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La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier 

Le jeudi 17 mars 2016, par Evelyne Tavernier

Philibert Gentier (1627-1696) est à Flavigny, à la tête d’une petite entreprise de serrurerie dans laquelle travaillent plusieurs apprentis et compagnons.
Vers 1650, il épouse Bénigne Petitot, (famille déjà rencontrée chez les potiers d’étain, les chirurgiens, un maitre-gantier et des prêtres) avec laquelle il aura au moins 3 enfants. On connait Nicolle (1656-1680), Philibert (1661-1682) et Jacques, l’aîné, né en 1651.

La fille de Philibert, Nicolle Gentier épouse, comme il se doit, un maitre-serrurier exerçant à Sainte-Reyne, Simon Menestrier. Elle meurt à 24 ans en 1680, peu après la naissance de son fils, également prénommé Philibert. Celui-ci sera élevé jusqu’à son décès, à l’âge de deux ans et demi, par ses grands-parents Gentier à Flavigny, car après le décès de son épouse, Simon a quitté la Bourgogne pour aller s’installer à Fayl-Billot en Champagne.
C’est du moins ce qu’indique l’acte de décès de son fils.

L’épouse de Philibert Gentier, Bénigne Petitot, décède, à l’âge de 65 ans, le 16 janvier 1687. Lui-même a alors 60 ans.

Après la mort de sa femme, Philibert se retrouve seul, et sans femme, pour tenir sa maison. Il lui faut donc trouver rapidement une solution. Compte tenu de son âge, et comme il est assez abattu après les deuils successifs qui l’ont accablé depuis 7 ans, il décide de se retirer des affaires et demande à l’unique enfant qui lui reste, Jacques, demeurant à Alise-Sainte-Reine, de revenir à Flavigny, pour lui succéder.

En effet, Jacques Gentier est le seul des fils de Philibert qui a vécu suffisamment pour être formé au métier en vue de succéder à son père. D’ailleurs, en 1686, il est employé dans la serrurerie de Jean Gauthey à Alise-Sainte-Reine et devient maître-serrurier à son tour. (Il est possible que Jean Gauthey, maitre-serrurier, originaire d’Autun, ait repris la serrurerie de Simon Menestrier, ci-dessus évoqué, à Sainte-Reyne, après le départ de celui-ci, entre 1680 et 1682).

Ce fils, Jacques, s’est marié en 1684, avec Anne Mortier, la fille d’un maitre-cordonnier de Flavigny. Anne est plus âgée que Jacques, 8 ans les séparent.
Le couple est installé à Alise-sainte-Reine. Anne Mortier a déjà accouché, le 16 mai 1685, d’une petite Anne. Cette enfant, hélas, meurt le 29 juillet 1686, alors que sa mère est sur le point d’accoucher d’un deuxième enfant qu’on espère être un garçon.

De fait, le lendemain de l’enterrement de sa fille, 30 juillet, Anne Mortier accouche, à 43 ans, mais hélas, d’une autre fille et comme la marraine s’appelle Anne, on la baptise illico et on lui choisit aussi ce prénom.
L’époque n’est pas encore à la pédopsychiatrie, et on se soucie peu d’attribuer à la seconde le prénom de la petite sœur défunte de la veille !

Quoi qu’il en soit, le couple revient vivre à Flavigny Jacques reprend la serrurerie de son père et tout semble s’arranger pour Philibert.

Philibert Gentier, qui a alors 60 ans, un âge respectable pour l’époque, se voit bien, vivre au « même pot » que son fils et sa bru. Elle pourrait le prendre en charge et lui permettre ainsi de couler des jours paisibles, profitant des nombreux petits-enfants qui ne manqueraient pas d’arriver pour remplacer les défunts.

Mais, hélas, le destin le poursuit.

À peine à la tête de l’entreprise, Jacques décède subitement, à 33 ans, le 27 mars 1687, laissant une veuve éplorée et une orpheline de 8 mois !
Qui va s’occuper de ces deux-là ?
La serrurerie revient en principe à sa veuve.
Mais, on sait, d’une part, que les veuves de maitres-serruriers peuvent, certes, reprendre le métier qui devient l’héritage du survivant mais qu’elles ne peuvent contracter un second mariage en dehors de la profession, et que d’autre part, il n’est pas concevable, sur le plan de la moralité, que le vieux Philibert vive, en tête à tête, « au même pot » que sa bru.

Philibert est donc à nouveau accablé et en devoir de trouver une solution pour lui-même et pour sa bru à laquelle il faut trouver un mari, obligatoirement maitre-serrurier pour reprendre l’entreprise en déshérence.

