II – POURQUOI ET COMMENT
La majeure partie des actes contenus dans les registres curiaux ne présente pas d’intérêt particulier si ce n’est pour les généalogistes. Dans la plupart des actes, nous trouvons la formule : « qui a receu pendant sa maladie, tous les saints sacremans de l’Eglize », voire « ayant pendant sa maladie receu plusieurs fois » lesdits sacrements.
A la lecture de l’ensemble des actes mortuaires de la période, il semble que ces formules s’appliquent à toutes les personnes qui ont eu le temps de se préparer à mourir et qui ont reçu tous les sacrements de l’Eglise, qu’ils soient morts de maladie, de vieillesse et peut-être même pour les femmes, des suites de leur accouchement, bien que, dans ce cas, nous retrouvions parfois des annotations spéciales.
• Ces inscriptions liées aux naissances seront examinées dans un premier temps.
• Suivront les mentions de morts subites non accidentelles ou les maladies de très courte durée d’habitants de Saint-Rambert,
• Puis, celles des morts non accidentelles ou les maladies de très courte durée d’étrangers.
• Les morts par accident ou dues à la main de l’homme concluront cette étude.
- Saint Rambert Contreforts de l’église, puits, chapelle Saint-Jean
1) Grossesse et accouchement
Dans de nombreux registres paroissiaux foréziens, les femmes mortes à la suite de leur accouchement ne bénéficiaient pas d’actes mortuaires, du moins dans l’archiprêtré de Montbrison, dont Saint-Rambert dépendait et ce, dans toute la seconde moitié du XVIIe siècle. Dans les registres paroissiaux de Lézignieux ou de Verrières en Forez, localités dans lesquelles Claude Verd, l’archiprêtre [1], et son frère Étienne furent successivement curés, nous ne trouvons aucune mention du décès de ces femmes. C’est en constatant qu’un veuf se remarie, quelques mois ou années après le baptême de son dernier enfant, qu’on peut déduire que la mère est morte et, probablement, des suites de son accouchement. Il en est de même dans presque tout l’archiprêtré. De temps en temps, on note, tout au plus, que l’enfant baptisé est le fils de « feu » Marie ou Catherine.
L’archiprêtre considérait-il les femmes mortes en couches comme impures au point de ne pas inscrire leur décès sur ses registres ? Il est vrai que dans le rituel du diocèse de Lyon, paru un siècle plus tard, on prenait encore la peine de rappeler que « la société du mariage étant sainte, honorable, consacrée par la religion, les enfants qui en proviennent ne font contracter aucune souillure à leur mère. Aussi n’y-a-t-il point de loi qui défende aux femmes d’entrer dans l’Eglise après leurs couches, ou qui les assujettisse pour cela à quelque purification préliminaire » [2].
Les curés Petit et David, de Saint-Rambert, rendant compte pourtant à l’archiprêtre de Montbrison, n’hésitaient pas à porter des informations concernant ces jeunes ou futures mères. Ils pouvaient parfois entrer dans les détails, comme en témoigne le tableau ci-dessous, mais au fil des ans, ces mentions devinrent de moins et moins fréquentes. Tout au plus relevons-nous, dans les années suivantes, le décès d’une femme qui mourut en 1690, « après s’estre blessée d’un fils qui fut ondoyé ».
- Tableau 2
Espérons, pour Jeanne Apoticaire, que l’enfant ait été tiré par les voies naturelles, sachant qu’à cette époque, la césarienne était connue [3] et, selon certains auteurs de l’époque, employée avec succès et avec de grandes chances de survie pour la mère et l’enfant. On peut néanmoins avoir quelques doutes.
Notons également qu’une de ces femmes avait pris la précaution de recevoir les sacrements avant son accouchement. De la même manière, nous pouvons rencontrer, dans la région, des testaments de femmes enceintes voulant prendre des dispositions patrimoniales, si un malheur devait leur arriver.
Il est incontestable que, sur la totalité de la période, parmi les femmes mariées, beaucoup d’autres moururent des suites de leur accouchement, sans que les registres, pour autant, en fassent état. A saint-Bonnet-le-Château, dans les mêmes années quelques rares décès consécutifs à un accouchement sont aussi mentionnés.
