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Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot

Le jeudi 20 novembre 2008, par Bernard Deviller

Mon grand-père maternel s’appelait Emile PLUCHOT né en 1882 à La Clayette (71). Il était le deuxième d’une famille de cinq enfants, quatre garçons et une fille.

Leur père, facteur rural, étant mort en 1899, c’est son frère aîné qui est devenu chef de famille à pas encore 18 ans.

Son certificat d’études obtenu, il commença son apprentissage aux usines Schneider du Creusot avant de faire son service militaire à Langres (52) et à Troyes (10) dans des bataillons de chasseurs à pied et obtint le grade de sergent.

Il reprit son métier de vérificateur à l’usine, chef d’équipe il devait être nommé contremaître quand la guerre fut déclarée. Il s’était marié à Mesvres 71 avec ma grand-mère Aline HAINAUT en 1907, ils habitèrent à Marmagne à quelques kilomètres. Ma mère est née en 1908 au Creusot.

A la déclaration de guerre en août 1914, il rejoignit son corps à Corlée près de Langres. En octobre son bataillon se retrouva sur le front de l’Yser et il fut blessé le 9 novembre 1914, soigné à l’hôpital militaire anglais de Malo-les-Bains près de Dunkerque.

Après une amélioration de son état il mourut le 22 décembre (1914) des suites de ses blessures, de septicémie semble-t-il d’après les témoins, son dossier médical n’ayant jamais été communiqué.

Mort pour la France il a été décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de guerre avec étoile. Auparavant, au mois d’août un de ses frères Léon avait été porté disparu à Sainte-Marie-aux-Mines en Alsace.

J’ai joint à cet article les dernières lettres de mon grand-père écrites au crayon, je pense qu’utiliser un porte-plume et un encrier ne devait pas être pratique pour des militaires en mouvement. J’ai respecté les tournures et fautes d’origine.

Malo les Bains 16 9bre (novembre) 1914

Ma chère femme,
Je pense que tu as reçu ma première lettre ou je t’écris que j’étais blessé depuis le 9 novembre au bras droit et a la cuisse gauche, cela commence a aller un peu mieux. Je pense bien que j’en ai pour la durée de cette maudite guerre comme je n’ai plus guère d’argent je t’avais dit de m’envoyer un mandat mandat télégraphique, cela va très vite tu te renseigneras a la poste une vingtaine de francs. Avec cela on peut s’offrir quelques douceurs, de la limonade, du vin.
Je ne pense pas rester longtemps ici car aussi que l’on est un peu rétabli on nous envoie plus loin pour faire de la place aux plus blessés.
Ma chère femme je termine, car mon bras fatigue je vous embrasse bien fort toi et Germaine.

Pluchot Emile
Sergent 31° Batn Chrs à Pied
Hopital Anglais Bellevue Malo les Bains
Par Dunkerque Nord

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carte postale de l’hôtel Bellevue qui sera transformé en hôpital militaire anglais

Carte Postale Service Militaire Corps expéditionnaire
A Madame Pluchot
Marmagne
Saone et Loire

Malo 20 novembre 1914
Ma chère femme
C’est la 4è fois que je t’écris depuis que je suis blessé n’aurais-tu pas reçu mes lettres, je vais toujours de mieux en mieux mais ce sera long, je suis très bien soigné.
Je vous embrasse très fort toutes les deux, Pluchot Emile

Malo les Bains 2 Xbre (décembre) 1914

Ma chère femme

Je suis toujours très heureux de recevoir de tes nouvelles cela me fait beaucoup plaisir et moi cela revient petit à petit, je pense sans cesse au jour ou je serai de retour au pays, quel bonheur pour nous tous. Chère femme hier j’ai été très surpris hier on m’a fait voir une dépêche ou personne n’a rien compris ni moi non plus. Il y avait femme Pluchot demande nouvelles, Marmande Lot et Garonne adresse incomplète. Est-ce toi qui a fait télégraphier, je me demande pourquoi, tu est toujours si bizarre tu ne crois donc pas je que je t’écris, enfin dans quelques temps on me rapprochera, tu seras plus tranquilisée, écris moi le plus souvent possible, je reçois très bien tes lettres et tranquilise toi un peu je t’en prie. Embrasse bien fort mon petit quenet. Je t’embrasse tendrement, bonjour à toute la famille ainsi qu’aux voisins bien des choses de ma part .Je vous embrasse tendrement. Pluchot Emile

