Eric Tabarly est associé à la série des voiliers dénommés Pen Duick. Après les trois premiers, Pen-Duick I, II, III, qui sont des voiliers de type monocoque, Eric Tabarly va s’intéresser à un voilier tout à fait révolutionnaire pour l’époque : un multicoque.
Nous sommes en 1967, Eric Tarbaly, entre les courses d’été de Pen Duick III et Sydney-Hobart, découvre les performances des petits trimarans conçus par André Allègre, un architecte marseillais. En novembre, il passe une semaine chez cet architecte, pour suivre les premières études d’un avant-projet de trimaran qu’il vient de lancer.
Il revient à Lorient et demande au chantier de La Perrière, qui a construit le Pen Duick III l’année précédente, l’élaboration de devis pour la réalisation d’un voilier multicoque de 16 mètres avec une option d’extension à 20 mètres. Il part ensuite sur Paris pour rechercher les financements. Les sponsors sont au rendez-vous car le projet de 20 mètres est financé pour moitié par Paris-Match et pour l’autre moitié par Radio Luxembourg.
Eric Tarbaly hésite alors entre un catamaran et un trimaran mais choisit en définitif la solution trimaran qui lui paraît plus fiable.
Dominique Paulet, architecte naval au bureau d’études du chantier de La Perrière, finalise avec le navigateur les plans et c’est ainsi qu’il rapporte que « La journée du 30 novembre 1967 est consacrée, chez moi, à avancer sur toutes ces questions. Tabarly me demande de calculer l’écartement des flotteurs de manière à ce que la capacité de supporter la force du vent dans les voiles, à la gîte du maximum de stabilité, soit la même sur le Pen Duick IV que sur le Pen Duick III. Certains choix ne prêtent pas à discussion : les barres d’écoute seront de forme circulaire, les mats seront pivotants. Quelquefois je renâcle, voyant que l’on multiplie les difficultés en ajoutant des dispositifs prototypes à un engin prototype. »
Des études en bassin d’essais des carènes et en soufflerie sont lancées dans le laboratoire nantais d’Emile Ravilly pour confirmer certaines options (forme symétrique des flotteurs latéraux et mâture profilée orientable).
Principales caractéristiques du Pen Duick IV
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Début 1968, le Pen Duick IV est en construction au chantier de La Perrière à Lorient mais le planning est très serré. Les évènements de mai 68 perturbent la construction qui sera toutefois poursuivie après négociation par une équipe d’ouvriers par sympathie pour Eric Tabarly.
La mise à flot est effectuée le 11 mai 1968 et la première sortie le 15 mai. Les délais sont très tendus car le départ de la transat, pour laquelle est destinée le voilier, est fixé au 1er juin à Plymouth.
- Le Pen Duick IV, le jour du lancement le 11 mai 1968 - Le bateau est au port de pêche de Lorient devant la base des sous-marins - Photo Jean-Yves Le Lan
- Le Pen Duick IV, le jour du lancement le 11 mai 1968 - La barre d’écoute circulaire est très visible - Photo Jean-Yves Le Lan
- Le Pen Duick IV, le jour du lancement le 11 mai 1968. On aperçoit les mâts profilés et orientables - Photo Jean-Yves Le Lan
- Le Pen Duick IV, le jour du lancement le 11 mai 1968-Les liaisons entre la coque centrale et les flotteurs latéraux sont réalisées par des bras en trois tubes - Photo Jean-Yves Le Lan
Des essais comparatifs sont réalisés entre le Pen Duick III et Pen Duick IV confirmant les performances exceptionnelles du trimaran. Le convoyage vers Plymouth a lieu dans de bonnes conditions et le départ est pris dans les temps. Mais, le lendemain du départ, Pen Duick IV heurte un cargo et est obligé de revenir au chantier de Mashford pour effectuer des réparations. Il repart avec quatre jours de retard et comble de malchance, le pilote automatique tombe en panne. Nouvelle réparation et nouveau départ avec un jour de retard supplémentaire mais le problème revient peu après et Eric Tabarly abandonne alors définitivement. Le bateau est ramené à Lorient.
Le chantier de La Perrière remet en état le voilier et Eric Tabarly l’engage dans le Crystal Trophy, course triangulaire en Manche. Une nouvelle fois, le Pen Duick IV subit des avaries (chute du mât d’artimon et cintrage du grand mât). Eric Tabarly doit abandonner et rentrer à Lorient.
Eric Tabarly décide alors de lancer la construction d’un nouveau voilier, un monocoque, le Pen Duick V. Le Pen Duick IV servira alors comme moyen de transport pour se rapprocher de San Francisco lieu de départ du nouveau Pen Duick pour la course transpacifique.
Le Pen Duick IV sera ensuite vendu à Alain Colas qui gagnera en 1972 avec ce voilier, contre 53 concurrents, la quatrième édition de la Transat en solitaire en 20 jours et 13 heures, pulvérisant le record de l’épreuve et justifiant les vues de son concepteur.
Rebaptisé Manureva, le Pen Duick IV disparaîtra en 1978, avec Alain Colas à son bord, dans des circonstances inconnues, pendant la première Route du Rhum.