- Le vieux Tournus s’alanguit devant la Saône
Crue d’octobre 2001 - Photo Colin
...Du haut de ces potences quatre siècles vous contemplent...
Le touriste ou le visiteur occasionnel des petites rues de la Pêcherie, est vite intrigué par les deux proéminences percées d’un énorme trou, qui ornent les façades des maisons anciennes (les plus vieilles de la ville, selon un plan de l’O.T.S.I) de la rue de la Poissonnerie, rue des Saules.
Ces "potences " comme nous les appelons par analogie et faute d’une autre dénomination, [1] sont d’autant plus intéressantes pour nous, qu’elles n’existent, à notre connaissance, qu’à Tournus, disséminées dans toute la vieille ville.
Je n’en ai jamais vu dans les villes riveraines de la Saône et du Doubs, au Nord, et on n’en signale pas jusqu’à la hauteur de Villefranche au sud. [2]
Les avis sont très partagés quant à l’utilité exacte de ces potences, et nous n’en avons pas encore reçu d’explication totalement convaincante.
Leur présence est si visible qu’on pourrait les croire très nombreuses. En fait, sauf erreur ou oubli de notre part, nous avons pu dénombrer vingt-quatre maisons ornées dans toute la ville, sept d’entre elles dans le Quartier de la Pêcherie.
Il est probable que d’autres maisons ont été dégarnies de ces potences pour des raisons inconnues, mais les enduits contemporains en ont masqué les traces. Il est cependant possible de les repérer : il y a presque toujours, une seconde ouverture plus petite, à côté de l’habituelle baie carrée centrale ouvrant sur le grenier.
En l’absence de documents écrits (de l’époque) concernant l’utilité de ces potences en pierre, de nombreuses hypothèses ont été formulées par nos contemporains, aucune n’emportant l’adhésion générale.
C’est par l’étude des formes et dimensions des pierres et leur disposition variable sur les façades, qu’il est possible de formuler des hypothèses quant aux services qu’elles pouvaient rendre.
Notre dessin, s’il est imaginaire, n’en respecte pas moins les particularités des maisons de la rue des Saules, dont le " Logis du Poète ". Il permettra à ceux de nos lecteurs que la question intéresse de réfléchir à toutes les possibilités d’usage, et elles sont nombreuses... [3]
- Au XVI°s. les maisons côté impair de la rue des Saules constituaient le « front de Saône »
Inventaire et description
Presque toutes ces maisons peuvent être datées de la première moitié du XVII° siècle et ont des façades possédant les mêmes caractères de la fin du " gothique " : baies à croisillons, angles rabattus et chanfrein, corniche et écussons, datés pour certaines. Ce qui est une bonne indication de la relative aisance sinon richesse des constructeurs.
En première analyse, les photos et dessins ci-dessous montrent bien que les potences ont été incorporées aux façades en même temps que la construction et non ultérieurement.
Ce ne sont pas des pierres simplement équarries, et le style des ornements, (angle partiellement rabattu), est identique à celui des baies à meneau et croisillon typiques de la fin du "gothique" alors qu’en réalité nous sommes en pleine renaissance française.
Elles sont profondément engagées dans l’appareil et la partie saillante à une longueur comprise entre 25 et 50cm, la face latérale ayant généralement la forme trapèze rectangle pour augmenter la résistance.
La pierre est blanche, demi dure, compacte et sans faille (carrière de Farges ?). Le trou circulaire, d’un diamètre relativement grand, entre 10 et 15 cm, et comme les potences vont toujours par paire, est manifestement là pour y engager une perche horizontale, probablement un "boulin", tronc de jeune sapin, peuplier ou châtaignier écorcé et poli...
Les potences sont presque toujours insérées avec un écartement égal à la largeur de la maison moins l’épaisseur des murs latéraux.
Situées généralement au niveau du grenier, la perche qu’elles soutenaient pouvait être atteinte, à bout de bras, par l’ouverture centrale, presque toujours carrée et aveugle, ouvrant sur ce dernier. Souvent une deuxième ouverture carrée plus petite flanque la première, à droite ou à gauche.
Deux maisons seulement ont leurs potences au niveau de la grande baie du premier étage, et dans un cas au moins, rue des Saules, (voir dessin n°1), le niveau se situe entre l’étage et le grenier, et donc inaccessible depuis l’intérieur !
