- Léon Romagny
Esther Eléonore Bodin, 21 ans, donne naissance à Léon Joseph le 23 juin 1882 à Saint Ouen en Belin, dans la Sarthe. Légitimé par le mariage entre Auguste Joseph Romagny et Esther Eléonore Bodin, à Charenton le Pont, le 28 février 1885, Léon Romagny se marie à Charenton le Pont le 28 septembre 1907 avec Henriette Huet. |
Léon Romagny se bat en Argonne, sur la célèbre Butte de Vauquois. C’est là qu’il meurt au combat le 17 février 1915.
Mort du Lieutenant Boisson, Porte Drapeau du 76e RI
Léon Romagny écrit dans son « Carnet de Route » à la date du 25 Août 1914 :
« … Parti de Coulommiers par Troyes, nous arrivons à 4 heures le lendemain à Verdun, passés à Argonne, Taimbale, Bar le Duc, Avoncourt.
Groupement direction de Longwy, passés à Clesfontaines ou nous nous reformons avec le 76e Régiment d’Infanterie active qui a battu en retraite faute de commandement. Décimé au ¾, Sur un bataillon, reste un capitaine, et 80 hommes sur 250 à une compagnie.
- la troisième page du carnet de route
Lieutenant porte drapeau tué par un éclat d’obus en rapportant le drapeau.
Les obus Allemands sont sans grands effets, par contre leurs mitrailleuses sont terribles et nous fauchent comme du blé ».
L’historique du 76e Régiment d’Infanterie raconte :
« Le 22 (août 1914), à 4 heures, le régiment est alerté ; il se prépare, et, par Léxy, marche sur Longwy.Au sortir de Léxy, l’ordre est donné d’attaquer l’ennemi qui occupe les hauteurs du Bel-Arbre.
Vivres et munitions étant distribués, le 76e marche en direction du nord, ayant en première ligne 1er et 2e bataillons, en soutien 3e bataillon.
Au moment où il franchit la route de Moragolles à Longwy, il est reçu par une vive fusillade, pendant qu’une batterie ennemie, parvenue à Cutry, lui tire dans le dos. Dans ces conditions, l’attaque ne peut se développer, et le régiment manoeuvre, sous le feu de l’artillerie, pour se replier par la route de Villers sur Tellancourt. Au cours de cet engagement, le drapeau est frappé par un obus, le lieutenant Boisson, officier porte-drapeau, est tué ».
- Extrait du JMO du 76e régiment d’infanterie
Dans le Journal de Marche et Opérations du 76e Régiment d’Infanterie, ce Lieutenant Boisson est bien noté dans l’État Major. C’est un réserviste.
Malgré une recherche dans les bases de Mémoire des Hommes, Sépulture de Guerre, Mémorial GenWeb, nous n’avons pu retrouver, parmi plus de 300 homonymes, ce Lieutenant Boisson. Dommage !
Deux récits pour deux jours durant la retraite des armées (28 et 29 août 1914)
Dans le JMO du 76e RI, les faits sont notés, jour après jour :
Le 26 août, le 76e passe la Meuse à Sivry-sur-Meuse :
- mercredi 26 août 1914 dans le JMO du 76e RI
« Au pont de Sivry, le 76e reçoit un ordre nouveau et laisse sur la rive gauche de la Meuse le 3e Bataillon (celui de Léon) à la protection du Pont de Sivry que le Génie se prépare à détruire… Grand’halte et distribution directe de viande par autobus à l’est de Septsarges vers 14 heures » (voir mon article « Les autobus de la Marne » sur les sections de Ravitaillement en Viande Fraiche).
Au soir du 26 août, le régiment cantonne à Malancourt et Montfaucon.
Le 27 août « marche sans incident. Grand’halte à Charpentry » où le 3e bataillon cantonne le soir.
Le 28 août, départ dès 4 heures du matin. Aux environs de 9 heures, le 76e est arrêté aux environs d’Epinonville. Le 3e bataillon cantonne à Eglisefontaine.
