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Deux noms pour une même personne, deux patronymes inconnus : recherches à partir d’un recensement
Lors de mes recherches pour retracer la vie d’Etienne « Auguste » ESPINAS, je découvre ce recensement de Chabeuil en 1886 et je remarque plusieurs incohérences : la première ligne comporte deux erreurs, sur le nom et le prénom du chef de ménage : il s’agit de François Régis ESPINAS (frère d’Auguste). François est marié avec Lucie AUGUSTINE (inversion du nom et du prénom).
Je remarque la présence d’un Jules BELLE qui est noté « de la famille » mais je ne sais à qui le rattacher. Agé de 25 ans, il serait né en 1861 a priori.
L’épouse d’Auguste s’appelle Nancy JEAN-LOUIS (dit Frachisse). Je ne comprends pas le patronyme qui lui est attribué. Les âges correspondent cependant, ainsi que les prénoms et âges des enfants jusqu’à la ligne 10.
Je ne sais pas qui est Marie LAURENT, âgée de 18 mois. Elle serait née en 1884.
Tout ceci, en marge de mon histoire d’Auguste, me penche à chercher qui est ce Jules BELLE et cette Marie LAURENT…
Lucie AUGUSTINE
Grâce à son acte de décès, je découvre que Lucie a été mariée à Jules BELLE. Commence alors une longue quête.
Lucie AUGUSTINE est née à Tournon (Ardèche) le 17 février 1840, de père et mère inconnus (voir ici).
• Mariée à Jules BELLE. Quand ? Où ?
• 1869 - Mariée à François Régis ESPINAL le 25 juin à Guilherand-Granges (Ardèche).
Pas d’indication d’un premier mariage de l’épouse (voir ici)
• 1924 - Décédée à Chabeuil (Drôme) Quartier de la Bérarde le 20 avril.
Indiquée veuve en premières noces de Jules BELLE et en deuxièmes noces de François ESPINAL. Son fils Jules BELLE, âgé de 64 ans (naissance en 1860), domicilié à Chabeuil, est témoin sur l’acte de décès (voir ici).
Lucie a donc eu un fils – Jules BELLE – né en 1860, quand elle avait 20 ans. Cela paraît cohérent avec LE Jules BELLE du recensement.
Jules BELLE
• 1860 -Acte de naissance de Jules BELLE le 22 mars à Valence (voir ici).
Fils de :
◦ Jules BELLE, âgé de 31 ans (naissance en 1829)
◦ Marie Philomène LAURENT, âgée de 20 ans (naissance en 1840).
Les choses se corsent : Jules BELLE est le fils d’un autre Jules et de Marie Philomène LAURENT. Pas de trace de Lucie dans l’histoire. Et curieusement on retrouve le patronyme de LAURENT ? Coïncidence ? Je continue à creuser du côté du fils, espérant trouver d’autres indications dans un quelconque acte.
• Recensements de Chabeuil de 1906, 1911, 1921, 1931 (voir en fin de document)
◦ Jules BELLE né à Valence, en 1860
Epoux de ROUX Marie Léontine née en 1861 à Peyrus,
Père de Charles BELLE né en 1886 à Chabeuil.
Présence dans le foyer d’une Augustine ESPINAS, domestique, en 1921 ?
La table de succession nous confirme toujours cette présence à Chabeuil de Jules, et son année de naissance. Lui aussi traîne quelques casseroles dans les différents actes et recensement. Père d’un Charles, et époux d’une Marie Léontine ROUX, il faut creuser un peu pour voir que Charles est le fils de son premier mariage avec Louise GRAIL et que Léontine n’est autre que Mélanie, bien née à Peyrus (Drôme) comme on pouvait le constater dans les différents recensements.
• Table des successions et absences de Chabeuil (page 27/164)
Décès le 05 novembre 1932 à Chabeuil de Jules Auguste BELLE, âge : 72, Naissance vers 1860
Conjoint de : Louise GRAIL et Marie Mélanie ROUX
Héritier : son fils Charles BELLE
• Léontine est devenue Mélanie ! Marie Mélanie ROUX est bien née à Peyrus le 25 mai 1961.