Les "corbeaux échancrés" par contre, (cinq bâtiments repérés par nous à Tournus), bien que situés à la partie supérieure des édifices, ne sont jamais accessibles par une ouverture, ce qui rend leur présence plus intrigante.
L’énorme tour carrée faisant partie de la propriété Humbert, traiteur, ancien Hôtel Bureteau, est équipée sur trois faces à plus de douze mètres du sol, et donc sans possibilité d’accès, d’une paire de ces "corbeaux".
Il faut bien distinguer ces corbeaux à l’échancrure semi-circulaire dont l’utilité n’est pas connue, des corbeaux habituellement insérés à posteriori pour supporter une poutre ou un appui de jambe de force, comme c’est le cas sur la face nord de l’église St Valérien.
Localisation sur plan (approximatif)
- a, b, c, d... : monuments identifiables
1, 2, 3, = maisons à potences percées -
22-23... = corbeaux échancrés
Avant d’examiner les différentes hypothèses avancées quant à la destination première des potences percées de Tournus, il peut être intéressant de connaître leur implantation, de déterminer leur âge probable à partir du style des maisons qu’elles ornent, de leur forme particulière... etc.
Nous croyons avoir situé sur le plan et dans la légende ci-dessus la totalité des maisons à potence observables dans la ville. Certaines façades sur cour intérieure, possèdent peut-être également ce type de potence.
Mais elles sont probablement peu nombreuses et nous développerons notre raisonnement sans en tenir compte, tout en demandant aux Amis de Tournus de bien vouloir nous les signaler.
Dans l’état ci-dessous, les mentions de date et de style sont des impressions d’auteur, sans valeur documentaire. Il semble bien que la plupart des maisons dites "gothiques" ou "à caractères gothiques" ont été reconstruites sur des bases anciennes à la fin du XVI° à partir de l’Edit de Nantes (1598) qui mit fin aux ravages, très importants à Tournus, des guerres de religion.
Peut-être en gardant ou en réincorporant des éléments d’époques antérieures : baies à meneau et croisillon, échoppes voûtées en anse de panier, ornements gothiques, etc...
Quoi qu’il en soit, c’est en même temps que l’élévation des murs, et non après, que furent insérées les potences qui nous occupent.
Quant elles sont dites "ornée", elles ont les arêtes partiellement rabattues, comme les meneaux ou pieds-droits des baies.
A quoi pouvaient-elles servir ?
A la lumière des chapitres précédents, nous pouvons chercher ensemble la fonction d’origine des potences tournusiennes tout en sachant que faute de documents écrits ou de plans retrouvés, seul le raisonnement nous permettra (peut-être !) de la trouver.
Rappelons quand même ce fait qui doit avoir une certaine importance : au moins 15 des maisons ornées sont du même style de façade, donc de la même époque, et pourquoi pas, du même constructeur ?
Il paraît évident que, leur présence étant acquise, de multiples usages ont pu leur être assignés et de nombreuses propositions ont été formulées.
Mais il doit y avoir un but premier justifiant leur ancrage dans la façade au moment de la construction ! ...
Avant de formuler quelque hypothèse, il est également bon de rappeler que jusqu’au XIX°siècle, la couverture des maisons se prolongeait par un avant-toit qui atteignait presque le milieu de la rue.
La gouttière n’existait pas plus que le réseau d’égout, et les eaux de pluie s’écoulaient plus ou moins bien par un ruisseau central profond, où pataugeaient, en pleine ville, poules et cochons ! ... et où le bourgeois "s’enfonçait dans la boue jusqu’aux genoux".
C’est un arrêté municipal de 1852 [4] qui imposa aux propriétaires de raccourcir ces avant-toits à la dimension actuelle inférieure à un mètre.
Donc, à l’époque, tout ce qui pouvait être suspendu aux perches équipant les potences était à l’abri des intempéries, comme dans la ferme bressane typique. Ce fait sera à prendre en compte dans notre recherche.
En partant de la quasi-certitude que lesdites potences servaient de support d’une perche de bois poli, (sapin ou peuplier) d’un diamètre de 8 à 12 centimètres et de longueur moyenne entre 5 et 6 mètres, on peut examiner les hypothèses suivantes, intuitives ou parfois émises rapidement et sans réelle conviction par les historiens locaux (Meulien, Jeanton, Dard, Laroche, dans bulletins annuels de la S.A.A.S.Tournus) [5] :
1re hypothèse (Dr Laroche...)