Le samedi 29 août, le 76e est enclavé dans une colonne de la 10e Division qui se dirige vers Romagne sous Montfaucon. « Il est dirigé sur Landres avec ordre de s’y arrêter. Il y arrive à 15 heures. Chaleur accablante le long des lisières de forêts. A Landres, pas d’ordres…Le Quartier Général de la 10e DI est introuvable de 15 h à 18 heures. Le Général Commandant la 20e Brigade finit par nous donner ordre de stationnement à Fléville.A 18 heures, en route vers Fléville, à 500 m à peine de Landres, contrordre. Le 76e restera en stationnement (près) de Landres pour agir contre (la) brigade allemande signalée.A la nuit, gagnons Sommerance Fléville. Arrivée de nuit ».
Léon Romagny nous raconte ces mêmes journées avec un tout autre regard :
28 Août… En route pour la grande bataille du côté de la Meuse . Mes souliers sont lourds sur le sac, je vais les foutres en l’air.
Je pense à vous en ce moment, et je vous embrasse bien fort. Il est 7 heures du matin et nous partons à 8 heures, il fait une chaleur atroce et le canon tonnent formidablement, plus de 200 copains sont tombés.
Les Armées du Kromprinz sont de l’autre côté de la Meuse et nous faisons sauter tous les ponts. Les Prussiens sont à 10 kilomètres derrière nous et je crois que demain ça va péter dure.
Plus rien dans le sac et plus de vin, l’eau nous donne des forces, et mes prunes m’ont données la chiasse (diarrhée) j’ai été malade toute la nuit.
29 Août… Réveil à 4 heures et départ à 6 heures et des kilomètres plein la chambre. Et le canon gronde avec une plus grande force que la veille, j’étais en sentinelle avec 2 hommes et nous avons tirés sur les hulants.
Étant fatigués, j’ai tombé et je croyais rester sur le tas. Je mange du potage, il est 7heures 30 je viens de changer de flanelle et de chemise j’étais trempé et ça pisse de partout.
Deux aéros Allemands viennent de passer, je ne sais si on va dormir car les prussiens ne sont pas loin, il y aura du fils à retordre, enfin je crois que demain il y aura des pruneaux à recevoir [1].
Trois régiments ont réussi à traverser la Meuse. Aucune nouvelle, pas de journaux rien, je ne peux t’écrire il n’y a pas de facteur absolument rien. Je pense à toi un bon baiser à tous et à mon petit Roger.
- 29 août 1914 dans le "Carnet de route"
- L’écriture appliquée des premiers jours cède la place à une écriture plus "nerveuse",mais très lisible : les évènements commandent. Le temps passé à calligraphier est consacré au combat !
Septembre octobre 1914 en Argonne
23 Septembre : Départ dans les bois à 5 heures du matin , patrouille toute la journée, rentré à 7 heures du soir ; de garde en plein bois de 8 heures à 5 heures. Pas chaud du tout pas de feu, froid aux pieds, il a gelé à blanc.
C’est aujourd’hui 24 que devrait avoir lieu la libération. Nombreux blessés au premier bataillon, vient de prendre un café bien chaud, le canon tonnait à 4 heures du matin, quand cela finira-t-il ?
J’ai vu Emile Sul hier, il est arrivé voilà quatre jours, ce matin il était malade, plus rien pour le moment.
26 Septembre : Les fusils nous envoient des balles à 200 mètres de nous, il est 8 heures du matin, je suis à l’abri dans le bois derrière un gros chêne, les balles sifflent à nos oreilles.
On tue et on ne se voit presque pas. Un soldat vient d’être blessé au doigt de la main droite un autre au bras.
10 heures : on va charger à la baïonnette ; gare à la casse.
Bonjour, l’heure est grave ; la mission est d’enlever un village à la baïonnette, je pense à vous et vous embrasse bien fort, il est 11 heures du matin.
27 Septembre : J’ai reçu ta double carte, impossible de t’écrire, nous sommes dans les bois.
28 Septembre : Voici trois jours et trois nuits que nous sommes en pleine forêt d’Argonne qui est d’une longueur et d’une largeur considérable.
On se bat sans trêve ni même le jour et la nuit, on ne se voit pas à dix mètres on ne sait si l’on se tue, et les blessés qui restent et qu’on ne voit pas.