2) Les morts subites non accidentelles ou les maladies de très courte durée des habitants de Saint-Rambert
Nous relevons sur les registres, à de très nombreuses reprises, la formule « décédé de mort subite » ou « n’a pas et le loisir de recevoir les saints sacrements ». Le curé notait aussi très souvent, qu’il n’avait pas été averti ou qu’il avait été averti trop tard et n’avait pas pu, de ce fait, être présent auprès du mourant. Les curés n’hésitaient pas à nommer la maladie à l’origine du décès (a) et à décrire les circonstances ou les instants ayant précédé la mort (b). Ils pouvaient aussi, a contrario et plus rarement, donner des informations sur des maladies de longue durée (c).
a) Les maladies à l’origine du décès
Parfois, en raison de l’état physique ou mental de la personne, le curé ne pouvait administrer qu’une partie des sacrements. Ainsi la communion n’était pas donnée, dès lors que le moribond peinait à avaler, vomissait ou crachait.
Les maladies les plus fréquemment relevées sont les délires, l’apoplexie, la léthargie, parfois la frénésie. Nous trouvons également, les fièvres, chaudes, quartes, tierces. Un catarrhe, des « rumes ou reuhmes », des « dévoyements d’estomac » et autres hémorragies.
Aller trouver le médecin ou le chirurgien n’était pas un gage de guérison : une femme mourut « le jour qu’elle avoit prins médecine ».
Qu’est-ce que les curés Petit et David entendaient par des délires et les débordements de cerveaux ? Une apoplexie ? Certains de ces mourants étaient-ils plus ou moins déments à l’approche de la mort ou, selon l’expression populaire « n’avaient-ils plus toute leur tête » ? Certaines précisions démontrent que le délire pouvait aussi avoir frappé depuis longtemps : « à cause du délire qu’elle a toujours eu » ou « à cause d’un délire où elle a tousjours esté ».
Le dictionnaire de Furetière [4], contemporain de la période étudiée, nous en dit davantage sur les termes plus généralement employés ici, avec les connaissances de l’époque ! En voici quelques extraits :
- La léthargie, « les médecins [la] définissent comme une indisposition assoupissante, avec fièvre lente, oubliance et lascheté ; elle procède d’une intempérie du cerveau froide et humide, causée de matière flegmatique ». Il y est dit « qu’on meurt d’ordinaire dans le septième jour » et que « la léthargie succède d’ordinaire à la frénésie ».
- La frénésie « cause une perpétuelle resverie avec fièvre », « la vraye frénésie est engendrée au cerveau par son propre vice et inflammation de ses membranes ».
- L’apoplexie est qualifiée comme « une soudaine privation du sentiment et du mouvement de tout le corps avec lésion des principales facultés de l’âme ».
- Le délire « est un symptôme qui survient souvent aux fièvres causées de playes et inflammation, qui trouble l’esprit jusqu’à la folie et à la fureur. Quand le diaphragme est offensé, il cause le délire et la frénésie. Le délire arrive par une trop grande perte de sang qui affoiblit le cerveau, par la picqueure d’une beste venimeuse, par la semence et menstrues retenues en la matrice, par la pourriture d’un membre cangrené. Il faut faire recevoir aux malades les sacrements de bonne heure quand on appréhende le délire ».
Après 1687, nous trouvons également deux morts dues au « mal caduc », qui, selon Furetière, était également appelé par le peuple, « le mal de saint Jean » ou le « haut mal », autrement dit, l’épilepsie : Claude Pignol mourut en 1688, « ayant été surpris du mal caduc auquel il estoit subjet, en ramassant [des] herbes, proche du ruisseau des [Niolens ? Molins ?], tomba dedans et se noya » ; Catherine Brunet fut retrouvée morte un matin de mai 1692, « estant tombée du mal caduc dont elle estoit souvent incommodée, à la campagne, gardant les vaches ».
- Saint-Rambert Le prieuré
b) Les circonstances de la mort
C’est certainement ce qui, dans les registres, est le plus émouvant. Néanmoins, quelques détails, parfois, peuvent nous faire sourire.
