Un matin d’avril 1999, je m’éveillais lentement dans la petite chambre conjugale assombrie, quand soudain, en quelques minutes je vis apparaître sur le mur opposé à la petite fenêtre, une image inversée de cette ouverture, reconnaissable par les trois barreaux qui la protègent.
- L’image à l’origine de l’étude.
Cette image devint de plus en plus lumineuse, passant par un maximum d’intensité tandis qu’elle semblait de déplacer imperceptiblement vers le mur NORD de la chambre. Je me précipitai vers la fenêtre et constatai que c’était le soleil se levant dans l’axe de la rue (de la Poterne), et sur le toit de la « Tuilerie des Moutiers » [2] qui était responsable du phénomène. Tandis que le jour se levait, l’image devint de plus en plus pâle et fini par disparaître totalement.
Les jours suivant le temps brumeux empêcha le renouvellement de cette image, mais passionné de topographie j’entrepris de vérifier sur un plan orienté les différentes données et questions du problème entrevu :
- a) nous étions quelques jours après l’équinoxe de printemps et à deux mois et demi du solstice d’été
- b) quel était l’azimut de ma rue (de la poterne) rigoureusement parallèle au rayon du soleil…
- c) Quand, après le solstice d’été, pourrai-je observer à nouveau ce phénomène de « camera obscura » ? [3]
Je me promis donc de surveiller la période symétrique du mois d’août pour enregistrer photographiquement les images indispensables pour établir un compte rendu journalistique. Las.. ! le mois d’août fut cette année là particulièrement couvert et ce n’est qu’un an plus tard, en 2000 que je pus mettre mes projets à exécution.
Cette année là le temps du mois d’août fut clair et ensoleillé, et chaque matin vers 6H15 je me précipitais à ma fenêtre pour assister au lever de Phoebus… Je m’étais équipé d’une boussole de randonnée et d’un plan directeur de mon quartier (extrait du cadastre) et au moyen d’un appareil photo numérique, je pus prendre une série de photos, orientées et horodatées, que j’entrai chaque jour dans l’ordinateur, en vue d’une analyse ultérieure (voir exemples ci-dessus.).
Dans les mois qui suivirent, je passai de longues heures à méditer sur ma découverte. La boussole à alidade m’avait donné l’azimut [4] magnétique de l’apparition (78°mg EST), parallèle à l’axe de la rue de la Poterne mais il m’apparut vite que l’heure réelle du lever était faussée par la présence de l’écran de végétation et bâtiments sur la rive gauche de la Saône.
Ayant reporté sur mon plan directeur la ligne d’axe de la rue j’eus un jour la surprise de constater que celui-ci était rigoureusement parallèle à l’axe longitudinal de l’abbatiale Saint Philibert située à environ 20 mètres d’altitude.
Je me dis alors que si je pouvais me transporter à la base du grand clocher, il me serait possible de constater l’heure réelle ( à priori la même chaque année !) de l’aube devant un horizon dégagé.
C’est au cours de l’examen de ce plan et de quelques photos aériennes du site que j’eus la révélation qui devait me plonger dans une étude de plusieurs année : le plan de l’abbatiale constituait avec ses trois clochers disposés symétriquement une sorte de gigantesque alidade à pinnules .
Je me dis alors qu’il me suffirait de viser dans cette alidade depuis un point situé sur le prolongement de son axe, pour découvris à quelle date de l’année (vers 920) le maître d’œuvre premier avait tracé l’implantation de l’axe de la future église, et si possible, la raison de sa démarche : obligation géographique ? obstacle indéplaçable ? Fête d’un Saint Patron ? J’entrepris donc de rechercher sur un plan au 25/1000° un point de la ville d’où il me serait possible d’effectuer cette visée...
Je raconterai en images la semaine prochaine dans la Gazette, la suite et les résultats de la longue recherche que j’entrepris alors, mais je crois nécessaire de décrire auparavant, pour certains lecteurs pas forcément calés en « géographie » le rôle et l’utilisation de l’objet mystérieux cité plus haut :
L’alidade
J’ai déjà cité dans un article précédent (Baies Linteaux et voussures n°3) cet instrument comme faisant partie des outils principaux de tout maître d’œuvre ou constructeur, chargé d’implanter et orienter un édifice à construire ; En fait sous ce joli nom venu de l’arabe (les baguettes) [5] se cache un des plus vieux outils que l’homme ait inventé pour évaluer l’élévation, variable dans le temps et par rapport à son horizon, du soleil, de la lune et autres étoiles remarquables peuplant le firmament.
Cet outil d’une simplicité extrême, était connu de la plus lointaine des civilisations égyptiennes ou mésopotamiennes ; Sa composition la plus simple était l’assemblage de deux « baguettes » solidaires permettant par la visée l’évaluation des angles dans l’espace... C’est, par de successifs perfectionnements, l’ancêtre du dioptre des grecs, de l’astrolabe, du sextant, du compas de navigation, et de notre théodolite à visée laser... Ce fut, depuis la nuit des temps, l’outil de l’astronome, des navigateurs, des géomètres et autres arpenteurs de notre planète...
Le remplacement des petites encoches de visée par de petits ergots rapprochés aux extrémités des « baguettes », en améliorant la précision de la mesure lui donna le nom d’ « alidade à pinnules ». C’est à cet outil particulier que me fis penser la vision aérienne de l’Abbaye St Philibert de Tournus [6].
- Boussole de randonneur à alidade (armée de terre) Utilisée pour cette étude.
Pour bien comprendre l’importance vitale de cet instrument au haut moyen âge, il faut se souvenir qu’aux dix et onzième siècles et longtemps après, la mesure du temps et des dates n’était possible que par la connaissance de la positon des astres par rapport à l’horizon et à l’étoile polaire. Et par la lecture d’anciens éphémérides, venu de Rome, le plus souvent d’origine ecclésiastique...
Point d’horloge, pas de boussole, le temps et le travail des hommes étaient comptés en « journaux » ou « arpents » et « aunées » du lever au coucher du soleil...
Je vous raconterai en image la semaine prochaine dans la Gazette, la longue et impatiente recherche du point de visée situé dans l’axe de l’église Saint Philibert, ainsi que les conclusions qu’il me fut possible d’en tirer.