"les perches entre potences servaient à hisser des objets lourds ou volumineux..."
C’est la première idée qui vient à l’esprit quand on découvre les potences.
Idée fausse et à éliminer pour plusieurs raisons : cela supposerait que la perche serve de poulie et les trous de coussinets, ce qui est techniquement impossible. La force exercée entre appuis écartés de 5 mètres (moment fléchissant) par une simple armoire en chêne de nos grands-mères serait suffisante pour casser la perche.
La résistance de frottement opposée par l’axe en bois dans des coussinets de pierre abrasive serait supérieure au couple développé par un ou même deux individus.
De plus, la plupart des maisons à potences étaient à baies à meneau et croisillon par lesquelles il était impossible de faire passer des objets volumineux.
On ne peut cependant pas éliminer l’utilisation occasionnelle pour faire passer au moyen d’une corde glissant sur le boulin, de petits objets du rez-de-chaussée aux étages.
2e hypothèse (Meulien, Bernard...)
"les perches entre potences servaient aux tanneurs pour faire sécher les peaux..."
Il suffit de regarder l’implantation des maisons ( plan ci-dessus) pour se rendre compte que cette hypothèse est également à rejeter.
Dans la ville médiévale, le quartier des tanneurs était nettement circonscrit, presque toujours limité à une rue longeant un cours d’eau (à Tournus probablement le bief Potet).
L’odeur y était insupportable, et on voit mal ces artisans respectables suspendre leur production pondéreuse et odorante aux frontons des maisons gothiques des rues bourgeoises de la ville.
Ceux qui ont eu le privilège de visiter le quartier des tanneurs dans les médinas de FEZ ou MARRAKECH ne me démentiront pas !
3e hypothèse
"Les perches entre potences servaient à faire sécher divers objets dont le linge, les tissus, le maïs, la laine, le poisson ! ...et pourquoi pas les jambons ?"
A partir du fait qu’elles existaient, il est à peu près certain que l’on y a suspendu occasionnellement toutes sortes de choses à aérer, sécher, offrir ou soustraire à la convoitise des chalands...
Cela participait peut-être même au charme et à l’ambiance des rues tournusiennes, avec petit air d’Italie...
Mais on imagine mal, un architecte ou un maître d’œuvre inventant ce dispositif esthétique dans le seul but d’y voir suspendu cet inventaire à la Prévert !...
Il faut sans doute chercher ailleurs la raison première de cette invention.
4e hypothèse
"les perches entre potences servaient aux pêcheurs pour sécher les filets de pêche"
C’est la raison le plus fréquemment avancée, à cause probablement de la présence des maisons sur l’ancien "front de Saône"(ou à proximité).
Plusieurs raisons s’opposent à cette utilisation : En dehors des pièges à poissons ancestraux, nasses de diverses tailles, la pêche en Saône se faisait surtout à l’aide de tramails de grande longueur, en fil de lin ou de chanvre, très lourds à manier lorsque chargés d’eau. Leur séchage se faisait sur la berge même, tendus verticalement sur des piquets, comme le montre le dessin ci-dessous
- La Tour - Porte Malaquin
- Séchage des filets sur la berge
(dessin enluminé d’après une gravure d’époque)
Le hissage de tels filets, mouillés, eût demandé un effort intense hors de proportion avec le résultat attendu.
Par contre, l’utilisation de la perche polie comme "lisse" ou "lice" supérieure d’un "métier" à tricoter ou à réparer les longs filets, est tout à fait vraisemblable. C’est ce qui a inspiré le dessin reproduit au début, à partir d’un reportage télé sur des pêcheurs du Mexique (THALASSA).
5e hypothèse
"les perches entre potences servaient à la décoration de la ville en fête, et à l’identification des quartiers ou corporations, par les bannières qui y étaient suspendues... (dessin imaginaire ci-dessous)
Des bannières multicolores illuminant les jours de fête
Cette explication est très séduisante et s’accorde bien avec ce que l’on sait du goût de l’époque pour la fête populaire à grand déploiement de bannières et oriflammes armoriées et brillamment colorées.
