Suite de ma réponse ... au risque d’être long !
Il y a dans l’histoire des régions françaises, et notamment de celles de l’Est, des domaines où le politiquement correct reste de mise, même 300 ans après les faits. L’idée de la France unie et du peuple français historiquement soudé se doit d’être véhiculée encore aujourd’hui.
Alors, dire que tous les français ne descendent pas de "nos ancêtres les gaulois" ... peuplade d’origine germanique, il faut le rappeler … !
Les gens sont très mal informés de ce qui s’est passé en Alsace. Les programmes officiels passent simplement sous silence ce pan entier de l’histoire. Les manuels scolaires ne parlent pas encore de l’incorporation de force des jeunes Alsaciens.
Pour en savoir plus, charge à l’individu de trouver ses sources d’information. Mais celles-ci sont parfois déformées par d’autres tendances plus douteuses : au risque de se laisser influencer, il s’agit de faire la part des choses et de garder une certaine objectivité. Mais l’autre risque, c’est justement, de favoriser l’expression de ces tendances, car les extrémismes naissent de l’ignorance et deviennent le terreau d’idées néfastes.
L’histoire ne doit pas être au service d’une image qu’on veut donner. Elle est une réalité, mais c’est vrai, elle ne correspond pas toujours à ce qu’on en attendrait, à ce qui ferait plaisir. Elle est faite d’héroïsme, mais plus souvent de lâchetés et de trahisons, de recherches de profits personnels plutôt que dans l’intérêt collectif. En cela elle illustre bien ce qu’est l’être humain. C’est pour cela aussi que certains aspects de notre passé sont difficiles à assumer par les gens d’où la tendance à édulcorer et fausser la réalité.
L’Alsace, qui est ma région, est particulièrement concernée par ces silences dans son histoire.
Des vrais Alsaciens au-delà de Louis XIV, il y en a très peu : pour rattacher notre province, la Décapole et la République de Strasbourg (oui, une République au 17e siècle, avant celle de la France !) au royaume de France, après 8 siècles sous le Saint Empire Romain Germanique (cela ne fait "que" 4 siècles que l’Alsace aura été, le plus souvent, française !), celui-ci n’a pas hésité à anéantir l’immense partie de la population de la campagne alsacienne. De cette manière nous venons pratiquement tous de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche.
Du rattachement à la France sous Louis XV on n’aura retenu que le faste de la visite de celui-ci après la reddition de Strasbourg et la fameuse expression : quel beau jardin ! Mais silence total sur les massacres de la population, des famines impitoyables créées par les décennies de bataille et de racket par les troupes, quelles qu’elles soient, en transit durant les guerres du 17e siècle.
Bien souvent les champs de bataille des conflits européens d’alors (guerre de 30 ans, guerre de succession d’Espagne, guerre de succession d’Autriche, …) se sont déroulés sur nos terres de l’Est, même plus tard sous Napoléon ou juste après l’empire, sans parler d’événements plus proches de nous !
Après 1870, est née une expression employée de manière taquine de nos jours : depuis les Alsaciens appellent les "Français de l’intérieur" (expression locale qui mériterait tout un développement !) les "lapins" car ils auraient couru aussi vite que ces derniers en s’enfuyant lors des batailles en Alsace du Nord (rappelez-vous la "charge des Cuirassiers de Reichshoffen", héroïque, personne ne le met en doute !). Le jugement, certes cruel, est à la mesure du ressenti Alsacien envers les officiers supérieurs d’alors. Pas loin de 50 années de domination allemande en ont été la conséquence pour l’Alsace.
Un fort mouvement anti-allemand est né au fil des ans, sous la forme du mouvement autonomiste alsacien (oui, contre les Allemands !) : à la veille de la guerre de 14, en 1911, l’Alsace a eu droit à un parlement avec des députés Alsaciens élus et avait fait un grand pas en avant pour devenir un état autonome à l’intérieur de l’empire allemand.
Mais en 1918, la France a balayé d’un revers de la main tous ces élus du suffrage universel et l’espoir d’une grande partie de la population, et a imposé de manière drastique la langue, les méthodes d’éducation, bref tout le système français sans aucune transition. Autant dire que l’accueil par la population devait être à peu près comparable à celui offert aux Allemands en 1870.
