Animé d’un élan patriotique, il s’engage deux jours avant son vingt-deuxième anniversaire au 4e bataillon du Rhône et Loire (devenu le 25e Régiment de ligne en l’an XII) le 15 décembre 1791, dont il est élu capitaine de la 5e compagnie.
Notons la présence dans ce bataillon du stéphanois Louis Ranchon, lieutenant et futur beau-frère du capitaine Fanget.
Ce bataillon demeuré inactif tout l’hiver, est rassemblé à Saint-Etienne puis dirigé sur l’armée du Midi et mis en garnison à Grasse avant d’être affecté en décembre 1792 à l’armée d’Italie.
Pierre Simon Fanget fait les campagnes de 1792 à l’an V à l’armée d’Italie
Le 8 juin 1793 à Raoux, en Piémont, il reçoit un coup de feu au-dessus du sourcil gauche. Le chirurgien major du 25e Régiment de ligne, notera dans un certificat de visite de 1813 « avec lésion de l’os coronal et cicatrice adhérente et a occasionné une faiblesse à l’œil du même côté ».
En l’an IV, remplissant alors les fonctions de chef de bataillon, dans une affaire qui eut lieu au-dessus de Torbole ou Tarbolé, sur la route de Trente (Tyrol) il fait à lui seul 30 prisonniers autrichiens dont 4 officiers, et délivre le tambour-major du régiment.
Le 7 pluviose an V (26 janvier 1797) à Carpeneto (région du Piemont) malgré un coup de feu à la cuisse droite, il tient en échec avec l’aide de deux éclaireurs, soixante hommes de l’armée ennemie qu’il finit par emmener prisonniers.
Ces actes de bravoure sont mentionnés en un mémoire pour sa solde de retraite [1] un livre intitulé « Faste de la Légion d’honneur - bibliographie de tous les décorés accompagnée de l’histoire législative et réglementaire de l’ordre - tome 5 - 1847 » - et dans la nécrologie du capitaine Fanget parue dans le journal « L’Avenir – journal du progrès social » n°6 du 13 novembre 1846.
La blessure reçue à Carpeneto n’est pas bénigne ; le chirurgien major écrit dans le certificat de visite de 1813 que le coup de feu a atteint « la partie moyenne interne de la cuisse droite qui a fracturé l’os avec éclat, cicatrice adhérente et très grand gène dans la locomotion... ».
Il ne prend pas sa retraite pour autant et part pour l’Égypte en l’an VI, puis combat en Orient jusqu’en l’an IX. Au siège d’Alexandrie il remplit par intérim les fonctions de chef de bataillon et rentre en France en l’an X.
Dans son « Histoire de Saint-Chamond » éditée en 1890, James Condamin écrit en page 509 « Il se distingua d’abord au siège malheureux de Saint-Jean-d’Acre ; puis, à la bataille d’Aboukir (25 juillet 1799), il donna de telles preuves de courage qu’il mérita d’être cité à l’ordre du jour et que Bonaparte, le lendemain du combat, voulut lui-même lui remettre un sabre d’honneur ».
L’historien de Saint-Chamond, a reproduit dans son ouvrage, joyaux de notre littérature forézienne, une photographie de sabre « conservé dans une des salles de la Mairie de Saint-Chamond, où j’ai pu en prendre une épreuve photographique ».
James Condamin a bien fait de faire cette photographie car ce sabre semble avoir disparu du lieu où il était conservé.
Les sabres d’honneur étaient d’un modèle réglementaire, mais de finition plus soignée. Durant les campagnes d’Italie et d’Égypte, le général Bonaparte accorda de nombreuses armes de récompense nationale, dont la dédicace comportait son nom aux cotés de celui du gouvernement.
James Condamin est le seul à mentionner cette arme de mérite remise au capitaine Pierre Simon Fanget pour s’être distingué par une action d’éclat.
L’absence de mention de cette distinction (elle rapportait double solde) dans d’autres ouvrages et documents est certainement due à la promulgation de la Légion d’honneur du 29 floréal an X (19 mai 1802) qui a rendu caduque le système des armes d’honneur.
1804
Ultime récompense pour clore l’épopée du capitaine Fanget, faite de charges au grand galop, de coups de sabre et de fusil, mais aussi de longues routes et de nuits passées au bivouac, il est fait membre de la Légion d’honneur le 25 prairial an XII (15 juin 1804), au camp de Bruges.
Alors en garnison à Maubeuge et fraîchement décoré de la légion d’honneur, il épouse le 20 thermidor an XII (8 août 1804) à Limont-Fontaine (Nord) Hyacinthe Joseph Deharveng née à Limont-Fontaine le 25 février 1782.
A noter comme témoin à leur mariage, Louis Ranchon né à Saint-Etienne le 15 avril 1769, beau frère de la mariée et ami du marié, capitaine des grenadiers au 3e bataillon de la 25e demi brigade d’infanterie de ligne.
1807
le 31 mars 1807 au matin, le capitaine Fanget « actuellement à la grande armée ce jourd’huy en cette ville (Saint-Chamond) logé chez le sieur Dalud boulanger en face du pont de St Pierre » rue du Fort, est en l’étude de maître Finaz, notaire impérial, (AD 42 cote 5E33_481) pour acquérir de Claudine Brailly veuve de Jean Antoine Mazenod, demeurant à Rive-de-Gier, « une écurie, fenil et jardin de la contenance d’environ neuf ares situés à Saint-Chamond place de la Croix de Beaujeu »(place de l’Égalité actuelle).
Pour essayer de situer ce bien il nous paraît utile de donner la désignation de l’ensemble de la propriété dont il est issu.
Nous trouvons cette désignation dans l’acte d’achat par madame veuve Mazenod du 13 fructidor an 10 (31 août 1802 – AD 42 acte notaire Finaz cote 5E33_474) d’un tènement d’immeubles appartenant à Antoine Chaland, propriétaire, demeurant sur la commune de Brignais (69).
« Un tènement de bâtiments composé de plusieurs chambres, cuisine, caves, grenier, emplacement de fabrique de moulins à soÿe, magasins, fenil, écurie, hangar et jardin de la contenance d’environ douze ares, situé audit St Chamond, place de la Croix de Beaujeu n° 504 joignant ladite place d’orient, le chemin allant au ci devant château mondragon d’occident et nord, le petit escalier des ci devant Capucins d’occident, les bâtiments vendus par ledit Chaland à Jean Ronze, et ceux de Payre et Montagnier de midy.... ».
Reprenons l’acte de 1802 et rappelons ici la servitude suivante en souvenir de l’aqueduc du Gier dont un ouvrage fut détruit lors des fortifications du château entreprises notamment par Christophe de Saint-Chamond.
« ...la voûte ou souterrain existant sous le jardin vendu restera propre à la venderesse (Veuve Mazenod) jusque et compris le puits à eau claire, à charge par elle d’entretenir les murs de soutènement et la voûte en bon état de manière à ce que le jardin ne soit pas endommagé. Le sieur acquéreur (capitaine Fanget) de son côté ne pourra faire aucun ouvrage au-dessus de ladite voûte capable de l’endommager. Finalement le petit aqueduc qui fait suite audit souterrain est compris dans la présente vente... ».
1812
Alors que commence la campagne de Russie (24 juin 1812), Pierre Simon Fanget, commandant le recrutement du département de la Drôme depuis plusieurs années, demeurant à Valence, consent de céder sa propriété de la Croix de Beaujeu.
Le 23 juillet 1812, jour de la victoire de Mohilev, le capitaine Fanget concrétise en l’étude de maître Louis Maximilien Finaz, (AD 42 cote 5E33_492) la vente de son bien au profit de Jean Jacques Gallet de Mondragon, ancien chef d’escadron, demeurant à Versailles rue Neuve Notre Dame n°12.
Le fils aîné du dernier seigneur de Saint-Chamond est représenté à l’acte par son frère Antoine Gallet de Mondragon de Pleuvault, ancien maître des requêtes, demeurant à Paris hôtel de Mondragon, rue Dantin, présent à Saint-Chamond dès 1807 et notamment lors de la venue en cette ville du futur Charles X.
Observons que le marquis de Pluvault, « émigré amnistié », pour se rendre notamment dans le département de la Loire avait obtenu le 15 mai 1807 un passeport et le 12 juin, Sauzéas, sous-préfet de l’arrondissement de Saint-Etienne écrivait à Fleury Grangier, maire de St-Chamond « ...il est probable qu’il séjourne dans votre ville, je vous invite à exercer à son égard la surveillance à laquelle il est assujetti et de m’en faire connaître les résultats ».
Il est surprenant qu’un officier de la Révolution et de l’Empire fasse affaire avec les principaux représentants de l’Ancien Régime à Saint-Chamond.
L’immeuble de la Croix de Beaujeu rapportait un loyer à son propriétaire et en le vendant il réalisait seulement 300 francs de plus value. En outre le capitaine Fanget n’avait pas besoin d’argent rapidement à en croire les conditions de l’acte fixant un paiement au ler octobre 1813 avec intérêts au taux de 5% l’an à compter du 1er octobre 1812.
