Je suis Eric Borel petit fils du Docteur Borel. Je suis fasciné par les traces du passé : les vieilles photos, les vieux papiers, les vieux objets… enfin tout ce qui a vécu. Ce que j’aime dans l’histoire familiale, c’est le voyage dans le temps et la découverte. Les images anciennes me ramènent ainsi à des réminiscences, une ambiance, des sensations… chaque détail me suscite un sentiment, une émotion, une anecdote. Je dois quand même préciser que j’ai toujours baigné dans l’histoire familiale. Ma mère mon père nous parlait souvent de leurs parents, de leurs grands-parents…
Voilà l’histoire biographique de mon Grand Père que je n’ai malheureusement pas connu, plusieurs fois cité pour ses actes sur le champ de bataille, plusieurs fois décoré à la 1re Guerre mondiale.
Emile BOREL (1884 – 1928)
Né à la Bégude de Mazenc (Drome) le 6 septembre 1884. Emile Borel était sorti de l’Ecole principale du Service de santé de la Marine en 1909 pour entrer dans le corps de Santé des Troupes coloniales. Au cours de son stage d’application à l’Ecole de Marseille, il fit la connaissance du Professeur Gustave Reynaud qui devait dans la suite s’intéresser très constamment à sa carrière et avoir une influence décisive sur son orientation scientifique.
Après avoir servi en Afrique Equatoriale, en Chine, sur le front Français aussi, où sa brillante conduite lui valut la croix de Chevalier de la légion d’honneur, mon grand-père E. Borel aborda le laboratoire au cours d’un séjour au Levant (Cilicie puis Syrie). Un mémoire présenté en 1924 à la société Médecine et d’Hygiène colonial de Marseille, résume ses premières recherches qui concerne surtout la microbiologie clinique courante.
Sur la demande du Gouvernement de la Cochinchine, l’Institut Pasteur de Saigon entreprenait alors l’étude systématique du paludisme et de la prophylaxie. E. Borel en stage à l’Institut Pasteur de Paris se spécialisait dans l’Entomologie médicale. Il fut chargé du laboratoire nouvellement créé à Saigon.
Il était avant tout nécessaire de dresser le catalogue de la faune culicine locale (Sous-famille des moustiques). En effet, si l’ouvrage de Constant Mathis (1871 – 1956) et Marcel Léger (1878 – 1934) fournissait pour le Tonkin une documentation importante, rien de semblable n’existait en Cochinchine. C’est à cette tâche que mon grand-père Dr. Emile Borel se consacra principalement. En trois ans, il détermina une centaine d’espèces connues et décrivit dix espèces nouvelles.
Les anophèles avaient évidemment attiré en premier lieu son attention. Il insista notamment sur la biologie de Anopheles Néocellia Maculata (Moustique) dont le rôle pathogène, bien établie dans la péninsule Malaise et la fréquence dans les zones récemment défrichées sont des causes de difficultés particulières à la prophylaxie anti-malarienne en Haute Cochinchine.
Bien que les Culex soient les moustiques les plus souvent capturés, les Aedes (moustique-tigre) et spécialement les Stégomyia (moustique) sont loin d’être rares. Le Dr. Borel en décrivit dix espèces locales dont deux nouvelles et put démontrer que Stégomyia fasciata (moustique) dont la présence en Indochine avait été contestée jusqu’en 1915, est en réalité très fréquent actuellement à Saigon.
A l’occasion de l’épidémie de Dengue de mai, juillet 1926, il présenta à cette société une brève et précise mise au point de cette question. La plupart des premiers résultats en ont été publiés sous forme de notes présentées à la Soc. path Exotique (1926 – 1928). Bien qu’il se soit plus particulièrement occupé de la pathologie des exploitation agricoles dont il étudie les divers chapitre (Mortalité infantile, béribérie et surtout paludisme) il ne néglige aucun aspect du problème malarien local. Nous lui devons notamment d’intéressantes études sur le Paludisme à Saigon à Chaudoc, à Dalat.
On savait depuis longtemps qu’il existe entre la constitution du sol et la gravité du paludisme, des relations si constants qu’a l’exemple des autochtones on serait tenté d’incriminer directement l’eau ou la terre. Le Dr Borel montra la complexité réelle du problème épidémiologique : étudiant le paludisme comparativement en « terre rouges en terre grises » (c’est dans les régions élevées, vallonnées et boisées du Nord et de l’Est que l’effort s’est porté sur La culture de l’hévéa. Là, se rencontrent deux types de sols appelés d’après leur couleur : terres grises et terres rouges, toutes deux convenant à l’Hévéa. Les terres rouges, à forte puissante rétentrice de l’eau et leur richesse totale en acide phosphorique et en fer, en font des terres beaucoup plus riches que les grises). Et dans les centres urbains il mis en évidence la multiplicité des facteurs qui peuvent jouer pour modifier la fréquence et la gravité des cas cliniques.
Après un séjour de trois ans en Cochinchine il était rentré en congé en France et c’est en plein repos qu’il a été emporté en quelques heures par une affection foudroyante.