Ma grand-mère habitait à Marmagne (71) et la poste a confondu avec Marmande d’où la confusion.
Pour expliquer son anxiété, elle recevait les lettres avec beaucoup de retard, elle était enceinte, seule avec une fillette qui venait juste d’avoir 6 ans, ma mère Germaine que son père appelait « mon quenet » origine inconnue...

Ma grand-mère fut accouchée en février 1915 par un vieux médecin militaire alcoolique qui braillait paraît-il « qui je tue ? la mère ou le gosse ? » le gosse y resta, la mère demeura esquintée.

La dernière lettre

Hors-texte en travers en haut :
Mon cher quenet,
Quand tu viendras me chercher à la gare tu te mettras bien belle

Malo les Bains 15 (décembre) 1914

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Lettre du 15 décembre 1914

Je viens de recevoir à l’instant ta lettre datée du 12 ou tu me répète que tu ne reçois toujours point de mes nouvelles, ce qui m’étonne beaucoup, car chaque fois que je reçois de tes nouvelles, le jour même je t’écris.
Seulement voila mes lettres ne t’arrivent pas aussi régulièrement que les tiennes me parviennent d’ailleurs cela ne te devrait pas surprendre car depuis le début cela a toujours été comme cela.
Tu me dit que ton père à été chez nous c’est dommage que je n’y m’y trouve pas, on prendrait une bonne prise et on boirait une bonne vieille goutte s’il y en a encore dans le litre avec un peu de café neuf.

Ma chère femme tu me demande conseil s’il faut faire comme les autres années pour des jambons et du lard je penses que si tu peux et tu me dis que ce n’est pas trop cher, le meilleur est encore de se munir au bon moment car moi je ne trouve rien de meilleur le dimanche qu’une petite soupe au jambon avec un petit morceau de bœuf.
Ma chère femme plus pas grand-chose à te raconter pour le moment, je me remonte petit à petit, mais ils parlent de nous garder encore un moment car à partir de maintenant la mer est beaucoup plus mauvaise et il va commencer à ne pas faire chaud voyager soit en bateau soit en chemin de fer.
Enfin malgré que ce soit loin, je préfère rester encore un moment ici, car partout ailleurs nous ne pourrions avoir les soins que nous avons ici, nous sommes très peu de blessés et beaucoup de personnel pour nous soigner.
J’ai reçu une lettre du Marcel hier, je l’ai égarée et je ne peux pas me rappeler de son adresse impossible de lui faire réponse, veux tu me la donner le plus tôt possible.
Je termine en vous embrassant bien fort toutes les deux.
Pluchot E.

« Le » Marcel (tournure creusotine) était un frère de ma grand-mère, gazé en 1915 ou 16 il continua d’être militaire jusqu’à la fin de la guerre mais affecté spécial aux usines du Creusot où il devint contremaître et y resta jusqu’à sa retraite.

Après cette dernière lettre, nous avons le récit de la suite par deux personnes, le sergent aumonier CARON qui l’assista jusqu’au dernier moment et un Monsieur DETRAINE, ami de monsieur James H. CARMICHAËL d’Ailly 60 chez qui la sœur d’Emile, Louise, était nourrice.

Ainsi elle avait des nouvelles de son frère qu’elle retransmettait à sa belle-sœur puisque j’ai retrouvé les lettres de ce monsieur dans les papiers de ma grand-mère.

Coïncidence bizarre : le sergent Caron et Mr Carmichaël avaient fait leurs études ensemble à l’Ecole Supérieure de Commerce de Lille.

Donc le 15 décembre, mon grand-père pensait passer Noël au Creusot avec sa famille mais le 16 la fièvre le reprit, son état empira, l’aumonier lui administra l’extrême-onction, un mieux se fit sentir mais le 20 il sombra dans le coma et mourut le 22 décembre.