La propriété de la Croix de Beaujeu dépend d’immeubles ayant appartenu originairement à Jean Jacques Gallet de Mondragon, dernier seigneur de Saint-Chamond, puis adjugé nationalement à Cyprien Flachat subrogeant Jean Benoît Chaland, le 17 ventôse an 3 (7 mars 1795) et rétrocédé par Antoine Chaland, son frère et héritier, à Jean Jacques Gallet de Mondragon et Antoine Gallet de Pluvault, son frère, par acte sous seing privé en date à St Chamond du 10 frimaire an 12 (2 décembre 1803) déposé aux minutes du notaire Finaz le 22 thermidor an 13 (10 août 1805) – AD42 cote5E33_478.
De toute évidence ni Antoine Chaland, ni le notaire font mention de la vente en 1802 des immeubles de la Croix de Beaujeu à madame Mazenod née Brailly, biens qu’elle cède pour partie en 1807 au capitaine Fanget. Ce dernier a-t-il voulu consentir à restituer un bien à ses anciens propriétaires fussent-ils royalistes ? Mystère.
Une remarque toutefois pouvant être un commencement d’explication, le militaire rendait, moyennant finance, son bien à un ancien militaire, Jean Jacques Gallet de Mondragon, ancien chef d’escadron, et à lui seul, Antoine Gallet de Pluvault n’étant que son mandataire.
Cette vente est un exemple de la politique d’apaisement du Consulat à l’égard des émigrés.
Elle anticipe la loi du 5 décembre 1814 rendant aux émigrés leurs biens confisqués, et celle du 23 mars 1825 dite loi du milliard aux émigrés pour voir affectés trente millions de rente au capital de un milliard à l’indemnisation des personnes lésées.
La campagne de Russie commencée le 24 juin 1812 se termine par une retraite désastreuse (passage de la Bérézina des 27-29 novembre 1812).
Notons parmi les soldats natifs de Saint-Chamond, disparus ou perdus en Russie pendant la campagne de 1812 :
- Nicolas Terrasse né le 19 décembre 1783, fils de maître passementier,
- Fleury Joannès né le 15 octobre 1790, fils de charbonnier,
- Guillaume Mazenod né le 13 mars 1790, fils de cloutier,
tous trois paroissiens de Saint-Pierre Sainte-Barbe.
- Jean Terrasse né le 20 novembre 1790, fils de passementier,
- Etienne Jabrin né le 3 mai 1790, fils de maître menuisier,
tous deux paroissiens de Notre Dame.
1813
Au cours du mois de février 1813, Pierre Simon Fanget, capitaine de recrutement dans le département de la Drôme, est rappelé au dépôt de son régiment à Landrecy, pour cause de santé.
Le 25 juillet 1813 il est admis à la retraite après 31 ans, 7 mois et 11 jours d’activité militaire dont 10 ans de campagne de guerre.
Le certificat de visite délivré le 10 juillet 1813 par le chirurgien major du 25e Régiment de ligne, mentionne que les blessures du capitaine Fanget ont occasionné « une faiblesse de l’oeil » gauche, « une grande gène dans la locomotion » de la jambe droite, de plus il est atteint de « phtisie tuberculeuse au deuxième degré et de surdité suite des fatigues de la guerre. »
Alors que l’évacuation de l’Espagne se confirme, que se prépare la 6e coalition : Russie, Angleterre, Prusse, Autriche, Suède, princes allemands, que les mobilisations de janvier 1813 (350 000 hommes), d’Avril 1813 (180 000 hommes) engendrent l’insoumission et la désertion, le général Lahure, commandant le département du Nord, exige une contre visite du capitaine Fanget.
L’ancien chirurgien en chef de l’Armée du Nord commis pour y procéder confirme la première visite et conclue « En conséquence nous estimons qu’il est absolument hors d’état de remplir aucun service militaire et que la nature de ses infirmités peuvent être estimées à la perte d’un membre. »
Le 25 juillet 1813 le capitaine Fanget est admis à la retraite et se retire à Saint-Chamond.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le 28 juillet 1813 le jeune retraité (il a 43 ans) devient père de Desiré Agapite Joseph né à Limont-Fontaine de son union avec Hiacinthe (prénom ainsi orthographié à l’état-civil) Josephe Deharvengt.
La famille Fanget se retire à Saint-Chamond où elle habite rue du Fort.
Gaspard Clemaron, maire de la commune de St Chamond par décret impérial peut compter sur le soutien du capitaine Fanget.
On peut lire dans la nécrologie du capitaine Fanget qu’à cette époque « il s’était montré digne de lui-même, lors de désordres survenus à St-Chamond, et qu’il réprima par son courage et sa fermeté, ainsi que l’atteste une lettre de félicitation du maire de cette ville dont il nous a été donné connaissance ».
Nous n’avons pas trouvé aux Archives Municipales de Saint-Chamond le nom du capitaine Fanget intervenant dans la répression de désordres, mais il est fort probable qu’il s’agisse de ceux relatés ci-après sous la date du 30 mars 1814.
Le 11 décembre 1813 débute l’invasion de la France par l’Est.
Le capitaine Fanget a certainement rejoint la société d’anciens militaires dite « compagnie Napoléon » puis à compter du 25 juin 1813 « légion Napoléon » dont le maire Gaspard Clemaron nomme les officiers. La « légion Napoléon » est sous les ordres du maire pour l’exécution des mesures de police et de sûreté. Son devoir est le maintien du bon ordre.
On peut imaginer qu’il pense comme l’un des personnages du livre « Histoire d’un conscrit de 1813 » d’Erckmann et Chatrian « tant de souffrances, tant de larmes, deux millions d’hommes sacrifiés sur les champs de bataille, tout cela n’avait abouti qu’à faire envahir notre patrie ».
Parcourons maintenant la série Dsc – Administration générale de la commune - registres de délibérations du Conseil municipal de Saint-Chamond- des années 1814 et 1815 et quelques documents trouvés dans les séries Hsc Affaires Militaires des Archives Municipales de Saint-Chamond, pour découvrir comment le capitaine Fanget et ses compatriotes ont vécu l’invasion autrichienne.
1814
Au cours du mois de janvier, diverses fournitures sont faites au gouvernement en vertu de réquisitions du préfet et du sous-préfet. La ville fournit « 33 fusils de calibre », « des harnais pour monter deux anciens militaires » - Huit chevaux appartenant à Dugas Vialis, Servanton, Pascal, Revol, Granjon et Montagnier (il en fournit deux) « ont été retenus à Lyon par M. le Général Musinier » - Jacques et Jean Baptiste Vellunt fournissent le premier, « 112 paires demi guêtres de toile », le second « 112 capotes » - Loyon livre « 112 pantalons de toile » et Verney 112 paires de souliers ».
7 janvier 1814
Le conseil municipal, sur l’ordre des autorités préfectorales, oblige « tous les militaires jouissant d’une solde ou pension de retraite avec un congé définitif » à se présenter à la mairie dans les vingt-quatre heures et à se faire inscrire sur un registre en précisant l’arme à laquelle ils ont appartenu. Dans ce même délai tous les citoyens qui possèdent des armes de guerre et de chasse doivent les déclarer en mairie.
15 janvier 1814
Pierre Simon FANGET est nommé capitaine de la première Compagnie de la Garde municipale.
19 janvier 1814
Le sous préfet sur « l’ordre exprès » du préfet demande à monsieur Clemaron de l’informer par estafette à cheval de tout mouvement que l’ennemi pourrait faire sur le territoire de la commune.
20 janvier 1814
Les officiers de la Garde Municipale réunis dans la salle municipale prêtent individuellement serment devant monsieur le maire. Ce serment est « Je jure d’être soumis aux constitutions de l’Empire, fidèle à l’Empereur et de remplir avec honneur et exactitude le service auquel je suis appelé ».
21 janvier 1814
Suite aux arrêtés sur les compagnies des partisans rendus par monsieur le Sénateur Comte de Chanteloup et le Préfet du département de la Loire, les habitants de la ville de Saint-Chamond en état de porter les armes sont convoqués sur la place Saint-Pierre, le 24 janvier à 8 heures du matin pour être organisés en Compagnies de partisans. Chaque compagnie comprendra 50 hommes qui éliront leur chef sous réserve de l’approbation du maire.
24 janvier 1814
Appel des conscrits de la classe 1815, c’est-à-dire des jeunes saint-chamonais nés depuis le 1er janvier 1795 jusqu’au 31 décembre suivant. Les inscriptions auront lieu du 25 janvier à 17 heures au lendemain même heure. Ceux dont les familles n’auront pas déclaré l’absence ou la maladie seront ainsi que leurs parents passibles des peines portées contre les réfractaires.
25 janvier 1814
Le conseil municipal décrète qu’une escouade de la garde cantonale sera composée d’un lieutenant, un sous lieutenant, un sergent major, quatre sergents, un caporal fourrier, huit caporaux, quarante fusiliers et un tambour, pris, à l’exception de ce dernier , parmi les plus riches contribuables. Ils ont jusqu’au 8 février pour se proposer, à défaut ils seront désignés d’office.
Cerise sur le gâteau, les officiers et sous officiers de la compagnie cantonale devront s’habiller, s’armer et s’équiper à leurs frais.
