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V. Le petit-fils : Jules Hippolyte, marchand de vins et vinaigrier
Revenons maintenant aux METTAIS de Ménars, et en particulier à Jules Hippolyte, fils de Pierre Pascal Jules maire de Ménars et petit-fils d’Hippolyte Christophe le boucher.
Né à Ménars le 24 septembre 1840, il restera fils unique, bien que ses parents soient alors très jeunes (respectivement 23 et 20 ans). Son père est boucher ; il a donc dû connaître l’univers de la boucherie pendant son enfance. Comme nous l’avons vu, son père abandonnera cependant cette profession une dizaine d’années plus tard, s’élevant dans la société et prenant des responsabilités croissantes au sein de la commune.
Au recensement de 1851, âgé de 11 ans, Jules est indiqué « écolier ». Il a donc fait des études, ce qui paraît logique vu l’ascension familiale ; nous ignorons à quel endroit. Les recensements suivants évoquent juste sa présence chez ses parents, sans autre précision. Son père devient maire en 1865 et le restera jusqu’en 1888 ; de son côté, Jules choisit le métier de marchand de vins en gros. C’est en tout cas la profession qu’il exerce au moment de son mariage, à l’âge de 26 ans.
Jules épouse le 19 septembre 1867, à Paris XIVe, une jeune Parisienne du nom de Marie Louise DUBROUILLET. Née à Montrouge (actuelle ou ancienne commune ? [1]) dix-huit ans plus tôt, elle est la fille d’un pharmacien issu d’une famille de notables originaire de la Creuse. C’est Hippolyte METTAIS, docteur et oncle de Jules, qui avait déclaré sa naissance ; il habitait la même rue que les DUBROUILLET. Nul doute que Jules et Marie se soient connus grâce à lui ... Jules ramènera sa jeune épouse à Ménars.
Leur fils Emile Joseph Jules naît le 4 juillet 1868 à Ménars ; il restera apparemment fils unique, tout comme son père. Ce dernier est toujours marchand de vins en gros. Mais en 1872, le recensement le fait figurer comme « vinaigrier ». Voilà qui à vue de nez semble moins noble ; on notera cependant que Louis PASTEUR vient seulement d’identifier quelques années plus tôt, en 1865, le procédé de formation du vinaigre. Grâce à sa découverte, il est désormais possible d’obtenir un vinaigre de qualité constante ; l’activité de vinaigrier connaîtra un nouvel essor. Sans doute Jules aura-t-il été attiré quelque temps par cette nouveauté.
- Recensement de Ménars, rue Haute, en 1872
- Trois générations de Jules METTAIS se côtoient :
"notre" Jules, âgé de 31 ans, est vinaigrier.
Toutefois, cet intérêt ne dure visiblement pas longtemps ; en effet, à partir de 1876, soit dès l’âge de 36 ans, Jules ne sera plus désigné que comme rentier ou propriétaire. Il avait donc suffisamment de fortune pour vivre de ses rentes ...
D’après les recensements, il semble que leur fils n’ait pas été présent au foyer pendant un certain nombre d’années. En 1872, âgé de 4 ans, il est bien là ; mais il n’apparaît pas aux recensements suivants, alors qu’il a respectivement 8 et 13 ans. Sans doute devait-il être pensionnaire quelque part ; nous ignorons où il a fait ses études, peut-être à Paris ? Au recensement de 1886, âgé de 18 ans, il est revenu chez ses parents. En 1891, il n’y est plus ; mais en 1896, il est de retour, alors qu’il a 28 ans. Aucune profession n’est indiquée.
Dans les années 1870, le couple METTAIS-DUBROUILLET emploie un domestique à demeure ; au cours des deux décennies suivantes, ils n’en n’auront plus, en tout cas pas au moment des recensements. Ce n’est qu’en 1901, époque où Joséphine mère de Jules est venue vivre avec eux, qu’ils auront à nouveau une domestique.
Les événements familiaux se succèdent. En 1881, Jules est déclarant au décès de son oncle Hippolyte à Paris ; en 1889, il déclare celui de son oncle par alliance Napoléon LUTZ, à Ménars. En 1900, c’est son fils Jules qui se marie.