Il faut que l’on tienne jusqu’au bout, en attendant du renfort, vivement la fin.
Nous avons du fils à tordre ; voilà plusieurs attaques que nous repoussons .
J’ai vu des hulans de la mort, il y en a des tout jeunes, ils jouent leur va tout ; en attendant il en descends tous les jours.
Il est 9 heures du matin, je commence une tranchée pour me mettre à l’abri toute la journée et peut être une partie de la nuit. On attend la niôle ou si tu préfère l’eau de vie, pas beaucoup un petit verre.
Je viens de vous embrasser sur la photographie et pense toujours à vous,je vous embrasse sur les deux joues,nous sommes pas loin du pavillon Saint-Hubert et de Four-de-Paris, deux simples maison ou nous avons couché deux jours serrés comme des harengs.
- Henriette et Roger Romagny en 1914
" Mon petit homme chéri, tu ma dit que la photo était un peu cassée. Je te renvoi celle-ci car je ne veut pas que tu reste seul. Tu aura dans tes moments de repos ton fils chéri et ta petit femme, qui pense toujours à toi. Je te souhaite Roger et moi nos meilleurs vœux pour l’année 1915 et surtout que tu nous revienne bientôt. Recoi petit chéri mes plus tendre baisers. Henriette Romagny. Mon petit papa chéri je te souhaite une bonne année et de gros baisers. Roger ton petit garçon". |
Bonjour à tous c’est Potier que j’ai vu et non Carré comme je t’ai marqué sur la lettre. On vient de manger le riz et un morceau de bœuf avec un quart de bouillon.
Le fusil marche toujours et le canon aussi ; un bataillon a été anéanti, surpris la nuit à ce que l’on a entendu dire et parce qu’en restait pas beaucoup du 76e.
Je suis en ce moment en homme de liaison avec ma section et le petit poste. La santé va bien pour le moment, j’embrasse Roger sur ses petites joues mignonnes ainsi que toi ma petite Henriette chérie, j’écris ma carte postale je ne sais quand elle partira. Je crois qu’il va tombé de l’eau, cette nuit comme nous sommes à l’abri ça va coller.
29 Septembre : Nous avons couché à deux dans un ravin, on n’y voyait pas à deux mètres et on entendait les obus siffler au dessus de nous, pas moyen de dormir, on est toujours sur le qui-vive ; il tombe un peu d’eau et les moulins à café ne cessent de marcher [2], c’est cela qui fauchent bien les jambes vivement qu’on change de secteur.
Je commence à en avoir assez de la vie des bois, ce n’est pas amusant du tout.
J’attends midi avec impatience, voir si on va pouvoir manger, je n’ai plus un morceau de pain depuis hier dans ma musette.
30 Septembre, 1er et 2 Octobre : Rien de changé, on se bat nuit et jours dans les bois, quelques bons coups de fusils et espérons que nous les auront.
Je pense à vous et vous embrasse de tout cœur un baiser sur ta petit bouche ainsi qu’à mon petit gars, mon pauvre petit Roger, dit il Papa ? Comme je voudrais t’entendre enfin je vis toujours dans l’espoir. Léon.
Impossible de te faire parvenir des nouvelles depuis quatre jours que j’ai une carte que je n’ai pu t’envoyer.
On peut compter pour une journée, j’ai bien brûlé 100 cartouches Berchier, un qui était à côté de moi a été blessé au côté droit, cela en fait que je vois blessé à mes côtés ; nous ne restons plus qu’a cinq dans l’escouade ça diminue tous les jours. Cette nuit, encore un blessé nous restons à quatre.
3 et 4 Octobre : Toujours dans les bois, coups de fusil nuit et jour. Les marmites font des trous de 3 mètres de circonférence sur 2 mètres de profondeur comme un entonnoir".
- Médaille militaire de Léon Romagny
- "Soldat courageux qui a fait vaillamment son devoir dès les premiers combats de la campagne. Tombé pour la France le 17 février 1915 à Vauquois.
Croix de guerre avec étoile de bronze." Coulommiers le 22 janvier 1921