La tutelle de Lyon et de Vienne
La fin de l’Empire romain est marqué par les grandes invasions. Devant la perte d’autorité de l’Etat, et à la suite de la conversion de l’Empereur Constantin (le culte chrétien est autorisé par l’Edit de Milan en 313), l’Eglise reste la seule force organisée. Ce pouvoir va grandir en même temps que les premières seigneuries et l’émiettement des prérogatives auparavant réservées uniquement au pouvoir central.
Dans la région viennoise, les archevêques et le chapitre cathédral de Saint-Maurice se taillent la part du lion : de nombreux villages passent sous leur contrôle. Même chose sur la rive droite du Rhône : de Lyon, le chapitre Saint-Jean étend son emprise sur de vastes territoires [1].
Ainsi au début du Moyen Age, Saint-Clair a pour seigneur le chapitre de Vienne (communauté de chanoines) et Condrieu celui de Saint-Jean à Lyon.
Mais par une bizarrerie dont est coutumière l’histoire, le hameau des Roches est rattaché à la communauté de Condrieu.
- Le seul mur encore debout du chateau de St-Clair.
C’est alors un promontoire de rochers qui s’avance dans le Rhône, et le passage des roches de Condrieu est redouté des mariniers. Il n’y a là que quelques habitants, surtout des dépendances agricoles de propriétaires de Condrieu. De toute ancienneté, les deux rives communiquent pour les besoins des travaux de la terre et du commerce.
Mais si Les Roches est spirituellement de la paroisse de Condrieu, au point de vue civil cette petite communauté est du Dauphiné, alors que Condrieu est du Lyonnais [2].
D’où, au sujet de ce hameau, de nombreuses querelles. Les épisodes des luttes entre les habitants des deux rives sont bien connus : en 1299, les habitants de Condrieu passent le Rhône et causent de grands ravages sur la paroisse de St-Clair. Les archevêques, Henri de Villars, pour Lyon, et Guillaume de Valence, pour Vienne, prennent alors en main la cause de la paix. Mais les invasions de Condroits sur le territoire de St-Clair aiguisent l’animosité des gens de St-Clair.
Le pacte de guerre du 22 janvier 1314 par l’Eglise de Vienne répond au soutien apporté par celle de Lyon à ses vassaux de Condrieu. Les Viennois lèvent une armée et mettent le siège devant le château de Condrieu. Celui-ci, qui paraît imprenable avec ses tours et sa muraille, est détruit. Les environs sont saccagés et pillés.
Le 19 septembre 1315, on négocie la paix, mais, de nouveau, en 1332, la lutte armée reprend. Averti, le roi de France, Philippe VI de Valois, charge le bailli de Mâcon, Philippe de Chaveyrieu, de convoquer les deux camps pour la semaine après la Toussaint 1332, sous peine de saisir leurs biens. La cathédrale de Vienne doit également fournir des otages comme caution en attendant de libérer les habitants de Condrieu retenus prisonniers. Mais le chapitre St-Maurice de Vienne tardant à exécuter les ordres du bailli de Mâcon, celui-ci passe le Rhône avec force armée et attaque le château de St-Clair. La garnison se défend avec vigueur, mais le gouverneur de la place ayant été tué dans un assaut, c’est la capitulation.
Philippe de Chaveyrieu s’empare du reliquaire renfermant la tête de Saint-Clair, dans l’église paroissiale. Le bourg est brûlé avec l’église et le château détruit.
Le roi ne se contente pas de cette victoire, et pour prévenir désormais toute invasion viennoise sur les terres de Lyon, il exige, en 1333, que l’archevêque de Vienne lui remette St-Colombe. Ce faubourg de la rive droite, qui jusqu’à ce jour fait partie du comté de Vienne, en est détaché et passe à la couronne de France. Enfin le roi fait construire en 1335, à la tête du pont, une tour pour défendre le passage vers ses états.
Après les événements sanglants du XIV° siècle, la paix est rétablie quelques années. Puis les guerres de religion suscitent de nouvelles luttes fratricides.
Guerres de religion et culte réformé
Toute cette période est agitée par les conflits entre Catholiques et Protestants. Batia donne le déroulement des faits : prise de Condrieu par les Réformés en janvier 1562, saccage de l’église... Reprise par les Catholiques, Condrieu sera de nouveau occupée en 1567.
A Saint-Clair, les troupes du baron des Adrets pillent l’église du village et brûlent le reliquaire renfermant le chef du saint. Nul doute que le hameau des Roches, coincé entre ces deux champs de bataille, dût souffrir à la fois des Protestants et des Catholiques engagés dans ces guerres.
Mais en dehors de ces querelles, plus politiques que religieuses, y a-t-il dans nos villages des Réformés ?
Il est bien difficile de répondre. On sait que les registres sont tenus par le clergé romain. Les protestants n’ont, de ce fait, aucune existence légale. Ils n’apparaissent qu’au hasard des documents. Ainsi en 1680 : Ce 8 octobre mourut dans la dépendance de Saint-Clair un huguenot qu’on fit enterrer au bord du Rosne. On le connu huguenot par ses papiers mis entre les mains du sieur curé de Coindrieu (Registres paroissiaux de Saint-Clair).
Les Réformés plus tolérés qu’acceptés, vivent en marge d’une société organisée autour du culte catholique. Il faudra attendre 1788 pour que les protestants soient reconnus comme citoyens à part entière. L’édit de tolérance du 29 janvier leur accorde le droit de vivre en France et de s’y marier légalement devant un officier de justice. Ils peuvent déclarer la naissance de leurs enfants et avoir une sépulture décente.