spécialement à la défense de Nancy, soit un effectif de deux cent cinquante mille hommes.
(...) La IIe armée avait reçu, le 13 (août) au soir, l’ordre d’offensive générale pour le 14 »
 [2].

Le 19 août 1914, le 27e B.C.A est à Dieuze avec l’armée de Castelnau. La ville est située dans le Saulnois, au sud-est de Metz, vers Château-Salins : « La journée est rude ; les 6e, 23e, 24e, 27e bataillons, commandés par le lieutenant-colonel Papillon-Bonnot, mis à la disposition de la 29e D. I., étaient le matin à l’avant-garde, à l’aile droite du 15e C. A. et en liaison avec le 16e.
Pris sous des feux violents d’artillerie sur un terrain repéré d’avance et parsemé de marécages, les alpins, encadrés par des officiers superbes, tiennent sur place avec le calme des vieilles troupes… »
(historique du 27e B.C.A).
C’est ce jour là qu’Eugène Toesca est « tué à l’ennemi »

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Eugène Toesca à gauche.

Le récit de l’historique du 27e B.C.A est laconique ! Heureusement, grâce au site du Chtmiste qui reprend le texte de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants » (Quillet, 1922) http://www.chtimiste.com/batailles1418/morhange.htm et au site consacré au XVe Corps d’Armée en 1914 http://15ca.site.voila.fr/index.jhtml nous pouvons en apprendre beaucoup plus sur les combats des 19 et 20 août 1914.

« 27e Bataillon de Chasseurs Alpins - Par arrêté ministériel du 15 juin 1920, la Médaille militaire est attribuée à la mémoire du Caporal Toesca Eugène, matricule 3739 – Mort pour la France – “Caporal courageux qui a fait vaillament son devoir dès les premiers combats de la campagne. Tombé glorieusement pour la France, le 27 août 1914, à Dieuze. Croix de guerre avec étoile de bronze – A menton, le 10 septembre 1920. »

A noter l’erreur de date pour le décès !

Sans tombe identifiée en Moselle, il est présumé inhumé ; comme inconnu ; dans l’un des deux ossuaires de la nécropole nationale de Dieuze.

Cette nécessaire recherche d’informations complémentaires pour situer ce document dans son contexte n’a été possible que grâce à la « galaxie » des sites et forums sur Internet consacrés à la Grande Guerre et à ses passionnés. Qu’ils en soient ici remerciés ! Michel Guironnet


[1Les corps d’armées sont les 9e, 15e,16e, 18e et 20e C.A

[2Jacques Isorni, « Histoire véridique de la Grande Guerre » tome 1 Paris, Flammarion, 1968.

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14 Messages

  • Bonjour,
    Par l’intermédiaire de Didier, le créateur du site "chtimiste", j’ai pu avoir votre adresse mail,seulement celle-ci n’est apparement plus valide...

    En résumé, je suis à la recherche de l’identité de mon grand-père, dont je ne possède qu’un portrait et un prénom...
    Il se trouve que sur l’une de vos photos, un des militaires ressemble d’après moi à celui sur la photo dont je dispose, et c’est pourquoi j’aurai aimé avoir votre avis...

    En espérant que vous verrez ce message, auriez-vous un mail où il serait possible de vous joindre afin de vous expliquer plus en détail ma recherche ?

