- Lazar MEYER, Autoportrait (1868), collection privée.
La jeunesse
Né à Fegersheim, à proximité de Strasbourg dans le Bas-Rhin, le 20 Janvier 1847, il est le sixième enfant d’ Israël MEYER, commerçant (marchand de froment) et de Charlotte METZGER. Vers 1860, probablement pour des raisons économiques et, peut-être aussi, en raison de « maltraitances » religieuses (la famille est de confession juive), il quitte l’Alsace avec ses parents et ses frères et sœurs, pour s’installer à Paris.
Ayant un goût confirmé pour la peinture, il entre à l’ « École impériale de dessin » (ancêtre de l’École des « Arts Déco ») où il est l’élève d’Alexandre LAEMLEIN (peintre, graveur et lithographe,1813-1871) ; puis, à l’École des Beaux-Arts de Paris, il suit les cours d’Alexandre CABANEL (l’un des grands peintres académiques du Second Empire,1823-1889) et d’Émile LÉVY (1826-1890).
Âgé de 23 ans, le mois de Mai 1870 voit sa première participation au Salon de Paris. Ce Salon de peinture et de sculpture, organisé chaque année par l’Académie des beaux-arts depuis la fin du XVIIe siècle, a lieu au Palais de l’Industrie (construit pour l’Exposition Universelle de 1855, à l’emplacement actuel des Petit et Grand Palais). Lazar MEYER s’affirme déjà comme peintre de genre et de portrait et son tableau La lettre est accepté, par le jury d’admission, pour y être exposé.
- Le palais de l’Industrie à Paris [estampe] David Etienne (1819-1900). Lithographe
La Commune
Deux mois plus tard, en Juillet 1870, éclate la guerre engagée par Napoléon III contre la Prusse. Lazar MEYER est mobilisé, durant le premier siège de la capitale, comme simple garde à la 1re compagnie du 22e bataillon de la Garde Nationale (issu du IVe arrondissement de Paris, celui de sa résidence).
L’armistice du 28 Janvier 1871, négocié par le nouveau gouvernement dit « de Défense Nationale », est mal accepté par une bonne partie de la population parisienne, surtout après les sacrifices consentis pendant les cinq mois de siège. Plusieurs bataillons de gardes nationaux parisiens souhaitent poursuivre la résistance à tout prix ; Lazar MEYER figure sans doute parmi eux.
Ce refus de la capitulation, associé à un sentiment d’injustice, va conduire à une révolte qui se radicalise en Mars 1871, avec l’instauration de la Commune de Paris.
Lazar MEYER se range derrière les insurgés, tout comme son frère Léopold. Il va devenir alors le secrétaire particulier de Georges ARNOLD.
Celui-ci est architecte à la Ville de Paris, lui-aussi ancien élève des Beaux-Arts, et officier du 64e bataillon de la Garde Nationale ; ARNOLD et MEYER se sont peut-être rencontré au cours d’une des assemblées, tenues en vue de la constitution de la Fédération républicaine de la Garde nationale (d’où l’appellation de « Fédérés ») ; ARNOLD en sera l’un des dirigeants ; il fera partie de la Minorité opposée à la création du « Comité de Salut Publique » fin Avril 1871. Lazar MEYER exerce cette fonction de secrétaire du début d’avril jusqu’au 15 mai 1871.
Il est probablement aussi l’un des 400 artistes présents dans le grand amphithéâtre de l’École de médecine le 13 Avril 1871, à l’invitation de Gustave COURBET. En effet, la révolte grondait depuis longtemps parmi les artistes « plasticiens » en raison des blocages de l’Académie sur l’accès au Salon annuel sans lequel il était impossible de se faire connaître. C’est donc pour réorganiser les Beaux-Arts et dans le but de « Confier aux artistes seuls la gestion de leurs intérêts » que va être fondée la Fédération des artistes de Paris ; son comité directeur comprenait, outre G. COURBET, des artistes illustres comme les peintres COROT, DAUMIER, Édouard MANET … ou encore le sculpteur Jules DALOU.
