Quelle langue parlaient nos ancêtres ?
À l’initiative de Michel Lapalus, auteur du blog Écrire le patois, une langue comme les autres, voici une rubrique qui vous invite à découvrir ou revisiter la langue parlée par nos ancêtres, la langue de la maison, pour reprendre une expression d’Henriette Walter.
Car, si aujourd’hui la langue française est omniprésente sur tout le territoire, jusque dans les villages et les petits « lieux-dits » les plus reculés, il fut un temps où le français n’était pas uniformément répandu dans le pays.
Or ce temps n’est pas si ancien. Il suffit d’évoquer le souvenir de nos grands-parents ou arrière-grands-parents pour retrouver quelques bribes de patois et la magie de quelques belles expressions bien mystérieuses à nos oreilles.
Qu’est-ce que le saute-go’ya : de go’ya ou gouilla… flaques d’eau, petite mare ?
C’est celui qui sait éviter les flaques d’eau boueuse du chemin. En fait, il s’agit de l’entremetteur de mariage qui négocie entre les deux familles la dot de la fille (le trousseau : draps, torchons, chemises… le tout en toile de chanvre), les apports en nature ou en argent de chacun, les frais de la noce…
Le saute-go’ya qui s’appelle aussi le mariou (le marieur) fait donc la navette entre deux maisons parfois éloignées. Il sait éviter les flaques d’eau du chemin comme il sait éviter ou résoudre les conflits d’intérêt souvent présent dans cette situation. La négociation ne concerne que les parents, le garçon et la fille en sont totalement exclus.
Le saute-go’ya est un mot qui dit bien ce qu’il veut dire ; le patois ne manque pas d’images pour s’exprimer. Dommage, qu’il rappelle un passé (loin d’être terminé dans certains pays) où la place de la femme ne semblait guère enviable. La fille s’en va vivre chez ses beaux-parents. Elle quitte un groupe familial pour un autre où il lui faudra une belle dose de patience et d’habileté pour réussir son intégration.
Une phrase du patois résume bien la situation :
T’pou maryi ton gars quand t’vodra, ta feu’ye quand t’porra
Tu peux marier ton fils quand tu voudras, ta fille quand tu pourras
Il faut comprendre que le fils valait plus que la fille (vieille tradition multi-millénaire) : force physique vraie ou supposée du garçon, capable d’assurer la vie ou la survie de la famille et des vieux parents, coût de la dot pour marier la fille, etc…
Le saute-go’ya a disparu. Aucune femme ne s’en plaindra !
- Pour aller plus loin sur le sujet : le blog de Michel Lapalus : Écrire le patois, une langue comme les autres