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Miracle à l’église, en 1914 sur le front d’Artois, à quelques jours de Noël

Un courrier du Lieutenant Lorentz

Le jeudi 17 décembre 2009, par Jean-François Lorentz Malzéville, Michel Guironnet

"Je n’aurais jamais imaginé pouvoir un jour situer l’endroit où s’est produit ce miracle.
J’ai connu trois des quatre petits anges gardiens qui joignaient leurs mains à ce moment là : c’était mon père, et deux de ses frères.
...Ils sont sûrement satisfaits de me voir penser à eux, et je suis sûr qu’ils vous en sont reconnaissants".

Jean-François Lorentz Malzéville, qui m’écrit ces mots, m’a envoyé la transcription de l’une des lettres de son grand père, Lieutenant puis Capitaine au 294e Régiment d’Infanterie.

"21 Décembre 1914.

Ma chère mère [1],

Je suis très étonné que mes lettres ne te parviennent pas régulièrement, car en ce moment, je reçois les tiennes 4 ou 5 jours après leur envoi, ainsi, j’ai reçu avant hier celle écrite le 14 décembre.

De même je t’avais répondu que j’avais reçu une lettre de Marguerite [2] et qu’en même temps, j’avais reçu celle que tu m’envoyais après l’avoir reçue de Briey.

Dans ma dernière lettre, je te priais de répondre soit par les moyens dont tu me parles (Pontarlier-Bâle, ou par l’intermédiaire de Mr Chaire) car les ambassades d’Espagne ou des Etats Unis ne se chargent plus de transmettre les lettres dans les pays occupés.

En ce moment toujours la même vie ; quelque fois plus agitée ; ainsi hier, nous avons subi hier un assez dur bombardement au cours duquel j’ai pour la troisième fois échappé à la mort par miracle.

J’avais une quinzaine d’hommes formant petit poste dans le porche d’une église à moitié démolie. Les cloches étaient le point de mire des Boches.

Un obus fait un trou dans le haut du clocher, et par suite de l’ébranlement, des pierres et des plâtras tombent sur les hommes ; qui se réfugient dans une cave voisine. Je suis prévenu et vais pour me rendre compte du danger et changer mon poste de place.

J’entre sous le porche avec un sous lieutenant et un adjudant.

Je cherchais les fissures, lorsqu’un choc se produit et j’ai l’impression de recevoir les cloches sur le dos. Il n’en était rien. J’étais simplement couvert de plâtras et de poussière de brique de la tête aux pieds, teinte uniforme et méconnaissable.

Au bout de quinze secondes, je sors sans me rendre compte exactement de ce qui m’était arrivé. Mais une heure plus tard, j’avais l’explication : un obus de 150 était arrivé sur l’église, et après trois ricochets, sans éclater, il était passé à 15 centimètres de moi . Il aurait éclaté, le clocher sautait et nous étions déchiquetés.

Je pense avoir eu de la chance, mes hommes me considérant comme béni, et mon sergent major déclare que c’est parce que j’ai quatre petits anges gardiens qui joignaient leurs mains à ce moment là.

Je suis de cet avis. Et à défaut de Marguerite , tu pourras à ma place faire brûler un cierge à la Sainte Vierge.

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plan dans le courrier du Capitaine Lorentz

J’étais en H, un lieutenant en L, un adjudant en A, et un caporal en C. L’obus a suivi le tracé et a fait trois ricochets. Ses dimensions étaient celles du schéma en millimètres. Tu te rendras compte du poids de l’engin"

"Nouvelle adresse : H Lorentz capitaine 24 ° Cie, 294 °RI Secteur postal 133"

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Pour avoir une idée de la taille de "l’engin" cette photo de septembre 1915 du Poilu Bonon posant avec un "obus boche de 155 non éclaté" Les mesures indiquées sont : pour la fusée (ou tête) de l’obus 190 mm, pour la douille 490 mm ; soit une longueur de 680 mm ; avec un calibre de 150 mm

A Foncquevillers

Grâce au JMO du 294e RI, nous apprenons que la 24e Compagnie du 6e Bataillon est depuis le 1er novembre 1914 dans le village de Foncquevillers, dans le Pas de Calais, vers Hannescamps.

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JMO du 294e RI

Cette compagnie occupe le lieu dit "La Brasserie" où effectivement existe alors une fabrique de bière.

L’Artois, comme la Flandre, était une terre de houblon où l’on produisait la bière.
Foncquevillers avait une brasserie, fondée en 1759. Complètement détruite pendant la guerre 1914-1918, cette brasserie appartenait alors à M. Eustache Chevy. Elle est reconstruite vers 1920 mais cesse son activité peu après.