27 janvier 1814
Monsieur Clemaron reçoit les félicitations de Claude Philibert Berthelot de Rambuteau, Préfet du département de la Loire, comte de l’Empire, chambellan de sa majesté, chevalier de l’ordre de la Réunion, « je vous remercie des renseignements que contient, d’ailleurs, votre rapport du 15 de ce mois. J’y ai trouvé avec beaucoup de satisfaction des traces de cette sollicitude générale et constante pour tous les objets d’intérêt public...Vous devrez cependant, ne rien négliger pour reconnaître les auteurs des affiches dirigées contre l’administration, et pouvoir les signaler. Je vous remercie des renseignements que contient, d’ailleurs, votre lettre, relativement aux anciens militaires... ».
C’est ce Préfet qui organise la défense du département de la Loire durant l’invasion de 18141815. Trop lié à Napoléon, il sera écarté par la Restauration puis rappelé par Louis-Philippe, il sera Préfet de la Seine durant quinze ans.
En février-mars 1814 les Autrichiens sont en Saône-et-Loire. « Ils se livrent à quelques incursions dans la Loire : dès le 10 février 250 Autrichiens traversent Charlieu » (in La Diana, bulletin 3e trimestre 2002, tome LXI-N°3).
15 février 1814
La création de la compagnie cantonale de Garde Nationale en date du 25 janvier n’est pas un succès. Malgré la publication de deux arrêtés aucun citoyen ne s’est fait inscrire dans cette garde destinée « à faire concurremment avec les deux compagnies de la Garde Municipale et le corps des pompiers, le service intérieur de la place, et à veiller au maintien de la sûreté et de la tranquillité publique ».
Sa composition est légèrement modifiée par rapport à son organisation initiale. Elle comprend soixante-neuf hommes dont un capitaine qui sera nommé par le sous-préfet, un lieutenant Sagnol Jean Marie, un sous lieutenant, Pascal Fleury, un sergent major, Porte Jean Antoine, quatre sergents : Pirand Jean Baptiste, Denis Benoist, Rouchon Jean Baptiste et Boissona Jean, un caporal fourrier, Giney Antoine, huit caporaux mais sept sont mentionnés : Bonnard Pierre, Ogier André, Rogot Joseph, Moinain Etienne, Hervier Louis, Sarron Vital et Callet Joseph, puis suivent les noms de cinquante fusiliers : Desgranges Jean Baptiste, Roux Joseph, Chorel Etienne, Dumont Claude, Drevot Augustin, Crozet Pierre, Martin Léonard, Carrier Antoine, Gonin Guillaume, Brondel Mathieu, Bertholet Jean Marie, Ravachol Nicolas de St Martin, Erard Jean Baptiste, Verillac Jean Marie, Mongiraud Jean Claude, Porte, fils, Marie Antoine, Ducoin François de Saint Martin, Dumont Jean Baptiste, Thevenon Hugues, Raud Pierre, Vivien Claude, Courbon Claude, Bertholat Jean Baptiste, Dumoulin André, Vellunt François, Cuere Mathieu, Bouchol Antoine Marie, Gromo Pierre, Chavanne Etienne, Jayet Jean, Perrelon Pierre, Delaroue Charles, David Antoine, Bergé Jean Marie, Chevalier Honoré, Gonon Jean Baptiste, Faure Jean, Mounier Mathieu, Couzon Jean Baptiste, Gonon Jean Pierre, Giron Etiene, Chazal André, Malaure Fleury, Couchoud Antoine, Berne Fleury, Charrin Pierre, Boissonna Villemagne, Charbonnier Antoine, Fluchiron Jean Marie, Dupuy Jean Antoine, et deux tambours Giney François et Bret Laurent.
Il est prévu que la garde sera toujours commandée au moins vingt-quatre à l’avance, et que les citoyens appelés (eux ou leurs représentants) qui ne se rendent pas à la convocation auront à payer une amende de 4 francs.
6 mars 1814
Montolivet, ministre de l’Intérieur, comte de l’Empire, appel à la résistance les préfets, sous préfets et maires « de s’armer pour harceler ses détachements et ses éclaireurs, de lui soustraire les ressources de tout genre dont il a besoin pour sa subsistance et ses transports...Les magistrats et tous les citoyens qui tiendraient une autre conduite seraient des traîtres...Vous recueillerez avec soin les traits particuliers de zèle et de dévouement les plus remarquables ; vous me les ferez connaître, et les noms de leurs auteurs seront mis sous les yeux de sa majesté. »
20 mars 1814
Le préfet de la Loire écrit « Le défaut de renseignements certains, Monsieur le Maire, jette l’incertitude dans toutes les opérations...Le principal objet en ce moment, est la marche des colonnes ennemies....Toutes les fois que l’ennemi aura mis pied sur votre territoire, vous aurez soin d’en prévenir le sous préfet... ».
Début du stationnement des troupes autrichiennes à Saint-Chamond
23 mars 1814
Monsieur Clemaron, maire, déclare au cours d’un conseil municipal extraordinaire :
« Messieurs, une avant garde Autrichienne a traversé aujourd’hui notre ville, se dirigeant sur St-Etienne, elle a établi son bivouac à nos portes. Le commandant de cette avant garde m’a fait une réquisition de trente aunes de drap super fin et quarante paires de bottes ou souliers, il a laissé à notre charge une garnison pour assurer la rentrée de ces objets et il a placé chez moi deux hussards en sauvegarde. Le commandant m’a annoncé le prochain passage de quinze mille hommes de troupe (ce chiffre est exagéré nombre d’auteurs mentionnent 5000 hommes) dont une partie pourrait stationner dans nos murs. Ainsi il est vraisemblable que mes relations avec l’autorité supérieure seront momentanément interrompues. Dans ces circonstances difficiles j’ai pensé que j’aurais souvent besoin de vos conseils et que d’ailleurs la réunion d’un certain nombre d’administrateur présenterait un caractère imposant qui nous garantirait d’autant plus de tranquillité de la ville et des égards de la part des troupes victorieuses. C’est pour ces motifs et pour vous prier de vous associer à mes travaux que j’ai provoqué votre réunion. Je vous invite à vous constituer en permanence jusqu’au rétablissement des communications avec l’autorité publique dans la ville. »
Il est formé cinq commissions : vivres pain et viande, composée de Richard, Bertholon et Granjon – vins et eaux de vie, composée de Magnin, Bancel et Ducoin – fourrages, composée de Chaland, Delermoy et Basset - voitures et transports, composée de Sirvanton, Grange et Mort – objets divers et imprévus, composée de Gillier, Flachat et Gabriel Terrasson.
Après l’occupation de Lyon (21 mars 1814), trois colonnes autrichiennes se dirigent vers le département de la Loire et ses industries de guerre. Le 24 mars une colonne se rend à Saint-Etienne. sous les ordres de Ferdinand de Saxe Cobourg. Saint-Etienne est investi par 5000 Autrichiens et non 15000 comme on l’a fait croire au maire de Saint-Chamond.
Acte de résistance (conforme à la demande du 6 mars 1814 de Montalivet ministre de l’intérieur).
30 mars 1814
Par proclamation au « Peuple de Saint-Chamond » le maire,surveillé à son domicile par deux hussards, révèle un acte de terrorisme « un égarement coupable vous a porté à soustraire des canons de fusils et des bandes de fer aux convois qui traversaient cette ville et tandis que les généraux autrichiens proclament et garantissent le respect de nos propriétés et que les armées traversant nos contrées observent une discipline sévère, vous vous permettez de dérober les propriétés autrichiennes. Peuple de Saint-Chamond, plusieurs d’entre vous ont réparé leurs tords en me rapportant les objets soustraits ; les autres coupable me sont connus et je compte sur la même conduite de leur part. Vous ne vous permettrez plus sans doute des actes qui déshonorent et votre pays et le nom français. Dans cette confiance, j’en vais signer la promesse envers le Prince qui commande l’Armée dans nos contrées, et solliciter sa clémence en votre faveur. »
Il est fort probable que le capitaine Fanget soit intervenu pour éviter certainement le pillage de la ville par les Autrichiens, comme cela aurait pu arriver à Roanne sans le courage de François Populle, maire de cette ville.
L’ancien soldat de la Révolution et de l’Empire savait « qu’en temps de guerre, les paysans et les bourgeois sont en quelque sorte comptés pour rien ; on ne leur demande que de l’argent et des vivres, qu’ils donnent toujours, parce qu’ils savent qu’à la moindre résistance on leur prendrait jusqu’au dernier sou. » (in Histoire d’un conscrit de 1813 par Erckamnn-Chatrian).
Ouverture d’un « registre destiné à l’inscription des personnes sujettes au logement des troupes »
1er avril 1814
Parmi les 643 maisons réquisitionnées, nous trouvons celle portant le numéro 525, occupée par le capitaine Fanget, Antoine Poméon, cordonnier et Jérôme Drevet, faiseur de galoches.
- (Extraits du registre série 2Hsc6 AM de St-Chamond)
Nous ne connaissons pas la signification des chiffres portés dans la colonne « observations », mais pour la colonne « classe » des annotations sur un quart de feuille trouvé dans le registre elle pourrait correspondre à la capacité d’accueil soit 11 personnes pour la maison du 525 rue du Fort.
