Jean-Baptiste Paulin Caperon naît le 26 octobre 1821 à Eysines (Gironde) de Jean-Baptiste Caperon, ancien officier des armées napoléoniennes et de Marguerite Tanaÿs [1].
Banquier de profession, il est aussi un propriétaire foncier jouissant de la vente de vins produits sur ses terres de Villenave d’Ornon. Plus tard il se lance rapidement dans une carrière politique du côté de la gauche républicaine ou des démocrates-socialistes contre les conservateurs du Parti de l’Ordre. Le journal « la Révolution démocratique et sociale » fait mention de son nom parmi les candidats en Gironde aux élections législatives de mai 1849, accusés de vouloir renverser la République et soumis à des mandats de comparution devant des juges d’instruction.
Le journal ne manque pas de signaler que les désagréments des républicains girondins proviennent de la « rage des réactionnaires de Bordeaux » [2]. Ces derniers arrivent à leur fin puisque les conservateurs remportent facilement ces élections avec 450 sièges à l’Assemblée. Après le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, Paulin Caperon décide alors de quitter la France pour l’Angleterre, laissant ses propriétés viticoles aux mains du régisseur A. Manières, puis revient en France dans les années 1850. L’expérience de la politique est alors momentanément derrière lui.
Le 6 août 1859 Paulin Caperon se lie en mariage avec une riche héritière, Elisa Marissal, dont nous connaissons peu de choses. De leur union naissent deux enfants prénommés Albert et Marguerite. Il prend quelques années plus tard une décision cruciale qui va bouleverser sa vie et qui le mène jusque devant les tribunaux : créer une banque privée et réaliser des manœuvres financières douteuses mais très lucratives.
En effet, deux affaires d’escroquerie de grande ampleur vont faire plonger Caperon dans la spirale infernale du malfrat fuyant la justice. Le début des années 1870 est rythmé par des scandales qui mêlent la classe politique française à des malversations financières. Paulin Caperon participe activement à ces déplorables affaires qui ruinent considérablement son petit réseau d’influence à Paris comme à Bordeaux.
Dans la semaine du 1er au 8 février 1873, « le Journal des chemins de fer » informe que Caperon est impliqué en tant qu’administrateur dans les affaires du Crédit communal de France et de la Société navarro-aragonaise des cinq villes avec trois autres personnes. Le plan est audacieux et séduisant : Caperon, associé au banquier François Le Pelletier, au constructeur Charles-Auguste de Mutrécy et à M. Destrez, fonde en 1871 à Genève la société du Crédit communal pour proposer des prêts aux communes et départements afin de réaliser des travaux publics, construire et exploiter des chemins de fer. À coup de rapports mensongers, de faux versements de fonds, d’illusoires assemblées d’actionnaires les acolytes trompent de nombreuses personnes et se font remettre des sommes d’argent considérables. Caperon incite d’ailleurs Le Pelletier à ouvrir des comptes courants pour acheter des titres sans valeur et à émettre des obligations. Les débats devant le tribunal correctionnel de Paris s’ouvrent le 26 août sans la présence de Caperon ni de Destrez qui n’ont pu être arrêtés car introuvables. Le verdict tombe le 28 août 1873 lorsqu’il est condamné par défaut à cinq ans d’emprisonnement et cinq cents francs d’amende pour escroquerie et infraction à la loi sur les sociétés [3]. Une caution de trois cent mille francs est demandée aux obligataires de la société pour obtenir la mise en liberté provisoire de Caperon et ne sera d’ailleurs jamais restituée [4].
Est-ce que Paulin Caperon s’est réfugié sur ses terres villenavaises ? Non. Ce qui est sûr en revanche, c’est que son train de vie fait des envieux et suscite le soupçon voire l’indignation. Un des premiers à s’en révolter est le rédacteur en chef du « Courrier de la Gironde » Emile Crugy dans un billet paru le 11 octobre 1872, qui s’interroge sur les origines de la fortune de Caperon et sur son passé politique. Ce dernier n’hésite pas à réfuter toutes les allégations du journaliste prétendues mensongères, passant en revue tous les épisodes de sa vie depuis son expérience de commis jusqu’à homme d’affaires. Mais le passage le plus osé, c’est celui dans lequel Caperon justifie sa fortune par sa contribution à tirer d’affaire des sociétés « embourbées par les maladresses de leurs administrateurs ». La fin de la lettre à Emile Crugy n’est pas sans saveur, puisqu’il prétend qu’il sera « un jour utile à [son] pays » et méritant les éloges du rédacteur en chef.