Ce dernier, âgé de 32 ans, habite à Paris, 5 rue Mornay dans le IVe arrondissement (voir illustration plus loin) : une grande demeure assez prestigieuse, si l’on en croit la vue actuelle. Il est industriel ; nous ignorons dans quel domaine. Selon l’acte de mariage, ses parents Jules et Marie résident 6 rue de Vanves, à Paris ; il s’agit de l’adresse d’Hippolyte, décédé près de vingt ans plus tôt ... Ils ont donc dû hériter de son appartement. En mai 1901, lorsque naît leur premier petit-fils Jean, ils habitent également à cette adresse. Ce qui ne les empêche pas la même année d’être recensés à Ménars, dans la rue Haute ; sans doute leur résidence se partageait-elle entre Ménars et Paris ... Ils ont respectivement 61 et 53 ans.
En revanche, le recensement de 1906 n’indique plus aucun METTAIS rue Haute, ni ailleurs dans le village. De fait, à la fin de cette même année, le 29 décembre 1906, Jules décède à son domicile parisien, au 6 rue de Vanves, à l’âge de 66 ans.
- Acte de décès de Jules Mettais 1906
- Etat-civil en ligne des archives de Paris
C’est là que vit toujours sa veuve Marie DUBROUILLET au recensement de 1926, le premier disponible sur Paris ; bien qu’elle n’y apparaisse pas en 1931, c’est également à cette adresse qu’elle est domiciliée au moment de son décès, en 1932, à 83 ans. Pour autant, elle n’est pas décédée à Paris, mais à Blois, au 5 rue Jean Bernier ; peut être l’adresse d’un hôpital.
Ce lieu semble en tout cas indiquer clairement qu’elle avait toujours de la famille dans le Loir-et-Cher, probablement à Ménars. Malheureusement les recensements de la commune après 1906 ne sont pas disponibles en ligne.
Quoi qu’il en soit, bien que les METTAIS aient visiblement quitté le village au tout début du XXe siècle, cela n’a pas pour autant marqué un départ définitif, puisque l’une de leurs descendantes possède toujours à l’heure actuelle la demeure familiale. Quant à l’appartement d’Hippolyte rue de Vanves à Paris, il a probablement été revendu après le décès de Marie DUBROUILLET, car on n’y trouve plus aucun membre de la famille au recensement de 1936.
VI. Les générations suivantes : Emile Joseph Jules, industriel, et ses fils Jean Jules et Georges Fortuné
Faute de registres accessibles en ligne, nous n’avons que peu d’informations sur le troisième Jules, arrière-petit-fils du boucher de Ménars, marié à Paris en 1900 ; il en va de même a fortiori pour sa descendance. Voici néanmoins les éléments que j’ai pu collecter au fil de mes recherches.
Comme nous l’avons vu, le jeune Emile Joseph Jules n’a pas passé toute son enfance auprès de ses parents, étant sans doute pensionnaire dans un établissement scolaire de bon niveau. Recensé à Ménars dans la maison familiale en 1896, à l’âge de 27 ans, il semble ensuite s’installer durablement à Paris ; c’est là qu’on le retrouve lors de son mariage, le 17 mars 1900 à Paris IVe. Il vit au numéro 5 rue Mornay, et sa jeune épouse habite la même rue ; probablement se sont-ils connus par proximité. Il est industriel, et c’est également la profession qui lui est attribuée l’année suivante lors de la naissance de son premier enfant. En revanche par la suite, on le retrouvera plutôt propriétaire ou sans profession. Sans doute vivait-il de ses rentes.
- La rue Mornay au début du XXe siècle
J’ai pu également trouver quelques éléments relatifs à son épouse. Marie Geneviève Clémence Valérie REDAUD, plus jeune de dix ans, était la fille d’un notaire creusois (appartenance régionale qui nous fait penser à un lien avec la famille de Marie Louise DUBROUILLET) [2]. Les REDAUD habitaient au 4 rue Mornay, ils étaient donc voisins de notre Jules.
Après leur mariage, les jeunes époux s’installent avenue du Bel Air, dans le XIIe arrondissement ; d’abord au numéro 15, si l’on en croit l’acte de naissance de leur premier enfant en 1901, puis au numéro 23 qui deviendra leur adresse récurrente à partir de la naissance du second en 1904. Il s’agit de deux immeubles bourgeois assez semblables, datant probablement du XIXe siècle.
D’après mes informations, le couple METTAIS-REDAUD a eu deux fils : Jean Jules, né le 20 mai 1901, puis Georges Fortuné, né le 2 juillet 1904. En 1926, la famille est recensée au 23 avenue du Bel Air ; toutefois les parents sont tous deux notés absents. Les deux fils sont étudiants.