On peut penser que ce numéro ne fut pas recouvert d’enduit jaune, signe distinctif permettant aux soldats autrichiens de trouver les lieux de leurs hébergements. En effet il est bien difficile d’imaginer le capitaine Fanget « accueillant » sous son toit un soldat autrichien, à moins qu’il s’enferme dans le silence comme les héros malgré eux du livre « Le silence de la mer » de Vercors.
Quelques uns de ces numéros autrichiens ont fait en 2021 l’objet d’une rénovation grâce à la pugnacité des présidents successifs de l’association, Le C.H.A.M. « Les Amis du Vieux Saint-Chamond » et en particulier du docteur François Morange, sans oublier madame Nicole Forest alors conseillère municipale en charge du patrimoine.
6 avril 1814
Le maire Clemaron n’obtient pas la clémence des occupants et proclame « La peine a suivi de prêt le délit, une contribution énorme a été imposée sur la ville, elle ne peut être acquittée qu’aux dépends du pauvre, puisque l’homme aisé se voit obligé de verser dans les magasins militaires le peu de ressources qui lui restait pour secourir les malheureux. Riches et pauvres vous êtes donc également intéressés à protéger la sûreté des convois militaires à conserver vis à vis l’armée, l’ordre, la décence et les égards. Et comme souvent avec ce personnage, l’avertissement est suivi de la sanction « les individus qui s’en écarteraient sont prévenus qu’ils seront arrêtés, conduits au quartier général et livrés à l’armée autrichienne. »
8 avril 1814
Les membres du conseil municipal sont réunis dans la demeure du maire, comme c’est le cas depuis le 23 mars 1814 jour de l’invasion de Saint-Chamond par l’armée autrichienne pour pourvoir aux dépenses des réquisitions qui « se produisent et se multiplient d’une manière rapide » un impôt extraordinaire est levé sur les habitants soumis aux cottes foncière et mobilière s’élevant à 15 francs ou supportant une cotte mobilière de 10 francs.
Les membres du comité de répartition, élus parmi les membres du conseil municipal, savoir messieurs Chaland, Bancel, Gillier et Sirvanton, nommeront un caissier chargé du recouvrement de l’impôt.
Un document conservé aux Archives Municipales de Saint-Chamond, donne la répartition d’une somme de 20 382,60 francs faite « en exécution des ordres du prince de Saxe Cobourg, général commandant l’une des colonnes de l’Armée Autrichienne, pour le payement du montant des contributions dont la ville de Saint-Chamond a été frappée par S.A. ». Il s’agit du prix à payer suite aux actes de résistance.
Le drapeau blanc flotte sur le haut de l’hôtel de ville
12 avril 1814
Le maire donne lecture au conseil municipal réuni en présence de « M. de Fecondo, capitaine au régiment de Reuss Plauen infanterie, commandant en cette ville » de la feuille du Moniteur du 7 avril arrivée à St Chamond, le 12 avril, annonçant que le prince « Louis Stanilas Xavier (Louis XVIII) est rendu aux vœux des Français par une charte constitutionnelle également avantageuse au peuple et à l’auguste famille destinée à gouverner » et fait référence à un senatus consulte du 2 avril paru dans Le moniteur le dimanche 5 avril 1814 n° 95
« SENAT-CONSERVATEUR
« Messieurs les membres du gouvernement
« provisoire,
« Le Sénat me charge de vous prier de faire
« connaître dès demain au peuple français que le
« Sénat, par un décret rendu dans sa séance de
« ce jour, a déclaré la déchéance de l’Empereur
« Napoléon et de sa famille, et délié en consé
« quence le peuple français et l’armée du serment
« de fidélité.
« Cet acte vous sera adressé dans la journée
« de demain avec ses motifs et ses considérants.
« J’ai l’honneur vous saluer.
« Le président du Sénat.
« Signé, Barthelemy.
« Pour copie conforme.
« Le secrétaire du gouvernement provisoire
« Dupont (de Nemours.)
« Paris, 2 avril 1814 à 9 heures et demie du soir. »
Le conseil municipal déclare ce senatus consulte conforme à son vœu et se dit « satisfait en voyant remonter sur le trône de France, le Prince Louis Stanislas Xavier de France » et « ces heureux événements seront célébrés dans cette ville... ».
Le même jour, le maire Clemaron proclame « Habitants de Saint-Chamond, livrez vous aux transports de la plus douce joie, la France est encore une fois sauvée...Votre industrie va de nouveau trouver le moyen de se développer, les ateliers vont se rouvrir ; la paix, la douce paix va renouer les relations sociales et celles du commerce...Vive le Roi...Nous ordonnons qu’il sera fait aujourd’hui une illumination générale en réjouissance de l’heureux événement que devons célébrer. »
Le sabre et le goupillon
13 avril 1814
La nouvelle monarchie est fêtée sur l’esplanade de l’hôtel de ville, en présence du capitaine et des officiers du régiment de Reuss Plauen, en garnison à Saint-Chamond. Le maire Clémaron « décoré de la cocarde blanche, fait à l’assemblée une distribution de ce signe cher aux français qui, aussitôt est arboré par l’assemblée, la troupe et les assistants aux cris mille fois répétés (le secrétaire de mairie a dû les compter) de Vive le Roi ».
Le maire remet un drapeau blanc aux commandants de la Garde Nationale et des Pompiers « signe de ralliement et le gage de l’union et de l’harmonie des français. Le cortège se rend à l’église Saint-Pierre où il assiste à la messe solennelle et au Te Deum, il est accompagné sur son passage par des acclamations, des cris de joie...Dans cette journée d’abondantes distributions de comestibles ont été faite aux indigents, la ration doublée à la troupe et chaque soldat a reçu une gratification d’un franc et les sous officiers de 2 francs (quand on aime on ne compte pas). La fête a été universelle, le bruit de l’artillerie s’est mêlé aux accents de la joie et de l’allégresse publique. Le drapeau blanc flottait depuis hier sur le haut de l’hôtel de ville ». Cette manifestation s’est terminée par une illumination.
18 avril 1814
Le dénommé Turge « Conseiller de Préfecture délégué par M. le Préfet pour le représenter en son absence » informe les maires des communes du département « L’envahissement, Monsieur le Maire, d’une partie du département, de la part des armées alliées, avait forcé l’Administration de transférer successivement le siège de la Préfecture sur des points que ces armées n’occupaient pas encore. Les circonstances heureuses qui ont suivi cette invasion, ont permis de ramener le siège de l’Administration au chef-lieu du département (Montbrison).... Une révolution opérée sans secousses, sans violences..... ».
Notons que le Préfet Rambuteau « quitte Montbrison occupé le 24 mars 1814 et se replie à Saint-Bonnet-le-Château où il installe le chef lieu provisoire du département ». (confer Claude Latta in bulletin de La Diana sus-mentionné).
22 avril 1814
Le conseiller Turge demande aux maires de faire établir, pour l’acquittement des fournitures, deux comptes, le premier comprendra toutes les fournitures faites pour le service des troupes françaises ; le second ne contiendra uniquement que les fournitures faites pour les troupes armées alliées.
23 avril 1814
Suite à une lettre du Préfet du département, malgré le drapeau blanc et la cocarde largement distribuée, il est recommandé au conseil municipal de réitérer auprès du roi lui même, l’adhésion de la ville de Saint-Chamond, aux actes du Sénat et du gouvernement provisoire « en mettant aux pieds de ce monarque chéri, l’expression de sentiment d’amour, de respect et de fidélité dont le conseil est pénétré pour sa personne sacrée et pour sa dynastie. »
La lettre adressée à Louis XVIII déborde de flagornerie sirupeuse, attitude fort utilisée par bon nombre de municipalités.
« Sire
« Dès que le conseil municipal de la ville de Saint Chamond eut connaissance de par le journal officiel des grandes et salutaires mesures prises par le Sénat et par le Gouvernement provisoire, il s’empressa de les publier et d’y donner son adhésion, qui fut adressée à S.A. Le Prince Président du Gouvernement provisoire, le 14 de ce mois.
« Mais,Sire, cette première expression de nos sentiments n’est point assez pour nos cœurs pressés du besoin de le dire à votre Majesté elle même. Daignez permettre que nous les déposions dans votre sein royal et paternel, daignez les accueillir avec bonté. Amour, respect, fidélité, tels sont ces sentiments pour votre personne sacrée, par votre dynastie, ils nous sont communs avec tous les habitants de votre ville de Saint Chamond, ils sont d’autant plus vifs qu’ils furent longtemps comprimés. Nous bénissons le moment ou il nous est permis de lui donner un libre essor. »
La vie reprend son cours
25 avril 1814
Des plantations ont été faites sur la place Notre Dame, pour augmenter l’agrément de cette promenade publique... Le maire rappelle qu’il faut respecter les plantations « les enfants sont prévenus qu’ils ne peuvent se réunir pour jouer que dans le centre de la place, il leur est défendu d’approcher des fossés ni des jeunes arbres, et de jeter aucune pierre ni corps dur...Il est défendu de laisser errer les poules sur la place, celles qui y seront trouvées seront tuées ». L’édile conseille, comme bien d’autres après lui, « que les pères et mères y tiendront la main et surveilleront leurs enfants » ainsi « il n’aura aucune contravention à faire fournir ».