    Répondre à ce message

  • Bonjour. J’apprécie beaucoup votre article d’autant plus qu’il s’agit là d’une période qui m’interpelle. En effet je suis Alsacien et mes ancètres ont vécu cette période, mais sous le casque à pointe, car passés de l’autre côté en 1870 ! Les Alsaciens sont souvent oubliés dans l’évocation de cette période, car, dans l’imaginaire il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Sauf qu’il y a, entre les deux, ceux qui se comptaient souvent du côté des uns mais se retrouvaient de l’autre et que les premiers reléguaient souvant du côté des deuxième après les événements ! Ce sont les vaincus-perdants parmis les gagnants, source du malaise de nombreuses générations, difficilement compréhensible si on n’est pas de la région... La même histoire s’est répétée 20 ans après ! J’ai des photos de mes grands-pères en uniforme allemand et français, la même personne, à 20 ans d’intervalle une fois sous l’un, une fois sous l’autre ! Un de mes grands-oncles prisonnier allemand dans un camp dont un des officier français n’était autre que son beau-frère ! La litérature sur les poilus est bien fournie ; celle sur les Alsaciens se compte sur les doigts d’une main. Pourtant leur vécu est très particulier, car ils étaient militaires allemands suspectés continuellement par "les vrais" d’être prêt à passer "de l’autre côté". Bon nombre se sont retrouvés ainsi sur le front Russe où personne ne connaissait leur problème spécifique. Les soldats alsaciens sous uniforme allemand qui se rendaient aux Russes étaient ainsi considérés comme les autres Allemands et traités comme tels. Mais connaissait-on réellement cette spécificité du côté Français ? Combien de fois, encore de nos jours, un qualificatif peu glorieux est-il utilisé pour nous désigner ? Il est vrai que pour l’historien contemporain il est difficile d’exploiter ne serait-ce que les courriers des soldats allemands, et même par les Allemands actuels ! En effet, la graphie utilisée à l’époque n’est plus utilisée depuis plusieurs dizaines d’années et difficilement déchiffrable sans un entrainement conséquent ! J’ai des cartes postales envoyées depuis le front par mon grand-père casque à pointe que je n’arrive à lire que difficilement. Elles constituent pourtant des témoignages importants. Le vécu des deux côtés de la ligne de front était, finalement, relativement identique. Cordialement.

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    • Vous avez raison de parler de la situation de l’Alsace dans ces trois conflits. Elle s’est trouvée déchirée et ballottée d’un camp à l’autre.
      Le père de mon beau-frère, né à la frontière Alsace/Allemagne s’est "débarrassé" des documents qu’il devait posséder. Mais il s’était engagé pour échapper à l’enrôlement de l’Allemagne
      Il y a eu un très beau téléfilm il y a qq années parlant de ce sujet, mais il faudrait que ce soit une partie de l’Histoire qui soit plus connue. Mais la France, qui n’a pas toujours été très objective avec son histoire, a laissé dans l’ombre ces épisodes car elle n’a pas été très glorieuse envers ces jeunes enrôlés que l’on a appelé les "malgré nous" !

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    • merci GM pour ce témoignage important sur la condition difficile des alsaciens-lorrains durant cette période.

      Née en 1960, je ne connaissais pas ce "point de vue" et c’est dommage. Je travaille, avec d’autres internautes sur des carnets de soldats de la guerre 14-18.
      C’est par les témoignages d’autres alsaciens que j’ai "eu vent" de cette histoire, mal connue, mais qui fait pourtant partie de l’Histoire. Il est important de mettre à jour les témoignages de ceux qui ont vécu ces heures difficiles.

      C’est, à mon avis, notre rôle, à nous, maintenant de mettre en valeur et de faire revivre ces hommes partagés entre deux pays. C’est notre devoir de faire connaître au plus grand nombre les souffrances de ce peuple courageux qui a su, malgré les choix douloureux à faire, rester fier d’être alsacien ou lorrain.

      J’essaie, à mon niveau, d’aider ceux qui le souhaitent à mettre en valeur les écrits de leurs ancêtres durant cette période, en les mettant en page et en proposant une édition à moindre coût.

      votre témoignage est intéressant à connaître, ne le laissez pas dans l’oubli, SVP. Pour que l’histoire de votre ancêtre soit comprise, elle doit être diffusée au plus grand nombre. La tâche n’est pas simple, je vous l’accorde, mais elle est possible si chacun s’en donne les moyens.

      contactez le webmaster si vous êtes intéressés par cette proposition.

      amicalement

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      • Je suis très sensible à votre point de vue ;
        merci de votre position dans la quête de témoignages. J’ai moi-même mon père qui a combattu sur les lignes belges à Ypres en 1914. Blessé de guerre il a survécu. Mais ses trois cousins et beau-frère ont été tué à l’ennemi durant cette guerre.
        Je vous conseille de contacter le mail de : esormani chez caramail.com - qui a crée un site sur ce sujet.
        Jacqueline

