Son nom à consonnance allemande est inconnu à Villenave d’Ornon, mais il y est pourtant né. Sa carrière professionnelle est parsemée de beaux succès au service de la bourgeoisie bordelaise. Louis-Bernard Fischer a en effet séduit une clientèle aisée par ses réalisations florales et des parcs qui décorent toujours les plus beaux châteaux viticoles de la Gironde. À la fois horticulteur, paysagiste, jardinier et même architecte, Louis-Bernard Fischer possède plusieurs cordes à son arc qu’il hérite de son père : il naît à Villenave d’Ornon le 3 avril 1810 près du château Le Désert, à la frontière de Léognan [1]. Son père Christof Albert Fischer, natif de Birkenfeld en Bavière, est jardinier de profession ; il travaille à Villenave d’Ornon pour Mme veuve Hesse [2]. Nous ne connaissons pas la raison de son départ, mais il se marie à Léognan le 25 Juin 1807 avec Marie Chavialle, fille de domestique originaire du Cantal, dont il eut sept enfants. D’après le contrat de mariage, Christof Fischer travaille chez Mme Hesse depuis huit ans, ce qui laisse supposer que son arrivée en France date au plus tard de 1801 [3].
L’installation du père de Louis-Bernard Fischer à Villenave d’Ornon vient conforter l’ancienneté de la présence allemande à Bordeaux et en Gironde. D’après les travaux de Karin Dietrich-Chénel sur les admissions à domicile et les naturalisations d’Allemands au XIXe siècle, la Gironde est le huitième département de résidence des Allemands derrière le Bas-Rhin, le Haut-Rhin ou la Seine. Elle attire une population essentiellement constituée de commerçants, de négociants, d’armateurs et quelques artisans attirés par la réputation du port de Bordeaux comme centre majeur du négoce européen de tradition viticole. Sur une période allant de mai 1816 à mai 1871, 6% des Allemands viennent de Bavière et seulement 3 sont naturalisés Français [4]. Ce ne fut vraisemblablement pas le cas de Christof Albert Fischer, son quatrième fils Jean Thédore ayant même demandé en février 1833 les droits de naturalisation de son père en qualité de citoyen allemand [5].
La plus célèbre des créations de Louis-Bernard Fischer est certainement le parc du Jardin Public de Bordeaux, dont il donne les plans à la ville en 1854 avec l’aide de son associé et ami Jean-Alphonse Escarpit, paysagiste de renom. Il est celui qui redonna une nouvelle jeunesse à ce jardin qui faillit disparaître sous la Révolution, dégradé par le manque d’entretien, les fêtes révolutionnaires et le passage des armées napoléoniennes [6]. Plusieurs dizaines de parcs à l’anglaise dans le Bordelais sont le fruit de leur imagination et de leur créativité artistique, et embellissent des vignobles de grand cru : à Bordeaux les Carmes Haut-Brion ; Cantemerle pour les Villeneuve de Durfort à Macau ; le château Tauzia à Gradignan pour le compte du négociant et consul général de Suède Gustave Petersen ou encore le parc du château Filhot à Sauternes.
Louis-Bernard Fischer meurt le 19 août 1873 à Bordeaux sans postérité et sans enfants. Son seul légataire est un pépiniériste bordelais du nom de Jean-Pierre Borderie, chez qui il devait s’approvisionner, et qui hérite par conséquent de plusieurs arbres déracinés et de matériels d’horticulture d’une valeur de 7979 francs, ainsi que de 34 ares de terrain [7]. Une étude plus poussée de son testament olographe, s’il se trouve encore dans les minutes du notaire Rambaud à Bordeaux, permettrait d’en savoir davantage sur le mobilier et autres effets personnels de Fischer. Bien que son talent de paysagiste ait été reconnu par de nombreux notables et propriétaires terriens, il n’a pas fait l’objet d’un grand intérêt pour les historiens. Son parcours non négligeable a toutefois le mérite de mettre en valeur les bienfaits de la communauté bordelaise d’origine allemande dans le développement économique et social de Bordeaux.