Les ostensions Limousines sont célébrées tous les 7 ans depuis le 16e siècle. Il s’agit de cérémonies religieuses millénaires qui commémorent le miracle des Ardents de 994. Les limousins vénèrent alors leurs saints fondateurs et exposent les reliques aux nombreux spectateurs venus participer à ces manifestations.
Ces cérémonies ont lieu à Limoges et dans 14 communes de la Haute-Vienne. C’est un moment fort de rassemblement des représentants du Clergé, des autorités civiles et militaires, et du peuple limousin. Ces célébrations, unique en France, revêtent un caractère identitaire important pour les limousins. Elles se situent entre le profane et le sacré » (Extrait du communiqué de presse publié par Opus87.fr).
A l’annonce de ces prochaines cérémonies ancestrales et « somptueuses », je me suis souvenue d’une carte postale adressée à « Messieurs Promis, au 27e chasseurs, 1er escadron, 2e peloton, à Limoges », à savoir mon grand père Avit et son frère Antoine en service militaire. Pas de date lisible mais d’autres correspondances à cette adresse sont de 1912.
La légende, masquant une partie de la foule, nous apprend qu’il s’agit de « SAINT JUNIEN (Haute-Vienne), les Ostentions, Arboration du Drapeau à l’Eglise paroissiale »
« Ostension », « Arboration », « Drapeau » et « Eglise », bien que noms communs sont écrits avec une majuscule ce qui en marque l’importance et la révérence qu’il convient d’éprouver. Seul « ostension » se trouve dans le Littré mais les deux termes se comprennent aisément, surtout en Limousin où cela semble aller de soi.
Le programme des dernières Ostentions nous annonce, entre autre, le 20 mars à 15 H : « arboration des drapeaux aux églises et aux quartiers ». Première étape d’une longue suite de rituels, messes et processions pour commémorer le miracle de St Martial et de tous les saints locaux arrêtant l’épidémie du mal des ardents, en 994. La tradition est donc bien respectée, seule l’heure est légèrement plus tardive.
Sur la carte, c’est l’après midi, il est 15H50 à l’énorme pendule. Ronde, point de mire vraisemblablement installée à la place d’une rosace, ornement central de la façade de l’église paroissiale. Celle-ci est de style roman, sobre, toute de granit comme les terres qu’elle domine.
La population se rassemble sur la place pour assister à ce moment important du début des cérémonies en l’honneur des saints ermites Junien et Amand et du martyr Théodore.
Hommes, femmes et enfants, vêtus de sombre et endimanchés autant que faire se peut, se pressent pour ne rien rater du spectacle. Les dames ont leur plus beau chapeau, quelques unes plus âgées portent la coiffe. Il y a foule sur le parvis d’où émergent des hauts de forme. Assurément les autorités civiles sont aux premières places. Débordant sur les marches, au moins 5 militaires, reconnaissables à leurs képis et à l’impressionnante rangée de boutons de leurs vareuses, représentent le sabre.
Moins de personnes sur la droite de l’entrée mais la déclivité du terrain empêcherait de bien voir au-delà du troisième rang. Pour compenser cet inconvénient, un groupe de 6 hommes s’est perché sur le rebord qu’offre le sous bassement de l’édifice et plus loin au moins 3 garçons en sabots. S’ils se tiennent plaqués contre le mur c’est moins par crainte de tomber que pour dégager la vue du photographe qui, avec trépied et tissus noir, s’apprête à immortaliser la scène. Le photographe et le curieux à son côté, ont pris place sur un édicule bas et mitoyen muni d’un volet. S’agirait-il d’un puits ?
D’autres garçons, chaussés rustiquement de même, ont été alignés, délimitant une allée qui conduit jusqu’aux marches. Sans doute les enfants d’une classe ou du catéchisme.
Beaucoup, mais pas autant que l’on pourrait s’y attendre, lèvent le nez vers ce qui est le centre d’intérêt de la scène, l’arboration.
L’exercice technique et périlleux se déroule au 2e étage si l’on peut dire, dans et hors du clocher.
Six hommes au moins sont montés en haut de l’édifice. Trois sont en costume de ville, regardent et se font voir, ils supervisent. Trois autres, en tenue de travail, sont à l’œuvre. Là mieux vaut ne pas avoir le vertige. Le plus jeune ou le plus habile a été désigné pour fixer le drapeau dans l’anneau prévu à cet effet. Les moyens de sécurité ont été mis en place et consistent en grosses cordes qui entourent la taille de l’homme assis jambes pendantes dans le vide et de celui qui a dû emprunter une échelle pour se percher sur le maigre rebord. Les autres les assurent. L’échelle elle-même est solidement arrimée. Celui qui est assis maintient le drapeau avec ce qui ressemble à une canne à pêche avec moulinet. L’acrobate fixe la hampe après avoir réussi à la placer là, la maintenant droite entre ses jambes. Sans doute en est on à la phase finale. Système de poulie ? une très grande corde descend jusque sur la place où deux hommes la maintiennent solidement. Porte drapeaux ou membre de confrérie, ils ont un rôle bien déterminé dans le déroulement de la cérémonie car ils ont revêtu un accessoire particulier, bandoulière ornée qui leur barre le dos.
Quant au drapeau à l’origine de cette démonstration d’adresse, il semblerait qu’il ait trois bandes de couleurs différentes. Une grande inscription devrait nous dire ce qu’il symbolise mais c’est là que l’on découvre que le cliché est à l’envers. Qu’importe, les plis la rendent illisible. Seuls sont déchiffrables, à la première ligne un « S » et un « I » et à la dernière « SAIN ».
Tous les sept ans ces cérémonies religieuses sont aussi de grands moments de « rassemblements identitaires ».