• 1886 -Acte de naissance de Charles BELLE né à Chabeuil, quartier du Rosier, le 27 septembre
Fils de Jules Auguste BELLE, âgé de 26 ans (naissance en 1860) et de Francine Louise GRAIL, âgée de 22 ans (naissance en 1864) (voir ici).
Il faudrait retrouver l’acte de mariage avec l’une ou de l’autre de ses épouses pour vérifier le nom des parents de Jules !
• Une recherche sur le nom Francine Louise GRAIL nous permet de trouver son acte de mariage avec Jules BELLE en 1886 à Montvendre (Drôme) (voir ici).
Dans l’acte de mariage, nous apprenons que Jules Auguste BELLE est le fils majeur et naturel de Jules BELLE, cocher, domicilié à Valence et de Marie Philomène LAURENT, épouse François Régis ESPINAS ! Normalement il est écrit dans ce type d’acte : fils (fille) majeur(e) (ou mineur(e) et légitime de (nom des parents).
Mes recherches progressent puisque j’ai retrouvé Marie Philomène mais se compliquent en même temps : comment passer de Marie Philomène LAURENT à Lucie AUGUSTINE ?
• Francine Louise GRAIL est décédée en août 1894, à Montvendre où elle habitait avec Jules Auguste BELLE (voir ici).
On peut supposer que Jules Auguste BELLE s’est remarié avec Marie Mélanie ROUX (ou Léontine) après cette date.
• Je retrouve l’acte de mariage à Montvendre le 23 mai 1896 (voir ici).
Jules Auguste est cultivateur à Valence, son épouse cuisinière à Montvendre.
• Celui-ci nous confirme que le père naturel de Jules Auguste BELLE est Jules BELLE, décédé à Saint-Just-de-Claix en Isère le 26 novembre 1892, « en son vivant rentier ». Et que sa mère est Marie Philomène LAURENT, épouse de François Régis ESPINAS, domiciliée à Valence.
• Concernant Marie Mélanie ROUX, l’acte indique qu’elle est veuve en premières noces de François Célestin BENISTANT ce qui nous renseigne sur ce nom apparu dans le recensement de 1906. Marie Mélanie a eu un enfant de ce premier mariage, Gabrielle née à Peyrus en 1889.
• Enfin trois erreurs dans des actes précédents sont énoncés à la fin de l’acte de mariage :
◦ Jules BELLE est dénommé Jules Gérémie BELLE sur son acte de décès, mais il s’agit bien du père de Jules Auguste.
◦ L’acte de décès du premier époux de la future (BENISTANT) se rapporte bien audit époux décédé bien que sur cet acte la veuve y soit nommée Léontine ROUX au lieu de Marie Mélanie ROUX comme sur son acte de naissance.
◦ Le certificat de publication délivré par la ville de Valence se rapporte bien à la future bien qu’elle y soit nommée Léontine Eulalie ROUX au lieu de Marie Mélanie ROUX comme sur son acte de naissance.
◦ De même le certificat du notaire (pour le contrat de mariage) se rapporte bien à l’épouse bien qu’elle y soit nommée Léontine ROUX.
Si des faits se confirment comme le prénom de Léontine, ou l’apparition du patronyme BENISTANT, toujours aucune explication sur cette Marie Philomène LAURENT épouse de François Régis ESPINAS. Je continue à creuser du côté de Jules BELLE.
• L’acte de décès (page 243) de Jules BELLE ne nous apprend qu’il est né à Saint-Just-de-Claix, fils d’Antoine BELLE et de Françoise LUCE CATINOT. Il est décédé le 26 novembre 1892 à 64 ans (naissance en 1828) chez son frère Fortuné BELLE domicilié à Saint-Just-de-Claix (témoin)… et il est l’époux de Nancy BLACHE, ménagère, domiciliée à Valence ! Pourquoi est-il mort chez son frère ? (voir ici).
