Le 18 février 1885, Marius Fond, maire de la ville de Condrieu, transcrit sur les registres d’état civil un extrait du procès verbal de gendarmerie dressé la veille « par Messieurs Heymès Henry et Javelot Antoine, tous deux gendarmes à cheval à la résidence de Condrieu » :
« ...Il résulte qu’il a été ce même jour, à huit heures du matin, retiré des eaux du Rhône ; au lieu dit le Four à Chaux...(à Condrieu) le cadavre d’un inconnu de sexe masculin dont le signalement suit : paraissant âgé de vingt cinq à trente ans environ, taille un mètre soixante quinze centimètres, cheveux et sourcils châtains, moustaches blondes, front découvert, yeux bleus, nez petit, bouche moyenne, menton rond, visage rond ; vêtu d’un pardessus marron, d’une jacquette et gilet noir, d’un pantalon gris à raies blanches, souliers vernis à lacets, de guêtres en drap marron, de chaussettes grises, d’une chemise blanche à faux col et d’une flanelle blanche.
Dans une de ses poches était un calepin, recouvert d’étoffe noire, sur lequel était inscrit ces mots : « Je mets volontairement fin à mes jours 4 février 1885 ».
Etait également dans ses poches un porte monnaie en cuir rouge et à fermoir dans lequel était la somme de quatre francs quatre vingt centimes ; dans ses poches était encore un petit peigne à barbe et une petite paire de ciseaux.
D’après la constatation médicale par M Charrin Jérôme, docteur médecin à Condrieu, le cadavre inconnu pourrait avoir séjourné dix à quinze jours dans l’eau... »
Note : Dans les registres paroissiaux, les mentions de morts accidentelles, notamment par noyade, sont assez fréquentes sous l’Ancien Régime... celles par suicide sont évidemment inexistantes... même si dans bien des cas, il reste souvent impossible d’établir la part de vérité : accident ou suicide ? Nous ne le saurons jamais...
Au XIX° siècle, le mur de la honte et du silence entoure toujours les décès par suicide. Ainsi, l’Eglise affirme sa position en refusant toujours la sépulture à « ceux qui se sont donné la mort de propos délibéré ». Si le suicide devient un objet d’étude pour les nouvelles sciences (psychologie, psychiatrie, sociologie), la médecine elle-même contribue à faire du suicide une « maladie honteuse », due à une faiblesse d’esprit, une tare et un tabou qu’il faut dissimuler à la société. |
Sources :
- Registre d’état civil de la commune de Condrieu (69).
- Georges Minois, L’historien et la question du suicide, in L’Histoire, numéro 189, juin 1995, pages 24 à 31.