Extrait du site http://foncquevillers.free.fr/histoire.htm

L’église du village fut effectivement bombardée à plusieurs reprises. Le clocher fut abattu par un bombardement le 1er février 1915.
On trouve facilement des cartes postales anciennes avec l’église en ruines.
Mais la carte-photo ci-dessous, confiée par Mme Martine Guerre mi-avril 2015, est beaucoup plus rare. Elle a été envoyée par un certain Petrus ; probablement quelques jours avant l’épisode dont parle Henri Lorentz dans son courrier.

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Quelques jours avant le miracle ?
Le choeur de l’église ; même s’il semble à l’abandon ; est encore en bon état : les statues sont encore en place sur l’autel, la barrière et les stalles de bois sont encore debout.
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"La photo de Petrus a été prise dans l’église de Fonquevillers récemment bombardée par les Allemands"

Au dos de la carte photo, je suis arrivé à lire à peu près :

"Mon Cher Sébastien,
Excuses moi Madame Cusin ? avec qui je vais à Chambéry a été obligé de partir à Lambaest...? en Belgique samedi.
Nous venons samedi prochain prochain à Chambery vers 11 h, je repartirai lundi à 16 h.Espère te voir. Photographie agrandie de Petrus.Amitiés chez toi. Petrus"

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Le choeur de l’église bombardée
Les dégâts sont importants : le sol est jonché de gravats, les restes de l’autel sont stockés en vrac, plus de table de communion ni de stalles...
Henri François Lorentz est né le 13 décembre 1880 à Void, dans la Meuse, de François Joseph Constant Lorentz et Amélie Augusta Briot.

Après ses études secondaires au lycée de Bar le Duc, il fait des études de droit à Nancy, où il est président de l’association générale des étudiants.

Venu s’installer à Briey (Meurthe et Moselle) en 1907, il se marie en 1909 avec Marie Marguerite Mangin, née en 1887 à Audun le Roman.

Ses enfants André (1910-1957) juge cantonal à Audun le Tiche, Jean (1911-1919), Guy (1912-1980), Pierre (1914-2006), sont nés à Briey.

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Henri Lorentz



Henri Lorentz habitait avec son épouse et ses enfants à Briey au moment de l’entrée de troupes allemandes le 4 août 1914. Il a pu s’échapper, mais sa maison a été réquisitionnée pour loger des officiers allemands.

Mobilisé en 1914, sa conduite au feu lui valu la Croix de Guerre et la Croix de la Légion d’Honneur.

Après la guerre, il est maire de Briey de 1919 à 1935.

Henri Lorentz décède à Briey le 6 août 1953. Son épouse meurt de la grippe espagnole en 1920.Leur descendance compte aujourd’hui 30 arrières petits enfants et 18 arrières arrières petits enfants


[1Amélie Briot ; mère d’Henri ; a épousé Constant François Joseph Lorentz en 1874. Veuve depuis quatorze ans, elle a alors 63 ans.

[2il s’agit certainement de l’épouse d’Henri, Marie Marguerite - née Mangin - alors âgée de 27 ans

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20 Messages

  • cette histoire est tout bonnement incroyable le les lis avec ettonement alors que lon mavais deja raconter je suis moi meme larriere arriere petit fils de henri lorentz et cette histoire ma profondament toucher

    Répondre à ce message

  • {{}}ai trouvé une carte postale reçue par d l famille d m mari en Savoie qui montre un parent ds ce q reste d l église
    mais avant la photo q vs avez mise en ligne
    il faudrait q j vs la scanne à une adresse mail q vs m donnerez
    l timbre a été enlevé par m mari enfant
    dc j n ai pas d date
    photo q daterait d qq jours ou qq heures avant la VOTRE... D MEME COIN D L EGLISE

    Répondre à ce message

  • Monsieur,
    Je suis saisi par votre quête et vous remercie de votre communication.
    À Foncquevillers, ne chercher pas le magnifique Château de La Haye, L’endroit est émouvant par le souvenir des centaines et centaines de soldats qui se sont succédé au combat. Deux cimetières de 1350 tombes...
    Je suis dépositaire provisoirement des recherches de mon défunts père, natif de Bapaume et spécialiste du front de Péronne à Arras... J’ai fort probablement des archives sur ce secteur. La moitié de ma famille maternelle étant de Souastre,
    le village mitoyen à l’ouest ayant été épargné à 90%... Merci encore... Je reste très attentif à vos éventuelles demandes.

    Répondre à ce message

    • Bonjour,

      J’ai lu avec attention les commentaires sur cet épisode miraculeux de la Grande Guerre.
      Je fais des recherches sur la vie dans les villages de l’arrière du front qui se trouvait à Hébuterne, Puisieux, Gommecourt,... Je m’adresse aux personnes qui pourraient m’en apprendre plus sur les villages proches tels que Foncquevillers, Souastre, Bienvillers, Sailly-au-Bois,...
      Merci encore pour votre aide.