Le plus urgent est son propre cas, pour éviter les rumeurs malveillantes. La période de veuvage le concernant étant passée, il s’emploie donc très vite à retrouver une épouse.
Jeanne Legendre, veuve de Germain Grapin, tixier en toile, est approchée.
Un contrat de mariage est passé le 22 décembre 1687 et le mariage est célébré le mardi 13 janvier 1688. Il a 61 ans.

Reste à résoudre le cas de sa bru. Compte tenu du contexte de compagnonnage on peut raisonnablement penser qu’il s’est rapproché de Jean Gauthey, à Sainte-Reine, chez qui son défunt fils, Jacques, avait travaillé.

Celui-ci entrevoit très vite la solution miracle pour l’entreprise Gentier la bru Anne Mortier, et sa propre famille car il a un frère, André, maitre-serrurier lui aussi et demeurant à Dijon…

Les Gauthey :

Jean et André Gauthey sont nés à Autun dans une famille de boulangers, mais ils optent pour le métier de serrurier et deviennent tous les deux compagnons. Ils accèdent à la maitrise.

Jean, on l’a vu, s’est installé à Alise-Sainte-Reine, et a épousé, à Flavigny, la fille d’un drapier de Saulieu, Marie Meunier, avec laquelle il aura un fils, Jean, en 1705.

André (1660-1734) travaille à Dijon. Il n’a pas sa propre serrurerie et les perspectives d’installation sur Dijon difficiles.
Au décès de Jacques Gentier, dont son frère l’informe rapidement, André entrevoit, pour son avenir, la solution : épouser la veuve, Anne Mortier, et reprendre l’affaire. Il a 28 ans.
Certes, elle n’est plus une perdrix de l’année car elle 43 ans, c’est-à-dire 15 ans de plus que lui. En outre, compte tenu de l’âge de la veuve, les perspectives de fonder une famille sont faibles…mais les affaires sont les affaires !
Il arrive donc à Flavigny et propose ses services : il est jeune, courageux, travailleur, compétent puisque « maitre-serrurier ».
Philibert n’y voit que des avantages et la veuve n’ayant pas grand-chose à dire, cette proposition est donc acceptée.

Un contrat de mariage est passé le 20 février 1688 et le mariage est célébré le 2 mars 1688. (Anne Mortier, meurt, à l’âge de 76 ans, le 27 aout 1719, sans que ce second mariage ait été fécond).

Le grand-père Philibert, rasséréné par cette union de sa bru qui solutionne le problème de la succession de son entreprise, et nouvellement remarié, reprend gout à la vie.

Il aura donc, malgré son âge avancé, 4 enfants avec sa seconde épouse ! Il a 62 ans à la naissance du premier et 67 ans à celle du dernier.

Mais à nouveau le sort s’acharne : car 3 de ses enfants mourront en bas âge : Pierrette (1691-1694), Jacquette (1693-1693), Philippe (1694-1694) seul l’aîné, Christin, né en 1689, survivra à son père qui décède le 16 avril 1696, laissant sa veuve avec un enfant de 7 ans. C’est André Gauthey qui se chargera d’éduquer cet enfant et de le former au métier de serrurier.

On peut remarquer que les trois enfants sont morts pendant la terrible période 1693-94 dite de la « grande famine » qui a ravagé la France : un hiver 1692 très rigoureux, suivi, en 1693, d’un printemps et d’un été très pluvieux qui engendrèrent une récolte calamiteuse et une flambée de prix des céréales, donc une sous-alimentation du petit peuple, laquelle entraina des épidémies dont le typhus, et ce jusqu’en 1694.

La descendance de Philibert Gentier

La deuxième génération : Anne Gentier et Jean Armat : du sang neuf à Flavigny

La petite orpheline Anne Gentier fille de Jacques et Anne Mortier, considéra comme son père, André Gauthey, ce beau-père si dévoué. D’ailleurs, lors de la naissance de son premier enfant, elle choisit celui-ci pour parrain et l’acte le mentionne comme « grand-père » de l’enfant.
Les années passant, il convient de se préoccuper à nouveau de l’avenir de la serrurerie et d’Anne Gentier, seule héritière.

Sachant qu’elle ne peut épouser qu’un serrurier compétent et solide, la solution apparaitra avec l’arrivée de Jean Armat, un compagnon venu de fort loin, mais après avoir dûment « adoubé » celui-ci. Il faudra attendre qu’il devienne « maitre » pour pouvoir conclure l’union. C’est donc à 29 ans qu’Anne Gentier se mariera.

