Marie-Thérèse a besoin d’argent. En 1796, elle est bien démunie. La Société Philantropique n’existe plus et son atelier aux Jacobins ne fonctionne plus depuis au moins 2 ou 3 ans. Pourtant, elle obtient d’y garder son logement :
Les délibérations du Conseil Municipal de Lyon, section du Midi, notent [1] :
« Séance du cinq frimaire l’an cinq (25 novembre 1796) - Vu la pétition de la veuve d’HEIMBROCK aux fins de conserver la location qu’elle occupe dans la maison claustrale des ci-devant Jacobins,
Considérant que cette citoyenne possède des connaissances utiles pour la préparation du chanvre auquel elle donne toute la finesse du plus beau lin, ce qui parait avoir été reconnu par l’Académie de Lyon ;
Qu’on doit être reconnaissant envers la citoyenne d’HEIMBROCK qui a abandonné la Hollande où elle avait établi une manufacture pour apporter en France son industrie,
Que le logement qu’elle occupe actuellement et qui ne consiste qu’en une chambre, qu’elle a fait diviser et arranger à ses frais, lui a été accordé en considération de ses talents qu’elle développerait aujourd’hui d’une manière très utile ; si elle obtenait du gouvernement auquel elle a été fortement recommandé les fonds nécessaires pour remonter sa manufacture ;
Qu’il serait trop rigoureux d’exiger que cette citoyenne, qui a fait des pertes considérables par l’effet du Siège de Lyon, sortit à l’entrée de l’hiver du petit local où elle a établi sa mécanique qu’elle serait embarrassée de transporter ailleurs ;
Ouï le Commissaire du Directoire Exécutif, l’administration estime qu’il y a lieu de maintenir provisoirement la citoyenne DHEIMBROCK dans la location qu’elle occupe au deuxième Etage de la maison claustrale des Dominicains. »
Quelques jours plus tard, dans les papiers de l’administration du séquestre, un document nous éclaire sur les conditions de logement aux Jacobins :
« L’administration départementale du Rhône séant à Lyon, vu une délibération de l’administration municipale du Canton de Lyon, division du Midi, en date du cinq de ce mois, portant entre autres dispositions :
1e) qu’il y a lieu à délibérer sur la demande du citoyen CHAUVE, demeurant dans la maison claustrale des ci-devant Jacobins, tendant à être maintenu dans sa location, ainsi que sur celle de la veuve LABORY, tendant également à n’être pas dépossédée de sa location d’une petite pièce qu’elle occupe dans la même maison ;
2e) qu’il y a lieu de maintenir le citoyen LIOTARD dans la jouissance de la chambre qu’il occupe dans la susdite maison claustrale ;
3e) qu’il y a lieu de conserver au citoyen BARY, fossoyeur et chargé du dépôt des morts de la Division du Midi, un logement dans cette maison ; mais comme le local qu’il occupe actuellement doit recevoir une autre destination ; il convient dans ce cas de lui céder en échange celui qui est au-dessus de la sacristie ;
4e) qu’il y a pareillement lieu de laisser jouir provisoirement le citoyen BOUVET, fossoyeur du canton de la Halle au Bleds, de la chambre qu’il occupe dans le ci-devant Chapitre de Saint-Nizier ;
5e) de continuer la Veuve HEIMBROCK dans la jouissance de son appartement dépendant de la maison claustrale des Jacobins ;
6e) de maintenir également le citoyen CATIN, charpentier, dans la jouissance des appartements qu’il occupe au Rez-de-chaussée de la susdite maison claustrale des Jacobins ;
Vu la lettre de cette même administration, contenant invitation à celle centrale de se prononcer sur la délibération ci-dessus analysée, comme aussi sur la distraction qu’elle désirerait faire du tableau des locations futures :
1e) de deux petites chambres au troisième étage de la maison claustrale des Jacobins occupées actuellement par le citoyen FILLION pour les faire servir de logement au citoyen FROMENT, Commissaire du Pouvoir Exécutif, près de la Division du Nord ;
2e) de deux bas de la même maison, servant ci-devant de réfectoire, pour y entreposer des sceaux et pompes à incendie ;
Vu la loi du 21 fructidor an 4 (7 septembre 1796) art 4e relative aux fonctions des corps administratifs et municipaux ;
Le Commissaire du Directoire Exécutif entendu ;
L’administration, après avoir pris l’avis du Directeur de l’Enregistrement et du Domaine National présent à la séance,
Vu la modicité apparente des locations de la jouissance desquelles divers individus réclament la continuation ;
ARRETE : ...(sur) la délibération de l’Administration municipale, Division du Midi, en date du cinq de ce mois, qu’elle demeure homologuée pour être exécutée selon sa forme et teneur en ce qui concerne ses dispositions relatives aux citoyens LIOTARD, BARY, BOUVET et la citoyenne HEIMBROCK.
En conséquence, autorise la suspension provisoire de la location des appartements occupés par les ci-dessus dénommés, à la charge néanmoins par eux de payer entre les mains du Receveur des Domaines Nationaux du premier arrondissement à Lyon, le prix de leurs locations ainsi qu’il sera fixé à dire d’experts... » [2].
L’administration départementale autorise toutes les autres décisions de la Municipalité du Midi ; à l’exception « des demandes des citoyens CATIN et du Commissaire du pouvoir exécutif... »
« Elle ne peut y faire droit, vu que la loi précitée du 21 fructidor an 4, n’autorise que le logement des secrétaires en chef qui sont sujets à une résidence dans le local où l’administration tient ses séances. » (8 frimaire an cinq = 28 novembre 1796).
En effet, d’autres documents du séquestre nous apprennent que la Municipalité‚ du Midi a ses bureaux dans les locaux des Jacobins, au 1er étage.
Pourtant « le citoyen FROMENT » aura bien, par la suite, son logement aux Jacobins. On le retrouve cité‚ dans « un sommier des locations » en l’an VI. Il réside « au 2e étage du N 80 de la rue St Dominique ». Il paye son terme régulièrement pour l’an VII et l’an VIII, et ne donnera sa dédite à l’administration du séquestre que le 28 ventôse an VIII (19 mars 1800) [3].
Pour Marie-Thérèse, pouvoir conserver son logement aux Jacobins, de façon quasi-gratuite, est une bouffée d’air. Surtout qu’elle ne renonce toujours pas, ainsi que le précise l’administration municipale du Midi « de remonter sa manufacture ».