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La langue de chez nous : Le târrayon (Le paysan qui marche dans la terre)

Le mercredi 1er décembre 2010, par Michel Lapalus

Quelle langue parlaient nos ancêtres ?

À l’initiative de Michel Lapalus, auteur du blog Écrire le patois, une langue comme les autres, voici une rubrique qui vous invite à découvrir ou revisiter la langue parlée par nos ancêtres, la langue de la maison, pour reprendre une expression d’Henriette Walter.

Car, si aujourd’hui la langue française est omniprésente sur tout le territoire, jusque dans les villages et les petits « lieux-dits » les plus reculés, il fut un temps où le français n’était pas uniformément répandu dans le pays.

Or ce temps n’est pas si ancien. Il suffit d’évoquer le souvenir de nos grands-parents ou arrière-grands-parents pour retrouver quelques bribes de patois et la magie de quelques belles expressions bien mystérieuses à nos oreilles.

Le târrayon , prononcer târra-yon , est un mot du patois de Charlieu - Tsarieu  [1]

On le trouve dans un texte de Jean Meunier, Le curé de Saint-Chose, sur le site Patois Vivant : Patois vivant - Forez.

Le târrayon , c’est le paysan qui marche dans la terre - la târre
 [2], qui gratte la terre, qui vit de la terre.

Târrayoné  [3] ou târrioné - remuer la terre et târrouze  [4] – butteuse à pommes de terre sont deux autres mots dérivés de târre.

Les paysans entre eux ne se sont jamais appelés paysans. Paysan, un mot venu de l’extérieur pour désigner l’habitant du pays, l’indigène en quelque sorte. Tout au long de l’histoire , les mots n’ont pas manqué : serf, vilain, manant, jacques, croquant, tenanci  [5], grandzi  [6], métayer, fermier, cultivateur, agriculteur, exploitant agricole… et d’autres plus péjoratifs : cul-terreux, tire-vretiau  [7], peigne-cul, plouc, péquenot……Le mot paysan, lui-même, était un terme de mépris.

Mais rien n’est définitif, le sens des mots évolue. Le mot paysan est revendiqué par de nouveaux agriculteurs qui s’orientent maintenant vers la qualité des produits ( agriculture bio, vente directe, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne…)

Peut-être que le mot târrayon n’aurait pas été mal non plus ! Un mot presque inconnu, sauf bien sûr, pour les lecteurs de la Gazette Web.


[1Charlieu, au nord-est du département de la Loire.

[2Terre (pour le mot patois ne pas oublier l’accent sur le A pour la prononciation).

[3Gratter la terre de toutes les manières : labourer, piocher, biner…

[4Butteuse à pommes de terre, repousse un peu de terre sur le rang pour former une butte et mettre les tubercules à l’abri de la lumière.

[5Métayer, de tenure, exploitation agricole du moyen-âge propriété du seigneur.

[6Métayer, de grange, exploitation agricole ; le grandzi avait souvent comme propriétaire les moines de Cluny (Mario Rossi dans Les parlers brionnais).

[7Allusion à la remontée des vers de terre au moment du travail du sol.

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15 Messages

  • En Poitou Charente, notre parlé local ou vernaculaire, pour parler pointu, est l’objet de bien des controverses.
    Chacun se dit posséder le "vrai" patois de son pays, et ça n’en finit plus de discutailler.
    Un seul point de concordance : le nom donné à cette langue locale : le "Parlanghe" , qui ...parle de lui même (ne pas ignorer que l’on prononce le G,de même que le J, en l’aspirant , quasi comme la jota espagnole, mais en moins guttural.

    Quant aux cultivateurs (variété à protéger et en voie d’extinction), ils se nommaient eux mêmes "Copeurs d’achés", en français : coupeurs de vers de terre, appellation qui date de l’époque où l’on travaillait la terre avec le "bigot", (croc à deux "bions" ou "bus" ou "pus" c’est à dire pointes), le "truan"(déformation de trident) ou la "tranche"(houe à main).....
    Mais si des picto-charentais me lisent, il y en a bien qui diront "qu’ol est point coum thieu qu’o s’disant chez eusses !"

    Répondre à ce message

  • La langue de chez nous : Le târrayon (Le paysan qui marche dans la terre) 6 décembre 2010 09:16, par jean paul jacquemin

    bonjour,

    article vivant et intéressant.

    élevé à la campagne dans un petit village de la Vôge je me souviens de quelques mots de patois employés par mon grand-père ce qui avait le don d’énerver ma grand-mère qui disait vertement à son mari"parle français"

    Répondre à ce message

  • Je complète volontiers en précisant qu’au delà des frontières,par exemple au TESSIN canton suisse de langue italienne,târrayon se dit "terrun", càd cul terreux, lourdaud etc....