Jean Armat (1686-1748) :

Un jour, qui nous est inconnu, à Blaye, près de Bordeaux, Jean Armat attrapa sa canne [1], son balluchon, embrassa ses parents et « prit la route ».
Il entamait son tour de France de compagnon serrurier pour parfaire sa formation et acquérir à l’issue de celle-ci sa « maitrise ». De ses pérégrinations comme compagnon, on ne sait rien.

Ce dont on est sûr, c’est qu’il est né le 19 juin 1686, à Blaye, en Guyenne où cette famille de Gavaches [2] est installée depuis plusieurs générations, bien qu’elle soit originaire du Limousin.
Il existe dans cette famille une tradition de compagnonnage. Son père Jean Armat, est maitre-tailleur d’habits à Blaye. En outre, il a un oncle maitre-serrurier, d’où peut-être sa vocation ?

En 1715, on retrouve donc Jean Armat à Flavigny. Il a 29 ans. On ne sait pas depuis combien de temps il travaille à Flavigny, mais il a eu le temps de faire apprécier ses qualités par la famille (Gentier-Gauthey- Mortier) et en particulier par André Gauthey devenu le chef de famille.
Jean a le même âge qu’Anne Gentier.

Comme il a les qualités requises, la noce est célébrée le 28 aout 1715, par le curé Baudenet, et les témoins sont André Gauthey, Nicolas Mortier, maitre-menuisier, et Pierre Vincenot maitre-chaudronnier à Semur, oncles de l’épouse, On note aussi à la cérémonie la présence de Philippe Pariset, témoin de l’époux, maitre-tailleur d’habits à Flavigny (un ancien compagnon donc, qui a peut-être fréquenté lors du « voyage » le père du jeune marié ?).
Tous les participants à la noce savent signer y compris Anne Gentier.

Le contrat de mariage [3], passé le même jour chez le notaire Peirrot (ou Perraud ou Perrot), et contrôlé à Flavigny pour 24 sols, est signé des mêmes personnes que ceux nommés comme témoins au mariage. Il nous apprend que :

  • les parents du marié ont bien donné leur autorisation et leur procuration. C’est Nicolas Maison, maitre-menuisier qui les représente.
  • le couple demeurera « en communion de meubles et acquêts » suivant la coutume de Bourgogne.
  • un douaire [4] de 15 livres est constitué pour l’épouse et, en outre, elle reçoit des « bagues et joyaux » pour une valeur de 10 livres, qu’elle conservera en biens propres.
  • Ils vivront au « pot commun », chez les parents de l’épouse : André Gauthey et Anne Mortier.
  • Pour se marier, Jean Armat a reçu 60 livres des parents de sa fiancée, pour « subvenir à ses habits, un portrait et autres frais ». Il n’avait donc pas les moyens d’assumer les frais de son mariage.
    Cette dernière information nous indique que dans ce milieu on se faisait « tirer le portrait », avant l’invention de la photographie, donc en peinture, ou dessin, ou tout autre procédé, par un artiste local !
    Le portrait en question n’a, hélas, pas été conservé par les descendants. En revanche ils ont encore sa canne de compagnon de Jean Armat.
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La canne du compagnon Jean Armat (cliché E.T.)

Le couple Armat-Gentier aura 6 enfants, 3 garçons : André (né en 1716), Claude (né en 1724) et Jean (né en 1729) et 3 filles qui mourront en bas âge : Anne (1719-1720) Claudine (1721-1722) et Jeanne (1727-1727).

Jean Armat meurt à 60 ans, le 26 mars 1748. Se pose alors une nouvelle fois la question de sa succession.

C’est André Armat, l’aîné des garçons, devenu maitre-serrurier qui reprend l’entreprise.
L’année qui suit le décès de son époux, le 29 octobre 1749, Anne Gentier procède à une donation-partage entre ses fils.

Cet acte, qui a été retrouvé aux archives départementales est très intéressant car il détaille la composition du matériel de la serrurerie.
Anne est tutrice de son dernier fils encore mineur.

On apprend qu’ils demeurent tous ensemble, y compris André qui entre-temps s’est marié en catastrophe et est devenu père de famille (ce qui en dit long sur la promiscuité dans les familles qui vivaient « au même pot »).
Mais la donation-partage est provoquée par la contestation de Claude, le second fils de Jean Armat et Anne Gentier.

