Le samedi matin, je continue avec l’Actu de la semaine, sur Généanet, et je dévore, je relève les plus petites informations, si ténues soient-elles, car elles sont importantes, et même capitales, pour comprendre ce qui faisait les difficultés accumulées de la vie de nos ancêtres et, partant, leurs révoltes. Et justement, à l’occasion de ces saynètes paroissiales où les personnages rejouent les héros de Clochemerle sur un registre nouveau (!), j’ai été fascinée par les remarques dont certains d’entre vous accompagnent leurs commentaires, et qui sont du domaine de la chronique économique ou politique, sur la « vie du pays », et même sur la politique étrangère, sous l’Ancien Régime.
Je suis un professeur retraité de langue et civilisation britannique et américaine et je m’intéresse aux relations franco-américaines sous Louis XV et Louis XVI, surtout depuis que j’ai découvert, en janvier 2012 – à Saint-Pétersbourg, où tous les papiers privés de Voltaire sont enfin mis à la disposition du public – combien cet homme a desservi, trahi notre pays, contre espèces sonnantes et trébuchantes, que lui versaient, pour le prix de sa plume politique, les trois rois ennemis jurés de la France – les deux Georges de Grande Bretagne (II et III), Frédéric de Prusse et Catherine de Russie, … Ce fut un grand choc pour moi, et depuis cette découverte, j’ai beaucoup mieux compris les échecs en politique, intérieure comme extérieure, de nos rois, de leurs ministres, quels que fussent leurs mérites.
Pour des travaux que je poursuis, je recherche avant tout les réflexions des gens – toutes sortes de gens – sur :
- la France et la politique française entre 1756 et 1763, ce qui couvre la terrible Guerre de 7 Ans, où la France a perdu 200 000 hommes (et je ne parle pas des pertes civiles), une importante partie de nos territoire américains et l’ensemble de nos possessions indiennes, sauf les comptoirs qui n’ont pas voulu nous quitter ; mais je m’y intéresse pour la partie qui s’est jouée sur les mers : Méditerranée, et Océan Atlantique (perte de l’Acadie et du Québec) et l’océan Indien aussi. Le regard porté par les personnes dont la vie est ancrée, enracinée, dans les sillons de leur champ, si modeste soit-il ;
- la France et la politique française de l’époque qui suit directement, et en particulier à partir de 1775, date à laquelle le jeune La Fayette semble bouleversé – de son propre aveu ultérieur – par la situation des colons anglais d’Amérique ; suivent la préparation de la participation de la France à la Guerre d’Indépendance des colons d’Amérique, puis nos victoires communes, sur terre et sur mer, puis la paix en 1783, et la fierté populaire d’avoir remporté la victoire sur les Anglais . Et aussi, la politique intérieure : que pensent les Français du renvoi de Necker en 1781, par exemple ?
- la France et la politique française de l’époque 1783-1789/90 à l’intérieur et à l’extérieur : l’après-guerre, le retour des armées parties en Amérique, la présence de Benjamin Franklin à Paris depuis 1776 et ses efforts pour intéresser notre pays à la fragilité économique et politique des nouveaux USA. Nous fûmes alors leurs seuls amis dans le monde ! La présence de l’ambassadeur Thomas Jefferson, venu le remplacer à Paris est aussi importante… Un autre aspect : le désir de certains Français d’émigrer en Amérique, avant la Révolution, d’y envoyer leurs adolescents, dans un désir de protection. Souvent tragique, toujours émouvant …
- Les problèmes climatiques de l’Europe, la France en particulier, et c’est le commentaire de Philippe Corcessin sur les effets sociaux et sanitaires du climat sur la famine de la décennie 1780, en autres celle de l’hiver 1788, mais pas elle seulement, qui a déclenché en moi cette réaction et ma demande d’aide à vous tous qui faites ce type de rencontres au fil des documents que vous parcourez. Même s’ils vous semblent n’avoir aucune importance, il n’est pas sûr que je partagerai votre avis !
Denise Hébert ne sait pas combien me semble importante ce qu’elle a pu lire chez ce brave abbé Bravet (on ne pouvait pas rater ce jeu de mots) lorsqu’en 1783, il parle « de la fin de la guerre en Amérique et de la montgolfière ». A mes yeux, les deux événements sont capitaux. C’est un homme en train de voir naître la science moderne au moment où une guerre prend fin ! D’une certaine manière, l’avion solaire d’hier…
Voilà des sujets qui furent cruciaux… J’ai déjà écrit un petit chapitre sur Thomas Jefferson, à propos d’un remarquable article sur la fabrication des bas de soie publié dans la Gazette du vendredi, il y a quelques mois. Aujourd’hui, pour rester dans ce ton de la détresse économique vécue en France dans les dernières années qui précèdent la Révolution, je dirai seulement que contrairement à ce qu’on croit la plupart du temps, l’aide américaine n’a pas attendu l’irruption de la Révolution pour être effective ! Dès le début du mois de mars 1789, le roi Louis XVI et Armand Marc de Montmorin, son éphémère ministre des Affaires étrangères, demandent au gouvernement américain l’envoi de blé et de farine en urgence par le canal de Thomas Jefferson. Le 29 avril 1789, ce dernier annonce au roi que les bateaux américains avaient pu déjouer les patrouilleurs britanniques croisant dans l’Atlantique et qu’ils ont réussi à faire arriver à Nantes pas moins de 21 000 barils de blé et de farine… Un beau début, dans un pays en ruine… Il y aura d’autres voyages, toujours via Nantes, qui avait été jugé par Jefferson comme le port le plus efficace pour pouvoir décharger rapidement les produits importés d’Amérique et embarquer éventuellement des produits français et des émigrants – et oui ! – se bousculant dans une cohue indescriptible !
J’accueillerai avec bonheur tout ce que vous pourrez me transmettre, même si pour vous, c’est peu… Ceci dit, pour que je puisse citer tel ou tel passage dans un texte d’histoire à venir, il faut que je puisse avoir l’identité de la personne qui écrit, le lieu d’archives où le texte a été écrit (donc ici le registre paroissial de telle ou telle paroisse), et surtout la date, l’année. Sans oublier le lieu où les archives sont actuellement conservées.
Bravo à tous ceux d’entre vous qui, ayant de bons yeux, entrent avec facilité dans les documents, puis ensuite dans les listings, les tableaux, les colonnes qui occupent les pages de Geneanet, parcourent inlassablement les recoins cachés du passé quotidien de notre histoire européenne, voire occidentale.
Merci par avance à tous ceux qui, étant tombés sur quelques pépites, accepteront de me les communiquer…