      Répondre à ce message

  • Mon grand-père, Gaston Félix Maréchal a aussi vécu un miracle assez étonnant, je vous le communique, et serais heureux de connaître qui était son compagnon d’infortune ?

    A 19 ans, il a été envoyé à l’armée où il a pu exercer son métier de cordonnier, ce qui lui a épargné de partir au front, où tous ses amis de mobilisation ont été tués. Hélas, au printemps 1916, il fut envoyé dans les sinistres tranchés de Verdun, et le 28 mai, le jour de ses 20 ans, il dut passer à l’attaque avec ses compagnons. Les balles sifflaient autour de lui et ses camarades tombaient les uns après les autres, pour aggraver la situation, l’artillerie allemande se déchaîna, labourant les champs de bataille. Voyant l’inutilité de ses efforts, il sauta dans un trou d’obus pour se mettre à l’abri, un autre camarade s’y trouvait déjà. C’est à ce moment-là qu’un obus de fort calibre vint exploser sur la lèvre du trou protecteur envoyant une masse de terre ensevelir les deux hommes. Leur dernière heure aurait sonné si un autre obus ne vint exploser dans le sol a quelques mètres d’eux, aussitôt, ils furent soulevé par le souffle de l’explosion et se retrouvèrent assommés au fond d’un nouveau cratère. A moitié groggys, ils ne purent regagner leurs lignes avant qu’un détachement allemand ne les capture.

    Répondre à ce message

    • Bonjour,

      Avant même de retrouver le compagnon d’infortune de votre grand père (il y avait beaucoup de Poilus à Verdun en mai 1916 !) peut être connaissez vous au moins le régiment où servait votre grand père...

      Merci d’avance.

      Michel Guironnet

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    • Miracle à l’église, en 1914 sur le front d’Artois, à quelques jours de Noël 21 décembre 2009 11:51, par Jean-François Lorentz Malzéville

      c’est une série de coïncidences qui m’ a permis de trouver ces renseignements.
      La première, c’est ma tante qui m’ confié les documents enfouis dans le grenier de mon grand père : ils auraient pu y rester encore longtemps : j’y ai donc trouvé les lettres qu’il avait écrit à sa mère depuis les tranchées.
      Ensuite, j’ai trouvé un article de Michel Guironnet sur les poilus, je lui ai transmis une des lettres les plus étonnantes, et grâce aux documents qu’il a pu lire, la jonction a été faite.
      Et aussi la communication par Internet permets ce genre de trouvailles.
      peut etre trouverez vous un jour la solution
      J’étais en H, un lieutenant en L, un adjudant en A, et un caporal en C. Le lieutenant, l’adjudant, le caporal ont certainement des descendants mais ont t’ils expliqué l’incident à leur famille ? les lettres ont t’elles été conservées ?

      Répondre à ce message

  • Bonbjour
    ce document me touche car mon AGP était au 294e/17 Cie et à Foncquevillers d’apres sa correspondance. Je vais de ce pas relire Laby pour voir ce qu’il nous dit de cette période.
    Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées, 28 juillet 1914 - 14 juillet 1919 , Editions Bayard,
    Cdt
    Thierry

    Répondre à ce message

  • Bonjour Jean-François,

    Merci pour ce témoignage, ces archives familiales sont toujours assez extraordinaires, surtout là lorsqu’on réalise que son parent y a échappé de peu. Cela me rappelle certains récits de mon père (chasseur alpin et poilu ayant fait les derniers mois de la guerre) où il évoquait un obus passant tout près de lui et ne sachant pas où il allait aboutir.

    Situer l’endroit ou s’est produit ce miracle est encore plus extraordinaire. En 1981 avec mon père nous sommes allés dans les Vosges à Metzeral, là où a été tué son cousin germain André Conill en mai 1915. L’alignement des tombes dans les cimetières militaires est assez impressionnant. Mais là le cousin était porté disparu, pas de plaque, aucun objet et donc pas de tombe, on se sent frusté de ne trouver aucune trace d’un membre de sa famille qui est pourtant mort pour la France.

    Bien cordialement et encore bravo pour ce témoignage.

    André VESSOT

    Répondre à ce message

  • C’est merveilleux et c’est pourquoi que je les aime les Poilus, la Grande guerre de mes Oncles et de mon Père, moi aussi Ancien Combattant, mais dans de mauvaises guerre que l’on qualifie actuellement soit disantes de colonialistes comme le maintien de l’ordre en Algérie et la tragédie d’Indochine, mais tout de même guerre quand même pour ceux qui l’ont faite pour notre Pays, la France, moi qui suis... Breton.

    Bien à vous.

    Répondre à ce message

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