• Le recensement de 1872 à Valence (il a 44 ans) nous apprend qu’il est domestique et « homme marié » et habite le quartier des Balives. Il n’y a aucune famille de répertoriée dans ces pages, uniquement des membres de professions libérales (Juges, avocats, professeurs, etc.) ou des domestiques ! Encore un truc bizarre !
Là je bloque un peu. Valence est une trop grande ville pour espérer trouver Jules BELLE dans les recensements des autres années sans y passer du temps, et en espérant qu’il n’a pas changé de quartier. Une première recherche en se basant sur le numéro de page ne donne rien. J’abandonne pour l’instant.
Marie LAURENT
Je reviens sur cette LAURENT retrouvée sur le recensement avec la famille ESPINAS. Elle serait née vers 1884. Née en 1840, Lucie AUGUSTINE s’est mariée en 1869 à Guilherand-Granges avec François ESPINAS. Je n’ai trouvé aucune descendance à ce couple. Si Lucie est la mère de cette Marie LAURENT, elle aurait eu cette fille à 44 ans, ce qui paraît possible mais peu vraisemblable. Mais pourquoi ce patronyme de LAURENT ?
Ou ce patronyme n’est qu’une coïncidence, et c’est le couple d’Auguste ESPINAS et Nancy JEAN-LOUIS qui aurait eu une enfant en nourrice. Ce qui peut paraître cohérent avec l’ordre des noms du registre de recensement : premier couple, leur enfant / deuxième couple, leurs enfants et à la fin le nourrisson. Nancy a perdu une fille en mars 1883, peut-être l’hypothèse « nourrice » est-elle la plus plausible ?
Il ne reste plus que l’énigme des deux noms pour une même personne : Marie Philomène LAURENT alias Lucie AUGUSTINE !
François Régis ESPINAS x Lucie AUGUSTINE
Puisque je ne trouve rien, je reprends la chronologie du couple et de ses différents domiciles.
• Marie Philomène LAURENT a accouché de son fils naturel Jules Auguste BELLE en mars 1860 à Valence dans la maison Reboulet, chemin de l’Ancien Cimetière. Lucie est ouvrière en soie, elle a 20 ans, Jules BELLE le père 31 ans, il est cultivateur.
◦ L’âge de Lucie / Marie Philomène correspond.
• Lucie AUGUSTINE et François Régis ESPINAS se sont mariés en Juin 1869 à Guilherand(-Granges) qui est la ville de l’autre côté du Rhône, en face de Valence.
◦ François Régis, originaire de Boffres (Ardèche) et Lucie sont domiciliés à Guilherand. Tous les deux sont « libres ». Lucie sait écrire, mais pas François (signatures de l’acte de mariage).
◦ Les recensements numérisés ne commençant pour cette ville qu’à partir de 1911, rien ne peut nous dire quand ils sont arrivés ou qu’ils ont quittés Guilherand.
Quid des domiciles de chacun avant 1869 ?
• En 1860, Lucie habite à Valence.
• En 1861, François Régis n’habite plus avec sa famille à Boffres. Il n’apparaît plus dans les recensements des années suivantes (voir ici).
• 1861 – Recensement non disponible pour Valence.
• 1866 – 561 pages de recensement : je recule devant l’obstacle !
Je n’ai plus d’idées pour trouver la solution de cette énigme…
Augustine ESPINAS
Je me concentre sur Augustine, censée être née en 1884 à Tournon. Qualifiée de domestique, elle ne semble pas faire partie de la famille.
• Une première recherche sur les naissances de Tournon en 1884 ne donne rien. De la même manière, aucune entrée au nom d’Augustine ESPINAS dans la table décennale des naissances de Tournon 1883-1892, ni la précédente…
En reprenant le recensement de 1921, je m’aperçois que le lieu de naissance indiqué pour Charles BELLE est Châteauneuf. Or il est né à Chabeuil, quartier du Rosier. Il est donc possible que le lieu de naissance d’Augustine ESPINAS soit également erroné !