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      • Re-bonjour. Je ne suis guère plus âgée que vous de 2 ans. L’histoire des Alsaciens-Lorrains est très mal connue et quasiment pas enseignée par l’Education Nationale. Pourtant elle est au coeur de quasiment toute la conflictualité entre l’Allemagne et la France et ce depuis ... les petits-fils de Charlemagne !!! Sans remonter au haut Moyen-Age, où on trouve pourtant la cause de tout avec la création du royaume de Lotharingie lors de division en 3 parts de l’empire Caroligien, l’histoire récente depuis 1870 est édifiante de ce que la folie de l’homme peut engendrer. Il quelques années, à Schirmeck, située à quelques kilomètres de Strasbourg, tristement célèbre pour avoir abrités un camp de rééducation ainsi que le seul camp d’extermination sur le sol français, a été créé un Mémorial pour faire connaître le sort très particulier de la population alsacienne. Vous pouvez consulter le site http://www.memorial-alsace-Moselle.com/f/histoire.html pour en savoir un peu plus. Une série de 3 téléfilms qui ont passé épisodiquement sur les chaines nationales explique très bien ce sort particulier : Les Alsaciens ou les deux Mathilde, chez FR3. Je vais préparer la suite de ma réponse ...

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        • Bonjour. Vous citez le téléfilm "Les deux Mathilde". Je me permets de citer deux ouvrages autobiographiques de Christiane de Turckheim.
          L’un intitulé "Un héritage alsacien" évoque, sous une forme romancée, cent ans d’histoire de sa famille. Les grands-parents de l’auteur ont eu 2 fils tués sous l’uniforme allemand en 1915, et un fils plus jeune, le père de l’auteur, tué sous l’uniforme français en 1940.
          L’autre, intitulé "Evrard et Maguerite" raconte son enfance alsacienne pendant la guerre de 1939-35 avec sa soeur, ses deux frères et les deux Marguerite : sa mére et sa grand-mère.
          Deux livres émouvant qui permettent de mieux comprendre la complexité du drame alsacien.
          Do Bentziger Editeur

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        • Suite de ma réponse ... au risque d’être long !

          Il y a dans l’histoire des régions françaises, et notamment de celles de l’Est, des domaines où le politiquement correct reste de mise, même 300 ans après les faits. L’idée de la France unie et du peuple français historiquement soudé se doit d’être véhiculée encore aujourd’hui.

          Alors, dire que tous les français ne descendent pas de "nos ancêtres les gaulois" ... peuplade d’origine germanique, il faut le rappeler … !

          Les gens sont très mal informés de ce qui s’est passé en Alsace. Les programmes officiels passent simplement sous silence ce pan entier de l’histoire. Les manuels scolaires ne parlent pas encore de l’incorporation de force des jeunes Alsaciens.
          Pour en savoir plus, charge à l’individu de trouver ses sources d’information. Mais celles-ci sont parfois déformées par d’autres tendances plus douteuses : au risque de se laisser influencer, il s’agit de faire la part des choses et de garder une certaine objectivité. Mais l’autre risque, c’est justement, de favoriser l’expression de ces tendances, car les extrémismes naissent de l’ignorance et deviennent le terreau d’idées néfastes.
          L’histoire ne doit pas être au service d’une image qu’on veut donner. Elle est une réalité, mais c’est vrai, elle ne correspond pas toujours à ce qu’on en attendrait, à ce qui ferait plaisir. Elle est faite d’héroïsme, mais plus souvent de lâchetés et de trahisons, de recherches de profits personnels plutôt que dans l’intérêt collectif. En cela elle illustre bien ce qu’est l’être humain. C’est pour cela aussi que certains aspects de notre passé sont difficiles à assumer par les gens d’où la tendance à édulcorer et fausser la réalité.
          L’Alsace, qui est ma région, est particulièrement concernée par ces silences dans son histoire.

          Des vrais Alsaciens au-delà de Louis XIV, il y en a très peu : pour rattacher notre province, la Décapole et la République de Strasbourg (oui, une République au 17e siècle, avant celle de la France !) au royaume de France, après 8 siècles sous le Saint Empire Romain Germanique (cela ne fait "que" 4 siècles que l’Alsace aura été, le plus souvent, française !), celui-ci n’a pas hésité à anéantir l’immense partie de la population de la campagne alsacienne. De cette manière nous venons pratiquement tous de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche.