Le maire a fort à faire avec de jeunes couramiauds, le même jour il déclare à la population qu’il a été « informé que des enfants des divers quartiers de la ville se sont réunis en deux corps dans la journée d’hier et se sont livrés à un combat à coups de pierres, ce qu’ils appellent faire la bataille ». Jeu stupide et dangereux même si cette guerre des enfants peut trouver son origine dans les invasions qui frappent le pays.
Le premier magistrat interdit aux enfants de s’affronter sous peine d’être « arrêtés et conduits dans la maison de dépôt, pour être ensuite puni comme il conviendra. »
Les parents ont droit à un rappel à la loi et à leurs obligations fondamentales que je vous laisse savourer « les pères et mères sont civilement responsables des suites que pourraient entraîner les infractions aux défenses ci-dessus. Il leur est recommandé de veiller sur leurs enfants, d’empêcher qu’ils ne se répandent et ne séjournent sur les places publiques où ils ne peuvent que contracter le goût de la fainéantise et les mauvais penchants qu’elle entraîne après elle. Les pères et mères sont responsables envers la société de la bonne conduite de leurs enfants, ils ne peuvent les former à la bonne conduite qu’autant qu’ils les ont constamment sous les yeux pour les enseigner par leurs leçons et par leurs exemples. C’est là le premier devoir d’un bon père ».
29 avril 1814
Fini pour « les militaires appartenant aux corps de partisans ou aux bataillons de gardes nationaux, ou les conscrits rassemblés, qui sont rentrés dans leur foyer de conserver les armes et effets qu’ils ont apportés de ces différents corps », sur ordre du préfet en date du 25 avril, ils doivent les déposer en marie, et ceux qui les auraient vendu ou abandonner seront responsables de leur valeur. Quant aux militaires ils doivent rejoindre l’armée « avec armes et bagages si non ils seront poursuivis et traités comme déserteurs. »
Après l’invasion autrichienne, l’addition
7 mai 1814
Si les propriétés et les fortunes particulières ont été respectées par les armées étrangères, c’est par un « effet de zèle que l’administration a mis à pourvoir à leurs besoins et à satisfaire à leurs réquisitions ». Pour financer les frais et dépenses relatifs au passage et au séjour des troupes, et aux réquisitions faites par le général autrichien, le maire sur ordre du sous-préfet demande à Marcoux, percepteur des contributions directes, de faire payer la taxe relative à l’invasion d’ici le 15 mai. « Il sera mis à sa disposition un nombre suffisant de gendarmes de garnison qui seront placés chez les contribuables en retard et qui recevront cinq francs par jour, outre la nourriture pour l’homme et le cheval ». Il est fort à parier que les couramiauds imposables se seront acquitter à temps de la taxe relative à l’invasion.
Les quatre barriques de vin
- Extrait de la pétition de Mogino
Laurent Mogino, négociant à Saint-Chamond « a acheté et payé de suite quatre barreilles de vin chez la Rose de Limonie (Limony en Ardèche, au bord du Rhône, à la limite de la Loire) pour fournir aux soldats qu’il loge ». Il charge le 4 avril 1814 le voiturier Roussier de ramener la marchandise à Saint-Chamond.
Malheureusement le chargement est intercepté le surlendemain par des autrichiens à Saint-Pierre-de-Boeuf. Furieux Mogino écrit le 8 avril au Prince de Saxe Cobourg « ...je viens donc supplier votre Altesse de vouloir donner des ordres pour faire rendre le vin. J’espère tout, mon bon Prince de votre bonté et de votre justice. »
Contre toute attente le premier lieutenant du prince donne l’ordre au « commandant à Bœuf » de « laisser passer librement le voiturier avec les voitures et le vin dont elles sont chargées pour se rendre à Saint-Chamond, et de lui prêter aide et assistance, attendu que le vin est destiné pour la consommation des troupes stationnées à Saint-Chamond ou dans les environs ».
Malheureusement le 9 avril le maire de Saint-Pierre-de-Boeuf lui indique que « les quatre bareilles ont été chargées de suite sur un bateau et conduites au camp autrichien à Saint-Valier ».
Notons que la bataille de Limonest (20 mars 1814) est l’une des défaites de l’armée française qui ouvre la porte aux autrichiens qui occupent Lyon le 21 mars, puis Saint-Chamond et Saint-Etienne le 23 mars. Défaite inéluctable en raison des forces en présence. Du côté français 16300 fantassins, 1800 cavaliers et 28 canons, du côté autrichiens 30500 fantassins, 4000 cavaliers et 88 canons.
Le 26 avril 1814 Mogino obtient du maire Clémaron, qui a délégué la signature des actes de l’état-civil à son premier adjoint Ardisson, le certificat suivant :
Le tenace Laurent Mogino adresse une nouvelle réclamation dans laquelle il prétend « que son vin ne lui avait été enlevé que parce que la commune de Bœuf n’avait pas fourni celui qu’elle aurait du livrer et que le sien y ayant suppléer la commune sus dite devait l’en dédommager. Cette réclamation est adressée le 17 mai par le « Commissaire Général du Gouvernement de haute puissance alliée » au sous-préfet qui s’empresse de transmettre la patate chaude au maire de SaintPierre-de-Boeuf, lequel retourne le 31 mai la réclamation au sous-préfet en lui précisant « les faits avancés par le Sieur Mogino ne sont point exacts, en ce que le vin dont s’agit ne fut point acheté dans sa commune qui ne peut être pour rien dans cette saisie, attendu encore qu’elle livra au détachement (autrichien) tout ce qu’il lui demanda » il ajoute « que ce fut en vain qu’il fit des réclamations à l’officier commandant le détachement ; duquel il eut encore de la peine à obtenir le renvoi des quatre bœufs qui voituraient le vin ». En conséquence le sous-préfet, le 2 juin retourne au maire de Saint-Chamond la réclamation de Mogino retrouvée dans les archives municipales de la ville, et met un point final à cette affaire « puisqu’il n’est pas raisonnablement possible de mettre le vin en compte particulier d’aucune commune il ne pourrait être compris que dans un état général s’il en était dressé... » et les documents consultés ne mentionnent un quelconque dédommagement au profit du malheureux Laurent Mogino.
1er mai 1814
Le sous-préfet demande au maire qu’il lui soit présenté le 10 mai « pour la remonte de la cavalerie légère » un cheval de « 4 pieds 7 pouces à 4 pieds 8 pouces 1/2 » ne devant pas être âgé de moins de 5 ans et de plus de 9 ans, le prix est fixé à 360 francs avec possibilité d’un petit dépassement. Sur l’original de cette lettre une main anonyme a indiqué « cheval fourni mais refusé ».
Comment, à moindre coût, faire honneur au roi
10 mai 1814
Le conseil municipal rappel qu’« une dépense de six cents francs a été votée, pour être employée à faire place dans la salle des séances du conseil municipal, le portrait en pied du ci devant Empereur Napoléon. » et décide de « substituer à une disposition de pure circonstance...celui de voir dans la salle du conseil le portrait du Prince chéri, du Roi si longtemps désiré et si heureusement rendu à l’amour des français ».
Le conseil municipal décide, ce qui ne coûte rien, que « la salle des séances portera le nom de salon Louis XVIII » et « pour perpétuer le souvenir non par des monuments dignes de cette grande époque, les bornes de nos ressources pécuniaires ne nous permettant pas de les entreprendre...mais en attachant à diverses places et rues de cette ville des noms qui nous sont devenus plus chers depuis qu’ils ont reparu en France pour mettre fin à ses longues souffrances. » Il est donc « arrêté que la place et les rues ci après dénommées, porteront désormais les noms ci-après, savoir :
La place Notre Dame, place Louis XVIII
La rue de la Pichelière, rue de Bourbon
La rue Sabotin, rue d’Artois
La rue de la Bobe (rue de l’Asile Fournas actuelle), rue d’Angoulême
La rue du Garat, rue du Berry
La rue de la Caure, rue de Condé
La rue Ventefort (rue Ventefol), rue d’Enghien
La rue de l’Arzalier (rue Dugas Montbel actuelle), rue des Lys. »
Reste, lors de cette délibération, à trouver mil six cent francs montant de la dépense de la garde nationale sédentaire. En effet « il fallu louer un local, fournir le feu et lumière, mettre en réparation soixante fusils très vieux...quatorze canons de ces fusils n’ont pas résisté à l’épreuve et ont crevé. Il a fallu les remplacer. Il a fallu également remplacer seize fusils fournis au gouvernement pour l’armement de la garde nationale.... ». La somme sera budgétisée notamment en réduisant de cent francs le traitement du greffier du Conseil des Prud’hommes et en annulant les six cents francs de dotation prévus pour la rosière, pauvre jeune fille qui cette année ne sera pas récompensée pour ses vertus.
17 mai 1814 Le 24e régiment d’infanterie de ligne est stationné à Saint-Chamond.