Il fut enterré au cimetière militaire de Malo-les-Bains et par manque de place on mit deux autres soldats, l’un identifié, l’autre inconnu, ce qui fait que ma grand-mère ne demanda jamais le transfert de son cercueil de peur que l’on se trompe de cercueil.

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La tombe d’Emile Pluchot

Le cimetière n’a pas été touché lors des combats de la 1re ni de la 2e guerre mondiale, il est entretenu par la municipalité et la tombe est toujours intacte.

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11 Messages

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 23 novembre 2009 16:14, par kosanoti

    Bonjour monsieur,

    c’est avec emotion que j’ai lu la correspondance de votre parent, en effet je suis la personne que vous aviez contacté pour fleurir sa tombe, depuis ce jour Emile Pluchot n est plus un anonyme et lorsque que je vais me recueillir sur la tombe de mon père, je ne manque pas de me rendre sur la sienne.
    Merci encore pour cet emouvant temoingnage

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 23 novembre 2008 18:50, par Denise BOUTELOUP

    Bonjour petit-cousin,
    Ma belle-mère Gisèle Marie Madeleine PLUCHOT (épouse BOUTELOUP)92 ans, est la nièce de votre grand-père Emile et donc, la cousine de votre mère Germaine. C’est avec beaucoup d’émotion qu’elle a lu votre article. Son père Louis PLUCHOT (frère d’Emile et de Léon) lui avait beaucoup parlé de ses 2 frères morts à la guerre mais votre article lui a appris bien des choses qu’elle ignorait. Elle se rappelle avoir rencontré plusieurs fois "Tante Aline" et "cousine Germaine" lorsqu’elle était enfant mais elle n’en a pas gardé un souvenir précis.
    Merci encore pour votre article qui lui a permis de faire revivre tous ces souvenirs (bons ou mauvais).

    Répondre à ce message

    • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 30 novembre 2008 15:53, par Bernard DEVILLER

      Bonjour Denise,
      Merci de votre message mais je ne vois pas qui est Louis PLUCHOT. Je connais bien sur Emile, mon GP, né 1882 à La Clayette,Léon né 1885 à Mesvres, tous deux MPLF en 1914, Claude né 1881 "au Montceau" (Montceau-les-Mines) mais où et quand serait né Louis ? grâce aux archives en ligne du 71 je peux le retrouver.
      Contactez-moi en direct à devbern chez club-internet.fr
      Merci d’avance
      Cordialement
      Bernard

      Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 20:22, par Janick. NOIROT

    Un grand merci d’avoir confié à la lecture de tant de personnes,
    l’intimité de votre Grand Père, durant cette terrible guerre.
    Mon père l’a " faite "..., il a été blessé, mais en est revenu,
    il a eu une sacré chance.
    Je regarde les émissions ou films qui retracent cette guerre, avec l’impossible espoir d’y apercevoir mon Père, trop tôt disparu pour
    nous transmetre sa vie dans les tranchées. A part, que quelque fois celles-ci se touchaient, car prises par l’ennemi, reprises,
    et que les soldats des 2 côtés partageaient parfois la soupe.
    Je n’ai qu’une photo de mon père en militaire, mais je ne peux pas
    très bien y lire le n° de sa compagnie La 15 ième ?...
    Bien cordialement.
    Janick,

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 15:29, par Colette Boulard

    Merci à vous d’avoir pu nous permettre de découvrir la guerre de de 14-18 vue par votre aïeul au moment où il allait en mourir, situation hélas à la fois au coeur de l’histoire et banale, au sens où cet homme est mort comme tant d’autres, sans être un acteur particulier de la guerre, et d’autant plus "bêtement" qu’à priori il allait mieux jusqu’à ce que...
    L’absurdité de la guerre. Ce qui advint à tant de familles, ici amplifié encore ensuite par le second traumatisme de son épouse lors de son accouchement, cette autre brutalité liée à l’état d’un médecin militaire lui aussi peut-être bousillé par ce qu’il avait vu, vécu. Des drames qui en amènent d’autres... Comprendre aujourd’hui ce qu’ont vécu tous ces gens est important. Merci encore