- commune de paris _ élection de la commission fédérale des artistes _ 1871-04-14
Certains biographes attribuent à Lazar MEYER d’avoir eu, pendant la Commune, la charge de veiller sur le musée de Cluny, et d’assurer la sauvegarde de céramiques et objets d’art de la Manufacture Nationale de Sèvres ; mais c’est probablement à tort car il s’agirait d’un homonyme, Alfred MEYER (émailleur d’art, aquarelliste, et céramiste) qui travaillait d’ailleurs dans cette Manufacture de Sèvres.
À la suite de l’écrasement de la Commune, au cours de la semaine du 21 au 28 Mai 1871, Lazar MEYER est arrêté et emprisonné en face de l’île de Ré (Fort Boyard), d’où il devait être déporté. Condamné le 25 juin 1872 par le 24e conseil de guerre, il obtient une remise de la déportation (ce qui ne sera pas le cas d’ARNOLD envoyé au bagne à Nouméa) ; le 15 novembre 1872, le tribunal finalement l’acquitte car il n’a jamais pris les armes.
L’artiste-peintre
Rentré à Paris, il va alors, comme toute sa famille, « opter » pour la nationalité française. En effet, la guerre avec l’Allemagne s’étant achevée au détriment de la France, les Alsaciens et Lorrains, nés dans ces territoires annexés par l’Empire allemand, doivent alors choisir entre la nationalité française et la nationalité allemande. Celles et ceux qui désirent conserver la nationalité française doivent le faire, avant le 1er octobre 1872. Ce sera le cas de Lazar MEYER dont la déclaration d’option sera enregistrée durant l’été 1872.
Le 16 Mars 1880, à la mairie du 18e Arrondissement (il réside alors Rue Cauchoix, tout près de la Rue Lepic, au pied de la butte Montmartre), il se marie avec Louise Albertine Macé, mère de sa première fille (Eva, née en 1879) et avec laquelle il aura deux autres enfants : Léa (1882) et Israël Maurice (1885).
Ayant repris ses activités d’artiste-peintre, il va participer à diverses expositions, parfois caritatives, comme celle organisée en Février 1877 au profit de l’école des garçons de la rue des Deux-Boules à Paris, où ses œuvres côtoient celles d’Alexandre CABANEL (son maître) ou d’Henri GERVEX (dont le fameux tableau Rolla, peint l’année suivante, fera tant scandale à son époque).
Les tableaux de Lazar MEYER seront exposés régulièrement (à l’exception des années 1874 et 1875) lors des Salons de Paris, de 1872 jusqu’en 1882 (année du dernier Salon « officiel »). Lazar MEYER ne recevra aucune récompense lors de ces Salons très « académiques ».
Néanmoins, en 1878, une proposition d’acquisition par la Direction des Beaux-Arts (dépendant du Ministère de l’Instruction Publique) lui sera faite (pour la somme de 3000 Francs) pour son œuvre « Le Kadisch, prière pour les morts. Intérieur de synagogue » qui avait été exposée au Salon de 1876 ; ce tableau avait d’ailleurs attiré l’attention du public, comme le montre ce bref article extrait du journal Le Petit Parisien en date du 12 Février 1877 : « La vogue revient plus décidée que jamais aux œuvres d’art. Cela se remarque non-seulement aux ventes publiques, mais encore aux magasins qui ont la bonne fortune d’exposer un bel objet. Témoin le monde qu’attire le curieux et beau tableau « La prière pour les morts » de M. Lazar Meyer, qu’on peut voir rue Taitbout, 37. »
Comme il est très difficile de retrouver aujourd’hui des images des œuvres de Lazar MEYER (nombre d’entre elles auraient été détruites ou vandalisées pendant la Seconde Guerre mondiale), il semble intéressant de rapporter les descriptions et les commentaires qu’en faisaient les journaux contemporains.