Grâce à la fiche matricule de Jean (registre militaire), nous savons dans quel domaine il étudiait : il était élève de l’école Bréguet et apprenait l’électromécanique. Cette école privée, fondée en 1904, deviendra bien plus tard l’École supérieure d’ingénieurs en électrotechnique et électronique (ESIEE). Effectivement, Jean figure comme ingénieur sur les recensements de 1931 et 1936.
- Fiche matricule de Jean Mettais
Il semble aussi, si j’interprète bien sa fiche matricule, qu’il ait été « contrôleur dépanneur radio » pour l’Armée en 1938.
La fiche matricule de Georges, qui aurait pu nous en apprendre beaucoup à son sujet, n’est malheureusement pas accessible en ligne, les registres s’arrêtant à 1921 (il était de la classe 1924).
Il semblerait que leurs parents, Jules METTAIS et Marie REDAUD, aient vécu séparés dans les années trente. En effet, s’ils sont encore recensés ensemble au 23 avenue du Bel Air en 1931, ce n’est plus le cas en 1936 : Jules n’est plus mentionné, et Marie vit seule avec ses deux fils adultes, âgés respectivement de 35 et 32 ans. Pour autant, elle n’est pas veuve ; le registre indique qu’elle est toujours mariée.
Je n’ai retrouvé aucune trace de Jules après le recensement de 1931, et ignore tout de la fin de sa vie (à cette date il avait 63 ans). Est-il retourné à Ménars, commune de son enfance ? Le fait que sa propre mère, Marie DUBROUILLET veuve METTAIS, soit décédée à Blois en 1932, pourrait accréditer cette hypothèse. Etonnamment, la déclarante au décès de celle-ci est son épouse Marie REDAUD, belle-fille de la défunte. Peut-être les époux partageaient-ils leur temps entre Ménars et Paris, et pas nécessairement de manière simultanée ?
Quoi qu’il en soit, ils ne semblent pas avoir été enterrés ensemble. Décédée en 1951 à l’âge de 73 ans, Marie REDAUD est inhumée au cimetière de Naillat, dans la Creuse ; elle est donc retournée sur les traces de sa famille, bien qu’elle n’y ait apparemment jamais vécu dans sa jeunesse. Nous ignorons si elle est décédée dans cette commune ; en tout cas je n’ai pas trouvé son décès à Paris. Je n’ai pu découvrir qu’une photo de sa tombe grâce au projet « Sauvons nos tombes » du site Geneanet.
- Cimetière de Naillat
- Sépulture de Marie Redaud
Cette photo nous apprend également que Jean est lui aussi enterré à cet endroit. Il devait être très proche de sa mère ... En ce qui le concerne, j’ai bien pu trouver son acte de décès, survenu le 10 octobre 1968 à Paris, au 5 rue Mornay. C’est l’adresse où vivait son père avant son mariage, en 1900 ; l’immeuble ou l’appartement avait donc dû demeurer dans la famille ... Jean est resté célibataire, et n’a donc a priori pas eu de descendance.
Quant à Georges, je sais très peu de chose sur lui. Les recensements disponibles en ligne ne lui attribuent pas de profession. En revanche, les mentions marginales de son acte de naissance nous apprennent qu’il s’est marié à Bessan (Hérault) en 1942, à l’âge de 38 ans, avec Andrée Marie Louise GALZY et qu’il est décédé à Paris XIIe le 18 octobre 2001, à l’âge avancé de 97 ans.
Cet acte de décès est trop récent pour être disponible en ligne ; en revanche j’ai pu accéder à celui de son épouse, décédée en 1976. Leur adresse était bien le 23 avenue du Bel Air, dans le XIIe arrondissement de Paris ; c’est certainement là aussi que Georges a dû terminer ses jours en 2001.
Ainsi s’achèvent à ce jour mes recherches sur la famille METTAIS de Ménars, au long de 5 générations, depuis Hippolyte le boucher venu s’y établir en 1807, jusqu’aux Parisiens Jean l’ingénieur et son frère Georges.
Je terminerai par une vue cadastrale du bourg de Ménars en 1810, qui a connu peu de bouleversements en deux siècles, et qui malgré l’attrait de la capitale semble être demeuré jusqu’à ce jour un point d’ancrage pour la famille METTAIS ...
- Ménars, cadastre napoléonien de 1810
- La Rue Haute fait face au château et à l’église
Fin