Il est probable que les curés n’écrivaient pas ces phrases par compassion, mais pour démontrer, soit qu’ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour administrer les sacrements, soit que le décédé était un catholique fervent qui méritait une sépulture chrétienne.
Les circonstances n’ayant pas permis au curé d’administrer tous les sacrements. Voici quelques exemples :
- « Sans avoir receu les sacrements, l’ayant trouvé morte dans sa chambre »,
- « […]. S’est trouvée morte, ses parents croyant qu’elle dormoit »,
- « qui mourut après avoir receu dans sa maladie le sacrement de pénitence et l’eucharistie, non l’extrême-onction pour estre mort subitement, assis sur son lict, durant le temps que sa belle-fille est dessendue au dessous de la maison, ayant parlé un moment devant, avec autant de liberté que s’il avoit eu peu de mal »,
- « Trouvé mort par ses parens un quart d’heure après avoir esté levé »,
- Surprise par la mort « après avoir demeuré levé tout le jour,
- « […] ayant esté levée tout le jour auparavant »,
- « Tombé en sincope et trouvé mort par ses parens un quart d’heure après avoir esté levé »,
- « Qui mourut hier avant le jour, n’ayant esté malade que cette nuit-là »,
- « pour avoir esté trouvée morte par son mary, à son réveil, d’une fiebvre tierce »,
- « a receu l’extrême-onction, s’estant confessé dix ou douze jours auparavant, dans un accès de fiebvre tierce qui lui donnoit la liberté de marcher, hors du temps de l’accès »,
- Fut trouvée morte, le matin, par « sondit mary qui luy avoit donné un bouillon quelques heures auparavant et croyait qu’elle dormoit »,
- « N’a pas receu l’extrême-onction car il est mort en parlant et sans qu’on s’en soit aperceu »,
- « Ayant le matin, assisté à la sainte messe et travaillé sur son mestier ; et sur les midy, a ressenti des douleurs de colique qui, ayant esté modérées par l’opération d’un remède, luy avoient permis de se lever, prendre un bouillon et avaler un œuf ; et incontinent après, il décèda »,
- « Emorragie par la bouche surabondante qu’elle ne donna le temps à ceux qui y estoient de luy donner aucun secours »,
- « qui mourut hier, n’ayant peu parler despuis avant-hier qu’il vint du travail, surpris d’une fluxion ou esquilancier [5], ayant esté confessé par signe et receu l’extrême-onction »,
- « qui en demandant l’aumosne, tombast malade »,
- « Qui mourut hier, n’ayant esté malade qu’un jour, son mary ne la croyant pas dangereusement malade, n’ayant adverti personne de son mal ».
- « qui mourut hier matin ; ayant esté suffoqué de quelques vapeurs de matrice ; n’ayant receu aulcuns sacrements, son mary et ses enfants ayant esté surpris et n’ayant adverti personne ».
La ferveur du mort peut pallier l’absence des derniers sacrements :
- « qui avoit receu les sacrements de pénitence et d’eucaristie à l’église, les festes de Pentecoste du présent mois […],
- « Mourut à 10 heures du soir ayant presque tout le jour esté à l’église ou dans les rues »,
- « Je luy ay donné l’absolution, l’ayant entendu en confession, il y a quelques jours »,
- « Laquelle pourtant s’estoit confessée, communiée [lors de] la feste de la Purification du 2e du présent »,
- « Qui mourut hier, n’ayant pu parler et ayant esté sans connoissance depuis le 10 qu’il revint d’entendre la sainte messe à Notre-Dame de Bonson et fut surpris d’un débord de cerveau ».