18 mai 1814
Suite à une lettre du roi aux archevêques et évêques du royaume, le maire Clemaron fait savoir « qu’en exécution des ordres du roi, il sera chanté dimanche 22 de ce mois après les vêpres, dans l’église paroissiale de Saint-Pierre, un Te Deum solennel « en action de grâce de l’heureuse arrivée de sa majesté dans sa capitale et de son rétablissement sur le trône de ses ancêtres... ». Un extrait partiel du programme des réjouissances se trouve en annexe II.
Le retrait des troupes est imminent
22 mai 1814
Le sous-préfet informe le maire « La tranquillité et l’ordre qui règne sur les bords du Gier va permettre successivement de retirer les troupes envoyées en cantonnement. Celles dirigées sur St Chamond seront les premières qui rentreront dans leurs garnisons respectives. J’attends demain des instructions. Quant au paiement des frais de logement militaire, sur les demandes municipales il sera alloué 7 centimes par jour et par homme, et 5 centimes par cheval plus le fumier... ».
25 mai 1814
Par arrêté, le maire fait « défense à toutes personnes de ne rien faire de nuisible aux arbres des places et particulièrement d’en cueillir les fleurs, à moins que l’on ne se soit pourvu d’une permission par écrit pour les ramasser...Les pères et mères et les maîtres sont civilement responsables de leurs enfants mineurs et domestiques. »
14 juin 1814
Après le départ du 24e régiment d’infanterie arrivé à Saint-Chamond, le 17 mai 1814, le maire fait dresser le même jour un état des bâtiments occupés par l’armée.
Dans la maison Dubouchet, rue de la Rive, servant d’hôpital aux soldats atteints de la gale, « qui avait été fourni, par voie de réquisition, de 28 paires de draps, 25 paillasses, 4 matelas et 27 couvertures, il manque quatre paires de draps et une couverture.
Dans un local de la maison Chaland, place Saint-Pierre, occupée par la garde de ce régiment, « un contre-coeur d’embrasure de croisée en menuiserie a été enfoncé ».
La maison Finaz, place Saint-Pierre, servant de dépôt pour les armes et les bagages, n’a subi aucune dégradation.
Proclamation de la Paix – Vive le Roi !
19 juin 1814
A 10 heures du matin, le maire Clemaron, les membres du conseil municipal, escortés de la Garde qui n’est plus nommée « Nationale » mais « urbaine », des pompiers, avec en tête de cortège les musiciens et tambours de la ville, font sur chaque place, la publication et proclamation suivante :
« Habitants de la Ville de Saint-Chamond
« La paix entre la France, l’Autriche, la Russie, l’Angleterre et la Prusse a été signée à Paris, « le 30 mai dernier.
« Ainsi, et par les soins de la haute sagesse du meilleur des Rois, a été mis un terme aux « malheurs qui depuis tant d’années, ont désolé la France et l’Europe. Le sang français ne coulera « plus, le canon a cessé d’être meurtrier, il ne se fera plus entendre que pour vous annoncer des « sujets de joie.
« Ce n’est plus la gloire des combats qui dirige votre souverain ; une ambition plus noble, « plus grande et surtout plus paternelle, l’anime ; c’est le bonheur des français qui est le sujet de « toutes ses méditations et l’objet de son vœu le plus cher.
« Habitants de St Chamond, vous allez enfin jouir du repos après lequel vous soupiriez « depuis si longtemps ; un avenir heureux se présente devant vous ; les canaux de la prospérité « publique sont rouverts ; vous pourrez désormais vous livrer avec sécurité aux combinaisons de « votre commerce, aux travaux de votre industrie.
« La paix et la tranquillité de l’Europe sont assises sur un juste équilibre dans la distribution « des peuples et des pays qui la composent ; la tranquillité intérieure de la France repose sur la « constitution libérale qu’elle vient de recevoir ; le bonheur du peuple français est garanti par « l’amour et les vues bienfaisantes d’un Roi qu’il ne saurait trop chérir.
« Qu’elle réunion d’événements heureux, ô concitoyens ! « Quelle abondance de bienfaits la divine providence a daigné répandre sur nous dans quelques « instants ! Oublions les maux qui nous ont accablés, ne voyons que la félicité qui nous attend ; « ouvrons nos cœurs à l’espérance ; mettons une entière confiance dans la tendre affection de notre « bon Roi, et montrons nous en dignes par notre amour, notre respect et notre fidélité.
« Vive le Roi ! »
Cette journée se termine par une illumination des édifices publics et particuliers avec une foule circulant dans les divers quartiers de la ville en faisant « retentir l’air de l’expression de son amour pour l’auguste famille royale ».
Une lugubre et imposante cérémonie (suite à une ordonnance du directeur général de la police du royaume)
23 juin 1814
La description de cette célébration est ici retranscrite telle que consignée dans les registres de la municipalité :
« Ce jourd’hui vingt-trois juin mil huit cent quatorze, jour fixé pour la célébration du service « solennel d’expiation pour les Rois Louis XVI et Louis XVII, Marie Antoinette d’Autriche, Reyne « de France, et Madame Elisabeth de France.
« Les autorités civiles et judiciaires se sont réunies à l’hôtel de ville, ainsi que les administrateurs des établissements publics, les directeurs, professeurs et élèves du collége, les employés en chef des administrations et les notables habitants de la ville.
« La garde urbaine et le corps des pompiers étaient sous les arrières sur l’esplanade de l’hôtel de ville.
« Le cortège s’est rendu dans l’ordre ordinaire à l’église Saint-Pierre disposée pour cette lugubre et imposante cérémonie. Cet édifice privé de tous ses jours, par la fermeture exacte de toutes ses fenêtres, ne présentait qu’un vaste tombeau éclairé par la lueur faible et incertaine d’une lampe sépulcrale.
« Au milieu était placé un catafalque de dix huit pieds de longueur sur douze de largeur et autant de hauteur, surmonté d’un sarcophage sur lequel étaient les attribues de la Royauté, couverts d’un crêpe ; le tout couronné par un dais suspendu à la voûte, parsemé de fleurs de lys et de larmes.
« Sur les faces du sarcophage, du côté du chœur et de la grande porte, étaient représentées la religion et la France en pleurs.
« Sur les faces latérales et aux quatre faces du catafalque, étaient des fleurs de lys, des écussons aux armes de France, le sceptre et la main de justice entrelacés d’une couronne.
« Cinq gradins à chaque face du catafalque portaient cinq rangs de candélabres. Aux quatre « angles du premier gradin, quatre pilastres de six pieds de hauteur portaient quatre cassolettes ou « urnes, et avaient à leurs faces les armes de France et le chiffre de chacune des royales victimes.
« Au milieu de chaque face et au bas du sceptre et de la main de justice, ont lisait l’une des inscriptions suivantes tirées des dernières paroles ou du testament de Louis XVI :
« 1re Je meurs dans l’union de notre Sainte Mère, l’Eglise
« catholique, apostolique et romaine.
« 2e J’ai tout vu, j’ai tout entendu, j’ai tout oublié.
« 3e Je désire que mon sang puisse cimenter le bonheur
« des français.
« 4e Je pardonne de bon cœur à tous ceux qui se sont faits mes
« ennemis. »
« L’église était entièrement tendue en noir, ainsi que sa façade du côté de la porte principale. « Un cordon de cierge régnait dans toute son enceinte.
« Un immense concours de personnes de l’un et de l’autre sexe vêtues en deuil, était accouru à cette pompe funèbre. Le silence le plus parfait régnait au milieu de la foule ; chacun paraissait se recueillir pour honorer dans un respect religieux, la mémoire des augustes personnages qui étaient le sujet de la réunion.
« Bientôt tous les cierges allumés, ont répandu une grande lumière dans le lieu saint. Le service divin a été célébré par M. le curé de la paroisse, et accompagné de la plus grande pompe.
« M. Cochet, vicaire, a prononcé l’oraison funèbre de Louis XVI. Dans un discours sublime et touchant, il a peint avec autant d’élégance que de vérité ce bon Roi sous le double rapport de son attachement à la religion et de son amour pour son peuple.
« Après l’office, le cortège s’est retiré dans le même ordre observé pour arriver à l’église. « Le Maire de la ville de St Chamond (signé) G. Clemaron ».
Le mois de juillet 1814 s’annonce chaud
7 juillet 1814
« Couvrez ce sein que je ne saurais voir »
Gaspard Clemaron, par ordonnance fait « défense à toutes personnes de se baigner dans les rivières, dans l’intérieur de la ville, c’est-à-dire, depuis le jardin de l’hôpital cultiver par Chataignon sur la rivière de Gier, et depuis l’écluse de M. Dugas Vialis sur le ruisseau de Janon, jusqu’au dégorgeoir de la fabrique de S. Berne ». Cette interdiction est motivée non par un souci de santé public mais par l’indécence des personnes à « prendre des bains dans des lieux qui ne les exposent point à être vus du public ».
Vive le Roi ! Oui
Vive l’Empereur ! Non
Le retour de la monarchie ne plaît pas à tous les saint-chamonais et on peut légitimement supposer que le capitaine Fanget n’est pas le dernier à le faire savoir. Des affrontements ont-ils eu lieu à Saint-Chamond parfois sanglants comme à Saint-Etienne ? Les documents compulsés ne permettent pas de l’affirmer, mais tout ne doit pas se passer ici comme dans le meilleur des mondes.
