" La paroisse de Crona est d’une grande étendue, ayant plusieurs hameaux dont quelques-uns sont éloignés de plus d’une lieue ; la desserte est d’autant plus difficile que les chemins sont de tous côtés impraticables.
Les paroissiens sont en général d’une extrème pauvreté depuis 1709 qu’ils ont été contraints de vendre chacun leur petit fonds, vivant la plus grande partie de l’année sans sel, n’ayant presque aucun meuble qui vaille la peine de la saisie...
La plupart des domaines ne sont bons que pour le nourry et le vendu des bestiaux, qu’à l’égard du grain qu’on y recueil, à peine suffit-il tant la part du maître que du métayer pour nourrir le laboureur pendant l’année.
Les habitants peuvent être distingués en quatre classes :
1) des personnes qui se disent bourgeois, gens oisifs, et dont l’occupation est de s’enyvrer, et dont la conduite n’est rien moins qu’édifiante ;
2) des laboureurs au nombre de près de quarante, mais tous d’autrui, et fort pauvres ; en général, ils sont asez bone gens, et craignent Dieu ;
3) d’artisans et de cabaretiers, qui au nombre de plus de quinze, dans les maisons desquels il passe de grands désordres ;
4) de journaliers et de pauvres veuves...
Le désordre le plus grand règne, qui entraîne avec soy une infinité d’autres crimes, de querelles, de batteries, de jurements horribles, de paroles impudiques, de désunions dans les familles c’est l’ivrognerie.
Particulièrement les dimanches et les jours de fêtes qu’on profane impunément ; car c’est particulièrement dans ces saints jours que les cabarets sont remplis d’yvrognes, qui commettent toutes sortes de désordres, même pendant le Service Divin.
Un autre grand désordre, c’est la profanation des Lieux Saints, non seulement on s’y tient immodestement pendant les Services, mais on a l’insolence de rompre par dérision et publiquement pendant qu’on chante l’Evangile, pendant la Messe, les fiches de fer mises autour des fonts baptismaux.
D’autres viennent impudemment au Service plein de vin, y vomir et y causer d’aurtres actes scandaleux.
On profane plus fréquemment le chapiteau qui fait partie de l’église, et le cimetière dont on fait un lieu de promenade et de marché, tous les dimanches et fêtes pendant le Service Divin, car on y cause aussi haut que dans une foire et on y tient les postures les plus indécentes. Ce sont les petits bourgeois qui donnent en cela le grand scandale aux faibles. D’autres viennent insolemment se présenter au tribunal de la Pénitence estant ivres, d’autres estant dans le même estat, viennent demander des billets et s’enyvrent le jour mesme qu’ils auront fait leur communion.
En géneral, les principaux qui entraînent une bonne partie avec eux ne se soucient ni des déclarations du Roy, qu’on leur a lues publiquement sur leurs devoirs, ni des arrêts qui défendent leurs désordres, ni des décrets des Etats Généraux, et encore moins des commandements de Dieu et de l’Eglise.
Que sa Grandeur juge de la condition malheureuse du Pasteur à qui dieu a donné la volonté de s’acquitter de ses devoirs. Il ne s’est jamais plaint, ni en particulier, ni en public, des outrages personnelles qui luy ont été faite par les principaux, que dans ce mémoire présente à sa Grandeur des calomnies, des assemblées... et tous actes faites contre luy, des insultes jusqu’à arracher nuyatamment les palissades de son jardin, les emporter, en jeter d’autres dans le chapiteau, arracher le marteau de saporte, enfin jusqu’à menancer de l’assassiner ".
Comme quoi, tout n’est que recommencement...