A Saint-Bonnet-le Château, localité voisine, le curé, à de nombreuses reprises, tint à souligner la foi et la bonté de certains défunts, sans que cela ait un rapport, toutefois, avec une mort subite. Cette « odeur de sainteté » avait pu, parfois, s’apprécier dans la durée :
- Anthoinette Maisonneusve, a reçu les saints sacrements « avec une piété exemplaire ». Elle avait quinze ans,
- Damoiselle Marie Le Roux a reçu les sacrements en 1676, à quarante ans, « avec grande piété et présence d’esprit »,
- Blanche Blanc, le 16 janvier 1679, a fait preuve d’une grande piété,
- Catherine Gay, « fille » âgée de soixante-dix ans, est morte en janvier 1679 en « odeur de saincteté pour s’être toujours exposée à servir les malades »,
- Catherine Valancon, « fille dévote », est décédée dix ans plus tard, en donnant tous les biens à la Charité de Saint-Bonnet.
Les curés de Saint-Rambert étaient, semble-t-il, moins prompts à s’extasier sur la foi de leurs paroissiens.
c) Autres informations relatives à la mort des habitants de Saint-Rambert
A côté de ces morts soudaines, nous pouvons trouver, au contraire, des mentions de longues maladies et infirmités :
- Catherine Pereyre « ayant demeuré longtemps infirme »,
- Une autre femme « a longtemps tenu le lit à cause de sa vieillesse »,
- Elisabeth Chamarcat reçut tous les sacrements à la fin d’une maladie « qui l’avoit tenue dans le lit, dans l’espace de treize années »,
- Claudine Boiron, décédée brutalement, était infirme depuis longtemps,
- Alix Durtel « qui avoit demeuré plusieurs années comme paralitique »,
- un homme dont le nom n’est pas mentionné décéda « après avoir demeuré environ six mois malade ».
Les mêmes observations peuvent-être faites pour Saint-Bonnet. Nous citerons notamment :
- Catherine Faure « a souffert d’une infirmité de tout son corps presque toute sa vie »,
- Jeanne Imbert est « demeurée onze ans, comme paralitique dans le lict »,
- Dame Catherine Buchet est décédée après une longue infirmité, Gabrielle Grangier ou encore Marie Chomette, après une longue maladie, Magdeleine Rochon qui était « incommodée de veue »…
Tableau 1 : Les morts subites non accidentelles ou les maladies de très courte durée des habitants de Saint-Rambert
Dans le tableau ci-dessous, toutes les morts subites ne sont pas mentionnées. N’y figurent que celles dont les détails ou les circonstances du décès ou de l’agonie, précisés par les curés, sont, pour le moins, intéressants, voire surprenants. [6]
3) Les morts non accidentelles et les maladies de très courte durée d’étrangers
Sous le qualificatif « étranger », il faut entendre « étranger à Saint-Rambert ». Les personnes citées ci-dessous pouvaient venir aussi bien des paroisses voisines (les plus nombreuses) que de diocèses éloignés.
Parmi elles, nous trouvons une femme, venue de Cahors avec son mari. Bien que ce soit l’acte de décès de l’épouse, il n’y est question que de l’époux, Jean Braut, « autreffois enfant de chœur de l’église cathédralle de Cahors, natif de la ville en la province de Quercy […] ». Il est sera de même pour le décès de Marie Boutreille, décédée à Saint-Bonnet, à l’âge de cinquante ans. Nous ne savons rien de plus sur elle. En revanche, nous apprenons que son mari, le sieur Jean [d’Ardens ?] était maître joueur d’instruments et qu’il s’était arrêté dans cette ville pour enseigner son art.
A Saint-Rambert, Gabriele Sylvestre et Jean Henry, son mari, journalier, venaient du diocèse de Gap. M. Pierre Regal, commis aux Aides, était natif d’Albi. François Le Noir, maçon, comme de nombreux maçons travaillant en Forez, venait du diocèse de Limoges. Fleury Terrenoire, était du diocèse du Puy : il était valet d’un habitant de Saint-Rambert.
Parmi les étrangers, nous relevons aussi un nombre assez important de pauvres, conduits à l’hôpital ou hébergés dans la maison ou la grange d’une âme charitable. Leur identité se résume parfois à un prénom ou un qualificatif (« pauvre homme », « pauvre mendiant », « demandant l’aumône »).
Certains défunts étaient en visite chez des parents habitant Saint-Rambert. Pour d’autres, Saint-Rambert n’était qu’une étape d’un voyage plus long. Parmi eux, des voituriers, des pèlerins… Ils y furent arrêtés en chemin par la maladie.