          Du rattachement à la France sous Louis XV on n’aura retenu que le faste de la visite de celui-ci après la reddition de Strasbourg et la fameuse expression : quel beau jardin ! Mais silence total sur les massacres de la population, des famines impitoyables créées par les décennies de bataille et de racket par les troupes, quelles qu’elles soient, en transit durant les guerres du 17e siècle.

          Bien souvent les champs de bataille des conflits européens d’alors (guerre de 30 ans, guerre de succession d’Espagne, guerre de succession d’Autriche, …) se sont déroulés sur nos terres de l’Est, même plus tard sous Napoléon ou juste après l’empire, sans parler d’événements plus proches de nous !

          Après 1870, est née une expression employée de manière taquine de nos jours : depuis les Alsaciens appellent les "Français de l’intérieur" (expression locale qui mériterait tout un développement !) les "lapins" car ils auraient couru aussi vite que ces derniers en s’enfuyant lors des batailles en Alsace du Nord (rappelez-vous la "charge des Cuirassiers de Reichshoffen", héroïque, personne ne le met en doute !). Le jugement, certes cruel, est à la mesure du ressenti Alsacien envers les officiers supérieurs d’alors. Pas loin de 50 années de domination allemande en ont été la conséquence pour l’Alsace.
          Un fort mouvement anti-allemand est né au fil des ans, sous la forme du mouvement autonomiste alsacien (oui, contre les Allemands !) : à la veille de la guerre de 14, en 1911, l’Alsace a eu droit à un parlement avec des députés Alsaciens élus et avait fait un grand pas en avant pour devenir un état autonome à l’intérieur de l’empire allemand.

          Mais en 1918, la France a balayé d’un revers de la main tous ces élus du suffrage universel et l’espoir d’une grande partie de la population, et a imposé de manière drastique la langue, les méthodes d’éducation, bref tout le système français sans aucune transition. Autant dire que l’accueil par la population devait être à peu près comparable à celui offert aux Allemands en 1870.

          Lors de la dernière guerre mondiale les familles "de l’intérieur" ont souffert en même temps que celles d’Alsace, peut être pas de la même manière.

          La grande différence avec le reste de la France, c’est que l’Alsace a été annexé de fait et non pas "juste" occupé.
          Les habitants n’avaient alors que 2 choix : rester et se "débrouiller" avec le régime nazi en place, ce qui était peut-être plus facile quand on était un habitant d’un village isolé plutôt qu’un employé d’une administration, police, préfecture, etc. ; ou alors s’élever contre le régime, mais cela supposait déportation, biens confisqués, internement, de soi-même et de sa famille.

          Je ne sais pas si en Alsace le taux de héros devait absolument être plus important qu’ailleurs, mais, posez-vous la question : qu’auriez-vous fait si vous y aviez été ! Le souci des habitants de notre province était avant tout de sauver leur peau et celle de leurs proches.

          Oui, des Alsaciens ont collaborés : tous n’étaient pas des nazis convaincus, mais n’avaient, tout simplement pas le choix, du fait de leur profession ou d’autres raisons familiales et autres. Mais si eux n’avaient pas accepté de tenir ces rôles, des Allemands, des vrais, les aurait tenus, et peut-être pas de la même manière que les Alsaciens. Il y a eu, aussi, bien sûr, des nazis convaincus, mais ailleurs aussi ...

          Oui, des Alsaciens ont fait partie de la Wehrmacht (armée régulière) et des SS (corps d’armée particulier) : il y a eu des volontaires, c’est vrai, mais l’immense majorité ont été incorporés de force, même chez les SS. Ceux qui refusaient finissaient dans des camps, leur famille déportée en Pologne ou ailleurs, les biens confisqués, voire même internés. Alors, c’est bien souvent la rage au coeur qu’ils sont partis, surveillés de près par les "vrais" Allemands : certains ont été fusillés car ils refusaient de combattre. D’autres sont passés de l’autre côté, rarement chez les Français, car on les envoyait sur le front Est, justement pour éviter les désertions. Une fois passés chez les Russes, pour ces derniers ils n’étaient rien d’autre que des Allemands et se retrouvaient dans des camps, Tambov étant le plus connu, et l’un des pires. Le dernier d’entre eux n’est revenu des goulags d’URSS qu’en 1953. D’autres, quelques dizaines de milliers ne sont tous simplement pas revenus, morts ou disparus avec l’uniforme allemand sur le dos.

