Nicolas STRAUSS habite le village de Herxheim, en Bavière Rhénane, où il exerce la profession de chanvrier.
Gagnant difficilement sa vie, et ayant des difficultés à nourrir sa famille, il fait le voyage jusqu’à Strasbourg, où il se présente à la Préfecture à la fin de l’année 1852.
L’Algérie ayant été "conquise" en 1830 par la France, il sait que l’on recherche des familles pour émigrer dans ce pays, et souhaite y être admis comme colon, pour s’y faire une nouvelle vie et faire ainsi le bonheur de sa famille.
Il souhaite, dans un premier temps, faire le voyage seul, pour y préparer la venue, un peu plus tard, de sa famille. Le Préfet lui accorde un permis de passage gratuit, avec secours de route jusqu’à Marseille, et Nicolas prend la route, plein d’espoir.
Un peu plus tard, il écrit à son épouse, pour lui demander de le rejoindre avec les enfants. Celle-ci fait ses bagages, passe la frontière à Wissembourg, où elle séjourne quelques temps.
Elle se rend à la mairie de cette ville, pour y effectuer les démarches nécessaires afin d’obtenir les documents nécessaires pour rejoindre son époux en Algérie : passeport à l’intérieur, permis de passage gratuit et secours de route. N’attendant pas sur place, pensant sans doute que cela ira plus vite si elle est à Strasbourg, elle s’y rend avec ses six enfants.
Mais là : catastrophe ! Marguerite tombe malade, à tel point qu’elle est obligée de se faire hospitaliser. Le 13 février 1853, un billet d’entrée de l’hôpital de Strasbourg indique qu’elle y est admise ce jour-là, en salle 46, atteinte de "métrorrhagie" (sic ?). Quelle est cette maladie ? [1]
Son séjour est confirmé par un certificat de police du canton nord, qui précise qu’elle est fille de feu Jacques KURTZ et de feue Marguerite WEINGARTEN, et qu’elle est indigente.
On y donne la composition de la famille :
- STRAUSS Marguerite, née KURTZ, épouse du sieur Nicolas STRAUSS, chanvrier,
- STRAUSS Anne-Marie, 18 ans,
- STRAUSS Catherine, 12 ans,
- STRAUSS Barbe, 10 ans,
- STRAUSS François, 6 ans,
- STRAUSS Jacques, 4 ans,
- STRAUSS Pierre, 2 ans.
Il est signalé qu’entre-temps les enfants ont été confiés à l’Hospice des orphelins. On imagine la détresse de ces enfants, dont le père est loin de là, en Algérie, et la mère hospitalisée !
Marguerite restera près de quatre mois à l’hôpital civil de Strasbourg. Heureusement, elle guérira, et un certificat de l’hôpital attestera de sa sortie, le 7 juin 1853. Elle récupère ses enfants et, dès le lendemain, elle se présente à la Préfecture, pour expliquer son cas, et demander à poursuivre son voyage pour rejoindre son époux en Algérie.
On lui signale qu’elle n’aurait pas dû quitter Wissembourg, et y attendre les documents nécessaires, et que, d’ailleurs, son permis de passage gratuit a été envoyé à la mairie de cette ville le 18 mai dernier.
Mais, conciliante, la Préfecture écrit le même jour au sous-préfet de Wissembourg, pour qu’il fasse récupérer le document à la mairie, et lui adresse de suite.
Le 9 juin, le sous-préfet s’exécute, et renvoie à Strasbourg le permis de passage gratuit, essentiel pour pouvoir s’embarquer à Marseille.
L’affaire se termine bien, et, le 11 juin 1853, la Préfecture remet à Marguerite le fameux permis de passage gratuit, accompagné d’un sauf-conduit pour Marseille, avec secours de route pour 7 personnes, destiné à payer les frais du voyage pour descendre jusqu’à ce port.
Elle n’a pas dû tarder à prendre la route. Une autre aventure : par train, par coche d’eau, ils entreprennent la longue descente jusqu’à Marseille. Puis l’embarquement sur le bateau, la traversée de la mer, et, enfin, l’accueil par leur mari et père qui avait certainement dû se faire bien du souci pour sa famille.
Il n’est signalé nulle part, dans les documents consultés, quelle était la destination finale de la famille Strauss, ces colons allemands, parmi des centaines d’autres, émigrés dans un autre pays pour s’y forger une existence meilleure, du moins le pensaient-ils.
Peut-être le centre des archives d’outre-mer, à Aix-en-Provence, possède-t-il des documents permettant de retracer leur vie en Algérie.
Quel y a été leur destin ? Mystère...
Source : ADBR - Préfecture - Emigration - Série III.M.