Pour d’autres encore, Saint-Rambert était un lieu de travail ou de rencontres d’ordre professionnel. Stoppés brutalement dans cette ville, ils furent pour la plupart enterrés sur place. Leur cadavre, sauf exception, n’était pas reconduit dans leur paroisse d’origine.
Les maladies ne sont pas différentes de celles relevées au précédent paragraphe :
- Dame Hélaine Gérentet, veuve d’un bourgeois de Sury, « n’a pas receu le viatique à cause d’un dévoyement d’estomac qui l’obligeoit de rendre incontinent, dès qu’elle prenoit quelque chose par la bouche »,
- N’a pas reçu le viatique « pour n’avoir peu avaler, pas mesme le bouillon, et avoir esté phrénétique presque touiours pendant sa maladie ».
Les circonstances, en revanche, sont différentes. A moins d’être venu rendre visite à un parent, le mourant ne passe pas ses derniers instants entouré de sa famille ou de ses voisins, mais au milieu d’inconnus.
- Ainsi, un homme de Saint-Maurice-en-Gourgois, venu à Saint-Rambert pour les vendanges, fut « surpris d’une colique qui le fist se pasmer dans le pressoir de mademoiselle Molin ; ce qui obligeat ceux qui pressoient, de le porter dans la maison de Philibert Apoticaire où il avoit couché et travaillé le jour auparavant ; et mourut un demi quard d’heure après, ayant receu l’absolution par un père capucin qui se rencontrast dans ladite maison et l’extrême-onction par moy, curé ».
- Pierre Faverjon, de Chenereilles, « qui mourut hier, dans la maison du sieur Ferret, chirurgien, lequel le traitoit d’un mal qu’il avoit au genou, ayant esté surpris d’un débordement de cerveau ; ce qui fut cause qu’il ne peut se confesser, mais n’ayant peut dire autre chose sinon qu’il demandoit pardon à Dieu »,
- « […] Qui mourut hier, dans l’estable de la vefve de Mathieu Boiron […], ayant demeuré 3 jours sans parler et n’ayant peu dire son nom ny le lieu de sa demeure ; je luy ay pourtant donné l’absolution et l’extrême onction sur le raport qui m’a esté faict qu’il alloit à Nostre-Dame-de-Graces, où il s’estoit voué ». Dans ce dernier exemple, le curé, comme dans le paragraphe précédent, recherche ce qui peut prouver que le défunt était un bon chrétien.
A contrario, certaines annotations font état de décès d’habitants de Saint-Rambert, survenus dans d’autres paroisses et pour lesquelles des messes ou des quarantaines ont été demandées.
Ainsi, nous ignorons où Marie Marchal ?, dite Simosne, décédée à Veauche « où elle étoit allée en dévotion », fut enterrée. En revanche, Jeanne qui était servante chez le curé de Bonson, une localité voisine, fut, le matin de sa mort, conduite sur une charrette, chez son oncle, habitant Saint-Rambert. Le voyage lui fut certainement fatal puisqu’elle mourut à midi et fut enterrée le lendemain.
Damoiselle Magdelaine Gonin, morte à Montbrison, avait demandé à être transportée à Saint-Rambert pour être enterrée dans le tombeau de « messieurs ses parans ».
Parmi les mentions surprenantes relatives aux étrangers, nous relevons celle du 10 décembre 1685. Ce jour-là, un service solennel fut célébré par le curé, pour quelqu’un qui n’était, certainement, jamais venu à Saint-Rambert : « Feu monsieur le mareschal de Villeroy, incontinent que nous avons appris sa mort, où les sieurs officiers et principaux habitants ont assisté ». Il est vrai que Nicolas V de Neuville de Villeroy (1598-+28/11/1685) était le frère de l’archevêque de Lyon, Camille de Neuville et de Ferdinand de Neuville, évêque de Chartres, possesseur du prieuré de Saint-Rambert [7] .