À cette période Paulin Caperon ne se doute pas qu’il devra assumer les conséquences de ses actes frauduleux, allant même jusqu’à revenir succinctement sur le terrain politique à l’occasion des législatives partielles du 20 octobre 1872, comme nous le confirme le journal républicain « le Rappel » [5].
Les dissidences au sein du groupe républicain bordelais font écarter Caperon de l’échéance électorale, mais la justice n’a pas dit son dernier mot. En effet, un autre scandale financier qui dépasse le cadre national alourdit les charges contre Caperon.
Cette fois-ci il berne un ancien ministre de Napoléon III, Clément Duvernois, qui réfléchit à la création le 10 mars 1869 d’un établissement de crédit foncier par actions en Espagne avec le marquis de Remissa. L’annonce de ce nom dans la presse suscite l’attention publique lorsque l’on sait le rôle important qu’à joué Duvernois en tant que député des Hautes-Alpes et ministre de l’Agriculture et du Commerce. Avec l’aide de Charles Fornerod, gouverneur du Crédit foncier suisse, Paulin Caperon s’arroge la responsabilité de gérer un capital de cent millions de francs, tout en confiant à Duvernois les pouvoirs de conclure des conventions et d’assurer l’émission des actions de la nouvelle Banque territoriale d’Espagne.
Le 6 avril 1872, les deux intéressés signent un traité qui permet à Caperon de recevoir dix pour cent de la totalité des actions, soit dix millions de francs, mais le versement des actions n’est toujours réalisé. Très vite, à force de promesses non tenues envers les actionnaires, la banque fait banqueroute ! Des plaintes venant des créanciers de Madrid inculpent Duvernois d’abus de confiance. Pendant ce temps, les 3 700 000 francs que Caperon devait verser dans la caisse sociale de la banque ont disparu. Quant à Duvernois, sans ressources, il cherche à vendre des actions et à spéculer sur leurs valeurs. Lors de l’audience du 10 novembre 1874, le réquisitoire du procureur de la République est cinglant contre Caperon : « Caperon est un homme dont on ne peut plus flétrir. La justice a fait, de ce chef, tout ce qui était à faire. Ce misérable qui, sous un faux nom, jouit en paix à l’étranger du fruit de ses rapines, à été condamné à cinq années de prison après la chute du Crédit communal.(...) Caperon a joué un rôle initial dans la ruine de la Banque territoriale espagnole » [6]. Après plusieurs mois de procès, le tribunal condamne de nouveau Caperon comme complice d’abus de confiance et d’inventaires frauduleux à cinq ans de prison, 3000 francs d’amende et l’interdiction de l’exercice des droits civiques pendant dix ans.
Alors où se trouvait Paulin Caperon après ces doubles condamnations ? Plusieurs éléments nous confirment que l’escroc devient un fugitif au parcours extra-national, puisqu’il se réfugie aux Etats-Unis. La destination n’est pas surprenante quand on lit attentivement sa lettre au « rédacteur du Courrier de la Gironde », dans laquelle il précise avoir travaillé pour une « grande maison américaine » dont il ne dévoile pas le nom. De plus nous trouvons la présence avérée de Caperon sur le sol californien dans un ouvrage du professeur de lettres et universitaire Jean-Marie Carré stipulant qu’il s’y expatrie en 1870 dans le comté de Santa Clara pendant une dizaine d’années [7].
En revanche, Paulin Caperon ne peut plus s’occuper de ses terres villenavaises, en l’occurrence le domaine de la Monnaie, agglomérant ceux de Caves, Lahet et Murphy en bois, prés et vignes. Il se résigne à les vendre en 1875 aux frères Paitel, originaires de Rennes. [8] Des détails précis sur sa vie américaine ont été étudiés par l’historien Steve Staiger : Paulin Caperon a bien atterri en Californie avec toute sa famille pour échapper à la justice française après ses tourments judiciaires en 1874. Comme tout fuyard il change d’identité en s’appropriant celle d’un cousin suisse dénommé Peter Coutts.
Très fortuné à cette période Caperon alias Peter Coutts achète de nombreuses parcelles agricoles à Mayfield pour 90 000 dollars. Il y fonde une grande ferme de vaches laitières de race Ayrshire et Holstein qui prospère jusqu’en 1882, date à laquelle il vend sa propriété à Leland Stanford pour 140 000 dollars ! [9]