En tant que deuxième fils Claude semble avoir eu du mal à trouver sa place. Est-ce la raison pour laquelle il est parti guerroyer pendant plusieurs années dans la milice de Bourgogne [5] ?

A-t-il été payé par des villageois pour partir, comme remplaçant, ainsi que cela se pratiquait parfois, ou bien, a-t-il tiré un mauvais numéro qui l’a contraint à s’engager ?

Toujours est-il qu’il est revenu au pays avec un pécule dont il a investi tout ou partie (200 livres une belle somme !), peut-être contraint et forcé par ses parents, dans la réparation du bâtiment qui abrite la famille, rue du four, « tenant d’un côté à Jean Joyeux et de l’autre à Jacques Aubertin ».

Après le décès de son père il « s’émancipe » et souhaite récupérer son bien, se marier et s’installer à son compte, ailleurs.
La maison de la rue du Four appartient, nous dit l’acte, pour moitié à la veuve et pour moitié aux fils en qualité d’héritiers de leur père. Le dernier fils, Jean, est encore mineur.
Cette donation-partage stipule que la maison appartiendra à Claude, à charge pour lui de continuer à payer les rentes qui sont encore à régler à une certaine demoiselle Lapine domiciliée à Dijon.
Il dédommagera ses deux frères en leur donnant à chacun 41 livres et dix sols.
Claude devra ensuite partager la maison avec sa mère, pour qu’on n’entende plus parler des 200 livres en question.

Vient ensuite, dans l’acte, le partage des outils de la serrurerie :
André reçoit l’enclume et tous les petits outils (marteaux, limes et autres). Claude prend les 2 gros étaux, Jean hérite de la scie, du soufflet et du petit étau.
Les outils sont estimés à 90 livres.
Tous signent l’acte, sauf Claude qui ne sait pas le faire.

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La rue du Four en 2014 (cliché E.T.)

Troisième génération des descendants de Philibert Gentier à Flavigny :
André Armat (1716-1806)

L’aîné des fils de Jean Armat et Anne Gentier, André, né en 1716, succéda à son père, dans l’entreprise familiale à Flavigny.
Il s’était marié, à 33 ans, le 21 avril 1749 (donc après le décès de son père) avec Anne Momblot, fille d’un boucher de Flavigny, et âgée de 20 ans, qui accouche 4 mois plus tard d’une fille, Anne.

Le couple aura en tout 12 enfants, 8 filles et 4 garçons. Il est vrai que la belle-mère Anne Gentier vit encore avec eux et peut aider à l’éducation de cette marmaille. Notons que 9 de ces enfants n’atteindront pas l’âge adulte, dont 3 des 4 fils.
Malgré cette nombreuse progéniture, seul un garçon, Bénigne, avant dernier enfant, né en 1766, est finalement susceptible de prendre la succession.

Anne Momblot meurt en 1771 à 42 ans, sans doute épuisée par ses 12 grossesses en 22 ans et André se retrouve seul avec sa mère de 85 ans, veuf, à 55 ans, avec encore 6 enfants à charge dont un bébé de 5 mois. Mais Anne Gentier meurt en 1772.
Il se remarie en 1773, avec Anne Foucheneret, fille d’un laboureur de Corpoyer-la-Chapelle, mais résidente de Flavigny (employée par André pour le seconder dans la tenue de sa maison ? ce genre de situation se produisait assez fréquemment) Ce remariage ne donnera pas de descendance.

André exercera son activité jusqu’en 1798, traversera sans encombre la Révolution, et demeurera rue du Four jusqu’à son décès le 15 juin 1806, à l’âge respectable de 90 ans

Quatrième génération, à Flavigny, Bénigne Armate (1766-1847) :

Bénigne a 5 ans à la mort de sa mère, Anne Momblot, et 23 ans lorsqu’éclate la Révolution.
Il se marie le 27 décembre 1792 avec Reyne Melin avec laquelle il aura 2 filles, mais pas de garçon.
Lors de la naissance de sa première fille Charlotte en 1794, il est dit « citoyen serrurier ».
Il a donc été formé au métier par son père mais il s’est aussi lancé dans la politique. En effet, on le retrouve agent municipal en 1793, et adjoint au maire sous l’Empire. Il signe de ce fait, les actes d’état civil dans les registres de la commune. Il est aussi lieutenant dans la garde nationale à Flavigny, en 1816, preuve qu’il sait « s’adapter » aux changements de régimes politiques…

Sans se désintéresser totalement de la serrurerie, force est de constater qu’il n’a pas de fils susceptible de lui succéder.

