Lucien Célestin Provost, Caporal au 2e R.I : Octobre 1915 au Bois de la Gruerie
En août 1914, Lucien Célestin Provost , né à Paris le 31 mai 1887, est facteur.
Marié à Suzanne Berthe Olivier, lingère, ils ont deux enfants : Lucien Olivier né en 1911 et sa soeur Thérèse , née en 1913.
Si l’on se fie à son col d’uniforme, il était peut être au service militaire au 74e RI
ou mobilisé dans ce régiment avant de rejoindre le 2e Régiment d’Infanterie.
« …Dans la forêt de l’Argonne, il n’y a pas un seul instant de repos ni de recueillement.
Les canonniers ne quittent pas une minute leurs pièces ; les soldats des tranchées ne cessent pas de faire le coup de feu... Nous partons, de bonne heure, vers le bois de la Gruerie, dont le nom ne peut qu’être familier à tous ceux qui lisent les « communiqués » de la guerre, c’est-à-dire à la France entière. Nos soldats ne l’appellent plus que le bois de la Tuerie » (L’Illustration du 20 mars 1915)
Extrait de l’historique du 2e RI
« … Le 14 juillet 1915, le régiment, reconstitué par l’arrivée d’un renfort de 1.000 hommes (30 juin 1915), est relevé et, après avoir passé quelques semaines de repos dans le Pas-de-Calais, il embarqué à Longueau pour l’Argonne, où il arrive dans les premiers jours d’août 1915.
Il occupe le secteur de la Gruerie, au nord de Saint-Thomas et de Vienne-le-Château.
Le 25 septembre, il est chargé d’attaquer les tranchées ennemies à gauche du bois de la Gruerie. Les premières vagues sont à peine sorties que des mitrailleuses, tirant de flanc, causent de grands ravages.
Malgré leur feu meurtrier, le lieutenant Pavillet, de la 8e compagnie, n’en continue pas moins sa marche en avant, électrisant ses hommes par son exemple. Atteint de huit balles, il a encore l’énergie d’étendre son bras dans le geste de « En avant », et tombe mortellement frappé en criant : « Vive la France ! »
Le Lieutenant Fernand Charles Pavillet est né le 22 avril 1879 à Paris 18e.
« Le colonel Prevot, voulant repérer l’emplacement d’une mitrailleuse, est tué d’une balle à la tête dès le début de l’action. La tranchée est prise néanmoins ; mais l’âpreté de la lutte a tellement réduit les effectifs, que les quelques survivants doivent rejoindre nos lignes, la nuit venue »
Le Lieutenant Colonel Prévot est né à Lyon 6e le 6 novembre 1871. Une rue du quartier des Brotteaux à Lyon porte aujourd’hui son nom.
C’est au bois de la Grurie, à Servon, aujourd’hui Servon-Melzicourt, qu’est tué Lucien Celestin Provost, Caporal à la 8e Compagnie du Régiment.
A Hulin, aumonier volontaire au 2e R.I, en détaille les circonstances dans une lettre à sa veuve :
« 15 novembre 1915
Madame,
Le Sergent Major de la 8e Cie m’a remis votre lettre et m’a demandé de vous répondre à sa place n’osant pas vous annoncer la triste nouvelle que vous avez sans doute devancé et que vous appréhendiez.
Moi-même, je n’ai aucune qualité officielle pour vous l’annoncer, mais puisque dans votre lettre vous disiez vos inquiétudes et votre désir de savoir toute la vérité si pénible qu’elle puisse être, je ne puis, bien qu’il m’en coûte beaucoup, que vous dire la triste réalité.
Le dimanche 17 octobre, au cours d’un bombardement de grosses pièces, votre mari pris sous les éboulements est mort asphyxié vers 10 h & ½ du matin – il se trouvait avec le Sergent Major dans un abri que j’avais habité pendant plus de 6 semaines et où je me croyais en complète sécurité, depuis deux jours, je l’avais quitté pour en prendre un autre plus central, votre mari s’établit à ma place et c’est là, en première ligne, alors qu’il faisait ses écritures qu’il a trouvé la mort ; tombant à son poste dans l’exercice de ses fonctions tout comme le soldat à son créneau ou sur la plaine le jour de l’attaque.
Le soir même je l’inhumais au cimetière militaire du 2e de ligne, à l’extrémité sud du Bois de la Grurie, aux abords de la route Vienne le Château (Marne) dans une fosse individuelle. Une croix avec inscription a été déposée sur sa tombe, cette tombe, pour le jour de la Toussaint, je l’ai ornée, en guise de fleurs, de deux gentils petits sapins.
Ses affaires personnelles qu’il avait sur lui vous seront remises par l’entremise du Dépôt de Granville.
Excusez moi, Madame, de la peine que je vous cause en vous annonçant cette mort et en vous donnant tous ces détails. Il est des détails que j’aurai voulu pouvoir vous donner, ceux relatifs à ses derniers moments…ses dernières paroles…mais hélas, la mort a été instantanée, il n’a pas eu une plainte et lorsque je lui donnais l’absolution, il était encore pris sous les rondins de bois qui étayaient l’abri démoli.
Avec moi vous prierez pour le repos de son âme, pour vous et vos enfants je demanderai à Dieu la force nécessaire pour supporter chrétiennement cette épreuve si dure et croyez, Madame, à mes sentiments attristés.
A. HULIN aumonier volontaire du 2 eme Régiment d’Infanterie – Secteur postal 175 »
- Statue du monument aux morts au cimetière de Saint Aubin les Elbeuf, ville de résidence de Lucien Celestin Provost.
Son acte de décès, rédigé le 8 novembre 1915 seulement, n’est transcrit que le 4 avril 1916 à Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng (Seine Inférieure) » : aujourd’hui Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine Maritime) nom utilisé depuis 1931.
A son veuvage, Suzanne vit avec ses enfants à Saint Aubin les Elbeuf , d’où elle était originaire et où elle avait encore de la famille. Le nom de son mari est inscrit sur le monument aux morts de la commune.
Après la guerre, la tombe de Lucien Provost a été regroupée avec celles d’autres soldats dans la nécropole nationale de Saint Thomas en Argonne (Marne)
Elle porte le numéro 78 (renseignement « sépultures de guerre »).