En effet, le maire proclame « ...instruit que des ennemis du bonheur de la France et de la tranquillité de leur pays, se sont permis de faire entendre dans les rues et autres lieux publics, des cris qui ne peuvent être proférés qu’avec des intentions criminelles, puisqu’on ne peut sans crime former hautement des vœux pour un gouvernement dont la France épuisée, lassée, ruinée a fait justice en le détruisant....Rappelle tous les citoyens à l’amour qu’ils doivent au souverain chéri que la providence vient de rendre aux vœux des français et ont le commencement du règne a ramené parmi nous la paix, le commerce et l’abondance. Fait défense à toutes personnes de pousser ou faire entendre des cris qui rappellent le souvenir de l’ancien gouvernement ou expriment des vœux en sa faveur, sous peine d’être traitées comme perturbatrices du repos public » et rappelle que « les particuliers ne doivent pas s’immiscer dans la répression de toute espèce de délits ».
Ce sera la dernière proclamation de Gaspard Clemaron, maire par décret impérial du 14 avril 1813, laissant le soin de gérer les prochains événements à Ardisson son premier adjoint à qui il avait délégué l’intégralité de l’état civil depuis les premiers jours du mois de décembre 1813.
15 août 1814
Pour la fête de l’assomption et « célébrer le vœu du roi Louis XIII » le premier adjoint au maire, invite à l’hôtel de ville diverses personnalités dont « M. le Conseiller d’état de Pleuvault se trouvant en cette ville ». Il s’agit d’Antoine de Gallet de Mondragon, marquis de Pluvault (17581834), membre des assemblées électorales de la noblesse en 1789, conseiller d’Etat sous la Restauration, fils cadet de Jean Jacques marquis de Gallet de Mondragon (décédé en Allemagne en 1796), dernier seigneur du marquisat de Saint-Chamond.
Puis tous les invités escortés « par la compagnie des gardes pompiers et voltigeurs en armes et en grande tenue, et par la gendarmerie, se sont rendus précédés par M.M. Les musiciens amateurs de la ville, à la paroisse de Notre Dame pour assister à la messe solennelle qui a été célébrée par tout le clergé de cette ville... ».
Gaspard Clemaron à Paris - changement de décors
16 août 1814
« Le Premier adjoint à Mr le Maire en députation auprès de sa Majesté Louis XVIII pour présenter au monarque chéri, l’hommage de l’amour et du respect de tous les habitants de cette ville. » prend diverses dispositions pour changer la décoration des salles de l’hôtel de ville « considérant néanmoins qu’après toutes les calomnies répandues sur l’esprit public des habitants de cette ville, il devenait important d’écarter de suite tout ce qui pouvait donner prise aux malveillants, et leur fournir de nouvelles armes pour déprécier les fonctions de ses concitoyens ».
L’aigle impérial devait être remplacer par la fleur de lys, d’autant plus « que la salle du juge de paix réunissant habituellement les habitants des campagnes de ce canton, il devenait encore plus urgent de ne présenter dans cet auditoire que des objets qui les rappellent à l’amour et au respect dus à notre bon roi. »
Épizootie atteignant les bêtes à cornes
20 août 1814
« De 1792 à 1815, la peste bovine sévit dans l’Europe entière à divers degrés. Elle entre en France en 1796... En 1814 et 1815, les armées coalisées arrivèrent en France traînant après elles des approvisionnements nombreux de bœufs hongrois et allemands affectés ou infectés par le typhus contagieux. Bientôt ces bestiaux communiquèrent la maladie aux bêtes à cornes de notre pays » (in « Les épizooties en France de 1700 à 1850. Inventaire clinique chez les bovins et les ovins » Histoire et Sociétés Rurales 2001/1 -volume15- p.67 à104).
A Saint-Chamond, Ardisson dut gérer cette épizootie avec l’aide du vétérinaire Vinson.
Malgré les interdictions, des bouchers de la ville ont acheté des bêtes affectées de la maladie dans les communes d’Izieux et de Saint-Julien. Le premier adjoint arrête qu’une amende de 200 francs sera due par les bouchers qui introduisent dans la boucherie ou dans leurs écuries, des bœufs ou vaches sans l’autorisation du vétérinaire. Les bouchers ne pourront abattre les bovins « sans être nanti d’un certificat de visite » à défaut ils devront payer une autre amende de 200 francs. Le vétérinaire et ses assistants inspecteront « tous les bestiaux qui seront amenés aux marchés de cette ville ». Les bêtes « attaquées de contagion » seront tuées et enterrées « à une distance d’au moins cent mètres de toute habitation et à deux mètres de profondeur, après que la peau en aura été tailladée ».
Pour faire respecter cet arrêté six hommes et un officier de la garde nationale patrouilleront la nuit « notamment dans les avenues de la boucherie ».
27 août 1814
Pauvre Ardisson, après les bouchers viennent les tanneurs qui ont acheté dans les campagnes environnantes des peaux de bêtes à corne, attaquées de l’épizootie et « qu’il se trouve en ce moment plusieurs peaux dans les fosses pratiquées dans la rivière. Le séjour de ces peaux certainement contaminées ne saurait qu’être contraire à la salubrité des eaux et impropre à la consommation pour les hommes et les bêtes ». En conséquence, le conseil municipal décide que les peaux dans les fosses des rivières de Gier ou de Janon doivent être enlevées « de suite » et les tanneurs ne pourront utiliser que des peaux pour lesquelles ils présenteront aux autorités un certificat du maire attestant de la provenance de « l’animal reconnu sain. »
Un détachement du 20e Régiment de ligne, envoyé pour former le cordon pour se préserver de l’épizootie sera présent à Saint-Chamond du ler novembre au 17 décembre 1814 à en croire un état du pain fourni aux soldats de ce régiment.
« La fête de Louis est la fête d’un père » par temps brumeux et froid
28 août 1814
Ardisson décide de solenniser « la fête de St Louis aïeul et patron de notre bon roi » et toutes les personnalités se rendent au son de la fanfare en l’église Saint-Pierre « pour remercier l’être Suprême (Robespierre aurait apprécié cette mention) du retour des augustes défendeurs de St Louis et lui adresser leurs vœux les plus ardents pour la conservation des jours précieux de Louis XVIII ».
Et le premier adjoint de poursuivre « Le soir la ville a été illuminée, l’allégresse générale en se manifestant par des cris répétés de Vive le roi, a bien réalisé le vers mis dans un dés transparent La fête de Louis est la fête d’un père », et de rajouter sans rougir « malgré le temps brumeux qu’il a fait dans cette soirée, ou a aisément résonné par l’expression franche et spontanée du contentement général, qu’il prend sa source dans le cœur de tous les habitants. »
5 septembre 1814
Pour éviter le trafic de la viande contaminée il avait été décidé le 20 août que sept hommes de la garde nationale effectueraient une patrouille de nuit notamment dans les avenues de la boucherie.
Au cours de la nuit du 3 au 4 septembre, cinq d’entre eux (Garaud, caporal - Maillon Etienne
- Chavanne J.C - L. Biscornet et Blachon fils) oublièrent de se présenter « au corps de garde établi à la boucherie ». La sanction ne se fit pas attendre et le lendemain Ardisson infligeait à chacun une amende de 3 francs dont l’utilisation sera décidée par le maire « à son retour ».
Composition de la Garde Nationale
6 septembre 1814
Le sous-préfet n’ayant pas répondu sur le tableau de l’organisation de la garde nationale, Ardisson « jugeant convenable de ne pas différer plus longtemps de la porter sur le présent registre, il a été transcrit ci-après » (confer annexe I)
Décès de Gaspard Clemaron dans un silence assourdissant
8 septembre 1814
Rappelons brièvement que Gaspard Clemaron, est né à Terrebasse (aujourd’hui Ville-sous-Anjou, département de l’Isère) le 27 juin 1762, fils de Jean Clemaron, notaire royal de ce lieu, et de Marie Pra. Il épouse à Saint-Chamond, paroisse Notre Dame, le 24 janvier 1791, Marie Antoinette Montagnier, habitante de cette paroisse, place des fours banaux, fille de feu Charles Montagnier, négociant, et de vivante Antoinette Terrasson.
Notaire à la résidence de Terrebasse puis à Saint-Chamond où il s’est installé le 10 juin 1805, il est nommé maire de Saint-Chamond par décret impérial, en date du 14 avril 1813.
Dans un article intitulé « L’urbanisation en 1806 : l’eau ?...ou l’école ?... paru dans la revue Gerval n° 9, 1er trimestre 78, l’historien Lucien Parizot écrit en notes de bas de page « Décret de Napoléon signé au palais de Saint-Cloud le 23 mai 1806. Article 1er : la ville de Saint-Chamond, département de la Loire, est autorisée à établir une école secondaire communale dans le ci-devant couvent des Minimes....Le Collége secondaire fut créé avec l’appui dévoué de Gaspard Clémaron...et semble avoir bénéficié, au moins par personne interposée, de l’appui de l’Empereur... ».