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La serrurerie Tournemelle, rue du centre (cliché E.T.)

Pour maintenir l’entreprise, sa sœur Madelaine (1758-1848), qui a survécu aux aléas de l’enfance et de la Révolution, se dévoue : elle épouse, à 40 ans, en 1798, Michel Tournemelle, âgé de 29 ans (donc de 11 ans son cadet) serrurier de profession, originaire de Semur-en-Auxois et également ancien militaire.
Le couple Armate-Tournemelle aura un fils, Justin, en 1801, qui reprendra la serrurerie à la suite de son père. On voit qu’il exerce le métier, lors du décès de sa mère (décédée à l’âge de 90 ans) en 1848, comme l’indique l’acte de décès de celle-ci.

Au XIXe siècle, la serrurerie s’est déplacée dans le village, avec ce mariage Armate-Tournemelle, (d’autant que la maison de la rue du Four est toujours occupée par André jusqu’à son décès en 1806). Elle a quitté la rue du Four pour s’installer dans la maison du 1, rue du centre, comme en témoigne la propriétaire actuelle de cette maison qui a fait des recherches sur les propriétaires qui l’ont précédée.

La migration :

Troisième génération : le métier s’exerce désormais à Frolois :

Quant à Claude, le deuxième fils de Jean Armat, après son service dans la milice de Bourgogne et son retour au pays, après avoir également réglé ses affaires familiales et financières avec ses frères et sa mère, il épousa, en 1758, à 34 ans, Margueritte Noirot, fille d’un tailleur de pierre de Frolois et s’y installa comme serrurier, puisqu’il avait appris le métier avant son départ à l’armée.
De cette union naquirent 3 enfants dont deux garçons, Laurent (né le 24 avril 1759), qui reprit la serrurerie de Frolois et André, né en 1762, qui ne vivra que 2 ans.
En partant à Frolois Claude emporte la canne de compagnon de son père, Jean Armat, le gascon : c’est celui qui « prend la route » qui doit en hériter.

Quatrième génération à Frolois :

Laurent Armatte (1759-1838)
À Frolois, Laurent se mariera en 1783 avec Françoise Legendre.
La canne de compagnon reste donc à Frolois.
Laurent aura 5 enfants dont deux fils formés au métier de serrurier mais qui curieusement ne demeureront pas à Frolois pour y exercer. En effet, Claude, l’aîné, partira s’installer à Baigneux-les-Juifs, où ses descendants continueront le métier.
Jacques, le second fils quitte aussi Frolois pour s’installer comme serrurier à Aignay -le-Duc, en 1827.
C’est lui qui emporte la canne du grand-père Jean. les Armatte perpétueront le métier de serrurier jusqu’au 20e siècle, à Aignay-le-Duc, avec le fils de Jacques, Auguste (1839-1917) et son petit-fils Émile (1872-1942).
Laurent aura une triste fin : son corps sera retrouvé un beau matin d’hiver, le 7 janvier 1838, dans un fossé de la route départementale n°6, « près de l’embranchement de la route royale allant de Chanceaux à La Villeneuve, au lieu-dit vers l’arbre rond sur le finage de Corpoyer-la-Chapelle », décédé de mort naturelle, nous dit-on dans l’acte. Il avait 80 ans.

La canne sera retrouvée en 2008 à Aignay-le-Duc, dissimulée, bien à l’abri, en haut d’une armoire où elle a dormi pendant trois générations…

Évolution du nom :

Si, à Flavigny, le curé Baudenet écrivit sans sourciller le nom que lui indiquait Jean lors de son mariage en 1715, le curé Logeat, à son arrivée, lorsqu’il eut à rédiger les actes de naissance de la famille Armat fut confronté à un grave problème de phonétique.

André, venant déclarer la naissance de son fils Bénigne en 1766, déclare s’appeler Armat mais prononce « Armate », comme le faisait d’ailleurs son propre père, Jean, cet homme avec un accent bizarre et chantant, arrivé du diocèse de Bordeaux au début du siècle, mais qui signait néanmoins « Armat ».
Tout cela n’était pas logique pour le curé Logeat, qui était un lettré ! Car, si, bien sûr, en Gascogne, grâce à l’accent, il n’est pas nécessaire d’ajouter un E après un T pour qu’on entende la prononciation du T, en Bourgogne un T sans E à la fin d’un mot, ça ne se prononce pas !

Pour respecter la phonétique il fallait donc adapter l’écriture au contexte local.
Le curé Logeat décida alors d’ajouter un E à ce T, pour en respecter la prononciation et le nom devint donc « Armate ».

