Après une bonne dizaine d’années de sécheresse, des pluies diluviennes s’abattent avec force sur Paris et sa région en 1909 et surtout à partir du 10 janvier 1910. Le 28 du même mois, le niveau des eaux atteint déjà 8,50 mètres au pont de la Tournelle... et la pluie continue de tomber...
Cette crue de la Seine est particulièrement catastrophique pour la capitale et sa banlieue. Les dégâts sont énormes : les rues s’affaissent, l’électricité et le téléphone sont interrompus, les lignes de chemin de fer sont coupées, le métro est un lac souterrain et les Parisiens naviguent en barque dans les rues qui charrient des troncs d’arbres...
La décrue s’amorce le 18 février, mais il faudra plusieurs semaines pour que le fleuve retrouve son cours normal.
Une lettre de Paris et une carte postale de banlieue témoignent de la situation :
- 30 janvier 1910
- Route de Sartrouville- Le Pecq
Lettre d’Albert DEROUBAIX
« Paris, 04 février 1910 – Etant en voyage hier, je n’ai pu prendre connaissance de votre lettre que ce matin, Valentine ayant été la chercher à l’hôtel hier. Il ne nous a pas été possible de l’avoir plus tôt, car ce n’est qu’avant hier soir que la rue de Chalon, en face l’hôtel, était à sec, l’eau séjournant encore vers les premiers numéros. Tout d’abord, je tiens à vous tranquilliser ; à aucun moment nous n’avons été en péril. Bien que l’inondation ait gagné notre quartier très rapidement, nous n’en avons pas été surpris ; dès les premières menaces de la crue, deux amis et compatriotes, M. et Mme Auramboux, nous ont offert avec empressement l’hospitalité chez eux, 12 rue Pierre Lescot, près des halles centrales.
Aujourd’hui encore, je vous écris de chez eux, car nous ne rentrerons rue de Chalon que lorsque tout danger d’épidémie aura totalement disparu. Je ne m’arrêterai pas à vous faire une description détaillée de l’inondation ; vous avez très probablement lu les grands quotidiens dont les récits n’étaient certes pas exagérés. Pour vous donner une idée, je n’aurais qu’à vous dire que dans notre hôtel, il y avait plus d’un mètre d’eau, et dans la rue de Chalon, en de certains endroits, la hauteur dépassait deux mètres. La gare de Lyon n’était qu’une île presque inabordable, et dans notre quartier, l’eau s’étendait jusqu’à 1500 mètres de la Seine.
C’est un spectacle vraiment inoubliable que de voir les rues qu’on comparerait justement avec celles de Venise, sillonnées par des barques avec lesquelles des sauveteurs, marins, soldats ou civils, opèrent de nombreux sauvetages ou procèdent aux ravitaillements des habitants têtus qui ne voulaient pas abandonner leur logement. Heureusement que la situation va en s’améliorant, mais je n’oublierai jamais ces jours passés.
… Nous sommes en assez bonne santé pour l’instant ; nous sommes d’ailleurs soignés on ne peut mieux par les amis qui nous ont recueillis, et que nous ne quitterons qu’à regret …
P.S. Quand je sortirai, je vous adresserai quelques cartes relatives à l’inondation et spécialement des vues de notre quartier. »
- Carte postale, collection Alain Morinais
Texte au verso :
« Sartrouville, le 7 mars 1910
Ma chère Julie,
Merci de vos cartes, que je suis heureuse d’avoir, elles me donnent un aperçu de mon cher Paris pendant ce désastre. Voici 6 semaines que nous couchons sur l’eau, les caves et le jardin ont bien remonté ces jours ci. Cette carte représente notre rue, cinq jours avant la grande crue, c’est la seule que nous ayons. Mr Persard, qui nous aidait à déménager, est entrain de passer par la fenêtre, ce que nous avons fait pendant deux jours. Ces madriers ont été dépassés, l’eau est arrivée. »
- Mr Persard, est entrain de passer par la fenêtre
Pour en savoir plus sur la situation dans Paris :