Faire la foire
Le 16 août 1790, le directoire du district de Vienne [1] tient sa première séance. Dans les jours qui suivent, il s’occupe de divers dossiers, notamment fiscaux et religieux.
Mais cette assemblée suit également de près les affaires économiques.
Le 23 novembre 1790 « sur la requête présentée par MM les officiers municipaux de Saint Clair et Les Roches [2] tendant à l’établissement de quatre foires par an et d’un marché le lundy de chaque semaine... » le directoire du district s’enquiert auprès de toutes les municipalités du canton « pour, sur leurs réponses, être donné par là tel avis qu’il appartiendra... ».
Le 14 décembre, « après avis des communes du canton de Chonas », le directoire arrête : « Il serait convenable d’établir une foire dans le lieu des Roches pour chaque année, il serait excessif de luy en accorder un plus grand nombre, attendu que cet avantage est susceptible d’être communiqué à d’autres lieux. Laquelle foire serait indiquée pour le surlendemain de la Toussaint, parce qu’on ne connaît pas qu’il y en ait d’autres établies dans les environs pour ledit jour ».
« Il est d’avis aussi qu’il serait utile d’établir un marché le lundy de chaque semaine dans ledit lieu des Roches, eu égard à la grandeur du lieu, à son accroissement journalier et à la qualité des consommations. » Cet avis motivé est adressé au département pour la décision finale.
On peut penser que celle-ci fut favorable et que cette « foire des Roches » rencontre un beau succès si l’on en juge par cette annonce parue dans « Les Affiches patriotiques du District de Vienne » [3] le samedi 16 mars 1793 :
« La situation et les localités ont fait adopter par l’administration du département de l’Isère quatre foires par an, et un marché par semaine, au lieu des Roches, canton de Chonas. La première de ces foires a été fixée au premier lundi du mois de février. La seconde au premier lundi du mois de juin. La troisième au premier lundi du mois d’août. Et la quatrième au premier lundi après la sainte Catherine. Et le marché au mardi de chaque semaine. »
A noter que le marché s’est déplacé d’un jour...et existe encore aujourd’hui !
L’intensité de la vie marinière aux Roches entraîne l’installation de nombreux commerçants de bouche et aussi celle de « petits métiers » bien utiles tels que charpentier, courroyeur, cordier, tisseur de toiles, tailleur d’habits...des agriculteurs viennent vendre leurs légumes et leurs fruits.
L’article du « journal révolutionnaire » poursuit :
« La municipalité de St Clair et Les Roches s’empresse d’en faire part à toutes les municipalités du district, avec invitation de le faire annoncer à tous leurs concitoyens, promettant pleine et entière liberté du commerce et protection à l’industrie. »
« La première foire de cette année aura lieu le premier lundi du mois de juin (1793) et le marché le premier mardi du mois d’avril, le tout prochain ».
- La halle des Roches le jour du marché aux fruits
- Collection personnelle de l’auteur
Champ de foire et place du marché
D’après Flachier, érudit local du début du siècle, les foires « se tenaient sur les bords du Rhône, au lieu dit Champagnole, situé en aval du pont actuel [4] » La large bande de gravier, seulement couverte par « les grosses eaux » du Rhône, est en effet propre à accueillir forains et bestiaux.
Il cite une délibération du conseil municipal des Roches, le 28 décembre 1808 :
« ...Les malheurs de la révolution ayant tout paralysé , les foires et marchés de la commune s’évanouirent et sont restées dans l’oubli jusqu’à présent... »
Les habitants demandent le rétablissement des foires. Un décret du 4 avril 1809, signé par Napoléon au camp impérial de Schoenbrunn, leur accorde satisfaction.
Le marché hebdomadaire doit se tenir sur « la place du carcan », (nom bien évocateur de l’Ancien Régime) à l’entrée du village entre 1790 et 1795, puis de nouveau entre 1809 et 1825, année où est aménagé une place plus grande au centre du village. Elle s’appelle alors "place de la Grand’ Vigne" et prendra plus tard, vers 1930, le nom de « place de la Liberté »
En 1834 sera construite la halle qui abrite toujours le marché du mardi... Mais les foires des Roches ont disparues suite à l’extinction de la batellerie à chevaux, vers 1850, remplacée par les bateaux à vapeur.