Louise BONNARDEL
Je cherche alors la deuxième domestique, Louise BONNARDEL, pour vérifier les données la concernant. Et je pense découvrir encore une histoire étrange.
• Le recensement de 1931 à Montvendre indique une Louise BONNARDEL, née à Malissard en 1877, servante chez Julien GELIBERT. Avec elle, Jean-Baptiste BONNARDEL, né à Montvendre en 1909, ouvrier agricole : son fils ?
• En poursuivant mes recherches, je retrouve une Louise, née à Malissard en 1876, dans le recensement de 1906 à Châteauneuf sur Isère. Elle est mariée à Henri GILLES, propriétaire exploitant, et le couple a deux enfants, nés à Châteauneuf. Un domestique est aussi comptabilisé dans le foyer. Comment Louise est-elle passée de femme de propriétaire à servante/domestique ?
L’acte de naissance de Louise dans le registre des naissances de Malissard en 1877 confirme les informations que nous avons. Louise Julie Victorine BONNARDEL est bien née le 17 octobre 1877 dans cette commune.
Cependant, la Louise BONNARDEL épouse d’Henri GILLES ne semble pas être « notre » Louise. Vu les approximations des recensements j’ai pris un peu vite ce raccourci. Les autres prénoms ne coïncident pas. Pour être sûre je recherche l’acte de naissance du premier enfant. La mère est Sophie Louise Célie et non Louise Julie Victorine BONNARDEL. Au moins une explication sur le changement de statut social !
Je reprends la recherche avec le Jean Baptiste BONNARDEL né à Montvendre en 1909. Mais là encore, mon hypothèse n’était pas la bonne : il semble qu’il s’agit juste d’une homonymie.
• Maurice Jean-Baptiste BONNARDEL est le fils de Joachim Joseph Pierre Jules BONNARDEL âgé de 38 ans et originaire de Loriol. Le nom de la mère est Emma Emilie Baptistine GRANJON.
Au moins, là, j’ai eu des réponses à mes questionnements ! Mais me voici revenu à mon point de départ. Je ne sais pas non plus qui est cette Augustine ESPINAS, née peut-être en 1884 et mais sans doute pas à Tournon …
Revenons à Augustine
Une recherche dans le département de la Drôme sur le nom/prénom, sans date et sans lieu, me donne plusieurs réponses ; une seule semble assez proche au niveau des dates – au point où nous en sommes des approximations ! Maria Augustine ESPINAS, née en 1888 à Chabeuil, fille d’Auguste ESPINAS et de Nancy JEAN-LOUIS. L’écart est conséquent : 4 ans. Ne suis-je pas en train de partir sur une fausse route ? Cela paraît vraiment tiré par les cheveux. Et que ferait-elle en 1921 à Montélier avec son « demi-cousin » Jules BELLE ? Surtout qu’elle s’est mariée et a eu un fils, qu’elle vit à Bésayes en 1906 avec eux… En 1911, elle vit à Valence avec son mari et a deux fils. Non vraiment, il est peu probable que ce soit elle !
Je reprends la recherche cette fois-ci en Ardèche. Cela ne donne rien.
Clap de fin
Cette fois-ci je suis arrivée au bout de mes investigations. De mon recensement originel, des questionnements qu’il a provoqués, et des rebondissements issus de ces mêmes questionnements, il me reste trois énigmes non résolues :
• Pourquoi « Marie Philomène LAURENT » alors que Lucie AUGUSTINE est visiblement la même personne ?
• Qui est Marie LAURENT ?
• Qui est Augustine ESPINAS ?
La première énigme est de certainement la plus intrigante. Peut-être d’autres sauront mieux que moi tirer cette affaire au clair…
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