Lors de la dernière guerre mondiale les familles "de l’intérieur" ont souffert en même temps que celles d’Alsace, peut être pas de la même manière.
La grande différence avec le reste de la France, c’est que l’Alsace a été annexé de fait et non pas "juste" occupé.
Les habitants n’avaient alors que 2 choix : rester et se "débrouiller" avec le régime nazi en place, ce qui était peut-être plus facile quand on était un habitant d’un village isolé plutôt qu’un employé d’une administration, police, préfecture, etc. ; ou alors s’élever contre le régime, mais cela supposait déportation, biens confisqués, internement, de soi-même et de sa famille.
Je ne sais pas si en Alsace le taux de héros devait absolument être plus important qu’ailleurs, mais, posez-vous la question : qu’auriez-vous fait si vous y aviez été ! Le souci des habitants de notre province était avant tout de sauver leur peau et celle de leurs proches.
Oui, des Alsaciens ont collaborés : tous n’étaient pas des nazis convaincus, mais n’avaient, tout simplement pas le choix, du fait de leur profession ou d’autres raisons familiales et autres. Mais si eux n’avaient pas accepté de tenir ces rôles, des Allemands, des vrais, les aurait tenus, et peut-être pas de la même manière que les Alsaciens. Il y a eu, aussi, bien sûr, des nazis convaincus, mais ailleurs aussi ...
Oui, des Alsaciens ont fait partie de la Wehrmacht (armée régulière) et des SS (corps d’armée particulier) : il y a eu des volontaires, c’est vrai, mais l’immense majorité ont été incorporés de force, même chez les SS. Ceux qui refusaient finissaient dans des camps, leur famille déportée en Pologne ou ailleurs, les biens confisqués, voire même internés. Alors, c’est bien souvent la rage au coeur qu’ils sont partis, surveillés de près par les "vrais" Allemands : certains ont été fusillés car ils refusaient de combattre. D’autres sont passés de l’autre côté, rarement chez les Français, car on les envoyait sur le front Est, justement pour éviter les désertions. Une fois passés chez les Russes, pour ces derniers ils n’étaient rien d’autre que des Allemands et se retrouvaient dans des camps, Tambov étant le plus connu, et l’un des pires. Le dernier d’entre eux n’est revenu des goulags d’URSS qu’en 1953. D’autres, quelques dizaines de milliers ne sont tous simplement pas revenus, morts ou disparus avec l’uniforme allemand sur le dos.
Oui, des Alsaciens ont résistés : certains dès les premiers jours au risque de représailles envers leurs familles, d’autres dès la fin des hostilités ... !
Oui, il y a eu des héros parmi les combattants de la libération, mais combien y en a-t-il eu au sein de la population restée sur place qui a du se "démerder" pour survivre ?
Il y a eu des gens plus courageux (inconscients ?) que d’autres ; certains ont eu des opportunités que d’autres n’ont pas eues ; certains étaient des traîtres, mais cette dernière notion est variable en fonction du vainqueur !
De toutes manières, lors d’une guerre, il n’y a pas les bons et les mauvais : il y a eu des « salops » des 2 côtés, il y a eu des gens biens aussi, mais, l’immense majorité des gens, quel que soit leur origine, ont été heureux quand tout était fini car personne n’est sorti indemne et personne de normal ne va à la guerre avec plaisir.
Les séquelles physiques ne sont pas toutes guéries : des gens portent encore maintenant les stigmates de l’horreur ; les séquelles au niveau des esprits vont s’apaiser avec le départ de ceux qui ont vécus ces épreuves ; les séquelles au niveau de l’inconscient collectif resteront encore longtemps : on parle encore de celles des guerres d’avant et de nos jours encore les Alsaciens chahutent les Lorrains (gentiment, maintenant), parce qu’en 1525 le Duc de Lorraine a massacré les paysans alsaciens à Saverne ...
Plus d’une fois je me suis ému sur les moments cruels qu’ont eu à vivre nos grands-parents.
Mon grand-père paternel faisait son service militaire en 1914, quand il a été maintenu sous les drapeaux. Puis il partit à la guerre. Son fils aîné était né en 1912, et sa fille en 1914.