    Répondre à ce message

  • je suis originaire de la Saône et Loire ; je ne connaissais pas ce mot appliqué à un paysan ; mais je me souviens du terme patois "terrâyon" ou "tarrâyon" qui désignait une courtilière, cet insecte fouisseur assez volumineux qui fréquentait la terre de nos jardins et qui faisait des dégâts en coupant les racines des cultures qu’il trouvait sur son passage.
    A noter que le â ne se trouvait pas à la même place dans le mot.

    Répondre à ce message

  • Bonjour.
    Très intéressant article ; on retrouve les racines du patois charolais et montcelien. cela rapelle les histoires du " Dzan de Viry " et des Gars du Tsarolais.
    En lisant les liens proposés, j’ai retrouvé " Dun d’autrefois,aujourd’hui," dans lequel il est question de mes ancêtres ayant eu le privilège d’un tombeau spécial dans l’église de Dun.
    Ce tombeau existe t’il encore.?
    Qui pourrait traduire les expressions vieux français :
    "quatre gros vieux "
    "seize petits blancs", redevances versées au curé de Dun le Roy
    Merci d’avance...

    Répondre à ce message

    • Dans Les mots du passé de Marcel Lachiver le "blanc" était une
      petite monnaie qui valait 5 deniers ou "6 blancs pour 2 sous et 2 liards". Je ne vous le traduirais pas en euros !
      Le"gros vieux" reste un mystère, peut-être simplement le nom d’une monnaie plus forte et plus ancienne, ou encore frappée de l’effigie d’un puissant personnage.Je connais l’histoire du Dzan d’Viry.Question : vous n’auriez pas envie d’écrire quelques phrases de patois ?

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  • Bonjour,
    Dans l’est de la région lyonnaise dont sont isus mes ancestres, côté maternel, plus précisement du dauphiné, il existe des lieux-dits avec une ortographe différente comme " Terraillon",
    d’autres termes plus péjoratifs comme : cul-terreux, peigne-cul, plouc, péquenot…… étaient des termes utilisés comme du mépris !
    De tout petit, je me rappelle avoir entendu ces mots prononcés par la famille.
    cordialement
    A.B.

    Répondre à ce message

  • En Provence, la taraille est un plat en terre cuite, une poterie.
    Les taraillettes, sont des plats, marmites, poêlons ou tians miniatures avec lesquels les enfants s’amusaient à la dinette.
    Le mot est sans doute à rapprocher de la touaille languedocienne.

    Répondre à ce message

  • Je me souviens d’une expression de ma grand-mère : "Maque et pi taite"

    Je ne sais pas si l’orthographe est bonne mais cela voulait dire : Mange et tais-toi en Picard, vers Amiens.

    Elle a longtemps vécu en région parisienne mais avait gardé cette expression. Par contre lorsqu’elle est repartie vivre à Corbie (grande banlieue d’Amiens) j’étais souvent obligée de l’arrêter, lorsqu’elle me parlait, parce que je ne comprenais rien.
    Amicalement

    Répondre à ce message

  • Bonjour,
    je suis breton à environ 95%.et seule ma grand’mère paternelle ,de Douarnenez, parlait le breton.
    Pour comprendre la pensée de mes aieux,je me suis donc remis pendant 5 ans à apprendre la langue,qui n’est pas un patois,mais a une grammaire, une syntaxe,etc...
    Peu après,je revisais de l’Anglais et ,en introduction, l’auteur signifiait que pour comprendre des gens il fallait connaitre un minimum de leur langue,car celle-ci était témoin de leur façon de penser...
    Je voulais vous faire profiter de cette notion !

    Monna Le Guisquet

    Répondre à ce message

  • Bonjour,

    J’aime beaucoup cet article. Merci ! Il me fait réfléchir sur la réalité de mes ancêtres et sur la nôtre actuelle.

    Dans mon village natal de la Gaspésie, Paspébiac, aujourd’hui devenu une ville, nous avons ce qu’on appelle « un accent paspéya ». Ce serait une idée de faire une étude comparative avec les accents des villages voisins. Entre gens de différents villages, on peut se reconnaître facilement par nos accents.

    Aussi, « pêcheur » et « cultivateur » sont deux mots que je lis souvent dans les anciens registres paroissiaux de mon village. Une autre étude intéressante à prévoir serait de situer dans le temps leur apparition et les causes.

    Lucie

    Répondre à ce message

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