5 documents conservés aux Archives nous font un peu revivre le parcours de HOWELL :
- Sa lettre au Préfet, du 22 juin 1852,
- Un acte de notoriété,
- Un certificat médical,
- Son admissibilité comme colon agricole en Algérie,
- Une correspondance du Maire de Schirrhein au Préfet.
Le village de Schirrhein, en Alsace, dans le département du Bas-Rhin, est situé à l’est de Haguenau, entre Bischwiller et Soufflenheim.
Guillaume Benjamin HOWELL s’est installé là, après une carrière dans les douanes, pour y pratiquer l’agriculture. Il est à la tête d’une nombreuse famille : 7 enfants, une belle-fille et deux petits-enfants, soit 12 personnes.
Après sans doute avoir réfléchi et hésité, il se décide à écrire au Préfet :
Lettre du sieur HOWELL au Préfet du Bas-Rhin, du 22 juin 1852
HOWEL Guillaume Benjamin, laboureur, domicilié à Schirrhein, 60 ans, ancien proposé des Douanes en retraite, ancien cantonnier des routes de l’Algérie, marié, une "bruhe" (bru), 7 enfants et 2 petits-enfants.
"... malgré ses efforts pour l’agriculture, et par suite de la non réussite des récoltes et du manque de travail depuis plusieurs années, ne pouvant plus suffire à l’entretien de sa nombreuse famille,... ainsi que sa fortune se réduit à la modique évaluation de 1060 francs... veut aller en Algérie."
Au bas de la lettre : "certificat de bonne conduite signé du Maire le même jour."
Cette lettre de demande nous apprend que Howell était déjà allé en Algérie, et qu’il y avait travaillé comme cantonnier. On ne sait pas s’il y avait séjourné jeune et célibataire, ou bien avec son épouse et une partie de sa famille. On y apprend que sa situation n’est pas des plus brillantes, et qu’il a bien du mal à nourrir toute sa maisonnée.
Acte de notoriété du 22/6/1852, établi par le Juge de Paix de Bischwiller (Jean Bertrand)
Il fallait obligatoirement, pour être admis dans les Colonies agricoles, posséder une somme qui changea selon les époques. Pour constater la possession de cette "fortune", Howell va trouver le Juge de Paix du canton.
"Concernant HOWEL Guillaume Benjamin. Témoins :
- 1° BADER M..., journalier, 30 ans,
- 2° SCHERER Antoine, bûcheron, 35 ans,
- 3° MUHLHAUSSER Antoine, bûcheron, 36 ans,
- 4° MARCHAND Joseph, pensionnaire de l’état, 69 ans.
Fortune de Guillaume Benjamin HOWELL :
- 1° En linge de literie, le tout presque neuf, est préparé pour les trois grandes filles, y compris plusieurs autres meubles, pour une somme de 300 francs.
- 2° Les trois filles, sortant de condition de domestique, enverront à leur père une somme de quatre cent francs, provenant de leurs gages économisés : 400 francs.
- 3° Enfin que le fils Georges versera une somme de deux cent francs, en partie en numéraire, en partie en objets à emporter, commodités ou ustensiles nécessaires : 200 francs.
Ensemble : 900 francs.
- Que de plus, le père jouit d’une pension des Douanes de cent soixante francs par an : 160 francs.
Soit au total : 1.060 francs.
Certifie que toutes ces valeurs sont francs et libres d’engagement quelconque" (suivent les signatures).
HOWEL n’est pas bien riche ! Il semble qu’il n’ait guère comme revenus que sa pension d’ancien douanier. Il n’est pas précisé qu’il est propriétaire d’une maison, ni qu’il possède des terres.
Ses trois grandes filles sacrifient leurs trousseaux pour ajouter à la somme, et lui donnent encore 400 francs, économisés sur leurs salaires.
Georges, le fils (probablement journalier), propose une somme en argent comptant, et les "objets à emporter" (sans doute un soc, et d’autres instruments aratoires).
Mais 1060 francs était presque un minimum. Le Juge de Paix s’étant renseigné, il reçut une lettre du Préfet, le 5 juillet 1852, précisant que la somme demandée ne pouvait être inférieure à 1000 francs. Et le Préfet précise :
"Le but de l’adoption de cette mesure, est d’alléger le budget des dépenses afférentes à la colonisation et de permettre de supprimer les subventions accordées par l’État, pendant la première année, aux colons arrivés en Algérie. Il importe donc, dans l’intérêt même des cultivateurs, de n’admettre que ceux pourvus de quelques ressources."