- Saint Rambert Contreforts de l’église
Tableau n°2 : Les morts non accidentelles et les maladies de très courte durée d’étrangers
4) Morts par accident
Les accidents sont nombreux et le récit qui en est fait sur les registres paroissiaux, nous plonge encore davantage dans la vie de nos ancêtres, au XVIIe siècle. Rien ne permet de dire que tous les accidents ont fait l’objet de mentions particulières. Beaucoup furent sans doute couverts par la formule « mort subite ».
Parmi les causes de ces morts accidentelles, bien identifiées, nous relevons des chutes, des noyades, des incendies, des écroulements d’habitations, le décès survenant plus ou moins rapidement après les faits :
- Le 25 septembre 1665, un vigneron est tombé d’un arbre et « s’est rompu le col ». Il a été enterré le lendemain,
- Claude des Costes, meunier « se rompit une jambe en serrant une meule du moulin, le 18 février 1667. Il mourut six jours plus tard.
- Plusieurs femmes d’une même famille furent ensevelies sous les ruines d’un moulin : Marie Bolin, la mère, veuve de Jean Gailllet, fut enterrée le 30 avril 1672 ; sa fille Jeanne, âgée de 15 ans, qui fut, elle aussi, « accablée soubz les ruynes du molin », mourut neuf semaines plus tard. Le 13 juin 1675, une autre fille Gaillet (ou Gaillot) décéda, certainement, elle aussi, des suites de l’accident. Il est en effet précisé : « Marguerite Gaillot, fille a feu Jean Gaillot et feu Marie Boulin […] et qui estoit infirme, s’est trouvée morte, ses parens croyant qu’elle dormoit »,
- Laurens Bertrand, enterré le 15 août 1672, se noya en se baignant dans l’étang,
- En juin 1676, Mathieu Robert, valet de M. de la Roche, sur les dix heures du matin, voulut aller faire nager un des chevaux de son maître dans la Loire. Il s’y noya. On le connaissait comme un bon catholique. Les officiers de la ville firent conduire son cadavre dans l’auditoire de Saint-Rambert (lieu de justice). « La sépulture a esté donnée sur les huit heures et demi du soir accause qu’il estoit plein d’eau et qu’il avoit demeuré quelques heures sur le gravier, exposé aux rayons du soleil et qu’il sentoit desjà fort mauvais à cause de l’extrême chaleur du jour »,
- En août de la même année, Catherine Girin, qui était tombée dans l’escalier de sa maison et s’était blessée à l’œil gauche, décéda des suites de ses blessures,
- Toujours en août 1676, un laboureur travaillant sur le domaine de M. Pupier, descendit dans un puits qui se trouvait sur un autre domaine. Il voulait récupérer « le cercle d’un sceau qui y estoit tombé ». Pour remonter, il voulut s’accrocher aux pierres, mais le puits s’écroula sur lui. On le retrouva mort, le soir, tenant encore une pierre dans sa main,
- Le 5 septembre 1680, Anthoine Grangy, tomba d’un noyer ; il reçut l’extrême-onction sur le lieu-même de sa chute,
- En avril 1682, Ennemond Chastre mourut dans la boucherie où il dormait habituellement. Un violent incendie « le surprit dans son premier sommeil » et il fut sans doute asphyxié par la fumée. Les voisins, pourtant, enfoncèrent la porte de la boucherie « toutte en flamme », mais ledit Chastre était déjà mort,
- Jean Fayolle, vigneron et « tireur de cordes » de l’église, fit une chute et mourut en juin 1687.
