François, Joseph, Marie, MORINAIS, dit "Françis"
- François, Marie, Joseph, MORINAIS, dit "Françis" (1887-1967)
- Maréchal des Logis, 21è Batterie du 7è Régiment d’Artillerie Croix de guerre 1914-1918 cité à l’Ordre du Régiment, le 14 juillet 1916
Cette photographie de toi, posant en tenue de soldat, je ne l’avais pas revue depuis plus de quarante ans, déjà ! C’est Roger qui la conservait précieusement, pour être certain qu’elle traverserait le temps. Ton fils est un très bon gardien de ce que fut l’histoire des tiens.
J’essaie, à mon tour, de retrouver notre passé, car je suis certain que mes petits-enfants, tes arrières-arrières petits-enfants, en auront bien besoin, un jour prochain.
La dernière fois que j’ai prêté attention à cette photo, je n’avais pas vingt ans, nous venions de passer quelques instants au jardin, devant la maison du 39 rue Faidherbe. Je l’ai toujours appelée comme ça ta petite maison de Sartrouville.
Il faisait bon en cette fin d’après-midi de juillet, tous les deux assis sur des chaises pliantes, à l’ombre de la haute haie vive qui nous cachait la rue, et l’entrée de chez la mère Breton la charbonnière d’en face.
Est-ce parce que j’attendais mon ordre de conscription pour la fin de l’année que tu abordas la question ?
— « Une grande saloperie cette guerre. Des hommes de rien, elle en fait la chair à canon des puissants, et après avoir ôté la vie des plus vaillants, elle pourrit celle des survivants. »
Je transcris sans doute à ma façon, mais est-ce possible autrement après tant de temps, ce qui me reste des mots qui m’ont accompagné ma vie durant, forgeant cette aversion de tout ce qui commande à ces boucheries.
— « Tu trouveras peut-être un jour une citation pour une décoration. Dis-toi bien qu’il n’y a rien de grand à cela. La trouille, mon grand… la trouille seule est à l’origine des exploits dans ces cas-là… »
C’était la première fois que je t’entendais en parler, et ce fut la dernière.
Aujourd’hui, j’ai envie de crier ton exemple, celui de ces hommes, dont plus de la moitié périrent dans la nuit du 10 au 11 juillet 1916, sur la route de Verdun aux abords de Thiaumont, que d’autres hommes comme vous, bien qu’Allemands, attaquaient sur ordre.
J’ai envie de crier pour qu’enfin « plus jamais ça » prenne sens, quelle que soit la couleur de la peau de ceux qu’on assassine, toujours au nom d’une vertu. Une vertu propre à cacher les véritables mobiles de ceux qui nourrissent leur pouvoir, et les marchands, du sang de « ceux qui croyaient au ciel », quel soit-il, comme de « ceux qui n’y croyaient pas ».
Ton petit-fils, Alain, le 19 décembre 2007, après avoir retrouvé, restauré et sauvegardé ces photographies par traitement numérique.
- La 21è Batterie du 7è Régiment d’Artillerie sous les ordres de françis MORINAIS
- Citation à l’Ordre du Corps d’Armée, pour avoir fait preuve d’une énergie remarquable et du plus bel entrain pour son organisation et son installation dans un terrain difficile à proximité des lignes ennemies et sous un feu continu. (Extrait de l’Ordre Général n°40 du 9 septembre 1915)
- Françis MORINAIS
Extrait de l’Ordre n° 430 du 14 juillet 1916 : "... MORINAIS François, Maréchal des Logis, n° Mle 3152, du 7è Régiment d’Artillerie... Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1916, sous un violent bombardement d’obus de gros calibre et d’obus asphyxiants, son canon ne rentrant plus complètement en batterie, a su obtenir de ses hommes une grande dépense d’énergie et a pu continuer un tir lent pendant toute la nuit." Le Lieutenant Colonel MOURRUAU Comdt l’A.D.60.
"Je soussigné LE NOTRE Émile, Capitaine commandant la 8è Batterie du 39è R.A.D., certifie avoir eu sous ses ordres à la 21è Batterie du 207è Régiment d’Artillerie, le Maréchal des Logis réserviste MORINAIS F. en qualité de chef de la 2è pièce.
Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1916, la 21è Batterie en position près du "Cabaret Rouge", route de Verdun à Étain, en dépit d’un bombardement très meurtrier, tira sans arrêt sur les abords de l’ouvrage de Thiaumont que les Allemands attaquaient.
Le Maréchal des Logis MORINAIS qui avait perdu la moitié de ses hommes et dont le canon présentait des défectuosités graves de fonctionnement, assura cependant l’exécution du tir de sa pièce, en se dépensant sans compter. Cette action lui valut une citation à l’ordre.
À partir de ce jour, le Maréchal des Logis se plaignit d’une douleur intéressant la colonne cervicale, mais il ne voulut pas se faire soigner et se contenta de se faire faire des massages journaliers, au poste de secours du Groupe. Il s’était fait, disait-il, un effort en abattant sa pièce, avec le concours d’un personnel insuffisant." Signé : LE NOTRE.