Ainsi serait justifiée la présence des potences au fronton de maisons manifestement cossues, et aussi celle des "corbeaux échancrés" en des endroits ordinairement inaccessibles (Hôtel des "Tournus", Pl. de l’Hôtel de Ville, et Tour médiévale à l’origine sur un passage en prolongement de la rue du Grenier à sel. (Hôtel Bureteau).
Des corbeaux semblables ayant cet usage (selon un guide local) ont été repérés à Pérouges .
On peut cependant se demander pourquoi cet ornement de construction ne ss serait pas généralisé en Bourgogne, dans des villes aux fêtes bien plus célèbres. ?
Peut-être que son inventeur était un unique et brave tournusien, maçon et tailleur de pierres, qui ne souhaitait rien d’autre que de laisser une trace visible de sa participation...
J’avoue qu’il me plairait assez que cette hypothèse soit la bonne. De mes souvenirs de jeunesse, la pratique du pavoisement est un des plus vivaces et il n’est que de regarder les toiles de Dufy, Monnet... et les autres... pour s’en convaincre. J’imagine volontiers un accord général des propriétaires actuels pour équiper à nouveau leurs potences de "lices" aux bannières multicolores illuminant nos jours de fête...
6e hypothèse
"les potences sont les seuls restes de métiers à tisser rustiques" :
Alors que je travaillais à la mise en page de cet article, relisant attentivement les hypothèses formulées ici et là et la critique qui les accompagnait, il me vint soudain l’idée de me poser la question suivante :
- Avec ton esprit pratique d’ingénieux bricoleur, à quoi utiliserais-tu les potences si les facéties de la métempsychose te replongeaient à Tournus au XV° ou au XVI° siècle ? Quand la seule énergie directement disponible était encore celle des bras ! ...
Après quelques efforts d’imagination et quelques projets plus ou moins farfelus, j’eus soudain la révélation qui me conduit aujourd’hui à l’exposé de cette hypothèse :
- Et si nous nous trouvions face à un rudimentaire métier à tisser tapis et tapisseries grossières...bien utiles à l’époque, dans les maisons en pierres ? [6]
Il suffit d’imaginer l’existence d’une seconde perche formant « lisse » inférieure tirée par des poids, mais soutenue par d’innombrables fils enroulés, formant la chaîne, entre lesquels une simple alêne introduirait une trame aller et retour, et nous voilà devant un « métier à tisser » rudimentaire certes, mais capable de fournir dans un temps relativement court, par une seule personne et suivant la nature du fil, une pièce de tissu de largeur variable, fermée sur elle-même et de longueur égale au mieux, au double de la hauteur de la « haute lisse ». (dessin ci-contre )
Quant une certaine hauteur est réalisée, on soulage les poids pour faire glisser facilement et remonter par l’arrière, la partie tissée. Tout bricoleur un peu fûté vous dira que ça fonctionne !...
J’acquis rapidement la conviction que je n’étais pas loin de la vérité. C’est techniquement inattaquable, et cela se situe bien historiquement : avant la première mécanisation du tissage.
Cette méthode de fabrication des tissus par métier vertical était pratiquée depuis l’antiquité et l’est encore dans de nombreux pays non industrialisés.
Ainsi chaque bourgeois de la ville pouvait fabriquer ses propres draps, ses propres tentures ou tapisseries, bien à l’abri sous le grand avant-toit, et on peut croire que ces « dames » devaient rivaliser d’habileté dans la recherche de points originaux, et de mariage des couleurs...
Jusqu’à l’invention du métier horizontal avec navette lancée et pédales, puis du métier Jacquard (1780).
Au lendemain de la rédaction de ce post-scriptum, je reçus une sorte de confirmation de mon intuition en découvrant dans un hebdomadaire régional la photo surprenante d’un métier à tisser archaïque certes, mais techniquement conforme, verticalité en moins, au dessin précédent...
Sur une photo d’une tisserande Maya,une lanière ceint l’ouvrière et ce sont ses reins qui exercent une traction pour tendre le métier. Le reste des accessoires est semblable au dessin précédent et la pièce du tissu coloré obtenu est visible, étendue sur la palissade.
La description précédente, bien qu’elle ne prouve rien, me semble renforcer l’hypothèse formulée, et j’en serais volontiers resté là, laissant à chacun le soin de se faire une opinion.