Dans les quelques années qui suivirent, il est encore fait état de deux accidents mortels :
- En décembre 1689, Pierre Eymonet voulut aller récupérer, sur un étang glacé, une poule d’eau qui avait été tuée. Mais la glace céda sous son poids et il resta longtemps immergé, bien que son père soit entré dans l’eau pour tenter de le secourir. Il mourut dans ses bras,
- En juin 1690, l’église de Saint-Rambert était pleine de monde. On fêtait un jubilé et les fidèles, venus adorer le Saint-Sacrement qui y était exposé, chantaient devant l’autel. Pendant la cérémonie, semble-t-il, quatre jeunes hommes montèrent dans le clocher de l’église. Pendant qu’ils y étaient, la foudre tomba sur le bâtiment. Ils moururent sur le coup et une cinquantaine de personnes présentes furent renversées, sous la violence de l’impact. Trois des malheureux foudroyés furent enterrés à Saint-Rambert et le cadavre du quatrième fut ramené, par ses parents, dans la paroisse voisine, Saint-Just, dont il était originaire. Le curé ajouta que la foudre, après avoir frappé le clocher, descendit ensuite sur le crucifix qui se trouvait à la porte du chœur, suspendu par une chaîne. Seule la cuisse de la statue fut un peu noircie, précisa-t-il. Il est certain qu’un tel évènement dut perturber les esprits pendant longtemps.
5) Morts de la main de l’homme
Mourir parce qu’on est âgé est naturel. Mourir de maladie, par accident, à cause d’un accouchement, peut-être mis sur le compte de la malchance ou de la génétique.
Certaines morts, en revanche, sont dues à une action humaine volontaire, un meurtre ou l’exécution d’une sentence de justice. Et dans une petite localité comme Saint-Rambert, on ne peut qu’être surpris de leur nombre, d’autant plus que certains crimes ont eu lieu dans un intervalle de temps très court.
- Le 24 janvier 1654, Barthelemi Maulnier fut blessé d’un coup d’épée « dont il est mort sur le champ, sans parler »,
- Le 18 février 1657, un dimanche soir, Jean Gay, dict Poignayre, fut tué d’un coup d’épée, alors qu’il était à la porte de sa maison, partant inviter quelques amis à venir souper avec lui, pour fêter le baptême de son enfant,
- Le 26 décembre 1657, jour de la Saint-Etienne, à 6 heures du soir, Benoist Roux fut assassiné dans la maison du sieur Mathieu Dubois, « d’un coup de couteau à la tétine gauche, duquel il a perdu la vie, un quart d’heure après, sans avoir donné aulcun signe »,
- Le 24 mai 1671, Benoiste Gerin, femme d’un granger (métayer) fut tuée d’un coup de fusil tiré par un dénommé Barthelemy Berger, fermier. Elle mourut sur le coup et fut enterrée le lendemain,
- Le 9 septembre 1671, Barthélémy Berger, condamné, fut pendu pour avoir tué Benoiste Gerin. « Son corps fut enterré au cimetière des pauvres, du consentement de messieurs les oficiers. Monsieur le soubz [prieur ?] et moy l’avons assisté à l’eschèle ». L’enterrement immédiat des cadavres des pendus n’était pas fréquent. Ils étaient souvent laissés à la vue des habitants, à titre d’exemple, et dans le cas des crimes les plus graves, les corps finissaient « à la voirie ».
- En septembre 1684, Annet Razon, un sergent, fut tué d’un coup de couteau donné par un étranger qu’il voulait arrêter, pensant qu’il s’agissait d’un déserteur. L’homme d’armes respirait encore lorsque le curé arriva. Il reçut l’absolution, plusieurs personnes ayant attesté l’avoir entendu déclarer « estre marry d’avoir offensé Dieu ».
Si un lecteur de cet article voulait faire les comptes, il n’atteindrait pas les mille et une façons de mourir promises dans son titre. Toutefois, quel que soit leur nombre, les récits entourant les actes mortuaires, par leur diversité, nous ont permis de pénétrer dans le quotidien de nos ancêtres.
Si les mendiants mouraient souvent à l’abri d’une grange ou à l’hôpital, et les marchands parfois sur la route ou dans les villes d’étape, la plupart des contemporains de Louis XIV, et bien plus tard encore, sauf exceptions, mouraient sur leur lieu de vie, entourés de leurs proches, avec le secours de leur foi.
Ce n’est plus le cas depuis quelques décennies. La vie se termine, désormais, pour une majorité d’entre nous, dans la froideur d’un établissement de santé. La seule chose qui n’ait pas changé doit être empruntée aux testaments d’autrefois : « Sachant que rien n’est plus certain que la mort et plus incertain que l’heure d’icelle… »