Dès la génération suivante, on fignola la chose en doublant le T, cette fois juste pour le côté esthétique, et la famille semble s’être accommodée assez vite, de ces changements d’orthographe, après quelques hésitations, les uns signant avec un T les autres avec 2 et les plus sobres, sans E ni doublement du T.

L’histoire de cette famille, sur un siècle, nous montre les coutumes de mariage et de transmission des entreprises et du compagnonnage chez les serruriers et leurs pérégrinations au gré des opportunités professionnelles et sociales.

Evelyne Tavernier est l’auteure d’une monographie : Les gens de Flavigny-sur-Ozerain au XVIIIe siècle à travers les registres paroissiaux.

[1La canne est un instrument fondamental de l’équipement du compagnon, surtout lorsqu’il « prend la route » pour effectuer le « voyage » : bâton de marche, arme de défense (ou d’attaque selon les cas), c’est un objet précieux dont on ne se sépare jamais.

[2Gavache : terme utilisé en Gascogne pour désigner des populations venues, en nombre, du Limousin ou des Charentes pour repeupler la Guyenne dévastée par la guerre de Cent Ans (1337-1453) et ses conséquences dont la famine et les épidémies.

[3Réf : archives départementales cote 4E 112 art 145 notaire Perraud.

[4Le douaire, aboli à la Révolution, était sous l’Ancien Régime la part de biens ou valeurs que le mari réservait à son épouse dans le cas où celle-ci lui survivrait. La bénéficiaire était dite « douairière ».

[5La milice provinciale a existé en France de 1688 à 1791. Sa levée avait pour but de compléter les armées royales avec des sujets obligés de servir. Les miliciens étaient, en principe, désignés par tirage au sort, mais il arrivait que des corps de métier, voire des villages, fournissent des volontaires dont ils achetaient le service.

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6 Messages

  • La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier  17 mars 2016 19:34, par Martine Hautot

    Bonjour, Evelyne
    Article intéressant à plus d’un titre :
    avec cette lignée de serrurier ,on voit bien le rôle des unions matrimoniales pour la transmission des métiers,la place aussi du compagnonnage,l’évolution de l’orthographe des noms de famille .Mais ce qui me frappe le plus ,c’est le nombre d’enfants qui mouraient en bas âge .On a beau le savoir ,c’était toujours difficile de le constater.

    Bien cordialement,
    Martine

    Répondre à ce message

  • La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier  18 mars 2016 10:54, par Daniel RENARD

    Bonjour,
    Mon plus lointain aïeul paternel connu à ce jour est Jehan Renardet, né à Flavigny en 1641.
    Comment peut-on acquérir ou consulter votre monographie de Flavigny ?
    Merci

    Répondre à ce message

    • La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier  22 septembre 2017 11:59, par Tavernier Evelyne

      Bonjour,
      Je découvre aujourd’hui seulement votre message ! je ne suis pas une habituée du forum de la gazette aussi excusez-moi donc pour ce retard à vous répondre.
      ma monographie n’est pas publiée, mais je peux vous l’envoyer par wetransfer si vous me contactez sur mon adresse mail que Thierry Sabot pourra vous communiquer.
      Les Regnardet ou Renardet pullulent à Flavigny j’en ai aussi dans ma généalogie. Ils ont souvent des surnoms j’ai trouvé par exemple des Regnardet-Arbois... donc peut-être originaires donc de Franche-Comté ( j’habite moi - même Arbois !) Bien cordialement Evelyne Tavernier

      Répondre à ce message

    • La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier  29 juin 2020 12:20, par Tavernier Evelyne

      Bonjour,
      Je découvre votre message !! vous pouvez me contacter pour que je vous envoie ce livre : tavernier.eve chez orange.fr
      Cordialement
      Evelyne tavernier

      Répondre à ce message

  • La leçon de vie du maitre-serrurier Philibert Gentier  18 mars 2016 20:41, par Marie-Thérèse Gavat

    Bonsoir,

    j’ai lu avec plaisir , l’histoire de cette famille de Flavigny, histoire passionnante sur plusieurs générations.
    J’habite à une vingtaine de Kms de flavigny, dans la vallée de l’Ozerain mais au début de celle ci.
    Je suis moi même passionnée par l’histoire des petits villages ruraux de l’Auxois et j’ai déjà écrit une dizaine de monographies.
    Bien cordialement

    Marie Thérèse

    Répondre à ce message

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