Or, voici qu’à l’occasion d’une visite du très intéressant musée consacré à la ville gauloise de Bibracte, au mont Beuvray, je suis tombé en arrêt devant un métier à tisser gaulois (photo ci contre) dans lequel j’ai trouvé bien des similitudes avec le produit de mon imagination ; tout y est : la position verticale, les potences-corbeaux (ici en bois), la haute "lisse" reposant sur les potences, les poids (ici multiples) tendant la chaîne, et la navette manuelle simple...
Bien que conforté dans mon opinion sur le sujet, je n’y serais sans doute pas revenu, car quelques amis du Roy Guillaume m’avaient objecté que Tournus n’avait pas, que l’on sache, une réputation ancienne de ville de tissages...
Et pourtant ! ...grâce à l’association "Pays Mâconnais -Terre de mémoire", [7] j’apprends maintenant que toute la rive de la Saône entre Tournus et Mâcon était une grande productrice de chanvre, que les fileurs locaux vendaient en écheveaux de différentes qualités, sur les marchés des grandes villes voisines.
Le principe de complémentarité " filage >< tissage ", encore très artisanaux au XVI°siècle semble donc étayer un peu plus, ce qui, en l’absence de preuve concrète, ne restera malgré tout qu’une dernière hypothèse.
Et les corbeaux ?
Dans l’inventaire des maisons à potences percées de Tournus, j’ai inclus celles qui possédaient également des "corbeaux" que je qualifiais ’échancrés", faute d’un meilleur adjectif. Et de mentionner leur présence sur trois faces de la haute tour médiévale de l’ancien Hôtel Bureteau, en précisant que ces ornements étaient inaccessibles depuis l’intérieur du bâtiment.
Or voici qu’en feuilletant un catalogue de mes anciennes peintures, je remarquai que j’avais dessiné des corbeaux semblables sur un des bâtiments qui forment la ceinture de l’Abbaye : la maison Boudier, jouxtant par une tour à l’ouest, l’Hôtel du Trésorier.(Reproduction ci-contre)
Vérification faite sur place, il faut constater qu’il s’agit bien de trois corbeaux semblables aux précédents cités, situés sur une ligne horizontale à environ un mètre sous la rive du toit, sur un mur aveugle haut de trois étages, et donc inaccessibles depuis l’intérieur, et difficilement atteints par l’extérieur.
Manifestement, la présence de ces "corbeaux échancrés" ne peut être expliquée par aucune des hypothèses analysées précédemment. Leur forme et leur emplacement, sur les façades, suggèrent une autre utilité.
- Corbeaux inutiles ??...
Avec toutes les réserves d’usage, j’en propose l’explication suivante :
Selon Meulien, avant un arrêté municipal de 1852, la couverture des constructions tournusiennes se prolongeait par un avant toit, long parfois de plusieurs mètres et cause de fréquents accidents.
Nous ignorons si cette particularité, (d’origine bressane ?) était propre à Tournus ; toujours est-il que le poids du chevronnage et des tuiles devait obligatoirement être supporté par des pannes prenant appui : soit sur des piliers formant galerie passante, soit sur des jambes de forces reposant elles-mêmes sur les dits corbeaux, ou, plus probablement sur une poutre les joignant.
L’examen attentif de tous les emplacements des corbeaux échancrés de Tournus et les photo et dessin ci-dessous confirment et justifient ce mode de construction.
Si cette hypothèse était vérifiée, nous pourrions donc disjoindre l’étude des "corbeaux échancrés" de celle des "Potences" de Tournus qui, malgré tout ce qui précède, garderont encore pour beaucoup, leur mystère.
Pour conclure...
Je savais bien en commençant cette étude qu’elle ne se terminerait pas sans quelques points d’interrogation. Je n’avais d’ailleurs pas la prétention d’apporter une réponse à un problème que seule la découverte fortuite de documents d’époque pourra résoudre.
Mais par un regard d’artiste et de technicien, de pêcheur, de constructeur occasionnel, j’ai seulement voulu intéresser mes lecteurs par des documents sérieux et vérifiables, exciter leur curiosité, et peut-être susciter la vocation de celui ou celle qui nous apportera la solution, avec des documents retrouvés dans quelque archive lointaine.
A mes yeux, et jusqu’à preuve du contraire, les potences percées sont spécifiquement tournusiennes, même si on signale ici ou là quelques objets semblables.
Elles participent discrètement au mystère et au charme de la ville, tout en étant souvent ignorées des tournusiens eux-mêmes...