Une fête est organisée immédiatement : « la marche a commancé pour aller sur la place de la Liberté en chantan des hymene patriotique, et de la, sur la place darme et ensuite au quartier républicain et au quartier des Sans Cullote.
Et de la lon net aller sur la Montagne ou lon na fait chante beaucoup des hyme patriotique.
Le Président et les frères CHASSAGNIEUX et Tomas CONTE onfait plusieurs discour energique, qui on ete boucoup apladit.
Lon a fait iluminer, toute la faite ce bien passer »
Ce passage est tiré des registres du Comité de surveillance révolutionnaire de Condrieu [1], petite ville des bords du Rhône, non loin de Vienne.
Il est très évocateur de la perception et du vécu, par le « citoyen de base », d’un épisode de la Révolution française.
L’orthographe a été scrupuleusement respectée. Le langage utilisé est révélateur : mots révolutionnaires et écriture phonétique supposent que le rédacteur ne sache pas bien lire car ces mots sont souvent utilisés dans de nombreux écrits (journaux, bulletin des lois, arrêtés, affiches).
Petit rappel historique : La victoire « de Florusse » date du 8 messidor an II, c’est-à-dire du 26 juin 1794. Les Français remportent une bataille décisive sur les Autrichiens à Fleurus, en Belgique, entre Charleroi et Namur.
Sous le commandement de Jean-Baptiste Jourdan, assisté de Kléber et Marceau ; après plusieurs tentatives face aux Autrichiens du général Kaunitz ; les soldats réussissent le 18 juin 1794 à franchir la Sambre au niveau de Charleroi.
Les Français s’emparent de Charleroi après un siège d’une semaine.
C’est alors que survient le prince de Cobourg, à la tête de 70.000 Autrichiens. La première charge des Autrichiens fait plusieurs milliers de victimes mais les révolutionnaires ne se découragent pas : les soldats français, durant plusieurs heures, « reviennent à la charge » en colonnes infatigables.
Le soir, de lassitude, le prince de Cobourg abandonne le champ de bataille sur lequel il laisse 5 000 morts et blessés. Son armée se retire en bon ordre vers Bruxelles.
Les vainqueurs entament aussitôt une contre-offensive et entrent à leur tour à Bruxelles puis à Liège, occupent Cologne et enfin Coblence.
Dans quel délai a t’on connu la victoire des armées françaises ? Le courrier arrive à Condrieu au matin du 5 juillet, très certainement porteur d’une lettre des « administrateurs du district de Campagne de Ville Affranchie » (nouveau nom de Lyon après la prise de la ville par les Républicains). C’est à dire 8 jours après le jour décisif.
Quel est le contexte de celle ci ? Terreur, déchristianisation... Voir le nom des quartiers de Condrieu : Républicain et Sans Culotte.
La Montagne évoque bien sûr le parti de Robespierre mais surtout le monticule élevé au Sablier, sur les bords du fleuve « par tous les patriotes indistincts, citoyens et citoyennes, de leurs propres bras, un montagne formant l’emblème de celle d’où émane notre Liberté ».
A cet endroit avait eu lieu le 10 germinal An II (30 mars 1794) comme partout ailleurs en France, la « Fête de la Montagne » ou « des Victoires ».