La démission de Romain Dalon, Premier Président du Parlement de Bordeaux de 1703 à 1713, représente un cas précis d’éviction d’un poste éminent de la magistrature dans l’histoire des cours souveraines de justice.
Nous savions que Romain Dalon avait subi une forte pression du roi Louis XIV, mais nous ignorions les raisons. Pourtant l’historien Michel Antoine s’était penché sur cette affaire dans l’ouvrage collectif de Yves-Marie Bercé sur les procès politiques du XIVe au XVIIe siècle [1] Il avait dépouillé la correspondance du chancelier Louis de Ponchartrain pour les affaires de justice, notamment celle que le chancelier eut de façon régulière avec Romain Dalon [2].
Nous sommes donc en mesure d’expliquer la disgrâce du Premier Président.
En effet, Michel Antoine nous informe que Romain Dalon se livrait à des pratiques malhonnêtes dans la gestion du bureau de l’hôpital de la Manufacture de Bordeaux. La présidence du bureau de cet hôpital pour enfants trouvés revenait de droit au Premier Président. L’hôpital fut construit en 1624, à la suite de la donation de Mademoiselle de Tauzia, veuve du conseiller au Parlement M. de Brézets. Depuis le début de l’année 1713, des rumeurs concernant la gestion de cet établissement charitable circulaient à Bordeaux et à Versailles et lésaient la réputation de l’hôpital. Pontchartrain préféra s’occuper de cette affaire seul, mais dut en référer rapidement à Louis XIV : le 26 juillet 1713, le chancelier rédigea une lettre très sévère à Dalon l’invitant à quitter ses fonctions de son propre mouvement. Dalon rejeta les accusations à son encontre mais
fut contraint d’exécuter l’ordre de se démettre de sa charge, établi au nom du roi le 7 novembre.
- Château de Courréjean vers 1910
La disgrâce de Romain Dalon se fit discrète, parce que le roi voulut sauver
l’honneur de la magistrature. Le départ de Dalon se fit sans remous, les brevets de retenue sur sa charge s’évaluant à 150 000 livres. Quant aux créanciers de Dalon, ces derniers se firent entendre devant une commission désignée par le roi.
Cette affaire est significative des relations complexes qu’entretenait le roi avec les cours souveraines, mis à part les postes de Premier Président et de procureur général soustraits à sa Majesté. Tous les autres postes de la magistrature étaient héréditaires et soumis au système de la vénalité des offices, ce qui faisait perdre au souverain un droit de regard sur le recrutement [3]. Lorsque Romain Dalon démissionna, le comte de Pontchartrain choisit par ordre du roi de nommer M. de Montesquieu, président à mortier au Parlement de Bordeaux.
Cet article est tiré du bulletin n°38 de mars 2011 de l’Association de Recherches Historiques de l’Ornon à Villenave d’Ornon (Gironde).
Voir le site : assos.villenavedornon.fr/arho/