Il fut blessé à 2 reprises : la 2e lui valut sa mise à la réserve en 1917 car il a été blessé très grièvement.
Au retour de la guerre, il ne pût plus exercer son métier de boulanger car il était devenu sujet à des allergies et rentra alors aux Chemins de Fer.
Mon grand-père maternel avait 4 ans en 1914. Son père était parti à la guerre. Il revint en 1918, mais, victime des gaz, il succomba, après 2 ans d’agonie, à une maladie pulmonaire : mon grand-père avait 10 ans !
Sa mère s’est remariée et eut un second fils qui a été incorporé durant la 2e guerre mondiale : il est porté disparu quelque part en Hongrie actuelle.
Ma grand-mère maternelle est née en 1912. Son père était alors au service militaire et a été, lui aussi maintenu sous les drapeaux. Les premiers souvenirs qu’elle a de son père datent de 1915, quand, lors d’une permission, il épousa enfin la mère de sa fille.
Après la guerre, il travailla dans une entreprise de géni civil et, à ce titre, fut mobilisé en 1939.
Vu que tout ceci s’est passé en Alsace, sous l’empire Allemand, mes ancêtres étaient donc militaires allemands en 1914.
Le frère de mon grand-père paternel avait été fait prisonnier par les troupes françaises et se trouva ainsi dans un camp.
Il avait 3 soeurs qui, selon une tradition assez répandue en Alsace, avaient émigré à Paris pour y travailler dans des familles aisées. Elles y avaient fondé leurs familles.
Les Alsaciens s’étaient donc battus contre leurs beaux-frères Français ! Un des officiers du camp de prisonniers n’était autre que le beau-frère de son prisonnier Alsacien !
Le père de ma grand-mère maternelle, celui du géni, eut même l’honneur de servir sous les 2 uniformes : allemand en 1914 et français en 1939. Comble de l’ironie : ce sont les allemands qui l’ont fait prisonniers en 1940 ! Puis libéré en tant qu’ancien militaire allemand !
Pendant ce temps, le ½ frère de mon grand-père maternel s’est fait incorporer de force par l’armée allemande : il était né en 1923 et avait donc 17 ans en 1940 quand l’Alsace et la Moselle ont été annexées de fait à l’Allemagne, et ses jeunes, sous la menaces de représailles aux familles, incorporés de force dans l’armée allemande.
C’est donc sous l’uniforme des aviateurs allemands (car travaillant dans une entreprise d’aviation à Strasbourg, avant guerre) que Pierre ne donna plus signe de vie quelque part en Hongrie, en mars 1945 ... Il avait 21 ans ...
Lors de sa dernière permission, quelques semaines avant, la famille voulut le retenir à la maison, comprenant que la guerre approchait de sa fin, mais la peur des représailles qui avait été inculquée à ces jeunes était trop forte et il repartit...
L’ État Français reconnut l’incorporation de force et il obtint l’inscription : mort pour la France.
La misère des guerres est universelle. Combien de fois on a entendu dire : plus jamais cela ? Mais regardons autour de nous dans notre monde. Elle est devenu des plus sournoise et des plus lâche : souvenons-nous de New-York, de Madrid, et d’autres depuis ...
Alors ayons une pensée pour les poilus de 14 et tous les autres « morts pour la France », mais n’oublions pas les vaincus qui, eux non plus n’avaient pas demandé à se faire tuer…
Ces événements tragiques dont il est question ne devront plus se produire. La construction de l’Europe va bien dans ce sens et tous les efforts depuis que les créateurs de cette grande idée ont entamé le processus devront tendre vers ce but qui doit primer sur tout l’aspect économique qu’on retient à l’heure actuelle : ne pas oublier l’origine des choses, en l’occurrence le pourquoi de l’Europe, c’est aussi cela le rôle de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire.
Encore de nos jours des Alsaciens se font traiter de "boches" par des gens qui ne savent pas ! Voilà bien la plus violente des injures qu’on peut lancer à la figure d’un Alsacien quand on sait tous le mal que les boches (je n’aime pas ce mot car des boches il y en a eu des biens, aussi : mettre tous le monde dans le même sac c’est aller trop vite en besogne) ont fait en Alsace.