Nous avons indiqué que dans le courant de la première moitié du mois d’août 1814, Gaspard Clemaron s’était rendu à Paris pour être reçu par le roi Louis XVIII et dans un article « Saint-Chamond et ses environs au temps des occupations autrichiennes » par Roger Grataloupt paru dans la revue « Le Jarez d’hier et d’aujourd’hui » n° 65 de juin 2015, s’est à son retour de la capitale qu’il serait décédé subitement à Lyon le 9 septembre 1814. Remercions ici l’auteur pour avoir indiqué le lieu du décès, précision absente des documents consultés dont les actes de mariage des enfants Clemaron.
Son acte de décès est ici retranscrit :
« comparu Sieurs Paul Levrat, hôtelier du parc, place des Carmes n°1, et Achile
« Odoart, négociant, rue St. Côme n°1 qui ont déclaré que Gaspard
« Clemaron, âgé de cinquante cinq ans, natif de Chénay, dépt. de l’Isère,
« notaire royal et maire de St Chamond y demeurant, veuf de...Montagnier (les comparants ne connaissent pas le prénom de l’épouse prédécédée)
« est décédé hier soir à neuf heures dans le domicile du premier comparant.
« Lecture faite du présent acte, aux déclarants majeurs, ils l’ont signé avec nous. »
Il semble que Gaspard Clemaron était accompagné pour ce long voyage de plusieurs conseillers. Drôles de personnages qui ne déclarèrent pas le décès de leur maire et ne rendirent pas compte de leur voyage à la municipalité. Souhaitons qu’un jour, un document nous révèle que Louis XVIII reçut effectivement ce maire certes extrêmement dévoué aux puissants du moment mais, comme le démontre les procès verbaux parcourus, fortement respectueux de l’ordre public.
Le mystère qui entoure la mort de Gaspard Clemaron s’épaissit avec le temps. En effet si les Archives Départementales de la Loire détiennent les minutes de ce notaire à partir de 1805, le recueil sous la cote 5E32_14 rassemble les actes du 3 janvier 1814 au 8 août 1814 (époque de son départ pour Paris) et chose extraordinaire pour un homme décédé le 8 septembre 1814, du 13 juin 1816 au 20 avril 1817 !
Pour la période post mortem, les actes sont revêtus de la signature « Clemaron » alors que le notaire et maire signait « G. Clemaron ».
Nous pouvons supposer qu’un clerc a rédigé et signé des actes dans l’attente de la cession de l’étude de son défunt patron, mais cela ne confère pas l’authenticité aux actes reçus par lui.
Nous n’avons pas trouver la déclaration de succession de ce notaire décédé laissant : une fille Marie Françoise Aimée, qui épouse à Saint-Chamond le 16 février 1817 à l’âge de 20 ans, Louis Annet Rozier, âgé de 25 ans, notaire à Saint-Chamond, dont les minutes (1817-1841) sont conservées aux Archives départementales de la Loire, et un fils Théodore Louis Clemaron, étudiant en droit puis négociant moulinier en soie.
Visites du comte d’Artois, frère de Louis XVIII, futur Charles X
22 et 23 septembre 1814
La mort subite de Gaspard Clemaron est évoquée sans plus d’indication dans le compte-rendu des visites du futur Charles X.
Regardons ensemble le déroulement de ces « quelques heures du bonheur inappréciable de posséder son altesse royale Monsieur, frère du Roi » :
« A onze heures du matin S.A. est arrivée à l’arc de triomphe élevé à l’entrée de la ville venant de Lyon précédé par un détachement de gendarmerie et escorté par la garde royale d’élite de l’arrondissement, ainsi que par celle de la ville de St Etienne, la garde nationale de St Chamond et le corps des pompiers tous en grande tenue formaient la haie depuis le pont de la réclusière, le premier adjoint faisant les fonctions du Maire décédé à la tête du Conseil Municipal et des Maires du canton, a eu l’honneur de complimenter son altesse royale à son arrivée en avant de l’arc de triomphe. Le clergé de la paroisse de St Pierre réuni sur son passage à la petite place feriol et revêtu de ses attributs a eu le même honneur. De là S.A. portant le plus grand intérêt à la prospérité et au progrès de nos manufactures a eu l’extrême bonté de descendre pour visiter celle de M.M. Dugas frères qui se trouvait sur son passage et d’applaudir à leurs efforts pour rendre à cette manufacture leur ancienne extension. S.A. s’est rendue immédiatement après avec les personnes de sa suite chez
M. de Pluvault Conseiller d’Etat (fils de Jean Jacques de Gallet de Mondragon dernier seigneur de Saint-Chamond) maison de M. Finaz juge de Paix, où elle a bien voulu agréer un déjeuner qu’elle avait été suppliée d’accepter par ledit de Pluvault ; une grande tente ornée de feuillages et de fleurs de lys avait été élevée à cet effet dans le jardin de la maison, une table de vingt couverts y avait été dressée et S.A. a eu l’extrême bonté de permettre qu’outre les personnes de sa suite le premier adjoint à la mairie (Ardisson est aux anges) et quelques personnes recommandables y prennent place, pendant le repas de très jeunes demoiselles à la tête desquelles était Mlle Duvillard ont été admises à l’honneur de lui présenter des fleurs et de chanter à ses cotés quelques couplets remplis de sentiment auquel S.A. a paru sensible.
Des dames et des demoiselles placées sur un tapis de verdure en amphithéâtre en face de S.A. et entourées d’un nombre considérable d’autres dames vêtues de blanc, ont chanté en partie des couplets analogues à la circonstance ; des musiciens placés dans un pavillon à peu de distance ont fait entendre de l’harmonie pendant tous le temps du repas et les cris spontanés de Vive le Roi ! Vive Monsieur ! Répétés sans cesse et se mêlant à la mélodie des instruments ont convaincu cet auguste prince de tout le dévouement des habitants. S.A. en a témoigné sa sensibilité avec des manières affectueuses qui lui gagnent tous les cœurs et a passé dans ses appartements où elle a reçu les hommages des différents corps de la ville, après quoi elle est remontée en voiture à une heure après midi avec la même escorte qu’à son entrée et a été accompagnée jusqu’à l’arc de triomphe élevé à la sortie de la route de St Etienne ; toutes les maisons de la ville sans exception sur son passage étaient tapissées en blanc, des drapeaux décorés de fleurs de lys flottaient à toutes les fenêtres, des guirlandes de verdure traversant les rues ou se prolongeant sur toutes les façades présentaient un aspect aussi pittoresque qu’enchanteur, enfin les acclamations continuelles de Vive le Roi !
Vive Monsieur ! répétées par les habitants des campagnes réunis à ceux du chef lieu ont dû convaincre S.A. que nulle part elle ne pouvait trouver de sujets si dévoués à notre bon Roi ni de plus sincères admirateurs de ses vertus. »
Le comte d’Artois tient son engagement : « Le lendemain 23 son altesse voulant bien tenir la promesse qu’elle avait daignée donner de s’arrêter à son retour et de visiter quelques établissements que le temps ne lui avait pas permis de voir la veille, est arrivée de St Etienne à 7 heures et demi du matin, elle a été reçu à l’arc de triomphe de la même manière qu’à son entrée la veille. S.A. est descendue à la manufacture de la maison Dugas Vialis qu’elle a parcourue avec intérêt et elle a bien voulu agréer qu’il lui fut adressé par l’entremise de M. le Préfet quelques médaillons d’un ouvrage qu’elle avait vue sur un métier monté à cet effet dans un pavillon du jardin ; de là S.A. voulant bien répondre à l’empressement que toute la population avait manifesté de voir un si bon prince descendre à pied à l’hospice des malades et à la fenderie de la Rive où elle a vue faire toutes les opérations de la prompte division en baguettes des plus grosses barres de fer ce qu’elle a parue voir avec plaisir ; S.A. a mis le comble à ses bontés lors de son départ en faisant au conseil municipal l’honneur inappréciable d’apposer sa signature sur une délibération consignée dans leur registre qui rappellera aux générations futures le bonheur dont cette ville a joui pendant le temps qu’elle a été honorée de son auguste présence. (signé) Ardisson 1er adjoint ».
Vive le Roi ! Vive Monsieur ! Vivent les Bourbons
- (Cliché Jérémy Brunon/Anne-Marie Yanez – Archivistes de Saint-Chamond)
Sources :
Archives Municipales de Lyon Archives Municipales de Saint-Chamond Archives Départementales de la Loire (AD42) Archives Départementales du Rhône (AD69)
Bibliographie Indicative :
Les ouvrages, revues et sites internet sont indiqués dans le corps du texte. Les journaux ont été consultés sur RetroNews site de presse de la Bnf.
Iconographie :
Portrait du capitaine Fanget (à remarquer, en grossissant l’image, le chiffre 25 sur chaque bouton de son uniforme, chiffre de son Régiment) et son sabre d’honneur in « Histoire de Saint-Chamond » par James Condamin.
Remerciements :
A monsieur Jéremy Brunon du service des archives à la Mairie de Saint-Chamond et à monsieur Jacques Michel des archives départementales de la Loire.