Certificat médical du médecin cantonal, du 22 juin 1852
Constatant la bonne santé de :
HOWEL Guillaume Benjamin | Ancien douanier en retraite, ancien cantonnier de l’Algérie, laboureur | 60 ans | père et chef de famille |
WAGNER Catherine | sa femme | 54 ans | |
HOWEL Jeanne Madeleine | célibataire | 29 ans | |
HOWEL Antoinette | célibataire | 27 ans | |
HOWEL Madeleine | célibataire | 20 ans | |
HOWEL Charles | célibataire | 21 ans | (classe de 1850 -N°248 - Libéré) |
HOWEL Gertrude | célibataire | 15 ans | |
HOWEL Joséphine | célibataire | 12 ans | |
HOWEL Georges | marié | 34 ans | |
WEININGER Salomé | mariée | 27 ans | (épouse de Georges) |
HOWEL Justine | célibataire | 4 ans | (fille de Georges) |
HOWEL Antoine | célibataire | 2 ans | (fils de Georges) |
Ce certificat nous est précieux, pour connaître la composition de cette nombreuse famille. Tous y figurent, c’est donc bien que Guillaume Benjamin pense partir avec toute sa "tribu".
Presque deux mois se passent, dans l’attente de la réponse de la Préfecture, positive, ils l’espèrent, pour rejoindre en Algérie une Colonie agricole.
Qu’ont-ils pensé durant ce temps ? Les conversations à la maison devaient sans cesse revenir sur ce départ espéré, cette sorte "d’Eldorado" promis pour s’y faire vraiment une vie meilleure !
Document du Conseil de Préfecture, du 19 août 1852
"Admissibilité à titre de colons dans les Colonies agricoles de l’Algérie pour" :
HOWEL Guillaume Benjamin | Laboureur | Ancien préposé des Douanes - Ancien cantonnier en Algérie |
(suivent quatre autres familles).
Chez les HOWEL, soulagement... l’admission est là ! Il ne manquera plus que l’aval du Ministre de la Guerre, qui décide en dernier ressort, et qui leur délivrera l’autorisation de passage gratuit, sur un bateau de l’État.
Le Préfet leur accordera certainement les "secours de route", pour cette nombreuse famille, somme destinée à payer les frais de traversée de la France jusqu’au port d’embarquement.
En principe, le Ministère de la Guerre demandait aux colons agricoles, pour éviter les grosses chaleurs, de repousser leur départ plus tard dans l’année.
On ne sait rien de plus... jusqu’à un cinquième document !!
Mot du Maire de Schirrhein au Préfet, du 27/12/1852
Qui fait connaître que les sieurs :
... (4 noms)
- 5° HOWEL Guillaume Benjamin, de Schirrhein, est décédé le 20 novembre 1852.
...
Catastrophe dans la famille ! Tous les espoirs de vie meilleure réduits à zéro, et plus de père à la tête de la famille.
Guillaume Benjamin HOWEL et sa famille n’iront pas en Algérie !
Les dossiers de départ pour la commune de Schirrhein
La famille HOWELL n’était pas la seule à vouloir partir en Algérie. D’autres familles préparèrent aussi leurs dossiers, identiques à celui-ci.
Voici un tableau récapitulatif succinct :
SCHNEIDER Michel | Cordonnier et laboureur | Refusé pour mauvaise conduite et faux certificats | |
MOSSER Nicolas | Laboureur | 1.150 francs | Admis |
MARTIN Philippe Jacques | Laboureur | 1.100 francs | Admis |
SCHOTT Ignace | Laboureur - Avec un domestique : GENTNER Nicolas | 1.600 francs | Admis |
HEISSEREN André | Scieur et long et charpentier | 1.315 francs | Admis |
Et aussi deux domestiques, dont l’un est nommé ZINCK, le patronyme du second étant illisible.
Sur les familles citées ci-dessus, aucune n’est partie. En effet, sur le document n°5, lettre du Maire au Préfet, l’informant que HOWEL est décédé, figure la mention suivante :
"Les sieurs MARTIN Philippe Jacques, MOSSER Nicolas, HEISSEREN André, et SCHOTT Ignace, viennent me déclarer d’avoir abandonné l’intention d’aller habiter l’Algérie."
Tous restèrent donc au village de Schirrhein.
Sources :
- ADBR, Strasbourg - Série III M - Emigration - Dossiers individuels par villages.