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 15:22, par Fanfan 69

    Bonjour, je viens de lire les lettres que vous avez publiées, c’’est très émouvant, j’en ai eu les larmes aux yeux, car personne ne peut savoir ce que
    ces soldats ont vécu et souffert seul les écrits qu’ils ont laissé peuvent témoigner, je n’ai que 55 ans donc je n’ai pas vécu ces années là, mais j’ai retrouvé un frère de ma grand-mère François LAPIERRE 1er bataillon de marche infanterie légère d’’Afrique qui est mort pour la France le 5 novembre 1918 à l’Hôpital temporaire au 52 B, suites de blessures de guerre.
    j’ai eu grâce à une personne infiniment aimable, d’avoir la photo de sa tombe et cela ma beaucoup ému en la mettant dans ma généalogie, j’ai l’impression de lui rendre un peu hommage et de le faire revivre, car on ne parlait pas beaucoup de la guerre chez moi, il devait y avoir trop de
    souffrance dans les coeurs et je ne leur en veux pas. J’aurai bien aimé retrouver ce genre d’écrits. J’ai retrouvé un fils de mes arrières grands parents paternels Jean-Pierre BELTRAMO soldat de 2e classe je pense 57 ème régiment d’infanterie mort pour la France le 14 janvier 1917 à l’hôpital mixte d’Avignon de maladie mais là je n’ai pas encore pu savoir où il est enterré.
    Bravo et merci d’avoir fait revivre votre grand-père, de là-haut il doit être très fier.

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 13:08, par DOUBRERES

    Je veux simplement dire, même si ca n’a pas un intéret capital, que j’ai lu votre texte avec beaucoup d’émotion et qu’au milieu de toutes les âneries de l’actualité du présent votre hommage redonne du baume au coeur. Malheureusement tous ces morts de 14-18 n’ont pas servi de leçon à l’humanité et les guerres vont perdurer.

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 11:58, par Olivier

    Merci pour ces extraits émouvants.

    J’ai d’abord été attiré par le nom de famille (je m’appelle Plauchu), puis ensuite par l’histoire.
    Ma femme vient de faire un petit travail de mémoire dans notre village pour honorer la mémoire des soldats morts dans cette fichue guerre.
    On manque bien souvent d’éléments concrets pour illustrer ce qu’ont vécu toutes ces familles décimées.

    Olivier

    Répondre à ce message

  • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 22 novembre 2008 08:29, par Jacques VASSEUR

    je vous remercie d’avoir publié ces témoignages si émouvants qui , sans vous, risquaient de glisser à jamais dans l’oubli
    merci pour la mémoire de votre grand père mais AUSSI pour la mémoire de tous ces hommes détruits pour le plus grand plaisir des marchands d’armes (
    les forges du Creusot n’étaient pas les dernières...)
    J.Vasseur

    Répondre à ce message

    • Les dernières lettres de mon grand-père Emile Pluchot 1er décembre 2008 10:14, par Bernard DEVILLER

      Bonjour,
      Mon autre GP lui il savait pourquoi il se battait : né à Strasbourg en 1883 il aurait du rejoindre l’armée prussienne mais bien que marié, père de 2 enfants et bientôt d’une troisième née en mars 1915, dés août 1914 il n’a pas hésité à s’engager dans l’armée française. Après s’être battu dans les Vosges il a été envoyé en Algérie dans la Légion Etrangère.
      Si Schneider fabriquait des canons c’était sur réquisition de l’Etat, ceux qui en ont vraiment profité ce sont les états neutres qui ne risquaient rien et vendaient des 2 côtés (Bofors, Oerlikon, ils n’étaient ni français ni allemands)
      Et de nombreux ouvriers français ont été retirés du front en "affectation spéciale" pour travailler dans les usines. Sauvés de la boucherie ils ont pu redresser la France assez rapidement, les veuves, comme ma GM, les ayant remplacé provisoirement puis secondé avec un salaire décent, bois et charbon gratuits, etc...

      Répondre à ce message

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