          Oui, des Alsaciens ont résistés : certains dès les premiers jours au risque de représailles envers leurs familles, d’autres dès la fin des hostilités ... !

          Oui, il y a eu des héros parmi les combattants de la libération, mais combien y en a-t-il eu au sein de la population restée sur place qui a du se "démerder" pour survivre ?

          Il y a eu des gens plus courageux (inconscients ?) que d’autres ; certains ont eu des opportunités que d’autres n’ont pas eues ; certains étaient des traîtres, mais cette dernière notion est variable en fonction du vainqueur !
          De toutes manières, lors d’une guerre, il n’y a pas les bons et les mauvais : il y a eu des « salops » des 2 côtés, il y a eu des gens biens aussi, mais, l’immense majorité des gens, quel que soit leur origine, ont été heureux quand tout était fini car personne n’est sorti indemne et personne de normal ne va à la guerre avec plaisir.

          Les séquelles physiques ne sont pas toutes guéries : des gens portent encore maintenant les stigmates de l’horreur ; les séquelles au niveau des esprits vont s’apaiser avec le départ de ceux qui ont vécus ces épreuves ; les séquelles au niveau de l’inconscient collectif resteront encore longtemps : on parle encore de celles des guerres d’avant et de nos jours encore les Alsaciens chahutent les Lorrains (gentiment, maintenant), parce qu’en 1525 le Duc de Lorraine a massacré les paysans alsaciens à Saverne ...

          Plus d’une fois je me suis ému sur les moments cruels qu’ont eu à vivre nos grands-parents.
          Mon grand-père paternel faisait son service militaire en 1914, quand il a été maintenu sous les drapeaux. Puis il partit à la guerre. Son fils aîné était né en 1912, et sa fille en 1914.

          Il fut blessé à 2 reprises : la 2e lui valut sa mise à la réserve en 1917 car il a été blessé très grièvement.

          Au retour de la guerre, il ne pût plus exercer son métier de boulanger car il était devenu sujet à des allergies et rentra alors aux Chemins de Fer.

          Mon grand-père maternel avait 4 ans en 1914. Son père était parti à la guerre. Il revint en 1918, mais, victime des gaz, il succomba, après 2 ans d’agonie, à une maladie pulmonaire : mon grand-père avait 10 ans !

          Sa mère s’est remariée et eut un second fils qui a été incorporé durant la 2e guerre mondiale : il est porté disparu quelque part en Hongrie actuelle.

          Ma grand-mère maternelle est née en 1912. Son père était alors au service militaire et a été, lui aussi maintenu sous les drapeaux. Les premiers souvenirs qu’elle a de son père datent de 1915, quand, lors d’une permission, il épousa enfin la mère de sa fille.

          Après la guerre, il travailla dans une entreprise de géni civil et, à ce titre, fut mobilisé en 1939.

          Vu que tout ceci s’est passé en Alsace, sous l’empire Allemand, mes ancêtres étaient donc militaires allemands en 1914.

          Le frère de mon grand-père paternel avait été fait prisonnier par les troupes françaises et se trouva ainsi dans un camp.
          Il avait 3 soeurs qui, selon une tradition assez répandue en Alsace, avaient émigré à Paris pour y travailler dans des familles aisées. Elles y avaient fondé leurs familles.

          Les Alsaciens s’étaient donc battus contre leurs beaux-frères Français ! Un des officiers du camp de prisonniers n’était autre que le beau-frère de son prisonnier Alsacien !

          Le père de ma grand-mère maternelle, celui du géni, eut même l’honneur de servir sous les 2 uniformes : allemand en 1914 et français en 1939. Comble de l’ironie : ce sont les allemands qui l’ont fait prisonniers en 1940 ! Puis libéré en tant qu’ancien militaire allemand !