Voici, publiée en date du 13 Juin 1878 dans le journal Le Constitutionnel, la description (un brin misogyne !) faite par le journaliste Henry TRIANON, du tableau intitulé « Après la séance ; intérieur d’atelier » que Lazar MEYER a exposé au Salon de 1878 : « Le modèle – une jeune femme -, se rhabille devant un miroir. Le peintre, agenouillé sur une chaise, qui n’est pas un prie-Dieu, adresse quelques paroles à la donzelle, qui n’est pas une madone. À la façon dont celle-ci se retourne et au regard qu’elle jette, on croit l’entendre dire : — Eh bien ! qu’est-ce qui vous prend ! Cette scène, qui s’arrête au seuil de l’impertinence, est agréablement rendue ; mais la lumière y manque ». Un journal de province (Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne) publie plus tardivement (le 27 Octobre 1880) un commentaire plus neutre sur ce même tableau : « L’intérieur des ateliers que, depuis quelque temps, les peintres ouvrent volontiers aux regards du public, a fourni, ici, un contingent de toiles intéressantes ; telles sont : (…) « Après la séance » par M. Lazar MEYER ».
Et voici encore un commentaire d’une autre publication (La Revue alsacienne : littérature, histoire, sciences, poésie, beaux-arts) sur la peinture exposée au Salon de Mai 1880 : « Le Sentier, de M. Lazar Meyer, n’est pas un tableau sans mérite ; ce n’est pas, tant s’en faut, une œuvre de maître, mais la couleur en est harmonieuse et douce ; et sauf le contraste par trop apparent du costume antique du jeune pâtre et de la robe toute moderne de la jeune fille à laquelle il tend galamment la main, l’ensemble est satisfaisant et plein de promesses. »
Parmi les œuvres de Lazar MEYER encore visibles aujourd’hui, on peut admirer, sur la façade de l’ancienne faïencerie Lœbnitz, située 4 rue de la Pierre-Levée (Paris,11e), quatre vastes panneaux en céramique, dont il réalisa les peintures (d’après des dessins d’Émile LÉVY, un de ses maîtres). Issues d’une collaboration avec le faïencier Jules Paul LŒBNITZ, trois de ces œuvres (celles illustrant l’Architecture, la Peinture et la Sculpture) ont orné le porche monumental du pavillon de la section française des beaux-arts lors de l’exposition universelle de 1878 de Paris.
- panneau en céramique "l’Architecture", façade de l’ancienne faïencerie Loebnitz, 4 rue de la Pierre-Levée, Paris,11e
Il est également encore possible de voir au Musée Carnavalet, quelques unes de ses œuvres plus tardives, puisque Lazar MEYER va continuer à peindre jusqu’aux début du XXe siècle et se rapprocher des peintres dits « montmartrois ».
- Le Maquis de Montmartre vu de la rue Caulaincourt en 1903. Lazar MEYER – Musée Carnavalet, Histoire de Paris (images sous Licence Ouverte, Paris-Musées)
Le Professeur de Dessin
C’est au début des années 1880 que Lazar MEYER deviendra Professeur de Dessin. Si l’on en croit L’Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration (dénommé plus simplement « Le Bottin »), Lazar MEYER aurait d’abord été professeur au lycée Louis-le-Grand de 1884 à 1886. C’est seulement ensuite qu’il aurait été nommé au Lycée Condorcet.
Le recrutement d’un « ancien communard » par cet établissement peut apparaître très surprenant quand l’on sait que que la Commune de Paris avait été perçue comme une abomination, non seulement par la quasi-totalité des parents d’élèves (issus des quartiers bourgeois environnants), mais aussi par la plupart des professeurs.
Une première explication réside, probablement, dans l’institution, en 1879, de l’obligation de l’enseignement du dessin, au primaire comme au secondaire, nécessitant l’embauche de nouveaux professeurs sous la responsabilité du ministère de l’Instruction publique.
La seconde est l’adoption, le 10 juillet 1880, par l’Assemblée nationale de la « Loi relative à l’amnistie des individus condamnés pour avoir pris part aux évènements insurrectionnels de 1870-1871 », dont Lazar MEYER va bénéficier.
Il poursuivra sa carrière au Lycée Condorcet jusqu’à sa retraite en 1913.
- La Sortie du lycée Condorcet, Jean Béraud, vers 1903 (Musée Carnavalet, Histoire de Paris)
Il sera nommé Officier d’Académie (équivalent de Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques) le 14 Juillet 895, puis Officier de l’Instruction Publique (c’est à dire d’Officier dans ce même Ordre) le 14 Juillet 1905.
Professeur Honoraire jusqu’à son décès le 28 Janvier 1935, il sera inhumé le surlendemain au cimetière du Père Lachaise (où sa tombe a aujourd’hui disparu).