          Pendant ce temps, le ½ frère de mon grand-père maternel s’est fait incorporer de force par l’armée allemande : il était né en 1923 et avait donc 17 ans en 1940 quand l’Alsace et la Moselle ont été annexées de fait à l’Allemagne, et ses jeunes, sous la menaces de représailles aux familles, incorporés de force dans l’armée allemande.

          C’est donc sous l’uniforme des aviateurs allemands (car travaillant dans une entreprise d’aviation à Strasbourg, avant guerre) que Pierre ne donna plus signe de vie quelque part en Hongrie, en mars 1945 ... Il avait 21 ans ...

          Lors de sa dernière permission, quelques semaines avant, la famille voulut le retenir à la maison, comprenant que la guerre approchait de sa fin, mais la peur des représailles qui avait été inculquée à ces jeunes était trop forte et il repartit...
          L’ État Français reconnut l’incorporation de force et il obtint l’inscription : mort pour la France.

          La misère des guerres est universelle. Combien de fois on a entendu dire : plus jamais cela ? Mais regardons autour de nous dans notre monde. Elle est devenu des plus sournoise et des plus lâche : souvenons-nous de New-York, de Madrid, et d’autres depuis ...

          Alors ayons une pensée pour les poilus de 14 et tous les autres « morts pour la France », mais n’oublions pas les vaincus qui, eux non plus n’avaient pas demandé à se faire tuer…

          Ces événements tragiques dont il est question ne devront plus se produire. La construction de l’Europe va bien dans ce sens et tous les efforts depuis que les créateurs de cette grande idée ont entamé le processus devront tendre vers ce but qui doit primer sur tout l’aspect économique qu’on retient à l’heure actuelle : ne pas oublier l’origine des choses, en l’occurrence le pourquoi de l’Europe, c’est aussi cela le rôle de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire.

          Encore de nos jours des Alsaciens se font traiter de "boches" par des gens qui ne savent pas ! Voilà bien la plus violente des injures qu’on peut lancer à la figure d’un Alsacien quand on sait tous le mal que les boches (je n’aime pas ce mot car des boches il y en a eu des biens, aussi : mettre tous le monde dans le même sac c’est aller trop vite en besogne) ont fait en Alsace.

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          • Ce superbe témoignage confirme la notion de la relativité de l’enseignement de l’histoire. Tout particulièrement au sein de notre éducation nationale.

            Sans jeter "la pierre" à nos enseignants...une plus grande modestie dans nos "résumés" de l’histoire telle qu’elle est enseignée à nos enfants, serait la bienvenue.

            Après avoir enseigné les bases historiques de l’histoire du pays (la simple chronologie est malheureusement largement passé de mode !), pourqu’oi ne pas passer plus de temps à en définir la complexité donc la relativité. Comme dit l’auteur de cet article "il n’y avait pas que des bons d’un côté et des méchants de l’autre..."

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  • Notre cause est est juste ils sont braves,
    Faites les revenir triomphants.
    Veillons sur eux et que
    La France à leur retour,leur offre
    une famille unie par la nature et par l’amour.

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  • Merci d’avoir publié ce texte poignant et aussi de l’avoir situé dans son contexte historique.
    Les batailles des frontieres de l’Est sont mal connues du grand public et pourtant combien de nos soldats, ils n’étaient pas encore des poilus, sont tombés là.
    Merci renouvelé pour cet hommage que vous rendez à ceux qui ont terriblement manqué à leurs épouses, à leurs enfants, mais aussi à leurs petits enfants.
    Merci, en donnant une dimension individuelle à leur sacrifice, de montrer l’étendue de l’inquiétude qu’ils éprouvaient pour eux pour leur famille et la somme de courage qu’il a fallu à chacun d’eux au moment du départ.
    Merci Monsieur.

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  • Bonjour,
    Bravo pour ce récit !
    Je vous signale une très grosse base de données consacrée à la guerre 14-18 (et aux autres conflits), par l’association Genemilassoc, avec téléchargements de nombreux documents, gratuitement : http://genemilassoc.fr

    Voir en ligne : Genemilassoc

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